Florimont, centre névralgique associatif du 14ème

L’équipe de Florimont

L’association Florimont est à coup sûr l’une des associations-phares du 14ème arrondissement de Paris. Elle en innerve presque quatre-vingt autres en les associant aux projets qu’elle porte ou en leur proposant une adhésion qui leur permet de disposer à prix modiques de salles et de bureaux dans l’un de ses deux espaces d’activités (au Château Ouvrier pour les réunions, à l’Espace Maindron pour les activités ludiques, sportives et culturelles). Nous avons rencontré toute l’équipe réunie autour de son Président Gilles Motel pour mieux comprendre les missions qu’elle assure et qui dépassent aujourd’hui largement le seul maillage associatif.

Des actions de solidarité en direction des Quatorziens

L’association Florimont, active depuis une quinzaine d’années dans le 14ème, compte aujourd’hui 12 salariés qui se répartissent en différents pôles d’activités. Leurs animatrices respectives nous ont expliqué très en détails leur rôle au sein de chaque pôle, et nous aurions sans doute pu consacrer à chacune d’entre elles un article entier de notre blog. La ligne directrice de l’association reste le développement d’actions de proximité sur la durée pour tous les Quatorziens. Depuis la reprise en 2016 des activités de l’Association Culturelle et Sociale Eure Maindron Didot (ACSEMD), Florimont s’est en effet résolument tournée vers le public en plus d’assurer son traditionnel rôle de coordinateur associatif local. Plusieurs pôles d’activités illustrent cette nouvelle orientation dont le pôle numérique que Marie anime depuis un an. Il comprend en premier lieu une activité d’aide au démarches administratives en ligne (projet Tous connectés !) destinée à lutter contre la fracture numérique dans notre arrondissement. Des permanences sont organisées à destination des personnes impécunieuses qui ne disposent pas de matériel informatique ou bien des personnes qui ne sont pas informatiquement ou administrativement agiles, pour les aider à remplir leurs formalités administratives sur internet (demande de titre de séjour, inscription à Pôle Emploi, demande d’allocations CAF, etc.). “La demande est toujours très forte en la matière”, nous assure Marie. Sont mobilisés pour la satisfaire des bénévoles et des volontaires en service civique également à même de dispenser des formations individuelles pour autonomiser celles et ceux qui disposeraient d’un outil informatique. Un projet connexe, Ecrivains publics, fournit de l’aide à la rédaction de courriers, de mails, de C.V., etc. – sur rendez-vous au Château Ouvrier et sans rendez-vous dans le cadre de permanences organisées par des bénévoles à l’Annexe de la Mairie du 14ème. Le pôle numérique développe enfin également une action de sensibilisation aux dangers des écrans et aux dangers d’internet (projet Prévention Web’écran) que l’association déploie dans les écoles et les centres socio-culturels.

Le pôle Agir pour l’emploi animé par Margaux depuis deux ans et demi est une autre facette de l’action solidaire locale de Florimont. Agir pour l’emploi se décline en deux grands projets qui peuvent être parfois complémentaires : l’accompagnement des femmes de plus de 45 ans dans leur recherche d’emploi et l’accompagnement des associations dans leur processus de recrutement et leur développement. Le premier projet qui a été commandité en 2019 par la Ville de Paris concerne tout spécifiquement les femmes résidant les quartiers populaires de l’arrondissement. Pour le faire vivre, Margaux s’appuie d’une part sur le réseau associatif du 14ème qui oriente vers Florimont les femmes en recherche d’emploi et d’autre part sur une équipe composée de bénévoles qui assurent l’accompagnement individuel de ces femmes ainsi que d’un salarié et d’une alternante en formation d’assistante en ressources humaines. Agir pour l’emploi n’avait pas à l’origine vocation à accompagner les chercheurs d’emploi, souligne Margaux qui a monté ce nouveau projet de bout en bout. De fait, ça a plutôt bien fonctionné et nous sommes actuellement en train d’étendre notre action au 13ème arrondissement. C’est aujourd’hui un très gros projet pour nous.” Margaux n’en oublie pas moins le deuxième axe de son action au sein d’Agir pour l’emploi : le conseil aux associations pour leur recrutement et leur développement. Florimont agit ici côté employeur en offrant aux associations demandeuses des services de gestion des ressources humaines pour notamment assurer la bonne intégration des salariés qu’elles sont amenées à recruter.

Animation à la ludothèque

Des actions d’animation de la vie de l’arrondissement

Faire vivre le 14ème dépasse bien sûr le seul cadre des actions de solidarité et d’insertion. Florimont se fait également fort de participer à l’animation de l’arrondissement en portant plusieurs projets dans les domaines sportif et ludique à destination des jeunes ou des séniors. Juliette qui est arrivée à Florimont il y a un an apporte sa contribution au pôle jeunesse en orientant les 12-25 ans vers le réseau des associations sportives que Florimont fédère localement pour leur faire bénéficier de temps d’initiation aux activités sportives qu’elles proposent (notamment au gymnase de l’Espace Maindron). Elle prend par ailleurs en charge le développement de Remise en Sports, un dispositif de sport-santé qui fait intervenir aussi bien les associations (Tawef notamment) que les professionnels de santé et dont l’objectif est de guider toutes celles et ceux auxquels on a médicalement recommandé la pratique d’un sport vers les associations sportives qui proposent des activités physiques.

Céline anime quant à elle depuis trois ans le pôle ludique-petite enfance qui est celui qui comprend aujourd’hui le plus de salariés en plus de pouvoir disposer d’un important espace dédié : la ludothèque de l’Espace Maindron. La ludothèque propose (et prête également) des jouets et des jeux à des enfants et des adolescents dont l’encadrement est assuré par des animateurs spécialisés qui connaissent suffisamment bien les jeux vidéos pour les y initier dans le cadre de Vidéado. L’espace de jeux est un lieu de vie très apprécié des enfants mais aussi des parents (ou des nounous) qui peuvent également s’y rencontrer. “Je constate que les gens sont heureux de venir, témoigne Céline. Les enfants sont très contents. Des ludothèques, il en faudrait en réalité partout. Elles ne sont pourtant pas si nombreuses à Paris”. La ludothèque a également vocation à “se délocaliser” dans les écoles et au collège (ludothèque ludido) et en plein air (ludomouv’). L’accent est mis sur la qualité des jouets et jeux vidéo sélectionnés (jouets français en bois ou confectionnés en matières durables ou recyclées, jeux vidéos créés dans un but éducatif aussi bien que ludique). Certains jouets sensoriels sont également particulièrement bien adaptés aux enfants handicapés. Les séniors ne sont pas non plus oubliés puisqu’ils peuvent aussi accéder à de nombreux jeux de société dans le cadre du Club Séniors Maindron (*) animé bénévolement par Danièle Rack.

En sus du pôle administratif de Florimont qui assure l’accueil des associations et maintient le contact avec elles notamment pour la location de salles, Isabelle anime pour sa part un pôle agriculture urbaine (Graine de Quatorzien) qui explore toute la filière du blé. Ce pôle est assis sur un réseau de jardins partagés et de jardins d’école dans lesquels le blé est semé et cultivé jusqu’à maturation en vue d’une exposition au Forum des associations. La transformation du blé en pain est ensuite expliquée dans les écoles dans le cadre d’ateliers farine et de dépiautage du blé avec pour finir au mois d’octobre un grand banquet des pains réalisé avec le concours des boulangers du 14ème qui est l’arrondissement de Paris qui compte le plus de boulangers. Cette action portée depuis six ans par Isabelle a vocation à être élargie à un plus vaste projet ayant trait à l’alimentation durable et à déboucher à terme sur un pôle de Florimont spécifiquement dédié au développement durable.

En plus d’être solidaire, Florimont fournit même, on le voit, le pain et les jeux… Mais, comme on ne peut bien sûr pas être au four et au moulin, l’association a en permanence besoin de nouveaux bénévoles pour aider ses salariés à continuer à porter les projets qu’elle défend. Nous espérons vivement que cet article contribuera à susciter des vocations parmi les Quatorziens.

Devant le four du “Banquet des Pains”

Cliquez ici pour accéder au site de Florimont.

(*) Le Club Séniors Maindron propose des activités sportives et de bien-être adaptées aux séniors ainsi que des rencontres culturelles et ludiques et des évènements festifs toute l’année.

Repas partagé au Club Séniors Maindron en décembre 2019 (photo : Danièle Rack)

 

Photo du banquet des Pains 2022

“Prométhée Humanitaire” : 25 ans de feu sacré pour aider les enfants des rues

Claire Falisse et Farah, bénévole à Prométhée Humanitaire, au Forum des Associations 2021 organisé par la Mairie du XIVème

Prométhée Humanitaire fêtera bientôt ses 25 ans d’existence. C’est dans le 14ème arrondissement de Paris que l’association de protection de l’enfance en danger à travers le monde a son siège. Nous sommes allés à la rencontre de Claire Falisse, sa co-fondatrice et directrice, un peu en amont de la 50ème édition de la grande vente d’objets de créateurs qui se tiendra les 4 et 5 décembre 2021 à l’Espace Commine (75003) pour contribuer au financement de la structure caritative.

Une actrice happée par l’humanitaire

Rencontrer Claire Falisse est relativement déstabilisant pour qui ne sait pas ce qu’est le don de soi. Même si sa modestie doit en souffrir, nous ne pouvions parler de Prométhée Humanitaire sans toucher un mot de celle qui, avec son amie Clotilde Heusse, est à l’origine de cet ambitieux projet d’aide aux enfants des rues. Car nous avons passé plus d’une heure et demi les yeux écarquillés et un peu abasourdi à l’écouter nous en parler. Claire Falisse se défend pourtant vivement d’être une sainte. Celle qui se destinait d’abord au métier d’actrice est arrivée en France il y a 35 ans en provenance de sa Belgique natale. Elle ne se doute pas encore qu’elle va se faire happer par l’humanitaire à l’occasion du tournage au Cambodge du téléfilm Les Saigneurs d’Alain Butler dont elle interprète l’un des personnages aux côtés de Véronique Jannot et de Claude Giraud. Cela ne va pourtant être qu’une demi-surprise pour sa famille qui l’avait déjà vue manifester son empathie pour les plus malheureux sur les traces de son père qui en Belgique prêtait main forte à l’Abbé Pierre. Mais ce voyage au Cambodge va être le véritable déclic de sa vocation rentrée de Saint-Bernard. Elle participe aux actions de Médecins Sans Frontières en visitant des orphelinats dont elle est frappée par l’état de délabrement et qui abritent dans des conditions d’hygiène extrêmement limite des enfants que l’inactivité et l’absence de stimulations a rendu à moitié autistes. Quelques années plus tard, à l’occasion d’une visite au Vietnam en compagnie de son amie Clotilde Heusse, elle est de nouveau assez stupéfaite de constater dans quelles conditions de dénuement vivent de nombreux enfants SDF. De retour en France, les deux femmes vont décider de s’engager durablement en leur faveur en créant l’association Prométhée Humanitaire.

Réparer et aider les enfants des rues sur le long terme

C’est un travail titanesque qui les attend. D’autant que les enfants des rues qui vivent principalement du vol, de la mendicité et de la prostitution, sont partout dans le monde mal perçus et stigmatisés. « Pour beaucoup de gens, ce sont des enfants foutus, témoigne Claire. Pourtant à 98%, nous en avons fait des hommes et des femmes bien, c’est-à-dire habités par le respect de l’autre et la bienveillance, et qui sont capables de donner à leurs propres enfants l’amour qu’ils n’ont pas eux-mêmes reçu ». Les enfants des rues se distinguent en effet essentiellement des orphelins par leur déficit affectif de départ. « Ils sont plus difficiles à mettre debout car la plupart du temps ils n’ont pas eu la base, nous explique leur maman de substitution. Ils sont partis de chez eux dès qu’ils ont pu marcher, mais ça n’a jamais très bien fonctionné. Ce sont souvent des enfants de gens très pauvres, de cas sociaux, de fous ou d’alcooliques. C’est pour cela que leur redonner confiance en l’humain et en la vie peut prendre du temps. Pour les sauver, il n’y a pas deux solutions : il faut leur offrir un abri 24h/24 et surtout leur proposer un vrai projet d’avenir auquel ils pourront s’accrocher. » Prométhée Humanitaire entend ainsi ausi bien se démarquer des grosses ONG qui manquent de souplesse et d’à propos et se contentent de proposer des programmes de retour en famille plus ou moins efficaces, que des petites associations locales qui manquent cruellement de moyens et qui proposent soit des centres de jour soit des centres de nuit. L’action de l’association humanitaire française se situe quant à elle sur le long terme et sa directrice est particulièrement fière d’avoir « élevé » et scolarisé douze enfants qui sont aujourd’hui universitaires. « Ce que nous faisons, nous voulons le faire bien, insiste Claire. Il vaut mieux s’occuper de moins d’enfants et le faire honnêtement sur le long terme plutôt que dépenser de l’argent en pure perte pour des actions ponctuelles et sans aucun suivi ».

Une présence en Haïti, à Madagascar et au Sénégal

La structure caritative est aujourd’hui présente en Haïti aux côtés du centre d’accueil Chemin la Vie, au Sénégal avec l’association SPER et à Madagascar en soutien du Centre Ranovozantsoa. En s’appuyant sur ce réseau d’associations partenaires locales, Prométhée Humanitaire s’emploie à proposer une prise en charge totale des enfants abandonnés en construisant et en animant des centres d’accueil qui leur assurent subsistance et scolarisation dans un cadre de vie stable et pérenne. Les réalisations sont multiples, qui toutes visent à l’intégration par le travail dans des pays qui souvent n’en proposent pas (a fortiori depuis l’épidémie de Covid). Elles peuvent prendre ici la forme de la création d’une boulangerie solidaire tenus par les enfants ou bien là celle de jardins potagers dont ils seront chargés de l’entretien. « Nous recherchons actuellement activement des sponsors pour créer des petits jardins écolos sur différents sites où nous sommes implantés, nous précise Claire. Nous avons des terrains pour le faire en Haïti et en Casamance au Sénégal. Les enfants pourraient y apprendre à travailler alors même qu’ils n’ont jamais vu leurs parents le faire et également à être plus autonomes et auto-suffisants dans un environnement économique aujourd’hui très dégradé. Bien sûr, dans ces pays très pauvres, cela nécessite de construire des murs pour empêcher que les productions ne soient volées. Nous avons commencé à le faire en Haïti sur le grand terrain dont nous disposons et sommes également sur le point de le faire au Sénégal. » Tous les donateurs sont bien sûr les bienvenus, qui pour aider à la construction des murs, qui pour participer à celle d’un poulailler. Pour venir en aide aux 160 enfants aujourd’hui suivis par Prométhée Humanitaire, l’association de bienfaisance ne recevra en effet jamais trop de dons (ouvrant droit à réduction fiscale à hauteur de 75% de leur montant). Elle organise par ailleurs chaque année grâce à la générosité de nombreuses entreprises partenaires et à l’aide de ses bénévoles deux grandes ventes de créateurs pour financer ses projets solidaires. La cinquantième édition de cette vente aura donc lieu les 4 et 5 décembre prochains à l’Espace Commine dans le troisième arrondissement de Paris. Courrez-y un peu avant Noël si vous voulez faire du bien avec du beau !

Cliquez ici pour faire un don à Prométhée Humanitaire (don ouvrant droit à réduction fiscale à hauteur de 75% de son montant).

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Cliquez ici pour accéder au site de Prométhée Humanitaire.

Olivia Fdida : « Mon Quartier, c’est mon fils ma bataille »

Olivia Fdida (au centre) et les deux bonnes fées de l’association « Vivre Plaisance » (Suzy Fdida et Annick Rogers) au bar « L’Imprévu »

Olivia Fdida a fait don de sa personne au Quartier Pernety-Plaisance. Elle l’aime et veille sur lui comme le fait une mère pour son enfant en animant depuis quatre ans l’association Vivre Plaisance. Lorsqu’on la croise rue Didot en train de taper la discute avec les employés du Franprix ou bien Louis, le patron du Laurier, on est frappé par sa spontanéité et sa facilité à aller vers les gens. Ce goût des autres est sa marque de fabrique qu’elle tient, nous dit-elle, de son éducation. Son dynamisme et sa constante implication font le reste. Nous avons rencontré Olivia autour d’un verre à la terrasse de L’Imprévu pour qu’elle nous en dise un peu plus sur son bébé associatif.

Défense, promotion et animation du Quartier Pernety-Plaisance

A l’origine de l’association Vivre Plaisance, il y a le collectif Didot-Eure-Ripoche créé autour de Félix de Vidas pour mener la fronde contre les surélévations et la (sur-)densification dans les rues de l’Eure, Didot et Maurice Ripoche. Mettre en place une structure associative s’est avéré non seulement nécessaire pour envisager des recours judiciaires mais également pour entreprendre des actions positives en direction des habitants du Quartier Pernety-Plaisance. « Nous souhaitions faire vivre notre Quartier parce que profondément nous l’aimons », se souvient Olivia. Epaulée par sa maman (Suzy Fdida qui est présidente de l’association) et par une amie (Annick Rogers qui en est la trésorière), elle propose dès 2017 la création d’une fête annuelle, la Fête des Découvertes, destinée à favoriser la rencontre de ceux qui se croisent tous les jours dans la rue sans jamais vraiment se connaître. Tous les commerçants contactés se prêteront volontiers au jeu et la fête du vivre-ensemble qui se déroule autour d’un repas partagé et de manifestations artistiques et culturelles comptera jusqu’à 400 participants venus non seulement du XIVème mais également des arrondissements parisiens alentours. Malheureusement, la crise sanitaire a empêché la tenue de la fête ces deux dernières années. Il en fallait pourtant beaucoup plus pour décourager Olivia : « Je me suis dit que plutôt que laisser mourir notre Quartier à cause de la crise, il me fallait le mettre en avant. En tant que chargée de com’ de l’association, je me suis donc amusée à aller à la rencontre des commerçants pour savoir qui était ouvert ou fermé, qui était nouvellement arrivé, et à faire de ces rencontres des petits reportages vidéos. » Car en parallèle de sa mission d’animation, l’association Vivre Plaisance assume un véritable rôle de promotion du Quartier au travers de ses commerçants et habitants, des activités qui s’y déroulent, et même de ses structures d’habitation. En plus des combats victorieux déjà évoqués contre la surélévation de certains immeubles pour en faire des logements sociaux, elle s’attache à défendre la qualité de vie des résidents. Elle a par exemple beaucoup bataillé en faveur de la requalification de la cité de l’Eure en résidence pour éviter la stigmatisation de ses habitants : « Pour beaucoup trop de gens, HLM signifie « racaille » alors que les jeunes qui habitent ces immeubles sont plein de ressources, témoigne Olivia. Nous les connaissons ma mère et moi depuis leur plus jeune âge parce que nous avons fait de l’aide aux devoirs. C’est pourquoi nous avons toujours été à leurs côtés même quand il y a eu des problèmes avec la police. Nous avons oeuvré à leur faire accepter la police et avons contribué à temporiser les choses. Aujourd’hui, ils s’en sont tous sortis et nous en sommes bien sûr très très fières. » 

Olivia bien entourée pour l’opération « Paris sans mégots » de mai 2021

Implication locale maximale

Oui, les jeunes du Quartier Pernety ont le sens civique. Pour preuve, leur participation en mai dernier à l’opération Paris sans mégots organisée à l’instigation de la Mairie de Paris pour nettoyer la capitale et à laquelle Olivia a également participé. La propreté est d’ailleurs un autre cheval de bataille de l’association Vivre Plaisance : « Nous menons un combat résolu pour la propreté et le nettoyage. Il est inadmissible que les rues et places du Quartier ne soient pas bien entretenues en raison notamment de la nuisance causée aux personnes handicapées ». Faire vivre son Quartier, c’est également veiller sur ses commerces. Olivia qui a grandi dans le XIVème arrondissement aimerait que la rue d’Alésia retrouve la grouillante activité des échoppes commerciales qui faisait son charme d’antan : « C’est certes bien le bio, mais aujourd’hui il n’y a plus que ça, constate-t-elle un brin nostalgique. Il serait très dommage de voir disparaitre les boutiques de marque qu’elles soient de chaussures ou d’habillement. Car je veux absolument que mon Quartier continue de vivre. » Mortel, le XIVème ? Pas de la faute de tous ceux qui, des commerçants aux associatifs en passant par les politiques, se battent pour l’animer. Si Olivia entretient les meilleures relations avec Mme la Maire Carine Petit, son association dont les maitres mots sont vivre ensemble et ouverture d’esprit reste résolument apolitique : « Nous invitons absolument tous les élus à la Fête des Découvertes et collaborons aussi bien avec l’association Urbanisme et Démocratie dirigée par Jean-Pierre Armangau que celle des Amis de la Place Moro-Giafferi créée par Hervé Jacob pour mener à bien des combats et des projets communs », nous assure-t-elle. Vivre Plaisance pratique volontiers le brassage et le mélange des couleurs et souhaiterait d’ailleurs étendre cette façon de procéder à l’ensemble de l’arrondissement : « Il faut arrêter avec ce séparatisme local et toutes ces frontières virtuelles qui font qu’une partie du XIVème ne se mélange pas avec une autre partie du XIVème, tonne Olivia. J’aimerais qu’un jour notre fête puisse réunir tout l’arrondissement. J’avais déjà exprimé ce désir avant même de créer l’association en emmenant les jeunes du Quartier à la Mosquée de Paris, à Notre-Dame et dans une synagogue. » Mais pour pouvoir mettre en oeuvre ce beau projet de vivre ensemble, les subventions et l’aide matérielle de la Mairie du XIVème ne suffisent pas toujours. Avis à tous les amoureux du Quartier : l’adhésion à Vivre Plaisance coûte seulement 12 euros. Olivia, Suzy, Annick ainsi que Claude Sernery et David Velten qui sont les deux autres bénévoles de l’association, vous attendent nombreux !

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook de Vivre Plaisance.

Avec Amine Baoubbas….

… Et avec Brigitte Macron !

A la rencontre des artistes du Marché de la Création Edgar Quinet

Dominique Cros, présidente de l’association des artistes du Marché de la Création

Pour les Quatorziens qui l’ignoreraient encore, le Marché de la Création Edgar Quinet situé sur le terre-plein central du boulevard du même nom juste à côté de la Tour Montparnasse est actuellement ouvert comme chaque dimanche de l’année entre 10 heures et 19 heures. Il est donc loisible à tous de s’y rendre pour rencontrer les artistes-exposants, flasher sur leurs oeuvres et créations, et réaliser de bonnes affaires dans une ambiance conviviale et décontractée. Nous y avons croisé trois membres de l’association regroupant les artistes participants pour faire un point sur l’activité du marché par temps de pandémie.

Un rendez-vous emblématique du 14ème arrondissement de Paris

Le Marché de la Création Edgar Quinet est sans aucun doute l’un des rendez-vous les plus emblématiques du 14ème arrondissement artistique. Institué en 1994 à l’initiative d’André Felten entouré des élus du 14ème arrondissement et du Groupement des Marchés Libres de Paris, il a succédé au « marché aux navets » créé début 1900 par La horde de Montparnasse, un groupe d’artistes qui a grandement contribué à faire du boulevard du Montparnasse un haut lieu du marché de l’art en abritant de nombreux jeunes artistes en devenir au nombre desquels Léger, Modigliani, Chagall, Soutine et bien d’autres encore. Aujourd’hui géré par l’EGS Edgar Quinet, le Marché de la Création est une sorte de grande galerie d’art « à ciel ouvert » exposant toutes les diversités artistiques : peintures, gravures, sculptures, céramiques, créations en marqueterie, vitrail, soie, etc. Dominique Cros, la présidente de l’association des artistes du marché qui compte une soixantaine de membres, se démène depuis deux ans pour assurer la promotion de la manifestation hebdomadaire, aidée en cela par un noyau dur d’exposants dont font partie Sylvie Laroche et Jacqueline Chesta. Les trois femmes que nous avons rencontrées sur leur lieu d’exposition sont toutes très attachées au marché aussi bien sentimentalement que professionnellement. « Nous sommes bien conscientes du privilège que représente la possibilité d’exposer à Montparnasse qui reste un lieu unique doté d’un certain prestige artistique, précise Sylvie Laroche. La motivation des artistes les plus assidus s’en trouve décuplée pour produire et présenter des oeuvres qui concurrencent en qualité celles exposées dans les galeries d’art traditionnelles ». Le Marché de la Création facilite de surcroit beaucoup la proximité des créateurs avec le public et permet une discussion autour des oeuvres sans l’intermédiaire d’un galeriste. Des liens d’amitiés régulièrement s’y nouent avec les amateurs d’art locaux et internationaux qui aiment se donner rendez-vous sur le terre-plein central du boulevard Edgar Quinet pour venir échanger avec les artistes et acquérir leurs oeuvres à « prix direct atelier ».

Le stand de la chapelière Sylvie Laroche

Fête ajournée mais journée à fêter

La crise sanitaire a bien sûr eu un impact considérable sur la fréquentation du marché à tel point qu’un tiers seulement des artistes y tient actuellement un stand. Les bistrots alentours sont toujours désespérément fermés, ce qui ne favorise guère l’assiduité des amateurs d’art locaux. Les plus résistants à l’adversité n’en sont que plus attentifs aux productions des artistes qui observent de leur côté que leur relation aux habitants du quartier a positivement évolué depuis la disparition des touristes : « Les gens nous regardent différemment et sont beaucoup plus intéressés qu’avant, constate Jacqueline Chesta. Il faut dire que les artistes ont considérablement monté en gamme en délaissant les Tours Eiffel, les Arcs de Triomphe et les vues de Paris prisés des touristes étrangers pour se consacrer à des créations bien plus originales. Les artistes font désormais preuve de plus d’indépendance d’esprit et on constate un retour certain de la qualité artistique des oeuvres produites ». Les Parisiens découvrent ou pour certains redécouvrent sous un jour nouveau le Marché de la Création Edgar Quinet et Dominique Cros souhaite surfer sur ce regain d’intérêt en multipliant les initiatives pour y sensibiliser les médias. Elle est ainsi la cheville ouvrière de l’organisation de la célébration des 25 ans du Marché initialement prévue en juin 2020 et finalement annulée en raison de la crise sanitaire. Une fête ajournée mais toujours une journée à fêter puisque 2021 déroulera probablement cet été son Tapis rouge aux artistes du Marché de la Création autour de nombreux thèmes et animations sur lesquels Dominique et ses amis continuent de travailler. A ne manquer sous aucun prétexte !

Le stand de Jacqueline Chesta

Annie Mako, productrice et metteuse en signes

C’est une gageure de résumer en un titre qui claque tous les aspects du parcours personnel et de la débordante créativité d’Annie Mako, la fondatrice de Bête à Bon Dieu Production. Son association aujourd’hui basée dans le 14ème arrondissement de Paris est en effet porteuse de plusieurs projets qui empruntent tout autant à la création artistique qu’à l’action sociale et culturelle en direction des enfants et des sourds et malentendants. Nous l’avons rencontrée quelques jours avant Noël pour qu’elle nous en dise un peu plus.

L’envol de la coccinelle

Annie Mako a autant de cordes à son arc qu’il y a de tâches sur le dos d’une bête à bon Dieu (*). Cette Dinardaise n’est pourtant pas tombée dans la marmite du barde Assurancetourix étant petite. C’est tout au long d’un parcours personnel qu’elle a construit sa propre identité d’artiste et de créatrice. Elle monte à Paris à 22 ans après avoir suivi les cours d’une école de graphisme de Rennes. C’est la chanson qui à l’époque la motive et la pousse à s’inscrire au CIM, l’école de jazz et des musiques actuelles, où elle travaille sa technique vocale au contact de musiciens de très grand talent. Devenue attachée de presse d’évènements culturels, elle prend goût au travail en équipe tout en continuant à se produire dans différents groupes de jazz ou de chansons françaises sans toutefois jamais vraiment songer à embrasser une carrière musicale. Entre 2004 et 2008, elle travaille en tant qu’administratrice de la salle de spectacles de l’Espace Jemmapes, ce qui lui permet de rentrer en contact avec de très nombreux acteurs de la scène musicale et culturelle parisienne. C’est également à cette époque que lui vient l’idée d’essayer de voler de ses propres ailes en créant sa propre structure de production de spectacles vivants, Bête à bon Dieu Production, qu’elle va d’abord utiliser pour sa création personnelle, un tour de chant intitulé Chansons françaises presque argentines. Au centre d’animation de l’Espace Jemmapes, elle impulse des rencontres entre artistes sourds et entendants afin de pratiquer la langue des signes qu’elle a elle-même apprise en 2005 à l’International Visual Théâtre (IVT) dirigée par Emmanuelle Laborit après avoir été très frappée par la performance d’un comédien de théâtre sourd. La véritable passion qu’elle développe pour ce nouveau mode d’expression et de communication va être le point de départ d’un questionnement sur la citoyenneté et sur la place faite aux sourds dans la société. Elle y répondra en créant Clameur Public, une compagnie de théâtre dont elle devient la metteuse en scène de plusieurs spectacles interprétés en français et en langue des signes et en organisant dans le cadre de son association Bête à bon Dieu Production des évènements culturels et des débats citoyens qui donnent la parole aux personnes sourdes sur les sujets de société. Quelques petits soucis d’intendance vont malheureusement amener Annie à temporairement réduire la voilure de son association et de sa compagnie de théâtre dont le prochain spectacle Voyage d’un loup inspiré d’un précédent atelier d’accompagnement d’un jeune sourd à la pratique du théâtre est néanmoins plus que jamais en cours de réécriture et sera en résidence à l’IVT et l’espace d’Anis Gras d’Arcueil en 2021 (cliquer ici pour accéder au dossier de présentation du spectacle).

Premières répétitions de Voyage d’un Loup avec les comédiens Virginie Baudet et Martin Cros (copyright BàBDP 2020)

Des ateliers philo-théâtre et philo-art

Car c’est bien mal connaître cet infatigable touche-à-tout que penser qu’elle pourrait se laisser arrêter par les difficultés habituellement rencontrées par les producteurs de spectacles vivants. En poursuivant sa quête personnelle et son itinéraire de création, Annie rencontre la philosophie dont elle va suivre une formation à la pratique à partir de 2018 au sein de l’association Savoir Etre et Vivre Ensemble (SEVE) qui initie à l’animation d’ateliers de philosophie dans les écoles. Ce travail avec les enfants qui est pour elle une première va aiguiser son insatiable appétit de découvertes et l’amener à s’inscrire à la faculté de Nantes en vue de décrocher l’unique Diplôme Universitaire français de pratique de la philosophie qui sanctionne l’enseignement d’Edwige Chirouter inspiré des travaux réalisés par Matthew Lipman, Michel Tozzi et François Galichet, tous pionniers de la matière. La nouvelle passion qui l’habite va l’inciter à mettre en place en 2019 les ateliers Philoscène qui sont des ateliers philo-théâtre et philo-art qui s’adressent à tous les âges à partir de sept ans tandis qu’elle continue à approfondir sa connaissance des grands auteurs et des grands textes philosophiques. Elle cherche tout particulièrement à implanter son activité dans le 14ème en créant le Festival Philoscène qui associe tous les lieux sociaux, culturels et socio-culturels de l’arrondissement pour favoriser les rencontres entre habitants invités chaque année à réfléchir en commun à partir de différents supports à un thème philosophique donné. L’épidémie de Covid-19 aura eu raison de l’édition 2020 du festival qui avait vocation à s’articuler autour du thème du rêve. Ce n’est que partie remise pour 2021 car Annie a heureusement jusqu’à présent toujours pu compter sur le soutien indéfectible de la Mairie de Paris et de la Mairie du 14ème pour faire aboutir les projets de Bête à Bon Dieu Production dont le prochain sera sans doute la création d’une chaîne Philoscène sur YouTube destinée à approfondir la question de la méthodologie de la pratique de la philosophie et de son expression vers le théâtre et le spectacle vivant. Rien ne l’empêchera de toute façon de poursuivre son chemin toujours fidèle à sa devise : grandir pour donner le meilleur de soi-même et réaliser de belles choses avec le collectif !

Copyright Philoscène – BàBDP 2019 – Restitution philo/théâtre Annie Mako – Collège St Exupéry Paris 14

(*) Nom familier ou régional de la coccinelle

Cliquer ici pour accéder au site de Bête à Bon Dieu Production.

Marie-Do Fréval : « Le théâtre doit être une sorte de tempête »

Elle a créé la Compagnie Bouche à Bouche et la dirige depuis aujourd’hui plus de dix ans. Marie-Do Fréval, présente sur tous les fronts du théâtre engagé en tant qu’autrice, metteuse en scène et comédienne, nous a reçu à la Boutik, le siège de l’association sis 2/4 rue du Général Humbert à la Porte de Vanves dans le 14ème arrondissement de Paris, pour nous faire partager son urgence à écrire le monde et à le recréer par le théâtre. Tentative(S) de Résonance(S).

Secouer le public

Le théâtre de Marie-Do Fréval se situe à mi-chemin entre la commedia dell’arte et le théâtre contemporain. Initiée au jeu théâtral par des italiens, elle va les suivre en tournée et se produire en tant que comédienne dans plusieurs langues un peu partout en Europe. Le théâtre de tréteaux qu’elle pratique alors est un théâtre physique et rythmé, basé sur l’adresse du public et en prise directe avec lui. Il mélange allégrement les arts de la scène, de la musique et de la danse et n’a pas grand chose à voir avec le théâtre classique français. Ce sont plutôt les auteurs contemporains qu’elle rencontre dans le cadre de son activité de comédienne qui vont être sa seconde source d’inspiration au moment où elle va décider de s’inscrire dans une démarche personnelle aussi bien en tant qu’interprète qu’en tant qu’autrice. On trouve au départ de cette démarche la prise de conscience personnelle et politique liée à l’élection présidentielle de 2002 qui oppose au second tour Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen : « Je me suis sentie coincée dans quelque chose qui était pourtant de l’ordre de la démocratie, et le fait de voir mon choix contraint m’a beaucoup troublée. Je me suis alors un peu radicalisée et j’ai ressenti le besoin de poser des actes plus forts, d’aller à la rencontre de tout le monde et de déranger le théâtre dans ses habitudes et dans son embourgeoisement. » Marie-Do qui est havraise d’origine choisit le 14ème arrondissement de Paris qu’elle connait très bien comme territoire d’élection. Elle y développe petit à petit son langage en y créant des spectacles de rue qu’elle fait par la suite voyager en dehors de l’arrondissement. En 2009, elle crée la Compagnie Bouche à Bouche avec le concours de partenaires extérieurs puisque, comme elle ne manque pas de le déplorer, le 14ème consacre relativement peu d’argent à la culture. Elle monte un certain nombre de spectacles impliquant à la fois des amateurs et des professionnels : « Ces spectacles m’ont énormément touchée parce qu’il n’y avait plus de frontières et que j’arrivais à raconter des histoires un peu folles avec de grands groupes et de grands chœurs de façon complètement spontanée. » Le défi qu’elle relève avec succès était d’autant plus risqué que la rue est un espace difficile à investir et que, même s’il est un arrondissement de théâtre, le 14ème est très peu familier des Arts de la rue. Mais Marie-Do reste motivée par l’envie de toucher tous les publics et va même aller à leur rencontre dans les cafés et les PMU.  L’état d’esprit qui l’anime est très différent de celui d’une metteuse en scène de théâtre classique. « On ne fait pas tout à fait le même métier, souligne Marie-Do. Car moi je raconte des histoires au travers de textes auxquels je peux associer de la musique ou de la danse selon les cas, mais aussi et surtout parce que j’interagis plus fortement avec le public que j’ai envie de secouer. Il faut se poser la question du pourquoi de la création artistique, de ce qu’on veut qu’il se passe. Personnellement, j’attends du théâtre et de l’art en général quelque chose de fort qui nous fait dépasser notre quotidien et qui nous fait voir la vie autrement. Il faut qu’on se souvienne d’une création théâtrale comme on se souvient d’avoir traversé ensemble une tempête. Le théâtre doit être cette sorte de tempête. » Il n’est toutefois pour Marie-Do nullement question de prosélytisme : « Je ne dis pas aux gens comment ils doivent se comporter ou bien quel est le monde idéal de demain. Je pose la question de notre liberté. Je crois que c’est essentiellement ça que je fais avec différents langages. » 

Des vieux non-apprêtés plein son sac

Pour toucher à ce but, la Compagnie Bouche à Bouche a déjà créé plusieurs spectacles dont récemment Tentative(S) de Résistance(S) (2016), Tentative(S) d’Utopie Vitale (2018) et Paillarde(S) (2019) qui ensemble forment une trilogie autour de la résistance, de l’utopie et de la virilité et qui font toujours l’objet de tournées. Le dernier opus de Marie-Do en cours de création s’intitule J’ai un vieux dans mon sac, si tu veux je te le prête. Marie-Do a écrit son texte en un mois à la Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon, le centre national des écritures du spectacle, après avoir passé trois ans dans des Ehpad du 14ème arrondissement et accueilli à la Boutik de la compagnie une population de personnes âgées souvent isolée, fragile et bancale et qui décrit tout un pan de l’humanité qui la touche profondément. Elle aura rencontré pendant ces trois années pas moins de trois cents « vieux » ou « vieilles » et monté avec eux des spectacles en Ehpad pendant que France Dumas qui est graveur et illustratrice pour la presse et l’édition croquait ces précieux instants. Le texte dont Marie-Do a accouché a été publié en janvier dernier et la directrice de la Compagnie Bouche à Bouche réfléchit aujourd’hui à la façon d’en poser les premiers actes de création au théâtre en 2021 ou en 2022 en partenariat avec les centres des Arts de la rue de Brest, de Lyon et de Saint-Omer. L’épidémie de coronavirus rend bien sûr le thème d’une brûlante actualité et lui donne une acuité toute particulière : « J’ai eu l’impression de parler au monde, donc ça m’a un peu rassuré », déclare celle dont le souci constant est de veiller à garder une parole vivante et authentique. « Peut-être, rajoute-elle, faut-il d’ailleurs prendre au pied de la lettre cette crise de notre santé car mon métier lui aussi est en crise. Nous sommes certes dans un pays privilégié qui alloue des budgets aux spectacles vivants et à différentes formes artistiques mais cela se fait surtout au bénéfice d’une culture d’Etat qui étouffe les vrais cris et qui ébranle la notion même de création. » Les Tentative(S) de Résistance(S) de Marie-Do Fréval suffiront-elles à sauvegarder l’essentiel ? Pratiquer assidument le bouche-à-bouche et souffler violemment sur les braises du pouvoir créateur sont sans doute les meilleures façons de ranimer la flamme d’un théâtre moribond et d’une toujours vivante et vitale utopie.

Cliquer ici pour accéder au site de la Compagnie Bouche à Bouche.

Hervé Jacob, le G.O. de la Place Moro-Giafferi

Pas un jour sans une publication dans le groupe Facebook des Amis de la Place Moro-Giafferi ! L’activisme d’Hervé Jacob au cœur du Quartier Pernety a de quoi susciter la curiosité et l’admiration des badauds. Nous avons voulu savoir quelle était la motivation de celui qui anime sans relâche notre cher barrio et connaitre les circonstances de la création de l’association qu’il préside.

L’impetus du réaménagement sans concertation de la Place Moro Giafferi 

L’association des Amis de Place Moro-Giafferi a été créée en 2014 en réaction à la décision prise par la Mairie du 14ème de réaménager la Place Moro-Giafferi : « Cette décision a été prise en 2013 juste avant les élections municipales sans que personne ne demande rien et sans concertation aucune, déplore Hervé. J’ai trouvé un peu dommage que ça se passe comme ça en catimini pour dépenser un reste de budget (environ 600.000 euros) et j’ai donc décidé avec deux ou trois copains de créer une association qui servirait de relais auprès de la Mairie pour exprimer les véritables besoins du voisinage de cette place ». C’est la rue du Château qui, selon eux, doit à l’époque être urgemment refaite. La Mairie en décidera autrement en raison du coût élevé des travaux de réhabilitation de cette rue. Qu’à cela ne tienne, Hervé et ses amis déposent les statuts d’une association dont l’objet va être de faire vivre le quartier et également de militer pour le réaménagement de la rue du Château. L’association contacte tous les candidats à l’élection municipale de 2014 pour les challenger sur ce sujet et constate avec satisfaction qu’ils le reprennent tous à leur compte dans leur programme électoral respectif. Fort de ce soutien implicite, l’association organise une « agora participative » plusieurs week-ends durant pour solliciter les avis des habitants de la rue et de ceux qui la traversent sur le projet de réaménagement. Cette consultation citoyenne aboutira au final à prévoir une voie unique pour les voitures dont il sera par ailleurs inversé le sens de circulation afin de résoudre les problèmes de bruit et de pollution que l’ancienne configuration n’était pas sans poser aux riverains qui y travaillent. Capitalisant sur ces premiers résultats concrets, l’association crée une page et un groupe Facebook qui vont servir de supports de communication avec les habitants du quartier. Quatre cents personnes en suivent aujourd’hui chaque jour l’actualité par ce moyen.

Les heures heureuses de la Place Moro Giafferi à la saison d’été

Une association vectrice de lien social

Même si personne ne sait qui était de Moro-Giafferi (qui se soucie des avocats et des hommes politiques ?), tout le monde dans le Quartier Pernety connait la Place Moro-Giafferi, ses bars, ses restaurants et ceux des rues alentours qui forment le périmètre qui délimite le terrain de chasse d’Hervé Jacob : « Les parisiens ne connaissent généralement que les seuls deux cent mètres autour de chez eux. On a voulu faire pareil et ne pas dépasser le triangle formé par la rue Losserand, l’avenue du Maine et la rue Pernety prolongée par la rue de la Sablière. En gros, on va jusqu’au Laurier et pas au delà, jusqu’au Ton Air de Brest et pas au delà et jusqu’aux Tontons et pas au delà ! » Hervé est par la force des choses au courant de tout ce qui se passe dans le mini-village dont il raconte avec ses amis la vie à ses habitants : « Souvent on se sert des informations fournies par les commerçants eux-mêmes, celles qu’ils publient sur Facebook et qu’on republie derrière dans notre propre groupe. Ou bien alors il peut s’agir d’évènements dont on est témoin dans le quartier (incendie, manifestation associative, etc.) et qu’on relaie également. » Hervé, qui est par ailleurs conseiller de quartier, commence sa journée dès six heure et demi du matin Chez César et Paulo autour d’un café : « On vient régulièrement me voir avant sept heure pour un problème de logement ou même pour solliciter mon aide pour remplir des papiers administratifs. Et quand les commerçants font face à un problème, il viennent me voir également. Je sers en quelque sorte de médiateur vis-à-vis de la Mairie. » Les quatre cent membres du groupe sont ravis d’être alimentés de cette information locale et participent à leur tour à la fourniture de tuyaux et de potins dont Hervé et ses amis font leur miel. Rien de tel pour briser l’anonymat de la capitale parisienne. Pour communiquer, ils choisissent volontiers les photographies facilement prises par le moyen d’un smartphone : « Les gens ne lisent pas les publications sans photo », témoigne Hervé. Même s’il se défend de vouloir faire du buzz à tout prix, Hervé apprécie bien sûr à leur juste valeur les retours des membres du groupe sur les publications. Ces retours ont notamment été très nombreux lors de la Coupe d’Europe de football dont la finale a réuni plus de mille personnes sur la Place Moro-Giafferi de même que sur le texte qu’il a publié lors du récent drame de l’attaque au couteau de Villejuif dont l’auteur résidait rue Pernety. Mais le groupe intéresse aussi les personnalités politiques qui sont nombreuses à en être membres. Une aubaine pour Hervé qui comptent bien en cette période pré-électorale rééditer son exploit de 2014 en réussissant à les sensibiliser à la nécessité d’aménager le parking Didot en parking temporaire afin de compenser la disparition de places de voiture occasionnée par les travaux de réhabilitation de la rue du Château.

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook du groupe public des Amis de la Place Moro-Giafferi.

« Les Jardins Numériques » et l’IUT de Bobigny s’allient contre la fracture sociale

Pascal Vaillant et Joseph Han au « Laurier »

Les Jardins Numériques, une association de la Porte de Vanves, s’est associée à l’IUT de Bobigny pour favoriser l’inclusion numérique et sociale de tous en concevant une plateforme informatique dont la vocation est de permettre la mise en relation des « décrochés du digital » avec des personnes aidantes de toutes les nationalités. Nous avons rencontré au bar-restaurant Le Laurier Joseph Han, le président des Jardins Numériques, et Pascal Vaillant, informaticien-linguiste et enseignant en informatique à l’IUT de Bobigny, qui sont les instigateurs et les porteurs de ce magnifique projet solidaire.

Un portail multilingue de mise en relation et d’accès au droit

C’est sur une constatation de départ identique qu’a été créé Respect International, l’ancêtre de Pernety 14 : la difficulté des plus fragiles et des plus vulnérables à défendre leurs droits. La fracture sociale est aujourd’hui de plus en plus une fracture numérique dans la mesure où l’accès aux droits et aux services se fait généralement via l’outil internet dont le maniement par les séniors et les ressortissants étrangers demeure parfois très problématique. « Les besoins sont énormes », insiste Joseph Han dont les parents ne parlent pas un mot de français. D’où l’idée de créer un instrument qui soit un moyen de mettre en relation ceux qui ont besoin d’aide et ceux qui sont disposés à leur donner un coup de main en français ou dans toute autre langue et qui soit également un outil pédagogique de stockage d’informations qui servirait de bibliothèque numérique multilingue à la disposition de tous. S’agissant de la mise en relation, l’idée est d’amarrer une personne bien intégrée et socialement agile à une (ou plusieurs) personne(s) rencontrant des difficultés pour s’insérer notamment parce qu’elle(s) ne maitrise(nt) pas internet et/ou parce qu’elle(s) parle(nt) et/ou écrive(nt) difficilement le français. La population migrante se trouve tout particulièrement démunie à son arrivée sur notre territoire. L’objectif du dispositif est de mettre en relation des personnes originaires du même pays ou de la même région du monde et qui partagent la même langue pour créer une dynamique d’entraide. La bibliothèque numérique multilingue permettra quant à elle un accès facilité à une documentation de base par celles et ceux qui doivent se débattre dans les méandres de la législation / réglementation française. Elle consistera en des articles et en des tutoriels en ligne dans toutes les langues et sera enrichie en permanence en capitalisant sur les services rendus par les aidants dans le passé. Pas de place à l’amateurisme puisque ce sont des interprètes assermentés qui devront se charger des traductions des documents permettant l’accès au droit. Le projet tel qu’il a été conçu par Les Jardins Numériques a été regroupé avec celui de neuf autres associations et présenté au budget participatif 2019-2020 de la Ville de Paris. Les parisiens l’ont largement plébiscité puisqu’il a obtenu 32.000 voix et est arrivé en deuxième position juste derrière le projet environnemental et climatique. Il a donc toutes les chances d’être réalisé d’autant qu’il bénéficie aujourd’hui de l’appui logistique d’une équipe d’étudiants informaticiens de l’IUT de Bobigny.

Soutenance du projet en mars 2019 à l’IUT de Bobigny

Une équipe d’étudiants de l’IUT de Bobigny dédiée au projet

C’est en effet là que Pascal Vaillant entre en scène. Cet enseignant en informatique très impliqué dans la vie associative du 14ème arrondissement de Paris puisqu’il est par ailleurs secrétaire chargé de la communication de Paris 14 Territoire de cinéma rencontre Joseph Han en 2018 à l’occasion du premier festival de films organisé par l’association de cinéphiles. Les deux hommes se découvrent des centres d’intérêts communs et Pascal a tôt fait de s’enthousiasmer pour le projet de plateforme numérique solidaire de Joseph. Car c’est typiquement le genre de projet qu’il peut faire développer par les étudiants dont il a la charge au département des métiers de l’internet et du multimédia de l’IUT de Bobigny. Il les fait travailler en 2019 dans le cadre d’une compétition internationale pour réaliser un site internet multilingue répondant aux objectifs poursuivis par Joseph. Sept prototypes de site sont de cette manière réalisés dont un qui a été élu prototype gagnant pour servir de base aux développements futurs. A la rentrée dernière, il met en place au niveau licence un projet tutoré réunissant des étudiants développeurs, infographistes et chargés de communication pour faire avancer le projet de plateforme. Le site fonctionnel ou « coquille » devrait pouvoir être livré en mai 2020. Pour qu’il fonctionne concrètement, il faut bien sûr constituer une base d’aidants suffisante. C’est la raison pour laquelle ont été sollicités des chargés de communication dont la mission est de promouvoir le concept à l’extérieur à partir de mai 2020 (dans les associations et foyers s’agissant des personnes aidées et sur les réseaux sociaux s’agissant des aidants). La mise en service de la plateforme devrait pouvoir intervenir en 2021, ce qui pourrait correspondre au déblocage des fonds du budget participatif. Car la Ville de Paris qui organise des journées de la solidarité reste bien sûr un partenaire clef pour faire aboutir le projet porté par Joseph et Pascal. Nous ne doutons pas qu’ils sauront convaincre tous les élus municipaux quelle que soit leur couleur politique tant qu’il est vrai que ces derniers ne peuvent être insensibles aux efforts déployés pour réduire la fracture sociale par le biais de l’inclusion numérique de tous.

Cliquer ici pour accéder à l’agenda partagé des Jardins Numériques.

Françoise Le Goaziou, présidente du « lieu de la joie d’être ensemble »

Les Bretons de Paris ont leur endroit à Paris pour se réunir et partager leur fierté d’être Bretons, des moments conviviaux et des évènements organisés autour de la culture bretonne. Il s’agit du 22 rue Delambre, le siège de la Mission Bretonne niché au cœur du Quartier du Montparnasse, le quartier breton de Paris. La porte cochère ouvre sur une cour au fond de laquelle se tient une ancienne bâtisse qui a gardé son cachet d’antan : Ti ar Vretoned, littéralement « La Maison des Bretons ». Nous y avons rencontré Françoise Le Goaziou, sa dynamique présidente, qui sort ce mois-ci un nouveau livre intitulé Bretons sur Seine retraçant quinze siècles de présence bretonne à Paris.

Une historienne militante de la culture heureuse

Françoise Le Goaziou est une Bretonne de Paris qui est née à… Saint-Etienne où ont émigré ses ascendants originaires de Saint-Quay-Portrieux pour aller chercher du travail dans les mines. Elle est élevée par sa grand-mère qui n’aimait pas vraiment la préfecture de la Loire et qui nourrissait une profonde nostalgie de la Bretagne. A sa mort, c’est le Père François Le Quemener, aumonier des Bretons de Paris et animateur de la Mission Bretonne, qui achève de compléter son éducation. Elle passe l’agrégation d’histoire et devient professeure. Après une courte expérience en Champagne, elle est nommée à 23 ans au Lycée Jacques Brel de la Courneuve qui la met pour la première fois en contact avec le monde des banlieues. Elle surmonte rapidement ses premières préventions et s’enthousiasme bientôt d’avoir le privilège d’apprendre son métier au milieu des populations des cités. Puis elle devient prof de prépa au Raincy toujours en Seine-Saint-Denis. Entourée d’étudiants de toutes origines, elle ne quitterait son poste pour rien au monde car elle est pleinement convaincue de faire œuvre utile dans un endroit où l’ascenseur social a encore du sens : « Les gamins, on les intègre tous. Pas tous à HEC car ce n’est pas forcément là où ils seraient le plus heureux. Mais dans d’autres écoles de commerce ou ailleurs. On a des étudiants bons élèves, positifs, motivés, gentils, agréables, reconnaissants. C’est vraiment un chouette métier ! ». Quand en 2009 le Père Quemener s’en va retrouver l’éternelle jeunesse de Dieu, Françoise Le Goaziou est sollicitée pour revenir à la Mission Bretonne où elle intègre le conseil d’administration puis devient présidente. « L’expérience que j’ai des Bretons de Paris m’aide beaucoup avec mes étudiants, témoigne-t-elle. Parce que l’essentiel de mes étudiants est issu de l’immigration et que j’ai dans la même classe des maghrébins, des africains, des vietnamiens, des cambodgiens, des roumains, des turques, des kurdes, que sais-je encore. Or ces étudiants là ont souvent la culture honteuse. J’essaie de leur faire comprendre que les Bretons ont vécu des choses assez similaires. Et comme j’ai la chance d’enseigner le 20ème siècle, je commence souvent par leur parler de l’immigration bretonne à cause de l’interdiction de parler la langue, du rejet, etc.. J’essaie de leur faire prendre conscience que lorsqu’on conserve sa propre culture on est ouvert à celle des autres ».

Une association à vocation sociale devenue véritable centre culturel breton

C’est justement l’objet de la Mission Bretonne que de promouvoir la culture bretonne à Paris. L’association a été fondée en 1947 par l’abbé Gautier qui était professeur au collège et lycée des Cordeliers de Dinan et qui avait été témoin du départ de ses élèves et des familles de ses élèves vers Paris dans des conditions extrêmement difficiles. Il décide de leur consacrer sa vie et s’empare du sujet pour en faire une thèse de doctorat. Il crée dans la foulée la Mission Bretonne avec le soutien de l’archevêché de Paris qui travaille à l’époque à réconcilier l’Eglise avec le monde ouvrier. L’association est donc conçue à l’origine comme un point d’ancrage et de repère pour les nouveaux Bretons de Paris qui pourraient être déstabilisés par la trépidante vie parisienne. En favorisant l’entraide et la solidarité entre natifs de Bretagne, elle les met à l’abri des dangers (exploitation, prostitution) qui guettent les déracinés à leur arrivée dans la capitale. En 1970, c’est le père Le Quemener qui prend la tête de la Mission Bretonne. Sous son ère et l’influence du mouvement de renaissance de la culture bretonne, l’association se transforme peu à peu en véritable centre culturel breton. Des cours de breton y sont organisés, la musique et la culture bretonne valorisées. Le 22 de la rue Delambre devient « La Maison des Bretons » et Ti ar Vretoned est accolé au nom de la Mission Bretonne pour symboliser son ouverture à toutes celles et à tous ceux, croyants ou non-croyants, bretons ou non, qui s’intéressent à la culture bretonne. L’association compte aujourd’hui 700 adhérents qui se réunissent autour de ses différents ateliers et activités (Kafe Istor, Evangile et Vie, etc.) et qui se retrouvent à l’occasion de la Fête de la Bretagne organisée chaque année en partenariat avec la Mairie du 14ème. Tous participent à l’esprit de la Mission, « une alchimie bizarre, nous dit Françoise Le Goaziou, qui doit être dans l’essence du lieu et qui fait qu’on y rencontre beaucoup de bienveillance et de tolérance. C’est la joie d’être ensemble qui fait se rassembler lors d’une veillée ou d’un repas des gens de tous horizons professionnels et de tous âges. La Mission ne laisse personne sur la touche et nous faisons notre maximum pour y faire venir du monde. C’est un joli lieu où l’on peut même trouver son partenaire car la Mission est aussi une agence matrimoniale… C’est vraiment un lieu marrant ! » Avis à toutes celles et à tous ceux qui sont curieux de découvrir les trésors et les richesses de l’âme celte !

Cliquez ici pour accéder au site de la Mission Bretonne et ici pour accéder à sa page Facebook.

Carnaval de Paris, bien au-delà de la bande à Basile (Pachkoff)

Basile Pachkoff, organisateur du Carnaval de Paris.

La 21ème édition du Carnaval de Paris qui s’est déroulée dimanche 11 février 2018 avait cette année pour thème Les contes de Perrault et d’ailleurs. Le cortège coloré de la Promenade du Bœuf Gras s’est ébranlé vers 14 heures sous le soleil de la Place Gambetta en direction de République. Les quelques gouttes de pluie qui sont tombées par la suite n’ont pas suffi à décourager les nombreux fêtards, musiciens et danseurs venus de tous les pays pour défiler en costume au rythme des tambours et sous le regard d’un public chaleureux et bon enfant disséminé tout le long du parcours. Pour saluer la réussite de ce succès populaire, Pernety 14 a rencontré  Basile Pachkoff, l’organisateur de la manifestation, au Moulin à Café, le café associatif du 14ème arrondissement de Paris.

Faire revivre une tradition ancestrale : des goguettes aux sociétés bigophoniques

Basile Pachkoff est tout autant un historien amateur qu’un organisateur de carnaval et l’on peut retrouver sur Wikipédia l’ensemble des articles qu’il a rédigés sur le Carnaval et la fête. Basile nous apprend ainsi que le Carnaval de Paris fut une manifestation immense pendant cinq siècles. Historiquement, les fêtards se sont organisés en goguettes, c’est-à-dire en groupes chantants indépendants comptant chacun moins de 19 membres, ceci pour satisfaire à la règle des 19 qui prévaut par exemple encore aujourd’hui au Carnaval de Dunkerque. Pourquoi cette règle ? Parce qu’à moins de 19, on est petit mais costaud. On n’a pas de problèmes d’orientation parce qu’on sait ce que l’on fait et où l’on va. La gestion du groupe ne nécessite ni lourde logistique, ni argent, ni local particulier. On évite aussi les luttes de pouvoirs et tous les parasitages de personnes intéressées. Chaque goguette réunissait donc à l’origine moins de 19 membres, hommes, femmes, enfants, qui se rassemblaient ponctuellement tout le long de l’année pour passer de bons moments ensemble. Quand arrivait le Carnaval, les goguettes s’agrégeaient les unes aux autres pour en assurer le succès en rejoignant les bals et la rue. La règle des 19 tomba cependant peu à peu en désuétude et les goguettes qui ont prospéré pendant deux siècles à Paris finirent par disparaître victimes de leur succès, leurs participants voulant faire plus « grand ». Du temps des goguettes, la foule en carnaval envahissait les grands boulevards de Paris au point que la circulation des voitures était interrompue les mardis gras et jeudis de la Mi-Carême. A partir de 1884, les goguettes se sont dotées de bigophones. Cet instrument de musique inventé par Romain Bigot en 1881 est une sorte de kazoo muni d’un pavillon amplificateur en papier mâché ou  en zinc de formes et couleurs variées. Des milliers de goguettes organisées en sociétés bigophoniques sont apparues en France et dans le monde pour animer fêtes et carnavals, notamment à Paris la Promenade du Bœuf Gras qui a lieu le mardi gras et le cortège des Reines des blanchisseuses de la Mi-Carême qui a lieu le jeudi de la Mi-Carême. Le recul des goguettes a entrainé le déclin progressif du Carnaval de Paris dont les grands bals masqués et cortèges costumés ont progressivement disparu jusqu’à la renaissance de 1993 initiée par Basile Pachkoff.

Basile en tenue de carnaval et accompagné

Une fête libre, bénévole, autogérée, gratuite et apolitique

En 1993, il y a maintenant donc vingt cinq ans, Basile Pachkoff prend en effet l’initiative de relancer le Canarval de Paris. Cinq ans plus tard, en 1998, il fera repartir la fête dans la rue en obtenant enfin l’autorisation de défiler grâce à Alain Riou, un élu socialiste puis écologiste du 20ème arrondissement de Paris. L’atmosphère générale de l’époque n’était guère favorable aux défilés dans la ville de Paris qu’on souhaitait « aseptiser » et très peu d’autorisations étaient accordées. Mais pour Basile, le Carnaval et la fête ne sont de toutes façons ni de gauche ni de droite. C’est bien plus une question de personnes décidées ou non à porter un projet. Il aura fallu toute l’implication et la détermination d’Alain Riou rencontré en 1996 pour « débloquer » la situation et faire vivre le Carnaval au grand air avec le concours des autorités municipales. Au principe de cette manifestation on trouve la Liberté et la Liberté n’a pas de couleur politique. Le carnaval est en effet ouvert à tout le monde, il n’y a aucune sélection et il n’y a même pas besoin de s’inscrire pour venir y participer. Il est ainsi autogéré par l’ensemble des associations participantes. « Chacun se débrouille et s’organise pour venir, nous indique Basile. Il faut juste en avoir l’envie. Les gens ne sont plus habitués à cela. Parfois ils me téléphonent pour me demander s’ils peuvent participer au Carnaval. Ma réponse est invariablement : « Mais bien sûr, venez donc ! Tout le monde est bienvenu sur tout ou partie du parcours, c’est une fête vivante ! » ». Tous les participants sont évidemment bénévoles et c’est bien sûr le principe de gratuité qui prévaut. Basile ne veut pas non plus s’embarrasser à mettre en place une quelconque logistique pour assurer la restauration des fêtards. Il souhaite inscrire sa manifestation dans l’esprit gentiment anarchiste des goguettes d’antan. Bien sûr, les forces de l’ordre doivent intervenir pour canaliser la circulation automobile et veiller de loin à ce que la fête se passe de façon paisible et sans accrocs. Mais depuis 500 ans que le Carnaval de Paris existe, aucune violence ou aucun désordre n’a été à déplorer lors de cette manifestation. « Le Carnaval de Paris a toujours été un carnaval très sage », nous assure Basile. Et c’est pourquoi la police de Paris y a toujours été favorable. Même les policiers qui en assurent la sécurité ont le sourire et cela fait bien sûr partie de la réussite de la fête. »  Cette année, les quelque 5000 participants qui se sont joints au cortège qui a défilé entre la Place Gambetta et la Place de la République ont dû affronté le mauvais temps en fin d’après-midi. Nous avons personnellement été très impressionné par la qualité du spectacle offert. L’esprit général de la manifestation rejoint tout à fait les valeurs de tolérance et d’ouverture aux autres pour lesquelles nous militons sur notre blog. « La base du Carnaval, c’est l’amour du prochain », nous confirme Basile. « On est des êtres humains avant d’être des Chinois, des Boliviens, des Equatoriens, des Antillais, etc. Et quand on fait la fête ensemble, il est beaucoup plus difficile de trouver l’autre méchant. L’idée est vraiment que l’on se trouve tous ensemble et que l’on soit heureux ensemble ».

Cliquez ici pour accéder au site du Carnaval de Paris.