« La marginalité est ma matière de prédilection » (Marie Bataille)

« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière », disait Michel Audiard. Marie Bataille, auteure de littérature pour la jeunesse, partage cette tendresse particulière pour les marginaux et les êtres à part. Aziz, Nono, Mademoiselle Princesse Culotte ou bien encore Adolphe, le chien qui détestait son nom, sont les (anti-)héros atypiques de ses romans destinés aux 6-10 ans. Nous nous sommes rendus rue d’Alésia dans le quatorzième arrondissement de Paris pour rencontrer celle qui leur a donné vie.

Des textes courts réalisés au contact de professionnels

La rencontre de Marie Bataille avec la littérature jeunesse doit plus au hasard qu’à un projet délibérément réfléchi. L’évènement déclencheur se situe au début des années 90 quand elle est sollicitée pour s’occuper des pages Jeux du magazine J’aime lire destiné aux 7-10 ans et édité par le groupe Bayard Presse. Depuis ses études poussées de littérature à Toulouse, l’institutrice a toujours manifesté un goût certain pour l’écriture qu’elle va enfin se décider à exprimer publiquement en proposant à son éditeur un premier ouvrage intitulé Adolphe, aux pieds !. L’histoire du chien fugueur Adolphe qui déteste son nom et qui décide de faire le sourd pour ne plus l’entendre hurler de la bouche de son maître sera finalement éditée chez Milan et rééditée en poche quelques années plus tard avec des illustrations de Michel Tarride. Marie va bientôt prendre goût au travail d’écriture des romans jeunesse réalisés avec le concours des rédacteurs et des chefs de rubriques des différentes maisons d’éditions avec lesquelles elle collabore. « Si l’écriture de l’histoire se fait elle-même très rapidement après que l’idée a longtemps mûri, le travail de correction est extrêmement intéressant car on travaille avec des gens qui poussent au maximum pour que le livre soit le plus réussi possible », témoigne-t-elle. Les romans pour les 6-10 ans sont en règle générale des textes assez courts qui tiennent en cinq petits chapitres illustrés par un dessinateur. Marie va en réaliser une quinzaine qui seront publiés chez Milan, Bayard et Nathan et dont certains seront traduits en italien, danois ou coréen. La peur bleue d’Albertine, Nono et le tableau volé, Mère Rugueuse et les enfants perdus, Mademoiselle Princesse Culotte en sont quelques exemples qui empruntent tant au registre comique qu’au registre tragique. Où l’auteure puise-t-elle donc son inspiration ? « Je pense que c’est une part d’enfant qu’on a en soi car, en fait, ce sont des histoires qu’on se raconte à soi-même », nous dit Marie. Il parait qu’il n’y a de livres qu’autobiographiques. C’est, semble-t-il, également vrai pour les romans jeunesse car l’auteure d’Adolphe, aux pieds ! nous confie qu’il ne faut pas chercher bien loin pour découvrir l’origine de ce premier ouvrage : Marie qui s’appelle en réalité Marie-Louise détestait tout autant qu’Adolphe son véritable prénom pendant ses jeunes années, à une époque où il était perçu comme un peu désuet…

La révélation d’Aziz

Si la littérature jeunesse peut parfois être l’exutoire de conflits psychiques, elle peut également être l’expression d’un vécu personnel. « Ecrire ça guérit de beaucoup de choses, ça soulage le coeur… », peut-on lire au début d’Aziz, escalier D, appartement 27 publié en 2009 chez Milan Poche Junior. Cet ouvrage puise certainement beaucoup dans l’expérience d’institutrice de Marie qui a exercé son métier dans certaines banlieues difficiles d’Ile-de-France, à Bagneux ou à Nanterre. S’adressant aux 9-10 ans, il ne compte pas moins de 18 chapitres et est à ce jour le roman le plus long publié par notre auteure en plus d’être le seul qui soit écrit à la première personne du singulier. Comme tous les héros de Marie, Aziz a « quelque chose de travers » qui le rend unique et attachant. « Je me suis progressivement rendu compte que ce qui m’intéressait particulièrement dans l’enfance, c’étaient les êtres à part et un petit peu monstrueux, les enfants qui n’arrivaient pas à s’intégrer, nous dit l’écrivaine. Ils vont devenir les personnages récurrents de mes livres car j’ai toujours aimé travaillé sur ces enfants qui ne sont pas « comme les autres ». La marginalité est vraiment ma matière de prédilection ». De fait, l’ouvrage qui devait au départ s’intituler Les carnets de Mehmed n’a pas laissé indifférent et a été très bien accueilli notamment dans les écoles dont les élèves des classes primaires ont pu s’identifier au jeune héros qui connait une révélation à la fin du récit. Mais la véritable révélation du livre est bien celle de la qualité de romancière de Marie Bataille qui réussit vraiment à nous émouvoir en nous contant les aventures d’Aziz et de ses copains, les amours de sa soeur Samia et leur combat pour la réinsertion sociale et professionnelle de leur Mère Aïcha. « La littérature pour la jeunesse a été pour moi en quelque sorte une solution de facilité », affirme pourtant l’auteure qui n’a plus publié dans ce registre depuis maintenant cinq ans. L’histoire d’Aziz est à coup sûr un passeport convaincant pour d’autres projets littéraires qui, nous l’espérons, ne manqueront pas d’aboutir dans les années à venir.

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