Quand l’énergie devient art (Roland Erguy (*), professeur de Tai-Chi et artiste sculpteur)

Pernety 14 creuse résolument son sillon dans le Village Pernety et le site de l’association reçoit aujourd’hui les visites de plus en plus nombreuses des habitants du Quartier tout à la fois curieux et émus d’en découvrir ou redécouvrir les acteurs et les lieux les plus pittoresques. Cette semaine, c’est Colette qui nous a contactés après avoir lu quelques-uns des articles publiés sur notre blog pour nous mettre sur la piste de Roland Erguy, professeur de Tai-Chi et artiste sculpteur.

« Technique de boxe du faîte suprême » : le Tai-Chi, entre art martial et gymnastique de santé

Roland Erguy est né à Paris en 1952 d’un père basque et d’une mère d’origine italienne. A l’issue de ses études secondaires au lycée Chaptal, il décroche un diplome d’imprimeur avant de partir faire son service militaire. Il rentre ensuite par concours à la Mairie de Paris au sein de laquelle il va faire toute sa carrière dans l’imprimerie et la décoration florale. En parallèle de ses activités professionnelles, Roland pratique dès le plus jeune âge différents sports dont notamment le judo qui le sensibilise à l’importance de la maitrise de l’équilibre du corps et de son centre de gravité. Il découvre le Tai-Chi avant même de partir à l’armée mais lui préfère pendant plusieurs années d’autres activités plus « dynamiques » comme la voile, la danse, le théâtre, etc. Son partenaire de théâtre l’amène à reconsidérer son appréciation de départ et le remet sur la voie du Tai-Chi en l’initiant à ses principes de base. C’est le déclic qui le poussera à se rendre à la fédération de la rue de Babylone pour y pratiquer pendant quatre ans cet art martial chinois « interne » et obtenir un diplôme de formateur grâce auquel il pourra enseigner la discipline dans plusieurs centres de quartier. Roland transmet la forme yang du Tai-Chi qui est sa forme la plus courante en Chine. Tai-Chi signifie textuellement « technique de boxe du faîte suprême ».  C’est un art martial autant qu’une gymnastique de santé et un travail psychique et spirituel autant que corporel puisqu’il fait fonctionner en même temps le corps et l’esprit. Le Tai-Chi a pour objet le travail de l’énergie appelée chi et consiste en un enchainement de mouvements circulaires et réalisés à la même vitesse qui ont été codifiés dans les années vingt. Ceux qui le pratiquent se concentrent sur le maintien du corps, du souffle, du centre de gravité du corps et sur l’enracinement du poids du corps vers le sol. Roland est intarissable sur les bienfaits physiques, psychiques et spirituels de la discipline qu’il enseigne et il pourrait également disserter pendant des heures sur les origines de cette pratique chinoise ancestrale et les principes du Tao qui la fondent. Il insiste sur le fait que tout le monde, quel que soit son âge, peut pratiquer le Tai-Chi pour son plus grand bénéfice. Il réunit actuellement tous les jeudis dans le cadre d’un cours d’une heure trente délivré dans la salle municipale polyvalente du 12 rue du Moulin des Lapins à Paris 14ème une dizaine de personnes très motivées dont Colette et quelques autres habituées constituent le noyau dur. Le cours est divisé en plusieurs séquences complémentaires : le travail du plexus et de la respiration qui se fait essentiellement au sol ; ensuite, les mouvements de yoga tibétain et les exercices d’étirement du corps ; enfin, le Tai-Chi proprement dit qui n’est ni plus ni moins qu’une méditation en mouvements. Roland nous en fait une démonstration d’un quart d’heure à l’issue de notre entretien dans le petit jardin public de la ZAC Didot qui jouxte la Place de la Garenne. Il enchaine devant nous sur fond de musique chinoise une série de mouvements aux noms très évocateurs (« caresser la queue de l’oiseau », « le simple fouet », « coup de pied en diagonal », « comme un éventail », « la grue blanche déploie ses ailes », « mouvoir les mains comme les nuages », « la fille de Jade tisse et lance ses navettes aux quatre coins de l’horizon », etc., etc.). Le dépaysement est garanti !

La sculpture conçue comme projection du centre de gravité du corps sur les matériaux

« Chercher l’assise et le centre de gravité dans une sculpture », tel est le projet de Roland, professeur de Tai-Chi côté cour(s) et artiste-sculpteur côté jardin. Roland ne puise pourtant pas uniquement son inspiration dans la discipline qu’il enseigne à titre bénévole. Il capitalise également sur son expérience professionnelle à la Mairie de Paris dans les secteurs de l’imprimerie et de la décoration florale. Car tandis que l’imprimerie le familiarise avec la calligraphie et la gravure, la décoration florale lui ouvre les portes de la création artistique ainsi que celles de l’Opéra Garnier, du Palais des Congrès, du Musée Galliera et de mille autres lieux plus somptueux encore. Ses premières sculptures sont celles toutes végétales qu’il conçoit dans le cadre de son métier d’horticulteur. On retrouve dans celles qu’il réalise aujourd’hui (en métal ou en pierre) les arrondis du Tai-Chi et les traces d’une véritable réflexion sur l’équilibre du corps. Qu’il est loin le temps où son professeur lui reprochait d’être « un homme du siècle passé » au regard du caractère un peu figé de ses premières tentatives dans l’art figuratif ! Sa production actuelle est à ce point diverse que Roland a intitulé sa récente exposition « Abstractions » pour englober toutes ses œuvres sous un concept unique. Certaines cultivent le contraste entre le lisse (métal) et le brut (pierre) ; d’autres (comme, par exemple, « Le touareg ») sont réalisées avec du chiffon enduit de plâtre. Roland a bien sûr exposé à la Galerie du Montparnasse qui dépend de la Mairie de Paris dont il a longtemps été l’employé mais également à la Galerie Everarts de la rue d’Argenson après qu’il a été remarqué par certains amateurs d’art. Il y a d’ailleurs laissé un des seuls grands formats qu’il a réalisés dans sa vie faute de place pour le stocker personnellement… Mais pour Roland, l’inspiration est toujours là, qu’il puise dans le Tai-Chi mais aussi ailleurs, pour produire des œuvres originales qui expriment la sérénité et l’équilibre qu’il veut faire partager chaque jeudi à celles et ceux qui le souhaitent dans le cadre de son enseignement.

(*) Roland Erguy s’est malheureusement éteint le 14 janvier 2023. Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille.

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