Constance Malan : “J’écris bien quand je suis malheureuse ou amoureuse”

Constance au Square Alberto-Giacometti

Les poètes ne sont-ils que des plaisantins ? C’est ce que semble me suggérer Constance Malan qui a placé bien en évidence, au début de la pile de ses presque cinquante poèmes soigneusement imprimés sur format A4 et rangés dans une chemise cartonnée, un email envoyé par une amie intitulé “Jeux de mots” : “On  ne dit pas mon corridor, mais mon corps se repose. […] On ne dit pas jerrycan, mais je m’bidonne […] On ne dit pas un poète, mais un klaxon” […]”. A mi-chemin entre l’artiste revendiqué et le klaxon se trouve Constance qui habite la rue Léonidas dans le 14ème arrondissement de Paris depuis des années et qui écrit des poèmes depuis toujours au gré de ses humeurs et au fil de ses ruptures et de ses emballements sentimentaux. Rencontre au bar-restaurant Le Laurier.

Un journal intime et des poèmes retraçant la vie d’une grande amoureuse

Tous les textes qu’a écrits Constance Malan trouvent leur source dans son vécu personnel. Vers l’âge de treize ans, elle se décide à tenir un journal intime – qu’elle n’a jamais lâché depuis lors – pour exprimer son sentiment de solitude et raconter ses premiers émois amoureux contrariés par son jeune âge. “C’est en poursuivant ce projet de journal intime que je me suis arrêtée sur des phrases qui ressemblaient à des vers, se rappelle Constance. Son père, qui a créé une petite société d’édition en Irlande pour éditer ses propres nouvelles et traductions de Mark Twain et O. Henry, partage cet amour des mots et va lui mettre entre les mains de nombreux livres de poésie dont ceux de Supervielle qu’elle apprécie entre tous. Très bonne élève jusqu’en troisième avant de se laisser distraire par les garçons, elle apprend bien sûr aussi à l’école les poèmes de Baudelaire, Verlaine et Rimbaud dont elle approfondit un peu les oeuvres par elle-même. C’est en première année de faculté de sciences naturelles à Orsay, alors qu’elle n’arrive plus à suivre les cours de mathématiques en amphi, qu’elle écrit ses premiers poèmes sentimentaux inspirés par un jeune homme dont elle est amoureuse et qui seront plus tard édités par son père dans un recueil très sobrement intitulé Poèmes. “Je crois que je n’écris bien que lorsque je suis malheureuse ou lorsque je suis amoureuse, nous confie Constance. D’ailleurs, le reste du temps, je n’écris pas…”. En froid avec sa mère qui n’accepte pas qu’elle veuille assumer son désir physique d’amour, Constance se retrouve livrée à elle-même dès l’âge de dix-huit ans. Elle enchaine les expériences professionnelles en intérim à Palaiseau avant de trouver refuge rue de la Gaîté dans le 14ème arrondissement de Paris alors qu’elle travaille pour une agence de location de voitures Gare de Lyon. Mais ce ne sont jamais ses aventures professionnelles qui lui inspirent ses créations littéraires. “J’ai surtout écrit pour raconter mes ruptures sentimentales ou bien les premiers émois d’une relation amoureuse, nous dit Constance. Car quand on est amoureux, on n’a pas le temps de s’arrêter pour écrire, on vit ce qu’on est en train de vivre. C’est quand l’autre est parti et que l’on se retrouve seule qu’on essaie un peu de se consoler en se disant ses quatre vérités.” C’est donc plus de quarante ans de poésie écrite entre 1976 qui est l’année de ses dix-sept ans et 2020, des textes “lus et relus à la virgule près” et “tous retravaillés à peu près bien”, qu’elle nous met aujourd’hui entre les mains (*). Un éditeur potentiel qui lui aussi les a parcourus a pu prétendre qu’ils correspondaient plus à des chansons (!) qu’à des poèmes. Jugez plutôt !  Voici le poème préféré de Constance :

Nous voici nous tenant nus devant les ruines
De notre passé mort, fumantes et précieuses,
Celles de notre avenir en sont le synonyme
Puisqu’incertaines encore, et vainement glorieuses.

Nous voilà nus aux prises avec les éléments,
Forts de notre passé, joyeux de notre force,
Avec dans le regard comme l’ombre d’une amorce
De sourire attendri quand nous nous regardons.

Nous allons comme tout homme à l’assaut de la vie,
La fouettant de nos rires, la calmant de nos pleurs,
Nous sommes comme des enfants qui en jouant oublient
Qu’au bout du jeu ils ont parfois trouvé la mort.

Comme un air de Mona Lisait…

Un esprit résolument positif qui nous encourage à écrire

Constance va apprendre à dire ses textes en s’inscrivant au club de théâtre du boulevard Saint-Germain dirigé par Pierre-Olivier Scotto. Elle n’abandonnera jamais l’écriture de son journal intime tant elle est persuadée qu’écrire est libérateur et procure d’énormes satisfactions. “Quand vous avez un problème, écrivez ! Quand vous avez un souci, prenez un cahier et noircissez cinq pages, ça ira mieux après ! On peut ressentir un très grand plaisir en écrivant un texte lorsqu’on a bien réussi à exprimer ce qu’on voulait exprimer”, nous dit celle qui ne s’est jamais prise ni pour une écrivaine ni pour une artiste et pour laquelle ses griffonnages ou ses “griffouillages” restent un loisir et un passe-temps. Résolument convaincue qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer, cette mère célibataire de deux fils de 25 et 35 ans nous exhorte également à profiter de la vie qui passe si vite et à aller au bout de nos désirs et de nos inclinations. “Nous passons tous trop de temps à faire des choses inintéressantes ou que nous ne voulons pas faire, constate-elle. Il faut à tout prix essayer d’y échapper en profitant au maximum du temps dont nous disposons tout en manifestant respect et bienveillance envers autrui pour parvenir à embellir sa vie et également celle des autres”. Celle qui a toujours eu des facilités à trouver un logement est ainsi devenue une professionnelle de l’immobilier qui était toujours heureuse de s’adapter aux aléas de sa clientèle et de rendre visite aux commerçants pour s’enquérir de la potentielle vente de leur fonds de commerce. Elle se rappelle avoir quadrillé Paris en métro pour le faire et connait maintenant la capitale par le nom de chacune de ses rues. “A chaque fois que je m’arrête dans une rue de Paris, j’y ai des souvenirs d’immobilier”, témoigne-t-elle. J’adorais vraiment faire de la prospection. Encore aujourd’hui, je prospecte des entreprises pour permettre à mon fils de faire son apprentissage et je lui en ai d’ailleurs trouvé une ! Je suis devenue une personne résolument optimiste et, même quand j’ai les plus grands ennuis du monde, je fais le maximum pour m’en sortir. Mon métier de commerciale dans l’immobilier qui a complètement déteint sur moi m’a appris à positiver en permanence et je suis capable d’arriver au travail avec la banane chaque matin”. Vous avez dit “poète maudit” ?

“Poètes sont ceux-là, qui se sentent à plein nez,
Se mordent à pleine bouche, se jurent l’éternité,
Dialoguent en un langage qu’ils viennent d’inventer,
Et ne s’oublient jamais, quoiqu’il puisse arriver.
[…]” (extrait)

(*) Un recueil illustré des poèmes de Constance Malan intitulé Fauteuil, Arbre, Géode est aujourd’hui disponible. Pour vous le procurer, contacter Constance au 06.52.23.64.15 ou par mail à l’adresse comalan@gmail.com.

One thought on “Constance Malan : “J’écris bien quand je suis malheureuse ou amoureuse””

  1. Bravo l ecriture a de beaux jours devant elle .
    Ce portrait c est Constance. C est mon amie dans tes mots Yann que je retrouve … Constance “ma ” poétesse des amours dont les mots font vibrer mon coeur .
    Bravo Yann. Bravo Constance.

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