Hafid Aboulahyane, en crabe vers le 14ème arrondissement

Hafid Aboulahyane, un acteur-réalisateur qui a mangé du lion !, Place Denfert Rochereau (photo YB)

Le plus court chemin n’est pas toujours la ligne droite. Hafid Aboulahyane, le réalisateur et acteur principal du court métrage La marche des crabes, n’a aujourd’hui qu’une idée en tête : revenir habiter dans notre arrondissement de cinéma où il a déjà vécu entre 2010 et 2020. Nous l’avons rencontré à l’Osmoz Café, notre bar-restaurant et café-concert fétiche de la rue de l’Ouest pour faire le point sur son parcours et pour qu’il nous explique pourquoi il est resté si attaché au 14ème arrondissement.

Acteur, scénariste, réalisateur, producteur et… écrivain !

Après avoir grandi dans la cité des Ulis dans l’Essonne, Hafid Aboulahyane, également connu sous le nom de scène de Hafidgood, fait sa première incursion dans le monde du cinéma en 1995 en interprétant le rôle d’un élève de Gérard Depardieu dans le formidable film de Gérard Lauzier intitulé Le Plus Beau Métier du monde. Il tient par la suite quelques rôles mineurs dans le cinéma et la télévision (Navarro, Quai n° 1) où il occupe le plus souvent des emplois de “racaille”. Les propositions de rôles se faisant de plus en plus rares, il change son fusil d’épaule et devient scénariste. Son sujet (son rêve secret ?) : la candidature aux élections législatives d’un jeune de la cité ! Un très sympathique court métrage réalisé sur ce thème par Guy Bardin et intitulé Les temps changent sort en 2004 (cliquez ici). Hafid finit par créer sa propre société de production en 2005 qu’il baptisera Hafidgood Productions et dont l’objet est de “produire des courts métrages et des documentaires de jeunes talents issus de la banlieue”. Son premier film produit est un court métrage très abouti intitulé Le poids du silence (2005) réalisé par David Benmussa et dont il est le scénariste et acteur aux côtés de Jacques Weber (cliquez ici). Sortiront par la suite plusieurs autres courts métrages auxquels Hafid participera en tant qu’acteur, scénariste, réalisateur ou producteur, notamment La marche des crabes (2009) qui raconte l’histoire d’amour de Sammy, un jeune paraplégique qui rencontre la belle Sarah au cours d’un mariage. Le film fera partie des sélections officielles de plusieurs festivals cinématographiques français et internationaux. Après ce court métrage au titre prémonitoire, Hafid fait un nouveau pas de côté et se métamorphose en écrivain. A l’origine du roman intitulé 31 février qui va sortir chez Plon en 2014, il y a le scénario d’un long métrage sur lequel il travaille et qui raconte l’histoire de trois pieds nickelés désireux de s’enrichir dans l’immobilier au Maroc. Un producteur en vue s’y intéresse quelque temps et en rachète les droits avant de finalement annoncer à Hafid qu’il renonce au projet au motif qu’il ne bénéficie pas d’une notoriété cinématographique suffisante et qu’il n’est pas fait pour la comédie (!). “Ce projet qui m’a pris dix ans de ma vie m’a soudainement filé entre les doigts”, se rappelle-t-il un brin amer. Il faut croire que notre scénariste n’a pas encore tous ses quartiers de noblesse pour pouvoir prétendre réaliser un film important dans le milieu très endogamique du cinéma… Mais il en fallait bien plus pour le décourager puisqu’il prépare aujourd’hui un nouveau projet de comédie en court métrage s’intitulant Un monde meilleur qui raconte l’histoire d’un couple mixte attendant un premier enfant qui n’est pas très enthousiaste à l’idée de faire ses premiers pas dans la vie. Figurent à l’affiche quelques acteurs connus dont Hafid ne nous dévoilera toutefois pas les noms. “C’est un préachat France 2 dont je suis très fier qu’il soit produit par Franck Carle qui dirige La Terre Tourne et qui a des convictions écologistes très affirmées”, nous révèle Hafid. J’aimerais aussi à l’avenir, en plus de réaliser un premier long métrage, essayer de faire des choses dans le 14ème arrondissement de Paris. Je souhaiterais tout particulièrement monter une sorte de café associatif qui relierait les artistes et aussi les personnes âgées puisque c’est devenu l’une de mes préoccupations principales depuis un drame que j’ai vécu dans ma vie personnelle”.

Réinvestir le 14ème artistique et social

Si les contraintes de la vie professionnelle nous amènent à faire des pas de côté pour continuer à avancer sur notre chemin de connaissance, on peut aussi marcher en crabe dans sa vie personnelle – par exemple en changeant de domicile. Hafidgood a quitté le 14ème arrondissement en 2020 après y avoir vécu pendant dix ans. Pourtant, ce ne sont pas les mêmes “vibes” qu’il ressent à Ménilmontant où il a emménagé. “Je pensais que j’allais m’épanouir dans le 20ème car Ménilmontant est également un quartier sympathique et vivant, mais je me suis rendu compte que je ne suis plus dans le tempo de ce rythme là, nous confie le réalisateur. Sans doute parce que j’ai pris un peu d’âge et que cela m’a amené à faire quelques bilans personnels, je lui préfère le côté discret, tranquille et villageois du 14ème qui agit aujourd’hui sur moi comme un aimant. Je suis véritablement tombé amoureux de cet arrondissement qui a une très forte identité artistique et une véritable tradition de cinéma. J’ai plein de connexions ici : des réalisateurs mais également plein d’autres artistes, notamment des peintres qui m’ont ouvert les portes de leur atelier. Je suis en train de tout faire pour essayer de revenir car je kiffe énormément le Quartier Pernety, la rue de la Gaîté, la rue Daguerre, la rue Didot, etc. Je m’y sens complètement dans mon élément et je voudrais m’y investir pour m’y rendre utile à quelque chose”. Hafid se souvient avec nostalgie de son arrivée il y a 12 ans rue Bardinet dans l’arrondissement de Brassens et de tant d’autres immenses artistes. Il est aujourd’hui persuadé qu’il ne quittera plus cet arrondissement de Paris une fois qu’il y sera revenu et qu’il y finira ses vieux jours. “J’ai vraiment le feeling avec le 14ème que j’ai sillonné de long en large et j’ai envie d’y faire des tas de choses aussi bien au niveau artistique qu’au niveau social qui sont deux niveaux que j’ai envie de mêler étroitement – avec également un angle particulier sur les personnes âgées, poursuit avec enthousiasme Hafid. J’ai pour projet précis de créer une association qui dénonce et combat le harcèlement moral au travail au travers d’ateliers artistiques d’improvisation, de vidéo et de cinéma, en faisant intervenir des gens qui raconteraient leurs expériences personnelles”. Nous ne doutons pas que notre très sympathique Quatorzien de coeur saura se faire accepter et coopter dans l’arrondissement inclusif en diable de Mme la Maire Carine Petit !

Bernard Zitoune (*), alias Big Joe, la mémoire rock’n roll du 14ème

Avec Christophe à “Vivre FM”

Les papys du rock font toujours recette, preuve en est le concert des Rolling Stones prévu dans quelques jours à Paris. Bernard Zitoune, alias Big Joe, a croisé les plus grands jazzmen et rockers français et internationaux tout au long de sa carrière de DJ et d’animateur radio. Il a également tous les samedis pendant 15 ans fait swinguer les Quatorziens à l’occasion de bals organisés à la Mairie Annexe du 14ème arrondissement de Paris. Nous l’avons écouté évoquer ses souvenirs à son domicile de la rue Didot et pu constater qu’il reste un homme toujours très désireux de refaire chauffer ses platines.

Les rencontres déterminantes d’une vie très rock’n roll

La vie de Bernard Zitoune qui va aujourd’hui sur ses 80 ans ressemble à un roman d’aventures. Ce Kabyle natif de Tizi Ouzou en Algérie débarque en France en 1958 et y bénéficie du statut de pupille de la Nation au titre des actes de bravoure de son père très engagé dans la Résistance. Il ne goûte guère les méthodes d’enseignement des jésuites qui dirigent le centre de redressement où il a été placé et s’en échappe dès l’âge de 14 ans. C’est l’occasion pour lui de croiser Jacques Prévert et un ami de Boris Vian du nom de François Postif qui le prend sous son aile et va déterminer la suite de sa vie. Traducteur de Mark Twain, de Jack London et d’Agatha Christie, cet intellectuel de haut vol a également pour titre de gloire d’avoir réussi à faire se produire à L’Olympia Bill Haley et Brenda Lee. C’est par son intermédiaire que son protégé parviendra des années plus tard à interviewer Chuck Berry, Fats Domino et Jerry Lee Lewis. Bien avant cela, Bernard fut un  adolescent plutôt rebelle puisqu’il fit partie du groupe Les démons du 13ème, une bande de blousons noirs du 13ème arrondissement de Paris qui eut souvent maille à partir avec la “bande de la Trinité” composée de Jacques Dutronc, qu’on appelait “Charlot” à cause de ses lunettes à double-foyer, Claude Moine, futur Eddy Mitchel, et, last but not least, Jean-Philippe Smet, futur Johnny Halliday. Formé à la musique par un vieux DJ qui lui apprend à coups de tapes sur les doigts à caler les disques vinyles, Bernard devient lui-même DJ et se produit au Rex, au Memphis et à l’Entrepôt. Une impresario travaillant pour CNN le repère et lui donne l’occasion de travailler à Atlanta aux Etats Unis. Bernard aura également l’occasion de faire chauffer ses platines en Italie et en Angleterre. C’est en 1970 qu’il s’installe définitivement dans le 14ème arrondissement de Paris. Il y fonde avec son ami Jean-Marc Marceau, alias Jumpy, l’association Rock and Roll Revue qui publiera un magazine tiré à 1200 exemplaires diffusé dans le monde entier entre 1997 et 2017. Pierre Castagnou, Maire du 14ème, lui confie par ailleurs l’animation des bals qui se tiennent tous les samedis à la Mairie Annexe. Il y officie pendant 15 longues années en parallèle de ses activités d’animateur radio sur Vivre FM, TSF et Radio Beur et de plusieurs passages télé dont une émission sur M6 qui vient couronner son activisme rock’n roll. En témoignage de sa passion jamais démentie pour la musique jazz et rock, Big Joe a conservé dans une des pièces de son appartement toute une collection de disques et de vidéos qui constituent autant de formidables souvenirs de sa vie passée. Dans un coin somnole sagement une table de mixage qu’il aimerait beaucoup pouvoir à nouveau réveiller. La Mairie Annexe ou Le Moulin à Café n’étant plus aujourd’hui que de lointains souvenirs, nous promettons à Bernard de le mettre en relation avec des bar-concerts du 14ème de notre connaissance. Pour nous remercier, le vieux rocker nous met entre les mains un exemplaire de la Rock and Roll Revue et un CD de Country & Rockabilly Classics. Bien mieux qu’un billet pour le concert des Stones !

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook de Bernard “Big Joe” Zitoune. Vous pouvez par ce biais lui adresser une demande pour devenir membre du groupe Facebook Cinéma et Musiques des Années 40 aux Années 60 qu’il alimente.

La Mairie Annexe du XIVème en pleine effervescence rock’n roll
Avec feu Pierre Castagnou, Maire du 14ème arrondissement

(*) Bernard Zitoune alias “Big Joe” s’est malheureusement éteint le 8 août 2022. Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille.

Bruno Sauteron, un médecin rattrapé par son rêve humanitaire

“On n’échappe à rien pas même à ses fuites”, chante Jean-Jacques Goldman dans On ira. Bruno Sauteron y est allé, lui : sept mois en mission au Burundi pour Médecins Sans Frontières il y a tout juste vingt ans. Le médecin généraliste qui a son cabinet aux limites des 14ème et 15ème arrondissements de Paris revient sur cette expérience fondatrice de son engagement professionnel dans un livre publié aux Editions L’Harmattan. Nous avons lu Une saison à Makamba et pu interviewer son auteur.

Le parfum et les couleurs de l’aventure

En 2002, Bruno Sauteron, qui n’est pas encore “Docteur Sauteron” mais un jeune infirmier de vingt cinq ans qui a déjà passé deux ans dans les blocs opératoires parisiens, a des rêves d’aventure et d’engagement au service des plus démunis plein la tête. Après avoir poussé en vain les portes d’Action Contre la Faim et de Médecins du Monde, il est finalement recruté par Médecins Sans Frontières qui recherche un infirmier de bloc opératoire dans le cadre d’une mission chirurgicale au Burundi. Le petit pays d’Afrique de l’Est qui partage sa frontière du nord avec le Rwanda où a eu lieu huit ans auparavant le terrible génocide des Tutsi par les Hutu est alors en pleine guerre civile. Une saison à Makamba raconte par le menu l’expérience vécue par Bruno, du départ de Roissy au retour au pays sept mois plus tard. On y croise le Dr Jean-Hervé Bradol, le président de la section française de MSF, avec lequel Bruno aura le privilège d’effectuer une partie de son voyage aller, mais aussi et surtout ses collègues de mission à l’hôpital de Makamba et bien sûr les patients locaux qu’il sera amenés à soigner. On y mesure le décalage existant entre la médecine occidentale et la médecine humanitaire dans un pays en guerre où la perception de la maladie et de la vie en général n’est pas du tout la même. Les anecdotes se succèdent tout au long du récit constitué de 46 courts chapitres très dépaysants. Il a fallu à Bruno ne pas se laisser intimider lorsque qu’il constate à son arrivée à la maison MSF qui l’héberge qu’un mur a été criblé de balles… Quand aux maladies soignées, elles sont bien sûr très différentes en Europe et en Afrique où prévalent les maladies infectieuses au premier rang desquelles le paludisme, le VIH, la tuberculose et également la malnutrition qui est le premier problème rencontré par les enfants. Il lui est même arrivé de soigner, avec grand succès !, un homme mordu par un crocodile et, avec malheureusement moins de succès, un homme tombé d’un avocatier. Le rapport aux soins paraitrait également bien “exotique” à un Français bénéficiant de la Sécurité Sociale dans un pays où les patients peuvent aller jusqu’à vendre leur maison voire s’endetter à l’échelle d’une vie, ou pire transmettre leur dette à leurs enfants, pour arriver à les payer. Même si MSF a pour principe de soigner tout le monde gratuitement en fournissant à titre gracieux médicaments et personnels, la réalité du Burundi est bien différente, dont les hôpitaux peuvent garder prisonniers les patients non solvables tant que leur dette n’a pas été acquittée par leur entourage…

“To be or not toubib”

Bruno Sauteron parvient à nous émouvoir au récit des souffrances de Jeanne, la jeune femme de vingt ans qui va mourir du SIDA, et à nous faire rire de bon coeur à l’évocation des “pitoyables efforts” déployés par l’équipe médicale pour reproduire les chorégraphies locales que maîtrisent déjà très bien les enfants de l’orphelinat, lors de goûters géants organisés à la maison MSF. On comprend qu’il ait pu laisser une partie de lui-même à Makamba, quels que soient les risques qu’il ait pu prendre à l’occasion de cette mission. Dans “To be or not toubib”, l’avant-dernier chapitre de son livre, Bruno revit les tiraillements qui ont été les siens au terme de sa mission humanitaire au Burundi : “Je savais que je ne serais jamais à même de consulter par moi-même si je suivais la voie humanitaire. Et surtout toute cette belle expérience n’aurait de valeur que dans le monde de la médecine humanitaire. Dès lors que je rentrerai à Paris, telle Cendrillon perdant ses beaux habits, je retrouverai la condition d’un infirmier lambda, sans aucune considération pour les postes à responsabilité occupés et toute l’expérience acquise. Il aurait fallu faire le pari que MSF me plairait encore trente ans après, choisir définitivement une carrière centrée sur l’étranger dans des conditions difficiles. Devenir dans la durée “un homme aux semelles de vents””. Encouragé par ses parents, Bruno choisira finalement de se réinscrire en médecine pour devenir médecin généraliste. Pourtant, vingt ans plus tard, qui est vraiment l’homme sérieux et respectable assis derrière le bureau de son cabinet du quatorzième arrondissement ? Quel aventurier se cache derrière le professionnel qui vous rappelle (gentiment) que vous êtes priés de porter votre masque pendant la consultation ? On le devine un peu nostalgique de ses aventures passées même s’il admet avoir grand peine à envisager repartir aujourd’hui en Haïti ou en Ukraine. “On ne peut pas avoir toutes les vies !”, nous lâche-t-il en guise de conclusion. “On n’échappe à rien pas même à ses fuites”. La preuve : un livre !

Une saison à Makamba, récit d’une mission au Burundi avec Médecins Sans Frontières, aux Editions L’Harmattan dans la collection Ecrire l’Afrique, 149 pages, 16 euros (cliquez ici pour commander le livre).

Yves André dit Gallas, le Trouvetou du quotidien

Comment trouver une bonne idée d’article ? Fort heureusement, nous bénéficions aujourd’hui de l’aide de quelques anges gardiens, parrains ou marraines du Quartier, pour nous guider vers les plus sympathiques et atypiques personnages qui le peuplent. Ainsi avons-nous été mis sur la piste d’Yves André dit Gallas, un créateur d’objets de la vie quotidienne qui a déjà eu les honneurs de nombreux médias télé à raison des inventions auxquelles il a su donner corps. Rencontre au bar-restaurant Le Laurier.

La première lumineuse idée de la Tour Eiffel

Adolescent, Yves était fasciné par les jeux de lumière. C’est cette passion qui a mené ce Versaillais tout juste diplômé en électro-technique à pousser un jour la porte du Casino de Paris pour proposer ses services comme éclairagiste de music hall. Pendant trois ans, il va apporter sa note personnelle aux revues menées par Line Renaud en caressant les corps des danseuses nues de ses effets de lumière. Dissuadé de persévérer dans cette voie par son entourage familial, il fera finalement carrière comme spécialiste de l’environnement informatique chez Bull, puis Digital Equipment Corporation devenu par la suite HP. En 2000, Yves saisit l’offre de départ qui lui est faite pour devenir un court instant importateur de produits québécois. Une nuit de 2001, alors qu’il contemple la Tour Eiffel qui scintille, surgit soudainement l’idée du créateur : un pins lumineux représentant la Dame de fer. Yves va le faire fabriquer en grande quantité en Chine grâce à une chinoise rencontrée par l’intermédiaire d’amis hong-kongais. “J’ai vraiment cru à mon produit, se rappelle-t-il. C’était un beau produit, un pins en forme de Tour Eiffel qui scintille grâce à un système de Micro-LED, que je proposais à un prix acceptable et que j’ai présenté dans un premier temps sans succès aux boutiques de la Tour Eiffel – les Relais H du Groupe Lagardère –  jusqu’à ce qu’une dame chargée de la gestion de ces boutiques y croit elle aussi et décide de lui donner une chance”. Belle intuition car le succès est au rendez-vous auprès des touristes aussi bien dans les boutiques de la Tour Eiffel que dans les magasins de souvenirs parisiens qu’Yves prend soin de soigneusement sélectionner en décidant de n’en alimenter qu’un seul par zone touristique. La gérante de la boutique de la rue Mouffetard lui présente l’adjointe chargée du tourisme du Maire de Paris Bertrand Delanoë, qui tombe littéralement amoureuse du produit et lui fait faire le tour du monde à l’occasion de la préparation de la candidature de la Ville de Paris aux Jeux Olympiques de 2012. De quoi alimenter la production de pins pendant trois ou quatre ans jusqu’à ce qu’Yves se fasse “voler son idée” par des concurrents chinois qui décident de la répliquer en produisant un modèle bas de gamme et bon marché qui sera largement diffusé dans les boutiques de souvenirs parisiennes, y compris dans celles auxquelles l’inventeur avait donné l’exclusivité de la distribution de sa création. Se sentant trahi, Yves prend alors la décision d’arrêter la production de pins et ne reviendra pas sur celle-ci lorsque, comme prévisible, les ventes du produit chinois s’effondreront quelques mois après son lancement.

ClipHop et TopCan

Toucher le fond du trou financier au moment de la crise de 2007-2008 ne décourage nullement notre inventeur qui va repartir de l’avant avec des idées de nouvelles inventions. D’où lui viennent-elles ? “Ce sont juste des situations et des circonstances qui font que, nous révèle Yves. J’ai inventé Top Can, mon bouchon pour canette, parce qu’un jour j’ai renversé ma canette par terre. Quand à ClipHop, mon système de fermeture pour sachets, je l’ai inventé pour résoudre une problématique du quotidien : trouver autre chose qu’une épingle à linge ou bien des élastiques pour refermer les sachets d’aliments. Ce sont en fait des problématiques toutes simples que je veux régler par moi-même. Après, je fonctionne aussi par association d’idées. Pour le système à crémaillère de ClipHop, j’ai trouvé mon inspiration dans une paire de menottes que m’a offert un ami policier pour mon anniversaire. J’ai trouvé ça rigolo !” Les inventions d’Yves répondent le plus souvent à un besoin de la vie courante, et c’est ce qui le rend si sympathique à ses clients-acheteurs qu’il rencontre sur les foires dont celle de Paris qui abrite le concours Lépine dont il a remporté la médaille d’or en 2015 dans la catégorie des produits du quotidien. C’est un véritable spectacle de voir l’inventeur et fils de maraîchers se démener dans son stand de quatre mètres carrés tout à la fois à l’assaut et à l’écoute de ses clients qui ne manquent pas de lui faire des retours sur ses produits dont il va se servir pour les faire évoluer en permanence. “J’ai toujours adoré le contact avec les gens, que je retrouve quand je fais mes foires, nous explique Yves. Et je crois que les gens ressentent le plaisir que j’éprouve à faire mes trois cent démonstrations par jour car je ne lâche absolument rien. Ils me félicitent pour mes produits et sont tous très contents du spectacle que je leur offre car je les y fais participer. Quand on fait participer les gens, le chemin de la vente est déjà à moitié fait. D’autant que je suis personnellement incapable de vendre un produit que les gens ne vont pas utiliser : je tiens absolument à ce qu’ils sachent l’utiliser et à ce qu’ils l’utilisent”. A la fois créateur et showman, Yves exprime son identité étouffée d’artiste à travers ses inventions et leur diffusion dans le public. “Les inventeurs ont un pied dans le système et un pied hors du système, considère-t-il. Nous sommes tous un peu rêveurs, nous sommes tous un peu des marginaux quand même”. Il convient néanmoins de garder les pieds sur terre car le chemin est long de l’idée à l’objet même si les produits peuvent paraitre simples au final : il va falloir les dessiner, puis trouver l’usine qui les fabriquera. D’ailleurs, toutes les idées n’aboutissent pas. Seulement une sur dix, estime Yves qui reconnait être parfois aveuglé par son enthousiasme quand surgit l’une d’entre elles. Fort heureusement, ses amis sont là pour le faire atterrir car on aurait tort de se croire à tous les coups génial quand d’autres ont découvert des vaccins ou des solutions pour préserver l’environnement. “Mon objectif reste de me rendre utile et de rendre service aux gens”, nous glisse Yves que les difficultés de distribution de ses produits ont rendu modeste. La pierre philosophale comme ultime (ré-)invention ?

Cliquez ici pour accéder au site internet d’Yves André dit Gallas.

Lucas Gurgui : “Le vin, ça bouge énormément”

Lucas, Karoll et Robin, associés de “Volatiles”

Une nouvelle cave à vin indépendante dont le nom n’a pas manqué d’intriguer les habitants et passants du Quartier Pernety s’est installée courant novembre 2021 au 182 de la rue du Château (*). Mais qui sont donc ces drôles d’oiseaux de Volatiles ? Nous avons rencontré Lucas Gurgui, le gérant de cette nouvelle enseigne qui contribue à embellir et donner de la vie à l’une des artères principales de notre barrio, et nous n’avons pas été déçus du voyage. Accourrez chez Volatiles, il n’y a que quelques centaines de mètres à peine à vol d’oiseau !

Le fruit d’une histoire familiale née autour de la passion du vin

Lucas Gurgui n’est pas exactement le tout venant du caviste. Qui se plaindrait de voir notre Quartier poussé vers le haut ? A quelques pas de L’Assiette, le restaurant où le Président Mitterrand avait ses habitudes, il a, avec son frère Robin et sa cousine Karoll, créé un nouvel endroit où peuvent se retrouver les amateurs de vins de qualité. Sa cave est en fait un projet annexe à un projet familial plus global visant à développer une nouvelle offre hôtelière rue Mallar dans le 7ème arrondissement de Paris. A l’âge de 30 ans, Lucas qui a déjà fait le tour du métier de chef-comptable dans le secteur automobile veut “retourner sur le terrain” au contact de la clientèle. Puisqu’il partage depuis toujours avec son frère Robin la passion du vin, il suit les formations intensives et diplômantes délivrées par l’Académie des Vins et Spiritueux et décroche les trois niveaux de qualification WSET (Wine and Spirit Education Trust). Robin est déjà pour sa part un directeur de salle et un sommelier reconnu du restaurant Le Mermoz dans le 8ème arrondissement de Paris. Tous deux vont saisir l’opportunité qui s’offre à eux d’ouvrir une cave à vin indépendante rue du Château dans le 14ème arrondissement de Paris. Elle sera baptisée Volatiles à la fois pour faire écho au projet familial de boutique-hôtel développé autour du concept des oiseaux et comme un clin d’oeil ironique (et un peu risqué…) à la notion d’acidité volatile des vins. Les deux frères ont le sens de l’humour, ils savent de quoi ils parlent, et ils vont maintenant s’attacher à mettre en valeur les artisans vignerons passionnés et sincères qu’ils connaissent et avec lesquels ils partagent l’amour du très bon vin et du travail bien fait.

Chercheurs de pépites et de perles rares

C’est en effet leur relation particulière avec les vignerons qui détermine le choix des vins qu’ils proposent dans leur toute nouvelle cave. “Robin et moi nous déplaçons assez régulièrement dans les vignobles français pour créer des contacts et regarder comment les artisans travaillent avant de revenir sur Paris notre voiture pleine de bouteilles, nous dit Lucas.  Ce n’est bien sûr pas comme cela que fonctionnent les cavistes franchisés qui n’ont généralement ni le choix de leur sélection ni le privilège de pouvoir se déplacer pour rencontrer les vignerons. Plus que comme de simples vendeurs, nous nous comportons comme de véritables chercheurs de pépites, et c’est bien sûr là notre plus grande valeur ajoutée.” Leurs critères de sélection sont d’ailleurs autant humains que techniques car nos amis cavistes sont convaincus que le vin est à l’image du vigneron : “Quand le courant passe bien avec le vigneron, son vin ne peut que être bon, nous assure Lucas. Nous valorisons la culture biologique, voire naturelle, sans sulfites ajoutés, et sélectionnons exclusivement des vins propres, sans déviance”. La réputation des artisans vignerons se fait par le bouche à oreille sur place et également sur internet. “Nous avons la grande chance de connaître pas mal de monde dans le métier, reconnait Lucas. Du coup, nous sommes souvent guidés par des vignerons plus anciens qui nous recommandent les nouveaux venus qui s’installent. La décision finale se fait bien sûr sur la base de notre propre appréciation de leurs méthodes de travail et de la qualité des vins qu’ils produisent.”

Un métier en perpétuel mouvement

Lucas apprécie entre tout d’aller à la découverte de nouveaux artisans vignerons et de nouveaux vins pour ensuite venir les proposer à sa clientèle dans sa pimpante nouvelle boutique du 182 rue du Château. “Le vin, ça bouge énormément, nous apprend-il. On est de moins en moins sur les appellations traditionnelles de grands châteaux et il y a beaucoup de nouveaux vignerons qui font évoluer les choses en cassant un peu les codes et en sortant des appellations pour ne pas être contraints par un cahier des charges ou par un comité de dégustation. Alors même qu’ils rentrent par leurs vignes dans les ares d’appellation, certains décident de travailler autrement et mieux que ceux qui restent dans les appellations. Et ça marche très bien !”. Révolution de château(x) pour palais avertis ? Lucas se garde bien d’insulter la tradition : “J’ai bien sûr grandi avec le conventionnel et heureusement que les appellations demeurent pour continuer à servir de références en tant que marqueurs de goût. Mais ce qui peut être amusant quand on commence à boire de façon régulière, c’est de vouloir essayer autre chose et de sortir de Cairanne, de Croze Hermitage ou de Castillon Côtes de Bordeaux, pour aller sur d’autres vins de France, du Bugey ou du Jura ou sur d’autres choses encore qui commencent à bien bouger”. Pour convaincre les curieux, Lucas organise à la cave tous les quinze jours des dégustations qui pourront éventuellement avoir lieu en présence du vigneron producteur. Vous y serez très bien accueillis et très bien guidés pour vous aider à choisir parmi toute une gamme de vins dont les prix varient entre huit euros la bouteille jusqu’à deux cent euros pour les crus plus exceptionnels – avec toujours la certitude de pouvoir bénéficier de conseils avisés pour éviter de vous faire plumer comme des volatiles !

(*) Volatiles a aujourd’hui déménagé au 172 avenue du Maine.

Cliquer ici pour accéder au site internet de Volatiles.

Alain Vlad, un professeur à l’école de la rue

Alain Vlad et Béatrice Giudicelli à la terrasse de « L’Imprévu »

Dans un célèbre livre autobiographique paru en 1933 et intitulé Dans la dèche à Paris et à Londres, George Orwell décrit de façon poignante ce qu’est la pauvreté : exploitation au travail, alcool, maladies précoces et faim presque permanente. Alain Vlad a également connu la dèche à Paris et, ces deux dernières années, à Paris XIVème. Il s’en sort aujourd’hui grâce à la générosité de Quatorziens qui l’ont pris sous leur aile. Rencontre place Flora Tristan à la terrasse du café L’Imprévu.

Besoin d’ailleurs et d’autre chose

La dèche ne fait pas toujours perdre le respect de soi-même et des autres. A notre approche, Alain se lève de la table de L’Imprévu qu’il partage avec Béatrice Giudicelli. Ce migrant d’origine roumaine n’a en réalité jamais cessé de faire des efforts pour se faire bien accepter de son pays d’accueil. D’ailleurs, son vrai prénom est Alin et non Alain. S’il l’a francisé, c’est moins pour complaire à Eric Zemmour que par souci de simplicité, pour éviter les confusions. Alain nous raconte comment il a quitté son poste de professeur de physique-chimie qu’il occupait dans sa Roumanie natale, dix ans après la chute du tyran communiste Ceaușescu et presque dix ans avant l’adhésion de son pays d’origine à l’Union Européenne. C’est l’Angleterre d’avant le Brexit qu’il avait à l’époque en vue pour y réaliser ses rêves d’ailleurs et d’autre chose loin de la bureaucratie et de la corruption qui sévissaient alors en République roumaine. Mais la perspective de mourir asphyxié au dessus des roues d’un camion en partance pour « l’Eldorado » britannique l’a sagement fait reculer. Il se réfugie finalement en France où il travaille dans le bâtiment à la conduite de chantiers ou bien pour assister les architectes dans la finalisation de leurs plans. Les conditions très précaires dans lesquelles il travaille ne lui permettent pourtant pas de mener grand train. En proie à des difficultés financières, il se brouille avec la parentèle qui l’héberge à Paris et choisit la rue pour décor de la suite de ses aventures. C’est la plongée plus ou moins volontaire dans la dèche qu’Alain va d’abord expérimenter pendant plusieurs années rue des Barres entre l’Hôtel de Ville, l’église Saint-Gervais et la Mairie du IVème.« Là-bas, tout le monde me connaissait même le Maire Ariel Weil avec lequel j’ai sympathisé, se remémore Alain. Je faisais du soutien scolaire pour les collégiens dont je surveillais les devoirs. J’ai même inspiré une exposition de dessins et d’aquarelles réalisés par une peintre et qui m’ont eux-mêmes inspiré des haikus. Nous exposions nos oeuvres devant les arbres du jardin à côté. »

La dèche à Paris XIVème : Alain devant le « Café Chineur » rue Raymond-Losserand en mai 2021 (crédit photo Alain Gorich/Figures du XIVème arr.)

Un contemplatif amoureux des livres

C’est dans le XIVème arrondissement de Paris qu’Alain trouve finalement ses repères. Il y est tout aussi populaire et y détonne tout autant que dans le centre de Paris. En plus d’être une épicerie-bazar ouverte de jour comme de nuit (car notre ami roumain pratique assidûment le partage et la redistribution avec ses compagnons d’infortune), Alain est également une véritable bibliothèque ambulante. Il traine en effet avec lui en permanence et depuis des années tout un carton de livres.« C’est grâce aux livres que j’ai pu apprendre le français en deux ans, se souvient-il. Grâce aussi, c’est vrai, à la télé et aux films sous-titrés de la chaîne Arte ». Plutôt que de mendier, Alain lit toute la journée. Il lit absolument tous les livres exceptés les livres politiques. Occuper son esprit est pour lui une question de dignité au même titre que rester propre ou prendre soin de son habillement. « Les habitants du quartier sont souvent interloqués car lorsque je lis, je passe régulièrement « en mode réflexion » et je regarde droit devant moi dans le vide. Visiblement, ça les interpelle et il me laisse parfois de l’argent », témoigne celui qui ne concourt pourtant pas dans la catégorie des maîtres zen. Ce comportement atypique – et, il faut bien le dire, reposant pour les passants – n’a pas manqué de le rendre sympathique aux Quatorziens. Le bienveillant bouche à oreille dont il bénéficie a eu tôt fait de susciter la curiosité de Béatrice Giudicelli qui a décidé en mai 2021 de lui consacrer un nouvel opus de Figures du XIVème, la série d’entretiens filmés et dessinés de figures inspirantes de l’arrondissement qu’elle réalise depuis plusieurs années avec ses complices France Dumas et Alain Goric’h. Le reportage intitulé Tourner la page va susciter un mouvement de solidarité locale qui a aujourd’hui pour heureux résultat de lui faire enfin bénéficier d’un toit rue de Gergovie à quelques dizaines de mètres seulement de son repaire de la rue d’Alésia. Petit à petit, l’oiseau fait son nid et prépare même aujourd’hui son envol professionnel car, fort de son important background scientifique de physicien, Alain espère vivement retrouver du travail dans le secteur de l’énergie. Le projet qu’il a en tête reste toutefois à ce jour top secret !

Patrice Pater, le lunetier qui voit double dans le 14ème !

Un double foyer dans le 14ème arrondissement, quoi de plus normal pour un opticien ? C’est rue Crocé-Spinelli à quelques pas du coeur du Village Pernety que le créateur lunetier Patrice Pater a décidé il y a deux mois d’installer son Atelier qui fait désormais pendant à sa boutique du 128 boulevard Brune. B. Brune Optique s’agrandit donc d’un nouvel espace pour développer son activité en restant fidèle à la ligne originale suivie par l’entrepreneur guadeloupéen : fabriquer et vendre des lunettes françaises. Entrevue autour d’un verre de ti-punch !

Le choix de la création française

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Patrice Pater est dans l’avion qui le mène vers son île natale. C’est vraiment une personne très attachante que nous avons rencontrée – à la fois créative et passionnée par son métier. Après des études d’optique à Paris, Patrice commence par travailler dans des grandes chaînes de magasins comme le tout-venant des opticiens. Il y vend des lunettes fabriquées en Asie pour le compte de grandes marques telles que Dior, Chanel, etc., mais commence déjà à s’intéresser à l’artisanat de la lunette par amour de l’objet et des matériaux qui le composent. « C’est une partie du métier qu’on ne met pas beaucoup en avant puisqu’on a surtout vendu ces cinquante dernières années des produits en provenance de l’industrie asiatique, souligne Patrice. On connait donc très mal les produits fabriqués à la main des petits producteurs français que je m’efforce de promouvoir. Et on a en fait complètement oublié que la lunetterie est d’abord un savoir-faire de chez nous ». Patrice se spécialise peu à peu dans la vente des lunettes haut de gamme de créateurs français (Henry Jullien, Roussilhe, etc.) dont il apprécie le travail et qu’il suit depuis le début de sa carrière même s’ils ne sont pas forcément les plus commercialement rentables. Jusqu’à ce que sa passion pour l’objet artisanal l’amène il y a quelques mois à suivre une formation à Morez, le berceau jurassien de l’industrie française de la lunetterie, pour y suivre les cours de Jacques Depussay et Alain Clerc, meilleurs ouvriers de France et dirigeants de l’unique école française de lunetiers. Entretemps, Patrice a ouvert sa boutique boulevard Brune dans le 14ème arrondissement de Paris où il vend exclusivement des lunettes conçues dans des ateliers artisanaux français et fabriquées par une main d’oeuvre locale. Pour illustrer son souci d’utiliser les circuits courts de production, Patrice me fait admirer les lunettes de soleil de la marque Friendly Frenchy réalisées à Auray en Bretagne à partir de coquillages recyclés et de matières innovantes 100% biosourcées. Cet allant pour la défense de l’industrie nationale et sa préoccupation environnementale a attiré à lui une fidèle clientèle également sensible à ces causes très au goût de l’époque. Le bouche-à-oreille marche bien sûr à plein pour venir l’étoffer.

Création de lunettes sur mesure

Mais Patrice Pater ne se contente pas de vendre des lunettes. Depuis son passage à Morez, il en fabrique désormais également sur mesure dans son Atelier de la rue Crocé-Spinelli à la demande de sa clientèle : « Je prends les mesures, on choisit les formes et les coloris que l’on souhaite, je fais plusieurs croquis, je réalise un premier prototype pour savoir s’il est adapté à la morphologie en présence, puis un deuxième lors d’un rendez-vous suivant, et c’est en général la troisième paire de lunettes qui est la bonne. » Patrice travaille sa matière première, l’acétate de cellulose, sur la toupie de lunetier qu’il a acquise pour réaliser sur place des lunettes adaptées à un visage trop petit ou trop large ou bien à un nez particulier. Son goût personnel va aux lunettes translucides et colorées dont les montures sont imposantes telles celles qu’il porte lui-même sur le nez, mais il réalise bien sûr à l’occasion des montures plus fines ou bien en passe commande à des producteurs qui lui livre des lunettes de semi-mesure adaptables à différentes types de morphologie. « Quand je fais mes lunettes, je prends vraiment du plaisir, nous assure Patrice. Ce ne sont pas pour moi les lunettes les plus rentables car j’y passe beaucoup de temps, mais je me fais très plaisir en les réalisant car cela me permet d’assouvir un profond besoin personnel de créativité ». Notre entrepreneur se sent du reste très à l’aise dans son atelier qu’il nous fait visiter et dont il nous fait découvrir en détails tous les outils (presse, toupie, etc.). Son souci actuel est de le faire mieux connaître dans le Quartier Pernety. Il envisage pour cela d’organiser pendant la troisième semaine du mois de juin un petit événement festif devant la boutique de la rue Crocé-Spinelli pour sensibiliser plus encore les habitants du village du 14ème arrondissement à son concept de consommation raisonnée. Ce sera en tout cas pour tous l’occasion de découvrir sa très large gamme de lunettes de soleil de style avant de partir en vacances frimer sur la plage. Comme dit le proverbe guadeloupéen, « porter des lunettes ne veut pas dire savoir lire »…

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Dominique Mazuet, le libraire activiste du Village Pernety

Nous ne pouvions prétendre tenir un blog sur le Village Pernety sans consacrer un article à l’un de ses personnages centraux, Dominique Mazuet, le patron de La Librairie des Tropiques à laquelle tous les habitants du Quartier l’identifient. La personnalité de Dominique est pourtant si débordante qu’elle ne saurait se résumer à son activité principale de libraire indépendant. A force de s’intéresser à tout, ce boulimique de la vie connait à peu près tout sur tout et à peu près tout le monde dans le barrio. Il a bien voulu nous recevoir au 63 de la rue Raymond-Losserand pour nous donner un bref aperçu de ses multiples activités et talents.

Animateur d’un lieu d’échanges et de débats

La librairie des Tropiques, ce sont en fait deux échoppes qui se font face dans la rue Raymond-Losserand à quelques pas de la station de métro Pernety. Le plus grand espace sur le patio duquel Dominique nous reçoit est consacré aux ouvrages généralistes tandis que son vis-à-vis est spécialisé en littérature pour la jeunesse. S’il se dégage du tout une incontestable chaleur, c’est bien grâce à la personnalité du maitre des lieux qui a réussi a imprimer sa marque dans le Village Pernety. Dominique Mazuet a l’épaisseur humaine de celui qui a déjà mené plusieurs vies et exercé plusieurs métiers dans le cinéma, l’informatique et les médias. Les livres se trouvent au point d’intersection de ses multiples centres d’intérêt et il admet volontiers que sa fonction de libraire est la fonction la plus gratifiante pour l’esprit et pour le coeur qu’il a exercé jusqu’à présent. Vendre des livres ne lui suffit pas pour autant. Car Dominique aime aller vers les gens et cultive un certain goût pour la caricature et la provocation qu’il exprime notamment en réalisant des affiches et des cartes postales qui occupent une place d’honneur à l’entrée de sa boutique. La tiédeur n’étant pas son fort, les politiques en prennent pour leur grade dans un décor qui ne manque pas d’évoquer les plus hautes heures de l’histoire de France, de la lutte pour les droits sociaux ou de la révolution culturelle chinoise. Dominique n’apprécie à vrai dire rien tant que la confrontation avec les autres et les débat d’idées. Il organise depuis des années dans sa librairie des signatures et des rencontres-débats (filmées ou non) autour de journalistes, d’écrivains ou bien d’hommes politiques. La philosophie marxiste et la dialectique hégélienne n’ont plus aucun secret pour notre libraire qui est même à l’origine de la création d’une pédagogie en ligne sur le sujet (cliquer ici). Il est d’ailleurs l’auteur de trois ouvrages publiés aux éditions Delga qui promeuvent la recherche marxiste : Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers (2012) puis Critique de la raison numérique (2013) qui sont deux livres qui s’inscrivent dans ses activités de défense du métier de libraire indépendant, et tout récemment Les Veaux et les Choses (2020) qui traite de l’écologisme comme stade ultime du capitalisme occultant les rapports de classe. Autant dire que Dominique est un intello de haute volée féru d’histoire et de philosophie tout autant que d’art et de littérature et qui n’est jamais avare de conseils pour guider sa clientèle et l’aider à se retrouver dans le maquis des très nombreux ouvrages que la librairie lui propose. On ne sera pas étonné dans ces conditions qu’il ait su attirer au 63 de la rue Raymond Losserand d’illustres lecteurs du 14ème arrondissement et d’ailleurs, de la ministre en vue aux plus importants philosophes et intellectuels parfois ignorés des médias mainstream.

Reporter très redouté de la vie du 14ème

La curiosité toujours en éveil de Dominique Mazuet s’applique aussi bien à la vie intellectuelle qu’à la vie du Quartier Pernety dans laquelle il reste très impliqué quand bien même sa réputation de grande gueule a depuis longtemps dépassé les limites du 14ème arrondissement. En plus de tenir le blog des Tropiques, « la librairie réfractaire du Village Pernety » (cliquer ici), Dominique est le fondateur de Télé14, un concept qui réunit les vidéos qu’il tourne lui-même dans le Quartier et alentours pour informer et parfois alerter les Quatorziens sur les évènements qui se déroulent et les initiatives qui se prennent dans l’arrondissement. Le dossier dont Télé14 a longtemps fait ses choux gras est celui très controversé de l’encapuchonnement des feux de circulation de la rue Raymond-Losserand décidé par la Mairie de Paris et la Mairie du 14ème. Dominique a consacré plusieurs vidéos à ce sujet qui a le don de le faire sortir de ses gonds. Mais son activisme tous azimuts a également eu l’occasion de se déployer sur de nombreux autres thèmes qui intéressent les habitants du « village des shadoks » qu’est devenu selon lui le 14ème arrondissement sous la houlette de Mme la Maire Carine Petit. Dominique n’hésite pas dans ses vidéos ou dans ses interventions au conseil d’arrondissement à aller au contact des élus de la municipalité et notre redoutable et redouté reporter a déjà été repéré comme le trublion par qui le scandale peut à tout moment survenir. La vie municipale n’en est bien sûr que d’autant plus riche et animée. Il n’y aura en effet jamais trop d’un Dominique Mazuet à Pernety Village pour nous permettre d’échapper au train train quotidien et à l’ennui profond de nos existences aujourd’hui confinées. Notre libraire s’est d’ailleurs une nouvelle fois positivement illustré en proposant dès le 17 mars 2020 et parmi les premiers un service de vente de livres sur commande qui lui a permis de maintenir son activité pendant la période du confinement particulièrement funeste pour les commerçants. Il a été grandement aidé en cela par sa nouvelle équipe de six jeunes libraires composant le « soviet Pernety » qui ont su surmonter tous les obstacles qui contrariaient la survie et le développement de la boutique. « Nous n’avons jamais autant travaillé et notre chiffre d’affaire est en hause de 30% sur un an », nous assure Dominique. Juste récompense de l’initiative et du talent de l’équipe soudée autour d’un incontournable personnage du Quartier au service du livre et de la culture !

Cliquer ici pour accéder au site de la Librairie des Tropiques, la librairie réfractaire du Village Pernety.

Les vitraux hauts en couleur d’Adriana Bellamy, maitre verrier

Au travail à « L’Atelier d’Adriana » du 20 rue Severo (copyright Adriana Bellamy)

Adriana Bellamy se défend d’être une artiste, mais elle a tout d’une grande artiste : la maîtrise de la technique, l’inspiration et le goût de l’innovation. Elle a certes le privilège d’exercer son métier de maitre verrier comme d’autres pratiquent passionnément un hobby, sans autre souci que la satisfaction de créer des vitraux qui correspondent à ses goûts et ses intuitions. Mais elle fait toujours mouche en proposant ses créations à ses clients, ce qui est peut-être la définition du talent. Nous l’avons rencontrée à son atelier de la rue Severo dans le 14ème arrondissement de Paris pour essayer de nous familiariser avec un art qui reste encore réservé aux happy few.

Des techniques modernes appliquées à un savoir-faire ancestral

Lorsqu’Adriana arrive en France il y a trente-sept ans, c’est pour y étudier la photographie en complément du diplôme des beaux-arts qu’elle a obtenu dans sa Colombie natale. Elle ne maitrise malheureusement pas suffisamment bien la langue française pour prétendre passer avec succès l’examen d’entrée à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art, mais s’aperçoit en se promenant à l’ENSAAMA qu’on y forme également des vitraillistes. Elle ne peut pas s’empêcher de faire le lien avec le travail de peinture à froid sur faux vitrail qu’elle a pris grand plaisir à réaliser en Colombie. Elle parvient à convaincre le directeur de l’ENSAAMA de sa très grande motivation pour devenir maitre verrier grâce à un dossier de candidature qui s’appuie sur une théorie de la couleur et réussit de cette façon à intégrer l’école en tant qu’étudiante étrangère. Elle en ressortira quatre ans plus tard avec le certificat nécessaire à l’exercice de son futur métier. Pourtant l’enseignement qu’elle y reçoit et qui repose exclusivement sur la reproduction de techniques anciennes ne la satisfait pas complètement : « J’apprécie bien sûr la peinture, mais je considère que nous vivons aujourd’hui une autre époque et que les vitraux ne doivent plus être faits comme au Moyen-Age », analyse-t-elle avec du reculPour s’ancrer dans une démarche plus moderne, elle s’équipe de nouveaux outils qu’elle se procure aux Etats-Unis et se familiarise en autodidacte à de nouvelles techniques comme le sablage, le fusing ou le thermoformage. L’approche américaine qui met à la disposition du tout-venant des outils et des machines qui permettent de réaliser des vitraux sans avoir suivi un apprentissage de plusieurs années tranche nettement avec l’acquisition du savoir-faire traditionnel français. C’est d’ailleurs un New Yorkais du nom de Tiffany qui, jugeant le procédé du plomb trop restrictif, a révolutionné vers la fin du XIXème siècle la technique du vitrail en travaillant directement les fragments de verres colorés et les chutes selon une méthode nouvelle à laquelle Adriana a bien sûr recours. Force est de constater que la France n’est pas restée hermétique à ces nouveaux outils et techniques puisqu’ils sont aujourd’hui largement diffusés dans les très nombreux ateliers de verrerie qui ont pris leur essor dans notre pays pour répondre à la demande toujours croissante des particuliers fortunés friands des effets de lumière.

Vitrail Marylin en poudre de verre (copyright Adriana Bellamy)

Des clients toujours bluffés par son audace créatrice

Car le vitrail a le vent en poupe chez ceux qui peuvent se le permettre. Adriana est souvent confrontée à des clients qui désirent ardemment décorer leur intérieur avec un vitrail mais sans vraiment savoir au fond ce qu’ils veulent. Tout son talent va consister à leur proposer une oeuvre qui s’insère parfaitement dans leur habitat mais à laquelle ils ne s’attendaient pas forcément au départ. « Je ne sais vraiment pas comment je m’y prends, mais le fait est que mes clients finissent par me faire confiance, nous confie-t-elle. C’est ainsi que je vends des vitraux que je n’ai jamais dessinés, simplement en discutant avec eux et bien sûr en regardant l’endroit où je vais travailler qui, même complètement nu, est la base de mon inspiration créatrice. Heureusement, jusqu’à présent, tous mes clients ont été pleinement satisfaits. J’ai par exemple réalisé des vitraux de couleur pour des gens qui avaient très peur de la couleur. J’ai aussi parfois des clients qui me demandent de réaliser certaines choses sans que je sache du tout comment je vais m’y prendre pour les satisfaire. Je me débrouille en faisant des recherches par moi-même et je m’en sors de cette manière. » Adriana l’aventurière autodidacte ne cache pas sa fierté de faire des choses que les autres ne font pas. Elle a ainsi réalisé une Marylin en poudre de verre alors que personne en France n’avait avant elle utilisé cette technique pour créer semblable ouvrageElle n’a pas pris pour autant la grosse tête et reconnais volontiers qu’elle ne cultive pas de don particulier pour le dessin d’art : « Je me débrouille pour faire des choses qui ont beaucoup de mouvements, qui sont harmonieuses et j’aime beaucoup la couleur », se contente d’elle de dire. Les clients d’Adriana habitent pour la plupart les quartiers aisés de Paris. Ils la contactent par internet pour décorer leur appartement haussmannien qui souvent ne laisse pas passer beaucoup de lumière. Le vitrail est aujourd’hui très à la mode mais ceux qui en sont amateurs et demandeurs continuent la plupart du temps à se référer à des styles anciens tels le style Art nouveau ou le style Art déco. Adriana se bat fermement contre cette tendance conservatrice car elle estime qu’on ne doit pas faire au XXIème siècle des vitraux comme on en faisait au début du XXème. C’est elle qui le plus souvent pallie au manque d’idées de ses clients et surmonte leurs inhibitions face à l’innovation en leur proposant avec succès des réalisations personnelles et souvent plus colorées que leurs projets initiaux. Les seuls échecs dont elle se souvient sont ceux où elle a été contrainte de se soumettre aux desiderata de ses commanditaires. Redoubler de créativité tout en continuant à se tenir au fait des innovations techniques est pour elle la meilleure garantie de succès. Ses récentes réalisations sont en tout cas la bien la preuve qu’elle est loin d’avoir épuisé toutes les potentialités du genre.

Cliquez ici pour accéder au site d’Adriana Bellamy.

Fenêtre vitrail (copyright Adriana Bellamy)

Claude Degoutte, fotograff des rues de Paris

Nous nous demandons toujours à quel type de personnage nous allons être confronté lorsque nous avons rendez-vous avec un artiste. Ce qui frappe chez Claude Degoutte, c’est sa très grande gentillesse. Loulou, son chat joueur et un peu turbulent, ne s’y est pas trompé, qui en use et abuse pendant que nous parlons street art autour d’un café dans l’appartement de la rue d’Alésia où Claude a élu domicile depuis aujourd’hui vingt ans.

Balades à Paris sur les pas de Brassaï

Claude Degoutte, qui ne court pas après la gloire, préfère nous fournir une série de tags plutôt qu’un portrait pour illustrer notre article. Il est F-O-T-O-G-R-A-F-F depuis 1977, l’année où il acquiert son premier appareil photo reflex après s’être intéressé à la peinture pendant son adolescence melunaise. A l’origine de sa passion jamais démentie pour l’art urbain, il y a sa rencontre avec Graffiti, le célèbre ouvrage de Brassaï paru en 1961 qui va décider de sa trajectoire artistique personnelle tandis qu’il exerce les métiers de journaliste critique de films publicitaires puis de réalisateur de films pour de très gros clients institutionnels. Dès 1984, il photographie les premiers métros tagués et se retrouve propulsé dans les pages de prestigieuses revues telles que StratégiesBàTPilote ou encore Photo Revue. Les années 80 sont créatives à foison, notamment en matière de musique et de publicité. C’est également le tout début de l’art urbain et l’éclosion artistique de ses plus grands maîtres dans de nombreux quartiers de Paris. Le 14ème arrondissement est loin d’être à la traîne du Marais et de Beaubourg puisqu’autant les palissades de la rue de l’Ouest au moment de la démolition de ses immeubles que les façades murées de plusieurs maisons du passage des Thermopyles vont être les supports des oeuvres éphémères des pionniers du genre que sont Ernest Pignon-Ernest ou Jef Aérosol. Depuis le temps qu’il photographie leurs oeuvres, Claude connait bien sûr très bien la production des street artists parisiens, des plus célèbres des années 80 (Miss Tic, Jef Aérosol, Speedy Graphito, Jérôme Mesnager, etc.) aux artistes contemporains qu’il affectionne tout particulièrement (Philippe Hérard, Ender, Seth, Murmure Street, Carole Collage, Ma rue par Achbé, etc.). Il immortalise systématiquement leur travail en en prenant plusieurs photos à l’occasion des balades qu’il aime effectuer aux quatre coins de la capitale. Depuis 2008 qui a marqué le début d’une baisse de la demande pour les films institutionnels, Claude est devenu un flâneur encore plus assidu. En 2012, il décide de faire partager à tous le fruit de ses déambulations quotidiennes sur ses pages Facebook et Instagram en créant le concept « 10000 pas / Paris Street Art » : chaque matin, il met en ligne au moins deux photos d’art urbain sur l’un et l’autre de ces deux supports internet. Ses 10000 pas le mènent à vrai dire le plus souvent à Montmartre, Belleville, Ménilmontant ou dans les Quartier du Marais-Beaubourg ou de la Butte aux Cailles qui sont aujourd’hui les endroits les plus propices à d’heureuses découvertes : « Comme j’y vais régulièrement, je vois ce qui est nouveau, nous précise le photographe. Cela représente quand même plusieurs centaines de photos par semaine. Il y a vraiment énormément de choses et d’ailleurs de plus en plus depuis quatre ans. C’est un peu le miroir aux alouettes car tous les artistes se disent : « Pourquoi pas moi? ». Ils commencent par bombarder tout Paris de leurs oeuvres, mais s’épuisent le plus souvent au bout de quelques semaines. Il y en a à vrai dire très peu qui ont vraiment un style, une force, et qui arrivent donc à durer dans le temps. »

Spray Yarps : premier pochoir « Film in situ » en hommage à Belmondo dans « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard (photo C. Degoutte)

Films et Paris in situ

Aujourd’hui, à l’heure de Facebook et d’Instagram, les centaines de street artists parisiens en quête de reconnaissance signent leurs oeuvres. Il est loin le temps où ils hésitaient à le faire de peur d’être interpelés pour cause de vandalisme et de dégradation du bien d’autrui car le street art a acquis ses lettres de noblesse et est aujourd’hui largement reconnu et accepté. Il existe bien sûr toujours une différence entre les oeuvres « sauvages » qui peuvent être effacées très rapidement par les services de la voirie et celles qui sont commandées par des particuliers ou mêmes les mairies pour égayer un immeuble, une rue ou un quartier et dont la durée de vie est évidemment plus longue. Claude s’intéresse à toutes les oeuvres sans exception et en garde une trace photographique dans le format carré qui a sa préférence pour les immortaliser. La superbe fresque de JBC dédiée à la cinéaste Agnès Varda et située rue Charles d’Ivry à proximité immédiate de la rue Daguerre dans le 14ème arrondissement de Paris ne l’a bien sûr pas laissé indifférent. Il a d’ailleurs lancé il y a quelques années avec son complice le pochoiriste Spray Yarps qui habite lui aussi le 14ème arrondissement rue des Artistes (!) l’opération Film in situ dont le but est de proposer le pochoir d’une séquence culte d’un film parisien à l’endroit même du tournage. C’est le pochoir de Jean-Paul Belmondo au carrefour de la rue Campagne-Première et du boulevard Raspail à l’endroit précis où il s’écroule dans la séquence finale du film A bout de souffle de Jean-Luc Godard qui a étrenné la série il y a trois ans. Cette année, de nouveaux pochoirs vont être réalisés dans le 13ème arrondissement à la gare du boulevard Massena pour illustrer une scène du film Le Samouraï dont Alain Delon est la tête d’affiche et rue Watt pour illustrer le début du film Le Doulos également réalisé par Jean-Pierre Melville. Mais ce n’est pas l’unique projet sur lequel Claude travaille actuellement puisqu’il s’active aussi beaucoup depuis un an et demi sur son quatrième livre à paraître, Paris vu par le street art (*), qui sera consacré à l’histoire de Paris illustrée par les  street artists. L’idée est de raconter l’histoire de Paris quartier par quartier à travers des oeuvres de street art reliées à des endroits précis et qui renvoient à des évènements historiques, des écrivains, des peintres, des films, etc. Le peintre franco-chinois Zao Wou-Ki rue Didot, le sculpteur Giacometti photographié rue d’Alésia par Cartier Bresson, la cinéaste Agnès Varda sur sa maison rue Daguerre auront bien sûr en autres les honneurs du chapitre consacré au 14ème arrondissement. De même que le célèbre accident ferroviaire survenu à la gare Montparnasse en 1895 actuellement illustré par une oeuvre de Brusk réalisée sur le chantier du Centre Gaité avenue du Maine. Le projet original de Claude n’a pas manqué de donner des idées à certains artistes urbains dont par exemple HeartCraft qui a recréé dans une oeuvre de street art la célèbre photo du Baiser de l’Hôtel de Ville à l’endroit même où elle a été prise par Robert Doisneau. Un exemple parmi d’autres de l’influence du fotograff Claude Degoutte sur la créativité de ses chers street artists dont il ne se lassera jamais d’immortaliser les réalisations !

Brusk, avenue du Maine, 14ème : évocation du célèbre accident ferroviaire du 22 octobre 1895 à la gare Montparnasse (photo C. Degoutte)

(*) Claude Degoutte a déjà publié aux éditions Omniscience Street Dogs (2017), Paris Street Art, Saison 1 (2ème édition 2018) et Paris Street Art, Saison 2 (2018).

Cliquer ici pour accéder au blog de Claude Degoutte et cliquer ici pour son travail avec Jean Yarps.

Autoportrait 2024 (photo C. Degoutte)