
Y a-t-il un seul peintre de Montparnasse qui ne connaisse pas ADAM, marchand de couleurs depuis 1898 ? Le numéro 11 du boulevard Egdar Quinet est un lieu chargé d’histoire qu’Yves, le coresponsable du magasin, nous a fait découvrir cette semaine. De Victor Hugo à Soulages en passant par Braque, on ne compte plus le nombre d’illustres artistes qui sont passés par cet endroit mythique qui était déjà ouvert avant que Montparnasse et Paris n’éclairent le monde il y a de cela maintenant un siècle. Visite guidée de l’un des temples parisiens dédié aux artistes peintres qu’ils soient professionnels, étudiants ou amateurs.
Edouard Adam, le “maraîcher” des plus grands noms de la peinture
L’esprit d’Edouard Adam, le petit fils du créateur de l’enseigne, continue d’habiter le 11 boulevard Edgar Quinet – en grande partie grâce à la sympathique équipe qui l’amine, toujours prête à dispenser des conseils avisés à sa nombreuse clientèle. Yves, dont nous suivons les pas dans le magasin, commence par nous révéler l’existence d’une colonne de bois située en son milieu, sous laquelle se déroule une mémorable scène du roman Les Misérables, le chef-d’oeuvre de Victor Hugo publié en 1862. L’endroit n’était certes pas encore à l’époque un rendez-vous pour les artistes peintres mais l’échoppe d’un marchand de tabac, la tabagie Richefeu, dans laquelle se rencontraient au milieu du 19ème siècle les fumeurs du quartier Montparnasse. Près de deux cents ans plus tard, la colonne aujourd’hui classée pourrait témoigner de la transformation du lieu en une droguerie qui s’est progressivement spécialisée en marchand de couleurs sous l’impulsion d’Edouard Adam. Ce dernier, qui était l’ami de très nombreux artistes, ne tarda en effet pas à leur dédier un rayon beaux-arts dont les produits étaient mis en accès libre contrairement à ses concurrents qui les plaçaient derrière des comptoirs. A quoi tient parfois le succès commercial… Mais, bien plus qu’un simple commerçant, Edouard Adam s’est dès l’origine soucié de répondre à toutes les demandes de ses amis peintres en développant pour eux des solutions sur mesure. Ainsi sont nés ses produits phares dont le plus connu est sans doute le médium qu’il a mis au point pour Yves Klein afin d’obtenir le bleu passé à la postérité sous le nom d’International Blue Klein (IKB) ou “bleu Klein” (cliquer ici). Calder, Tinguely, Nikki de Saint-Phalle, Dubuffet, César et bien sûr Soulages ont également pu tirer profit de ses créations de véritable artisan de la peinture pour réaliser des oeuvres à la hauteur de leur talent. “Je suis le maraîcher qui portent à des grands chefs de beaux légumes pour qu’ils en fassent d’excellents plats”, aimait à répéter l’homme qui murmurait à l’oreille des artistes. Certains de leurs plus illustres noms résonnent bien sûr encore dans la tête des nombreux visiteurs du magasin de couleurs dont beaucoup sont des touristes qui viennent du monde entier pour bénéficier des conseils éclairés de l’équipe qui a pris le relais du très inspiré artisan d’art.

Un lieu de partage d’expériences
En plus des nombreuses solutions créatives qu’il a développées sous son nom pour les artistes, ADAM propose bien sûr une foultitude de produits dont la boutique est le revendeur, allant des arts graphiques aux arts appliqués en passant par l’architecture et le dessin. Couleurs & peintures, médiums & auxiliaires, pinceaux, brosses & couteaux, papiers, châssis, toiles & chevalets, colles & adhésifs, mastics, enduits & vernis, etc., on trouve absolument tout ce qui est nécessaire à la création artistique dans les rayons très fournis et très ordonnés d’ADAM. Son emplacement privilégié au cœur de Montparnasse fait de ce spécialiste des beaux-arts un acteur bien en vue et toujours à la pointe des progrès de ses différents domaines d’expertise parmi la trentaine de marchands de couleurs que compte la capitale parisienne. Le petit plus d’ADAM, ce qui le distingue de ses concurrents, c’est la qualité de l’accueil et l’immédiate proximité de ses vendeurs et vendeuses avec les clients. “Nous sommes à la constante recherche de cette proximité en conseillant et en échangeant avec nos clients, nous dit Yves qui co-dirige une équipe de huit personnes. Ce qui nous amène à toujours essayer de comprendre ce que deviennent les matériaux entre les mains des créateurs comme le faisait Edouard Adam qui reste pour nous tous une référence et un modèle”. Yves a d’ailleurs fait du magasin un véritable espace de partage en sélectionnant des artistes pour exposer en boutique et en vitrine. Après Vincent Marshall et tout récemment Mathieu Bourgade, c’est Armelle, une artiste peintre bretonne qui honore actuellement de ses toiles la vitrine de la boutique du marchand de couleurs. Mais elle est bien loin d’être la seule créatrice qui hante le lieu. Yves me présente en effet sa collègue Irina qui, en plus d’être artiste peintre, se propose de donner des cours de peinture à celles et ceux qui le souhaitent. “Je suis personnellement tombée dans la marmite de l’art dès mon plus jeune âge et j’ai été formée aux arts comme on pouvait l’être il y a plusieurs siècles, nous confie celle qui travaille vingt heures sur vingt-quatre (!) en créant ses propres tableaux, en transmettant ses connaissances à ses élèves ou en conseillant les clients du magasin. “Je suis chez Adam parce que j’ai choisi d’être chez Adam, ajoute-t-elle fièrement. J’y apprécie le contact client qui me permet de sortir de la bulle de solitude créatrice qui m’entoure le reste de la journée. Chez Adam, on prend le temps de la découverte et de la discussion avec les gens pour vraiment faire du sur mesure et leur apporter au final plus que ce qu’ils étaient venus chercher au départ – ce qui se fait peut-être moins souvent chez nos concurrents. Dès le départ j’ai été attirée par ce magasin chargé d’histoire et qui est au coeur de si nombreuses innovations dans le domaine de l’art pictural. Je l’aime vraiment énormément”.

Le plaisir de travailler au sein d’une équipe très complémentaire
L’esprit ADAM, qui retient à lui ses employés les plus attachants, c’est avant tout un esprit d’équipe. Yves nous fait emprunter un escalier dérobé qui mène au premier étage du magasin car le superbe escalier en colimaçon resté d’époque et peint en bleu Klein est aujourd’hui encombré de produits créés exclusivement par ADAM pour ses clients artistes. Nous y rencontrons Stéphane, le spécialiste de l’équipe tout particulièrement chargé de monter ou remonter les toiles sur châssis. “C’est un travail très technique qui correspond à une véritable demande de nos clients, témoigne-t-il. L’objectif est de parvenir à bien tendre la toile sur son châssis alors même que la marge de faisabilité qui m’est laissée est parfois très réduite, ce qui exige un vrai savoir faire.” Lui aussi est très heureux de faire partie de l’équipe d’ADAM depuis maintenant un an après avoir travaillé chez plusieurs encadreurs parisiens. L’entoilage sur châssis est une compétence relativement rare qui participe de l’identité particulière d’ADAM, toujours soucieux d’offrir toute la gamme des services possibles à ses clients peintres et amateurs d’art. Stéphane a pour le coup le privilège d’exercer ses talents particuliers dans un atelier d’époque qui a conservé tout son cachet historique. Nous redescendons au rez-de-chaussée où Yves me fait découvrir l’espace architecture où est stocké tout le matériel pour réaliser les maquettes, puis la réserve du magasin. Le tour des arrière-salles du marchand de couleurs ne serait pas complet sans une visite à Fouad, le scientifique et deuxième coresponsable du groupe, qui depuis 25 ans réalise pour les clients d’ADAM tous les produits chimiques de synthèse nécessaires à une production artistique fiable et de très bonne qualité. Les trente minutes qui nous étaient imparties sont déjà écoulées et nous n’aurons malheureusement pas le plaisir de rencontrer l’intégralité des membres de l’équipe dont notamment Hafid qui, avec Fouad, en est l’autre vétéran, Claire qui est tout particulièrement chargée de l’espace enfance et jeunesse, Angèle qui peut se prévaloir d’un diplôme de l’Ecole des Beaux-Arts pour très bien conseiller les clients, et Jérôme, le directeur. Mais nous en avons déjà assez vu pour constater que l’esprit d’Edouard Adam souffle toujours sur le 11 boulevard Edgar Quinet en instillant à l’équipe entière du marchand de couleurs l’envie de faire partager au plus grand nombre tout ce qui facilite la création artistique et continuer à animer ce quartier où, depuis l’origine, le mythe se mêle à la réalité pour incarner et faire perdurer l’âme des authentiques montparnos.
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