
“Mon enfant, ma sœur, / Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble! / Aimer à loisir, / Aimer et mourir / Au pays qui te ressemble!” Est-ce à la Bretagne que pense Charles Baudelaire lorsqu’il écrit L’invitation au voyage publié en 1857 dans le recueil Les Fleurs du mal ? Près de deux siècles plus tard, les Bretons du 14ème arrondissement et d’ailleurs sont toujours là pour faire rêver celles et ceux qui aspirent à d’autres horizons. Cyril Réguerre en fait partie, qui expose ses dessins sur cartes et partitions chaque dimanche au Marché de la Création Edgar Quinet.
Des voyages à la carte
Cyril Réguerre n’est certes pas le premier artiste à utiliser des cartes géographiques comme support de ses oeuvres picturales. Pierre Alechinsky, membre fondateur du mouvement Cobra, a notamment déjà expérimenté le procédé en utilisant de semblables cartes sur lesquelles il trace des figures qui dialoguent avec elles. C’est pourtant un peu par hasard que le dessinateur breton a décidé de prolonger l’idée à sa façon. “Je puisais mon inspiration sur des modèles vivants dans mon atelier de Belleville quand je me suis mis à dessiner sur un atlas qui m’avait été donné, se rappelle-t-il. Au début, je dessinais des nus et des chevaux avant de tenter de relier ces pages d’atlas à des thèmes qui leur correspondaient bien”. Toutes sortes de moyens de locomotion qui permettent le voyage (bateaux, avions, voitures, vélos) viennent ainsi agrémenter les cartes du recueil, mais également des animaux sauvages pour illustrer telle ou telle région du monde (des félins d’Afrique aux ours polaires en passant par les bovidés de nos campagnes). Les cartes géographiques interrogent la figuration parce qu’elles sont planes et représentent un espace plus grand qu’elles. Elles deviennent ainsi un voyage pour l’œil mais aussi pour l’esprit qui nourrit tous les rêves d’aventures du dessinateur. D’autres fois, ce sont des plans d’architecte dessinés à la main au début du siècle dernier qui lui permettent, grâce à son formidable coup de crayon (ou plutôt de calame), de resusciter un univers urbain ancien.

Des oeuvres qui dénotent un goût prononcé pour le beau
Le calame est le roseau taillé en pointe dont Cyril se sert pour dessiner, à l’encre de chine ou de couleurs, sur les papiers anciens qui sont donc ses supports de prédilection. Il a également jeté son dévolu sur les partitions musicales depuis qu’il en a récupéré une pile énorme auprès de connaissances qui se sont longtemps occupées d’archiver la musique du 19ème siècle au sein d’une fondation spécialement dédiée à ce travail. Les ballades et fugues musicales du dessinateur nous conduisent, sur ce très beau support écru, dans des contrées moins exotiques que les cartes de géographie – assez souvent (mais pas que !) au café du coin. “Je suis à la fois amoureux de Paris et très attaché à la beauté qui est une dimension aujourd’hui moins valorisée dans l’art conceptuel contemporain, nous précise l’artiste. J’aime, dans mes dessins de cafés, de danseuses ou bien encore de chevaux, exprimer le mouvement – et les notes qui figurent sur les partitions contribuent aussi à impulser du mouvement à mes toiles.” Pour autant, une partie plus confidentielle de son oeuvre est également constituée d’abstractions sur papier qui explorent “la magie de l’encre” et exploitent l’ensemble des possibilités offertes par les encres de chine et de couleurs fusionnant entre elles (cliquer ici). Le peintre expose tous les dimanches au Marché de la Création Edgar Quinet et également en galerie avec Art Génération au n° 67 de la rue de la Verrerie dans le 4ème arrondissement de Paris. Il partage avec tous ses talents de peintre et de dessinateur à l’occasion de cours pour adultes dispensés au Pré-Saint-Gervais en Seine-Saint-Denis où il a sa résidence et également de stages organisés l’été à Plougasnou, la ville de Bretagne dont il est originaire. Alors, prêts pour le début du voyage ? “Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes, / L’univers est égal à son vaste appétit.” (Charles Baudelaire, Le Voyage in Les Fleurs du mal, 1857).
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