Pascal Fort : “La situation dans les immeubles sociaux est devenue invivable”

Pascal Fort est connu comme le loup blanc au Moulin de la Vierge. Son action sans relâche depuis plus de trente ans au bénéfice des habitants des immeubles sociaux constituant cet ensemble résidentiel a permis d’endiguer la dégradation de leur qualité de vie. Mais peut-on indéfiniment ramer (seul) à contre-courant d’une politique du logement de la Ville de Paris qui, conjuguée aux effets délétères des lois Boutin et Duflot, a abouti à rendre invivables les immeubles sociaux accueillant les nouvelles populations issues de la diversité ?

Trente ans d’action au bénéfice des résidents des immeubles sociaux du Moulin de la Vierge

Rien ne prédestinait Pascal Fort à consacrer une bonne partie de son temps libre de militaire à la vie associative de quartier. C’est un évènement survenu en avril 1994, soit cinq ans après son arrivée au Moulin de la Vierge, qui va en être l’élément déclencheur. Inopinément alerté de l’existence d’un racket organisé par une bande de “jeunes” dans le hall de son immeuble situé au numéro 18 de la rue du Moulin de la Vierge, il parvient à en débarrasser les résidents à l’occasion d’une courageuse intervention qui lui vaut le respect de tous. Quelques colocataires lui proposent de créer une association pour porter la voix de l’ensemble des résidents de l’immeuble et faciliter le dialogue avec les autorités. Cette structure associative va leur permettre de considérablement améliorer leur sort commun et faire boule de neige dans les immeubles sociaux voisins dont les occupants sont confrontés aux mêmes problèmes de racket, d’occupation des halls et de trafic de drogue. “A ce moment-là, j’ai commencé à prendre la mesure du problème”, se rappelle Pascal Fort qui dépose en juin 1994 les statuts de l’Association du Comité des Résidents de Plaisance Pernety (ACRPP) qui fédèrera en 2003 jusqu’à 75 associations de locataires du quartier. Son investissement personnel continu en parallèle de son activité professionnelle va faire de lui un interlocuteur reconnu des autorités locales et des différentes équipes municipales se succédant à la Mairie du 14ème arrondissement.  C’est notamment grâce à sa ténacité que va être créé le Centre d’Animation Vercingétorix qui sera inauguré en 2005 par Bertrand Delanoë. Tous ces efforts pour arriver à quoi ? “Quand je fais le bilan de toutes ces années, j’ai le sentiment que la situation n’a en réalité jamais cessé de se dégrader”, se désole Pascal Fort qui pointe du doigt la Mairie de Paris et sa politique du logement qu’ont encore aggravée les lois Boutin et Duflot en aboutissant à pénaliser les classes moyennes au profit de populations issues de la diversité qui ont grand peine à convenablement s’intégrer à la société française et à respecter leur habitat, parce qu’il est social.

Le 25 (à gauche) et le 18 (au fond) de la rue du Moulin de la Vierge.

Eviter un nouvel Elias

La situation dans les immeubles sociaux de cette partie de l’arrondissement est devenue invivable, témoigne Pascal Fort à grand renfort d’éloquents et édifiants exemples qui concernent son immeuble du 18 rue du Moulin de la Vierge. Quand bien même notre association a été à l’origine de nombreuses avancées en matière de sécurité grâce aux très bons rapports noués et entretenus par le passé avec certains élus locaux dont notamment Madame la députée Nicole Catala, la politique du logement de la Ville de Paris menée depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir en 2001 a abouti à une dégradation continue de l’habitat social (HLM) dans notre arrondissement. Nous avons commencé dès 2015 à mesurer les conséquences très nocives du vote de la loi Boutin qui, en imposant le paiement d’un surloyer à tous ceux dont le revenu dépassait un certain plafond, a fait fuir les classes moyennes hors des logements sociaux qui abritent maintenant une quantité de jeunes totalement désocialisés. Il y a aujourd’hui un grand nombre de bandes de jeunes qui sont issus de la diversité et qui, livrés à eux-mêmes la nuit, sont de vrais prédateurs opportunistes. Les Quatorziens, qui ont tous été bouleversés par l’assassinat du jeune Elias au début de l’année 2025, devraient avoir pleinement conscience que de telles situations de racket et de violences surviennent tous les jours ou nuits dans cette partie de l’arrondissement. Si l’on n’en parle pas, c’est tout simplement parce qu’elles ne se soldent pas toutes aussi tragiquement. Il y a chaque jour un potentiel nouvel Elias. Souvent, on nous dit “ailleurs c’est pire” ; c’est justement pour cela que nous nous mobilisons sur le site Moulin de la Vierge, pour éviter qu’ici devienne, comme ailleurs, pire !”. Nous sentons aujourd’hui Pascal Fort un peu las de se battre contre des moulins à vent, pour ne pas dire complètement désespéré par l’impuissance et la lâcheté des politiques qui ont d’autres agendas personnels. Puisse-t-il se tromper dans ses funestes prédictions assises sur ses constats quotidiens et des convictions. Il ne suffit pas toujours d’être pessimiste pour devenir prophète.

Thierry Véron : “La Mairie de Paris n’a que faire des commerçants”

Thierry Véron célébrant les dix ans de l’ACAGL14 en novembre 2024

C’est un véritable coup de gueule que pousse Thierry Véron à l’approche des élections municipales de 2026. Le président de l’Association des Commerçants et Artisans de l’Avenue du Général Leclerc à Paris 14ème (ACAGL14) alerte une nouvelle fois sur la situation catastrophique des commerces de son avenue de prédilection et de ses rues adjacentes (dont la rue d’Alésia). Pourtant, qui, plus que les commerçants, insufflent la vie dans un arrondissement ? La preuve par les actes d’un Quatorzien lassé des habituels boniments de campagne électorale.

Une association de commerçants active toute l’année

L’activisme de Thierry Véron ne se limite pas aux seuls commerces de l’avenue du Général Leclerc. L’ancien artisan, dont l’entreprise avait son siège au n° 29 de l’avenue, développe également son énergie communicative dans le cadre de fédérations d’associations de commerçants au niveau parisien (FACAP75), national (FFAC) et même européen. L’ACAGL14, qu’il a créée en 2014 avec deux autres Quartorziens, réunit un peu plus de la moitié des 120 commerçants de l’avenue qui, malgré les vicissitudes, reste l’une des principales artères du 14ème arrondissement de Paris. L’association organise de nombreuses manifestations tout au long de l’année qui mobilisent depuis l’origine aussi bien les commerçants indépendants que les gérants de grandes enseignes de supermarché, de cinéma, de banque, de cosmétique ou bien encore de restauration rapide. Deux brocantes ont lieu aux mois de février et de mai entre lesquelles se glisse une fête de printemps musicale et fleurie. L’association célèbre également la fête de la musique du début de l’été en y faisant contribuer l’église Saint-Pierre-de-Montrouge. Elle ouvre au mois de juillet une fan zone au moment du passage du tour de France. Elle honore chaque 25 août à la Porte d’Orléans le général qui a donné son nom à l’avenue commerçante en plus de coordonner des manifestations bien plus importantes organisées en sa mémoire tous les cinq et dix ans. Elle organise depuis quatre ou cinq ans au mois de septembre une chasse aux trésors qui fait rentrer les enfants dans les commerces pour mieux leur en faire découvrir le fonctionnement en les motivant par la recherche d’objets insolites entreposées dans les boutiques participantes. Deux autres brocantes professionnelles sont organisées en fin d’année avant que l’ACAGL14 ne prenne à son compte les illuminations de Noël qui enjolivent l’avenue entre le dernier jeudi du mois de novembre et la mi-janvier. Sans compter les dictées, les défilés de mode, les rallyes balades et les différentes tentatives de marchés de Noël qui sont – ou ont été – autant d’occasions de créer du lien social et d’animer une avenue qui continue malgré tout à perdre de sa superbe au fil des années à l’image de la rue d’Alésia adjacente dont les jadis très nombreux magasins de marque ont aujourd’hui presque tous disparu.

Une municipalité complètement indifférente au sort des commerçants

Mais qu’est-il donc arrivé aux rues commerçantes du 14ème arrondissement de Paris qui étaient par le passé aussi actives que les Champs Elysées, comme s’en souviennent très bien les plus anciens commerçants et habitants des environs que Thierry Véron continue de croiser aujourd’hui ? Le spectaculaire décrochage commercial de l’avenue du Général Leclerc a déjà été documenté dans la presse parisienne (cliquez ici pour l’article d’Actu.fr Paris). Les chiffres sont édifiants : en six ans, l’avenue a perdu une quinzaine de commerces, soit une baisse de 12 % de la totalité de son offre commerciale. Certaines de ses très grandes enseignes qui servaient de moteurs pour attirer du public (les ateliers Peugeot et Zara notamment) ont d’ores et déjà plié bagage, et ces départs menacent aujourd’hui d’asphyxier les commerces indépendants. Le chantier de mise en sens unique de l’avenue dont les travaux ont démarré en 2024 n’a pas manqué d’aggraver une situation d’ores et déjà jugée catastrophique par les commerçants. Thierry Véron n’hésite pas à pointer du doigt la Mairie de Paris qui, dans une démarche purement clientéliste, entend mener la politique pour laquelle elle a été élue sans aucune considération des dommages causés aux commerçants. “La Mairie de Paris n’a absolument rien à faire des commerçants et des remarques et doléances que nous pouvons lui adresser alors même que nous ne sommes bien sûr pas du tout opposés au principe de la réduction de la place de la voiture dans la ville, constate le président de l’ACAGL14. Pour autant, cette politique ne doit pas se faire n’importe comment. Or depuis des années on fait à peu près n’importe quoi n’importe où, sans aucune vision d’ensemble claire et précise. On ne devrait pourtant pas pouvoir détruire un axe majeur comme celui de l’avenue du Général Leclerc pour le réduire à peau ce chagrin à cause de décisions aberrantes prises en dépit du bon sens. Et ce ne sont bien évidemment pas des pseudo-concertations organisées ici ou là qui vont permettre d’amender des décisions déjà prises bien en amont.” Il existe pourtant partout des solutions concrètes qui permettraient de revivifier les flux (de piétons, de transports en commun, de vélos et de voitures) sur lesquels repose le commerce de proximité. Elles peuvent, par exemple, prendre la forme de la révision des plans de circulation qui ont fait du 14ème un arrondissement aujourd’hui complètement replié sur lui-même en empêchant les automobilistes d’y accéder depuis les 13ème et 15ème arrondissements consécutivement à la mise à sens unique de la rue d’Alésia. D’autres nombreux leviers existent et les associations de commerçants ainsi que les chambres consulaires sont bien sûr prêtes à collaborer avec les autorités municipales pour autant qu’elles veuillent bien les écouter. “Pour ne prendre qu’un seul exemple qui concerne le 14ème arrondissement, continue Thierry Véron pour illustrer son propos, pourquoi le parking souterrain de la Porte d’Orléans, qui appartient à la ville et sur lequel Madame la Maire Carine Petit a autorité, n’est-il pas mieux mis en valeur ? Il est aujourd’hui toujours quasiment vide alors qu’il pourrait être utilisé par nos clients dont la majorité sont – ou plutôt étaient – issus de banlieue.” Ce désintérêt manifeste pourrait très bien se payer dans les urnes puisque, comme  ne manque pas de le rappeler Thierry Véron, les gérants des magasins situés sur le territoire de l’arrondissement et qui contribuent par le paiement de leurs taxes à le financer, ont tout à fait le droit de s’inscrire sur les listes électorales du 14ème. Cela devrait fortement inciter tous les candidats en lice à revoir leur programme pour y intégrer les légitimes préoccupations des commerçants et artisans dont certains sont aujourd’hui en très grande difficulté.

Cliquez ici pour le petit mot explicatif laissé par Thierry Véron sur le site de la Fédération Française des Associations de Commerçants (FFAC).

Cliquez ici pour accéder au site de l’ACAGL14 et ici pour accéder à sa page Facebook.

La résurrection puissance 1000 d’Andréa Giovanni Porte

Andréa, très heureux de vivre, avec ses complices de plongée sous-marine en août 2023 en Egypte.

Le livre Mimêsis, l’art de la reconstruction est le fabuleux témoignage signé Andréa Giovanni Porte de la capacité de l’homme à surmonter les épreuves les plus terribles de l’existence, celles qui paraissent les plus irrémédiablement destructrices et invalidantes, pour les transformer en passes et en tremplins pour une vie meilleure et plus riche d’opportunités nouvelles. Il est la preuve éclatante qu’on peut tout perdre et pourtant tout recommencer. Le Quatorzien sera présent à L’Osmoz Café (33 rue de l’Ouest) le 11 octobre prochain à partir de 18 heures pour en deviser plus longuement lors d’une rencontre et d’une séance de dédicace organisées à l’occasion de la sortie de son livre.

Une seconde pour (presque) mourir

Au très jeune âge de 23 ans, André Giovanni Porte est victime d’un brutal et très soudain accident neurologique qui le paralyse et le réduit au silence. Comme dans Le Scaphandre et le Papillon, l’ouvrage autobiographique de Jean-Dominique Bauby qui raconte son syndrome de verrouillage après un AVC, Andréa reste parfaitement conscient alors qu’il est enfermé vivant dans son corps figé. “Aux premières loges de ma propre mort, j’ai eu comme seules compagnes dans ma lucarne l’horreur et la peur”, écrit-il. La première partie de Mimêsis raconte en détail cette terrifiante expérience survenue fin 2012 à Dubaï alors que le jeune homme, voyant comme beaucoup son avenir bouché sur le marché du travail français, débute sa carrière professionnelle au service marketing et communication d’une multinationale indienne, leader du retail de marques occidentales dans les pays du golfe. “A peine diplômé, voulant changer de vie et entendant régulièrement parler des Emirats, j’avais décidé de me lancer. Je partageais leurs valeurs d’efficacité économique : le travail, l’ambition et la réussite. Comme tout était nouveau, je m’émerveillais au début de tout. J’y retrouvais des particularités des pays anglo-saxons où la voiture est reine. Tout était démesure, audace et risque.” (page 23). Las, cette belle ambition personnelle va être fauchée en plein vol par le foudroyant AVC qui va le conduire à être rapatrié à Paris à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il va commencer à réaliser avec effroi que les membres de son corps ne répondent plus. Ce tragique et soudain accident survenu le 10 novembre 2012 a marqué le dernier jour de sa première vie sur terre.

Andréa escaladant la montagne Reconstruction…

Vaincre ou périr

Il va pourtant falloir survivre – en clignant des yeux (un clignement pour dire oui, deux pour dire non). Quelques jours après son rapatriement en France, un premier scanner confirme la localisation de l’AVC du jeune homme au niveau du tronc cérébral tandis que l’IRM révèle une occlusion provoquée par un caillot de sang d’environ cinq millimètres à la base du cerveau empêchant toute irrigation. “Plus de corps, plus de voix, plus de bras, plus de jambes, plus de vie, plus de raison de vivre, plus de présent, plus d’avenir. […] Comment vivre avec ça ? […] Est-ce fini pour moi ? […]”, se demande de façon poignante Andréa. Vingt jours après l’AVC survient le miracle : le caillot sanguin commence à se disloquer et le paralysé parvient à faire de petits mouvements de l’avant-bras, de la main et des doigts. “Mon dieu, je n’ai jamais rien vu de plus merveilleux […], c’est d’une beauté sans nom, s’exclame-t-il alors intérieurement. […] Je me promets de tout faire pour sortir de ce lit d’hôpital. Tout ! Mon rêve désormais est d’avoir la chance d’aller traîner cette carcasse jusqu’en salle de rééducation et de me battre jusqu’au bout pour arracher un peu plus de vie. Tant que je respirerai, je me ferai violence !” (page 132-133). Vaincre ou périr et se battre quoi qu’il en coûte pour gagner le droit à une deuxième vie. “Ce calvaire a duré 6 mois, 180 jours d’un combat acharné, 4.300 heures d’horreur, 259.200 minutes de souffrances indescriptibles. Mes souvenirs en sont encore vifs et poignants.”, écrit Andréa à la moitié de son livre sans oublier de vivement remercier toute l’équipe de soignants et de thérapeutes qui l’ont accompagné pendant cette épreuve. Jusqu’à ce qu'”un subtil goût du vivant” à peine contrarié par les regards, les silences et les préjugés qui entourent le handicap, ne vienne amorcer sa renaissance.

A cheval dans le désert de Wadi Rum en Jordanie.

Une renaissance et une reconstruction aux mille visages

Sans vouloir faire un mauvais jeux de mots, la résurrection d’Andréa va lui ouvrir bien des portes. L’auteur de Mimêsis n’a pas besoin de moins de 160 pages de son émouvant livre pour nous décrire par le menu les tâches auxquelles il s’attelle très assidûment et les projets qu’il mène à leur terme pour réémerger dans le monde des “normaux” ou plus exactement des non-accidentés de la vie. “Mes journées sont structurées et chronométrées à l’avance. Mon défi est de tout faire et de tout travailler. Je dois me lever à 5h50 pour tenir la cadence, et je termine vers 22h. Je veux faire toujours plus d’exercices. J’ai toujours quelque chose à améliorer : un muscle, un mouvement, une démarche, une langue, une nouvelle mission impossible” (page 334). Sandrine Rousseau qui défend le droit à la paresse n’a qu’à bien se tenir… C’est qu’Andréa veut déjouer tous les pronostics de ceux qui lui ont doctement assuré, du haut de leur arrogante incompétence, qu’il ne se lèverait pas de son fauteuil et qu’il ne remarcherait jamais plus en raison de son taux de spasticité trop élevé. “Au lieu de m’abattre, ce discours a eu l’effet inverse et a créé en moi un vrai électrochoc.” (page 160). Pendant les douze années de sa renaissance progressive et de sa reconstruction par étapes, le jeune homme, consumé par une véritable rage de vivre et de toujours progresser, n’aura de cesse de pratiquer plus de sports (jusqu’à 14 cours universitaire d’activité physique en 2015-2016, soit plus de 23 heures (!) par semaine), de passer plus de diplômes (triple diplôme d’économie-droit à Panthéon Assas et Yale obtenu en 2013-2014 ainsi qu’un MBA obtenu en 2015-2016), et de voyager aux quatre coins du monde, tout en continuant à dûment honorer ses nombreuses séances d’orthophonie ou ses leçons de piano et de dessin… Tout le monde le met en garde contre la très forte augmentation d’intensité et de complexité du programme qu’il s’impose. Et parfois, cela casse effectivement tellement il tire sur son corps. Mais rien ne saurait venir décourager celui qui a intégré l’échec au point d’en faire un moteur de sa progression. C’est une formidable leçon de vie et de volonté de vivre que ces 13 années de reconstruction narrées par Andréa dans Mimêsis. On en sort baba et seulement à moitié surpris lorsque notre héros malgré lui finit par conclure : “Il y a quelque chose de beau et de magique dans cet accident, il m’a permis de me reconstruire en partie à l’image de ce que je voulais de moi, comme s’il me donnait la chance de tout reprendre à zéro, d’avoir le nouveau départ que je désirais tant. Il a d’abord réduit mon monde à une chambre avant de me réapprendre à voir tout l’univers” (page 348). Avis aux amateurs…

Andréa Giovanni Porte, Mimêsis, l’art de la reconstruction, auto-édition 2025, 418 pages, 19 euros.

Bernard Chaumeil nous tend enfin la perche

Silence, moteur, ça tourne… (Bernard en) Action !

Bernard Chaumeil est un Pernetien très dur à cuire. Il nous a fallu le cuisiner pendant des mois, pour ne pas dire des années, avant qu’il ne se décide à nous accorder une interview. Avec près de deux cent productions cinématographiques en tant que perchman à son actif, parmi lesquelles Cyrano de Bergerac, 1492 : Christophe ColombGreencard ou bien encore Jean de Florette et Tous les matins du monde, il a eu l’occasion de côtoyer tout au long de ses plus de 40 ans de carrière certains des plus grands réalisateurs et des meilleurs acteurs du petit monde très fermé du cinéma français et international. Rencontre autour d’un verre chez Jools.

Une vocation précoce et un talent vite repéré

Le perchman (perchiste en bon français) est, sur un tournage, l’assistant de l’ingénieur du son. Dans les industries du cinéma et de la télévision, c’est un membre clé de l’équipe de production audio car il est chargé d’assister sur le plateau le mixeur du son en manipulant les micros perches, en sélectionnant et en plaçant les micros radio et en entretenant l’équipement audio. Comment devient-on perchman ? Dans l’histoire de Bernard Chaumeil, il y a au départ un goût prononcé pour les technologies du son qu’il développe dès son adolescence en parallèle de ses études de mathématiques et de physique. Débarqué à Paris en septembre 1968 à l’âge de vingt ans, il a le privilège de pouvoir intégrer l’école Louis-Lumière qui est un appréciable tremplin pour tous les professionnels du cinéma, de la photographie et du son. Il côtoie ensuite pendant son service militaire effectué en Iran dans le cadre de la coopération un petit groupe de personnes qui ont déjà un pied dans le cinéma. Bernard n’a pas encore à l’époque une idée très précise de l’orientation future de sa vie professionnelle et se destine vaguement à devenir technicien de l’ORTF. A son retour à Paris, il effectue des piges de reportages télé et participe à la réalisation de téléfilms et de feuilletons télévisés. Son talent particulier de perchman, qui est a l’époque primordial pour la production d’un son de bonne qualité, ne tarde pas à être repéré et l’amène à rencontrer Pierre Gamet qui, malgré son jeune âge, est déjà reconnu comme un ingénieur du son de très haut niveau. C’est le début d’un compagnonnage de quarante ans qui amènera les deux hommes à apporter leur pierre à la production de plus de cent films créés par nombre des plus importants réalisateurs français et internationaux.

En discussion avec Pierre Gamet, l’ingénieur du son aux 4 Césars, sur le tournage de “1492 : Christophe Colomb” de Ridley Scott.

Un métier extrêmement technique en voie de disparition

Le perchman est un acteur clé de l’équipe de production audio sur le tournage d’un film. Bernard, qui a peaufiné l’apprentissage de son métier sur le tas, au fil du temps et très progressivement, a pleinement conscience de son caractère essentiel et très particulier de par la maîtrise technique, la dextérité, la réactivité et la précision qu’il requiert – ou plutôt qu’il requérait par le passé. “A l’époque de mes débuts, c’était vraiment le perchman qui faisait la différence car si ce dernier n’était pas bon, la qualité du son s’en ressentait cruellement, se rappelle-t-il. L’exigence constante de qualité nécessitait que le micro soit toujours bien placé au moment d’une prise de vue, qu’on ne manque jamais la moindre réplique ou qu’on ne rate jamais le moindre mouvement. C’est pourquoi ce métier était à l’époque si compliqué et réclamait la complicité d’autres intervenants du tournage dont celle du metteur en scène ou du chef opérateur. Aujourd’hui, on a contourné ces difficultés en plaçant des micros HF (micros haute fréquence sans fil) sur les acteurs, mais le rendu sonore n’est bien évidemment pas le même.” Nous sentons Bernard un peu nostalgique d’un passé où il pouvait donner toute la mesure de son talent de perchman car ce métier de professionnel du son a sensiblement perdu de son lustre et tend aujourd’hui à disparaitre. “Pourtant, si les conditions sont excellentes, travailler avec un micro aérien, cela reste incomparable”, maintient-il mordicus en puriste de sa spécialité. Il nous explique comment les métiers de perchman et d’ingénieur du son ont pu évoluer au fil des années au gré des évolutions technologiques mais également des desiderata des réalisateurs. Le binôme Gamet-Chaumeil parvient à très bien tirer son épingle du jeu au moment de la Nouvelle Vague qui renouvelle complètement les conventions du cinéma traditionnel. Les deux complices accompagnent les réalisateurs hors du studio pour continuer à faire du “son direct” (son pris sur le tournage) quelles que soient les conditions du tournage. Leur succès reconnu dans cette entreprise est le point de départ de leur notoriété professionnelle qui va déboucher sur une large demande de la part des réalisateurs français et étrangers.

Sur le tournage de “Détective” de Jean Luc Godard (à la caméra) avec Johnny Halliday et Nathalie Baye.

Truffaut, Godard, Resnais, Rappeneau, Corneau, Blier, Berri, Pialat, Costa-Gavras, Scott, Depardieu et les autres

Elle est longue la liste des grands cinéastes qui souhaitent bénéficier du savoir faire du duo Gamet-Chaumeil sur le tournage de leurs films. La mémoire de Bernard fourmille d’anecdotes les concernant. D’abord donc les figures de la Nouvelle Vague : François Truffaut bien sûr dont la secrétaire sera la compagne de Bernard, mais également l’iconoclaste Jean-Luc Godard qui, sur le tournage de Détective, le poussait constamment dans ses retranchements en interrogeant sa façon de travailler pour l’obliger à la remettre en question. Puis tous les réalisateurs français qui, d’Alain Resnais à Jean-Paul Rappeneau en passant par Claude Berri, Bernard Blier, Alain Corneau ou Costa-Gavras, voulaient au contraire bénéficier de la garantie de qualité attachée à la bonne réputation du binôme. “Nous étions présents sur presque tous leurs films”, se rappelle Bernard. Le réalisateur britannique Ridley Scott vient également frapper à leur porte peu après le tournage de Cyrano de Bergerac qui met en scène Gérard Depardieu. 1492 : Christophe Colomb marque pour Bernard le passage à une autre dimension de la production cinématographique. “J’ai vraiment été impressionné par la débauche de moyens attachés à la production de ce film, se souvient le perchman français. Nous y sommes allés avec Pierre un peu léger avec un petit matériel et puis ça a finalement très bien fonctionné car nous avions une réactivité et une inventivité que n’avaient pas forcément tous nos collègues américains.” Mêmes impressions sur le tournage de Green Card tourné à New York avec des équipes américaines dans le cadre d’une nouvelle coproduction à laquelle Gérard Depardieu fait participer le duo Gamet-Chaumeil. Ce ne sont bien évidemment pas les seuls souvenirs de tournages à l’étranger. Bernard évoque aussi celui de Marcello Mastroianni en Italie et bien d’autres anecdotes encore qui sont toutes susceptibles de susciter l’intérêt des cinéphiles mais qui ne peuvent malheureusement pas être évoquées dans le cadre trop restreint de cet article de blog. Si Bernard Chaumeil décide un jour de publier un livre, nous voulons bien être son prête-plume… En attendant que n’aboutisse ce projet, nous pouvons tous le retrouver chaque premier mercredi du mois au ciné-club de Pernety dont il anime la séance à L’Entrepôt en nous faisant profiter de son carnet d’adresses qui lui permet d’inviter les personnes les mieux placées pour faire partager sa passion du cinéma.

Sur le tournage de “Jean de Florette” de Claude Berri avec Emanuelle Béart et Daniel Auteuil (ici, le travelling “Manon, je t’aime d’amour“).

KAB, le parfum de rentrée de Miss Marple & Consorts

KAB (à droite) chez Miss Marple & Consorts du 6 au 21 septembre 2025 (photo YB)

Miss Marple & Consorts donne le ton de la rentrée 2025 dans le Quartier Pernety en accueillant du 6 au 21 septembre une exposition d’une trentaine d’oeuvres de KAB, qui, entre encre et collage, fleurent bon les odeurs de rentrée scolaire. Nous avons pu rencontrer l’artiste deux jours avant le vernissage qui aura lieu ce samedi après-midi entre 16 heures et 20 heures au 45 rue de la Sablière. On vous y attend nombreux !

La nécessaire fenêtre ouverte de la création

Caroline Boujard, alias KAB, n’a pas attendu de découvrir il y a deux ans les charmes de l’alliance de l’encre et du collage pour s’ouvrir sur une vie créative et artistique. Après des études de langues, elle pressent vite que le monde de l’entreprise ne lui offrira pas la possibilité d’exprimer pleinement toutes les facettes de sa personnalité. La vie va l’aiguiller vers d’autres directions en continuant d’aiguillonner sa créativité. Après avoir commis un premier livre de poésie et photos sur la Bretagne avec son mari, elle s’envole pour la province canadienne de l’Ontario et devient un peu par hasard guide à l’Art Stewart Art Center. Forte de cette très belle expérience, elle s’installe ensuite au Pays Basque où elle se consacre à l’enseignement dans le cadre de la formation continue pour adultes, puis à Paris où elle anime des ateliers pour enfants en utilisant les contes. Pendant toutes ces années où elle laisse libre cours à son inspiration pédagogique, elle publie un recueil de poésie et plusieurs livres pour enfants tout en organisant des concours de création poétique. “J’ai toujours aimé ce qui permet aux autres de se trouver, de se révéler”, nous dit Caroline qui n’est donc pas seulement à la recherche d’elle-même à travers ses différentes activités créatives. Son goût des mots se double d’un généreux goût des autres sans lequel la création poétique et littéraire reste souvent du verbiage.

Oeuvre exposée sur la page Instagram de KAB

L’alliance de l’encre et du collage

Pour l’heure, elle a jeté son dévolu sur des créations qui associent l’encre et le collage. “Nous sommes repartis un peu précipitamment vers le Pays Basque avant le confinement de 2020 et mon inspiration poétique s’est assez brutalement tarie, se rappelle Caroline. J’ai alors décidé de m’inscrire à un atelier d’arts plastiques qui a réveillé le souvenir de collages réalisés il y a une vingtaine d’années alors que je traversais une période assez difficile de ma vie. Je m’y suis remis en expérimentant en parallèle différentes autres techniques dont celle de l’encre pour laquelle j’ai eu un véritable coup de coeur car je trouve qu’il y a quelque chose de véritablement magique à voir l’encre se diffuser sur une feuille de papier aquarelle mouillée. Mes premières tentatives associant l’encre et le collage ayant été bien accueillies par mon entourage, j’ai souhaité persévérer dans cette voie.” Bien lui en a pris car les oeuvres de KAB ont déjà été exposées dans les villes de Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et Hendaye et ont tout récemment été sélectionnées pour le « collage festival Paris » qui aura lieu du 26 au 28 septembre prochain au 88 boulevard de Picpus dans le 12ème arrondissement de Paris. Mais vous pouvez d’ores et déjà venir à la rencontre de KAB pour l’entendre parler avec passion de son travail de collagiste demain soir à partir de 16 heures chez Miss Marple & Consorts, votre brocante préférée du Quartier Pernety.

Cliquez ici pour accéder à la page Instagram de KAB.

“Caroline aux mains d’argent” à l’ouvrage (photo fournie par l’artiste).

Jools, la nouvelle adresse du Quartier Pernety

Chez Jools à l’heure de midi avec (déjà) quelques habitués du Quartier (photo YB).

On va chez Jools ? C’est qui Jools ? C’est quoi ? La vérité, c’est qu’on ne sait pas exactement qui est Jools, mais qu’on sait que Jools est la nouvelle adresse à découvrir du Quartier Pernety. Jools avec un J comme Julien qui, avec Vanida et Fabien, a fait le pari de transformer le bar-restaurant Le Laurier de Louis Milcent en un nouveau concept bistronomique qui relève le niveau du Quartier. Jools avec un J comme jazz aussi, puisque l’équipe perpétue en ce lieu la tradition du concert du jeudi soir avec des musiciens de très grand talent comme nous avons pu le constater la semaine dernière. Jools, ça swingue et ça sonne en réalité très bien – à mi-chemin entre jewels et fools. Jools, c’est un nouveau petit bijou de Pernety où absolument personne n’est pris pour un imbécile !

Un bistrot pas chic bon genre

“Pas chic bon genre”, c’est le slogan de Jools que l’on doit à Vanida qui nous en explique la signification : “Cela veut dire que nous nous adressons à tous sans exception sans cibler aucune clientèle particulière. Nous voulons créer un endroit où les gens se sentent bien et veulent y revenir parce que c’est bon, que l’ambiance y est cool et décontractée et le cadre cosy”. En plus de totalement renouveler la carte, les nouveaux arrivés n’ont pas lésiné sur les moyens pour complètement redécorer le restaurant qui y gagne beaucoup en luminosité. L’équipe vous accueille tous les jours sauf le dimanche (et sauf le lundi cet été) de 7 heures à minuit et demi avec un service de midi entre 12 heures et 15 heures et un service du soir entre 18h45 et 22H30. Dès 7h30 du matin, il vous est loisible de vous mêler aux clientèles des hôtels du Quartier pour déguster un petit déjeuner préparé avec amour et qui dans ses versions Little Jools et Big Jools comprend de délicieux jus de fruit bio Marcel by Afterfood dont le choix a fait l’objet de tous les soins de Vanida. Jools, c’est également un coffee shop ouvert dès le matin et tout l’après midi qui propose toute un éventail de boissons chaudes et de sodas bio de la marque Leamo (Cola bio, Maté bio, concombre) ou de la marque Necence qui se flatte de concilier plaisir, naturalité et écologie. Le pari de conjuguer qualité et diversité de la clientèle a déjà été remporté puisque Jools attire non seulement les Pernétiens curieux de venir découvrir la nouvelle adresse de leur quartier mais également des parisiens de tous les arrondissements qui ont été alertés de l’ouverture d’un nouveau très bon restaurant dans le 14ème, notamment par Le Figaro (cliquez ici), Télérama (cliquez ici) ou encore le célèbre blog de Gilles Pudlowski (cliquez ici). Le bistrot pas chic bon genre fait d’ores et déjà carton plein tous les soirs en attendant la rentrée pour pouvoir compléter sa clientèle du midi. Certains amateurs traversent même Paris pour venir écouter les très talentueux musiciens de jazz qui animent le restaurant chaque jeudi soir.

Julien, Vanida et Fabien (crédit photo Gilles Pudlowski)

Une carte constamment renouvelée de plats faits maison

Mais c’est d’abord bien sûr sa carte qui reste le centre de l’attention des curieux et des clients déjà convaincus de Jools. Fabien, le chef cuisinier, est celui qui y veille tout particulièrement en bonne intelligence avec Julien et Vanida qui sont ses complices depuis maintenant presque dix ans. “Jools se situe à mi-chemin entre la brasserie et le restaurant proposant des produits un peu travaillés, simples mais efficaces et bien faits, avec des assaisonnements et des goûts qui sortent de l’ordinaire, assez souvent une pointe d’exotisme asiatique. Il y a bien sûr une grosse base de traditionnel français, mais complètement remis au goût du jour. Par exemple, la saucisse qui est l’un de nos grands classiques et qui est servie avec des patates douces, peut-être plus tard avec des lentilles vertes, est complètement faite maison. J’y travaille avec un ami charcutier traiteur dont j’ai légèrement modifié à mon goût la recette qui a été de nombreuses fois primée en concours. Je réalise chaque plat plusieurs fois pour atteindre l’objectif souhaité. Cela vaut aussi bien pour le ribs de boeuf en en variant le temps de cuisson que pour le cheesecake pour en définir la texture idéale. Et je m’applique toujours à utiliser les produits que j’utilise dans plusieurs des plats que nous proposons. Tout est fait maison (les biscuits, les crèmes, etc.) et tout est parfaitement frais puisqu’il n’y a absolument rien dans le congélateur.” La passion et la motivation de Fabien l’amène à faire évoluer sa carte tous les trois mois pour suivre le rythme des saisons en y conservant toutefois certains classiques. “Mon objectif est qu’au bout d’un an l’intégralité de la carte ait changé”, précise le chef cuisinier. De quoi mettre les papilles en éveil de tous les Pernétiens et les Quatorziens amateurs de très bonne cuisine pour un prix très très raisonnable : entrée-plat ou plat-dessert du jour à 19 euros à partir de la rentrée de septembre. Jools, pour ne pas mourir idiot !

Jools, 2 rue Pernety, 75014 Paris.

Cliquez ici pour accéder au site de Jools et ici pour sa page Instagram.

Jools en été à l’heure des Années folles (concert Jazz swing du 24 juillet 2025) (photo YB)

Maÿlis de Bascher, les couleurs de la (vraie) vie

Maÿlis aux belles couleurs de l’été

“Je serais très heureuse aussi que tu écrives un article sur moi et mon travail. Mais je voudrais ne te donner aucune information et que tu le fasses au feeling telle que j’apparais”. Je me suis levé au milieu de la nuit pour prendre connaissance de son courriel de 23h28 hier soir, et me voilà déjà au travail. Car les désirs de Maÿlis de Bascher sont des ordres et je ne suis que trop heureux de les exécuter…

Le contraire de moi

Maÿlis de Bascher, telle qu’elle m’apparait, c’est un peu le contraire de moi. Elle aime la chaleur émolliente du sud de la France, moi la douceur tonique du climat breton. Elle boit du café en plein été à la terrasse de La Liberté quand je bois un Monaco pour me désaltérer. Elle est toute en couleurs quand, fidèle à moi-même et à mes origines, je continue à m’accrocher, entre gris clair et gris foncé, au Gwenn ha Du de la Bretagne. Maÿlis de Bascher, telle qu’elle m’est apparue vêtue de jaune et de rose il y a un peu plus de quinze jours (un vendredi 13…), c’est une très belle artiste avec suffisamment de classe et d’entregent pour s’intéresser à ceux qui exposaient ce soir-là rue Sainte-Apolline – alors que l’art pictural me laisse souvent assez perplexe. Pour couronner le tout, Maÿlis habite le 6ème arrondissement de Paris, moi le 14ème arrondissement ! Certes nous nous partageons le boulevard du Montparnasse et donc l’âme des montparnos, ces peintres et ces écrivains qui, il y a tout juste cent ans, éclairaient le monde culturel et artistique de leur vibrionnante activité. Vibrionnante comme celle qui vit à mille à l’heure et pour qui les journées sont trop courtes pour faire tout ce qu’elle aime faire – alors que moi je me lève la nuit pour écrire et pour tuer le temps… Très logiquement, je devrais la détester. Et bien non, figurez vous ! J’aime d’autant plus Maÿlis qu’on admire toujours ce qu’on n’a pas et ce qu’on n’est pas. Je la trouve aussi inspirante qu’elle trouve inspirantes les photos des petits ports de Bretagne que je lui envoie sur son téléphone portable. Puissent-elles un jour être le prétexte de tableaux flamboyants et éclatants de couleurs dont elle s’est faite la spécialité !

“Gourmandises”. Acrylique sur toile. 160 x 110 cm. Mai 2025. (Photo Maÿlis de Bascher)

Lumineuses associations de couleurs 

Et puis, nous avons à la vérité la passion en commun. A ma passion pour les mots et les textes correspond sa passion pour la peinture et les couleurs. Maÿlis me demande de parler de son travail alors que je ne suis pas critique d’art pour un sou. Comment faire pour ne pas écrire de bêtises ? Recopier des extraits de la notice biographique affichée en vitrine de chez Adam, le marchand de couleurs, où six de ses oeuvres sont actuellement exposées ? Pas sûr que cela lui plaise… Commençons par nous diriger vers sa page Instagram (cliquez ici) et exprimer ce que voient nos yeux. On y voit beaucoup de grands formats, qui sont des réminiscences des premières années de sa vie passées en Afrique, et beaucoup de couleurs dont les lumineuses associations sont sa marque. Des fleurs mais aussi des paysages parfois étrangement stylisés à nos yeux de béotien. Le maître italien Francesco Giuliari a observé chez notre artiste peintre internationale, dès ses jeunes années bolognaises, une étonnante capacité à structurer ses oeuvres et à les parsemer de petits détails qui dissimulent une histoire dans chaque toile. C’est en 2008 qu’elle se fixe à Paris pour se consacrer à la peinture et à en étudier les mouvements et les styles qui entre en résonnance avec son inconscient. Avant-gardisme russe des années 20, cubisme, pointillisme, impressionnisme, street art, autant d’influences qui nourrissent son inspiration actuelle qu’elle aime développer dans son atelier du sud de la France ou partager avec ses élèves de l’école Notre Dame de l’Assomption Lübeck dans le 16ème arrondissement de Paris. Bien sûr, l’artiste expose également. Son travail a fait l’objet d’une exposition exclusive organisée par la maison Christie’s en 2023, qui pour la toute première fois présente et sponsorise un peintre de son vivant. Sans oublier le 6ème arrondissement auquel elle reste très attachée et où elle a présenté ces dernières années plusieurs fois son travail dont la dernière à l’occasion de l’exposition Décalage horaire qui réunissait cet hiver une cinquantaine d’oeuvres de nature à faire anticiper aux visiteurs l’arrivée des floraisons de printemps et de la lumière de l’été sous une abondance de gaité colorée. “Je rêve de couleurs, je rêve de lumière”, disait Vincent Van Gogh du fond de sa souffrance et de sa solitude. Maÿlis de Bascher n’est que le rêve de Van Gogh devenu réalité… C’est quand même déjà beaucoup !

Cliquez ici pour accéder à la page Instagram de Maÿlis de Bascher.

“Poésies”. Acrylique sur toile. 150 x 120 cm. Mai 2025. (Photo Maÿlis de Bascher)

121 rue de l’Ouest, prières de ne pas déranger !

Le local de la discorde (photo YB)

Deux semaines après la publication du rapport choc et alarmant sur l’entrisme des Frères musulmans, la Mairie du 14ème arrondissement, représentée par Madame la Maire Carine Petit et plusieurs de ses adjoints, a souhaité donner rendez-vous aux habitants et voisins de l’immeuble du 121 rue de l’Ouest pour discuter de la prochaine installation d’un musallâ (salle de prière) dans cet immeuble. Ce rendez-vous un peu agité a eu lieu hier mercredi 4 juin 2025 à l’école élémentaire Simone Veil située au 188 de la rue d’Alésia. En voici un bref et partiel (mais très impartial) compte rendu de la seule première heure.

Une salle de prière située au bas d’un immeuble social de la RIVP et à proximité d’un collège

Etaient également présentes pour répondre aux questions des 150 participants à la réunion Mme Najat Benali, rectrice de la mosquée Javel dans le 15ème arrondissement, présidente de la coordination des mosquées parisiennes, et future directrice de la mosquée du 121 rue de l’Ouest, ainsi que Mme Christine Lacombe qui représentait la Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP). Un certain nombre d’habitants et de voisins de l’immeuble s’interrogeait en effet sur les conséquences très concrètes de l’installation d’une salle de prière proche de chez eux et se sont notamment enquis du caractère licite pour la RIVP, normalement tenue d’une obligation de neutralité confessionnelle, de louer un local à une association cultuelle. Mme Lacombe a répondu que la RIVP avait décidé d’accompagner ce projet d’installation car elle n’avait pas l’interdiction formelle de le faire (la neutralité confessionnelle invoquée n’étant qu’une recommandation) et compte tenu de la grande rareté du foncier dans notre arrondissement qui prive aujourd’hui nos amis musulmans de tout lieu de culte depuis la démolition du foyer Adoma du 12 passage de Gergovie dont la salle polyvalente du rez-de-chaussée servait de façon informelle de salle de prière. Elle a précisé que, dans d’autres zones immobilières tendues, une dizaine de pieds d’immeuble de la RIVP (sur les 2300 surfaces potentielles) avait déjà été consacrée à des lieux de culte et ajouté que le local du 121 rue de l’Ouest serait insonorisé pour éviter toute nuisance sonore pour les habitants de l’immeuble. Mme Najat Benali, rectrice de la mosquée du 15ème arrondissement, a confirmé que notre arrondissement manquait cruellement d’une salle de prière pour les musulmans qui sont dès lors contraints d’affluer dans la mosquée Javel qu’elle dirige pour pratiquer leur culte. Elle a très vigoureusement dénié que la future installation du 121 rue de l’Ouest puisse être de nature à attenter de quelque manière que ce soit à la tranquilité des habitants de l’immeuble ou des riverains et usagers du quartier environnant, notamment à celle des élèves du collège Giacometti voisin. “Les musulmans pratiquent leur culte à l’intérieur de leur lieu de culte très exclusivement, rappelle-t-elle. Et je ne suis aucunement responsable du prosélytisme de certains à l’extérieur des mosquées que je dirige – quelle que soit d’ailleurs leur religion.” Elle a certifié qu’il n’y avait pas de prières de rue à Paris et a énoncé cette évidence que les musulmans pratiquants ont également d’excellents rapports avec les autorités de police en précisant devant l’auditoire “qu’il fallait bien différencier les choses et que les musulmans ne sont pas des délinquants…”.

Liberté, égalité, fraternité, et… laïcité

Mme la Maire Carine Petit a quant à elle balayé les accusations d’opacité dans la prise de décision et d’absence d’information et de concertation de la population. “En responsabilité, j’assume complètement cette décision que j’ai prise en concertation avec le Préfet de Police et les associations parties prenantes”, a-t-elle clamé. “La concertation a eu lieu au moment de l’enquête publique qui souligne que la population locale a pleinement conscience de l’importance qu’un lieu soit organisé pour permettre aux musulmans de pratiquer leur culte. Et jamais je n’ai été évasive ni pratiqué le mensonge sur le fait que nous cherchions très activement une solution à ce problème et que cette solution consisterait très certainement dans le choix du local d’un bailleur social situé dans le quartier.” Dont acte. Mme la Maire, de concert avec Mme Benali, rappelle également que le principe républicain de laïcité impose que chaque religion puisse avoir sa place et disposer d’un lieu de culte même si le même principe exclut bien sûr le versement d’une quelconque subvention au bénéfice de l’association chargée de la gestion du lieu. Le mot de la fin (de la première heure de réunion…) est revenu au Père Antoine Guggenheim, délégué de l’archevêque de Paris pour les relations avec l’islam et les musulmans, qui a tenu à venir témoigner que la mosquée du 15ème arrondissement dirigée par Najat Benali “créait le calme et la paix“. “On assiste avec ces mosquées à la naissance d’un islam aussi européen que ne l’est l’église catholique, la croyance protestante ou le judaïsme, a-t-il affirmé. Les hautes autorités de l’Etat comme les autorités municipales ont un devoir qui est inscrit dans notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. La liberté implique la liberté de culte. L’égalité implique que l’on puisse trouver des lieux de culte musulmans à côté des très nombreux lieux de culte catholiques déjà existants. Quant à la fraternité, elle s’écrit dans les deux sens : le devoir de fraternité de ceux qui ont été accueillis récemment et le devoir de fraternité de ceux qui les accueillent.” Nous nous sommes éclipsés sur ces paroles de paix en espérant qu’elles fassent effet sur l’assistance pour la suite du débat…

Les invitations au voyage de Cyril Réguerre

Bateau en partance pour la Bretagne (photo C. Réguerre)

Mon enfant, ma sœur, / Songe à la douceur / D’aller là-bas vivre ensemble! / Aimer à loisir, / Aimer et mourir / Au pays qui te ressemble!” Est-ce à la Bretagne que pense Charles Baudelaire lorsqu’il écrit L’invitation au voyage publié en 1857 dans le recueil Les Fleurs du mal Près de deux siècles plus tard, les Bretons du 14ème arrondissement et d’ailleurs sont toujours là pour faire rêver celles et ceux qui aspirent à d’autres horizons. Cyril Réguerre en fait partie, qui expose ses dessins sur cartes et partitions chaque dimanche au Marché de la Création Edgar Quinet.

Des voyages à la carte

Cyril Réguerre n’est certes pas le premier artiste à utiliser des cartes géographiques comme support de ses oeuvres picturales. Pierre Alechinsky, membre fondateur du mouvement Cobra, a notamment déjà expérimenté le procédé en utilisant de semblables cartes sur lesquelles il trace des figures qui dialoguent avec elles. C’est pourtant un peu par hasard que le dessinateur breton a décidé de prolonger l’idée à sa façon. “Je puisais mon inspiration sur des modèles vivants dans mon atelier de Belleville quand je me suis mis à dessiner sur un atlas qui m’avait été donné, se rappelle-t-il. Au début, je dessinais des nus et des chevaux avant de tenter de relier les pages d’atlas à des thèmes qui leur correspondaient bien”. Toutes sortes de moyens de locomotion qui permettent le voyage (bateaux, avions, voitures, vélos) viennent ainsi agrémenter les cartes du recueil, mais également des animaux sauvages pour illustrer telle ou telle région du monde (des félins d’Afrique aux ours polaires en passant par les bovidés de nos campagnes). Les cartes géographiques interrogent la figuration parce qu’elles sont planes et représentent un espace plus grand qu’elles. Elles deviennent ainsi un voyage pour l’œil mais aussi pour l’esprit qui nourrit tous les rêves d’aventures du dessinateur. D’autres fois, ce sont des plans d’architecte dessinés à la main au début du siècle dernier qui lui permettent, grâce à son formidable coup de crayon (ou plutôt de calame), de resusciter un univers urbain ancien.

4×4 Discovery pour voyage au Gabon (photo C. Réguerre)

Des oeuvres qui dénotent un goût prononcé pour le beau

Le calame est le roseau taillé en pointe dont Cyril se sert pour dessiner, à l’encre de chine ou de couleurs, sur les papiers anciens qui sont donc ses supports de prédilection. Il a également jeté son dévolu sur les partitions musicales depuis qu’il en a récupéré une pile énorme auprès de connaissances qui se sont longtemps occupées d’archiver la musique du 19ème siècle au sein d’une fondation spécialement dédiée à ce travail. Les ballades et fugues musicales du dessinateur nous conduisent, sur ce très beau support écru, dans des contrées moins exotiques que les cartes de géographie – assez souvent (mais pas que !) au café du coin. “Je suis à la fois amoureux de Paris et très attaché à la beauté qui est une dimension aujourd’hui moins valorisée dans l’art conceptuel contemporain, nous précise l’artiste. J’aime, dans mes dessins de cafés, de danseuses ou bien encore de chevaux, exprimer le mouvement – et les notes qui figurent sur les partitions contribuent aussi à impulser du mouvement à mes toiles.” Pour autant, une partie plus confidentielle de son oeuvre est également constituée d’abstractions sur papier qui explorent “la magie de l’encre” et exploitent l’ensemble des possibilités offertes par les encres de chine et de couleurs fusionnant entre elles (cliquer ici). Le peintre expose tous les dimanches au Marché de la Création Edgar Quinet et également en galerie avec Art Génération au n° 67 de la rue de la Verrerie dans le 4ème arrondissement de Paris. Il partage avec tous ses talents de peintre et de dessinateur à l’occasion de cours pour adultes dispensés au Pré-Saint-Gervais en Seine-Saint-Denis où il a sa résidence, et de stages organisés l’été à Plougasnou, la ville de Bretagne dont il est originaire. Alors, prêts pour le début du voyage ? “Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes, / L’univers est égal à son vaste appétit.” (Charles Baudelaire, Le Voyage in Les Fleurs du mal, 1857).

Cliquez ici pour accéder au site internet de l’artiste et ici pour sa page Instagram.

Choeur (photo Cyril Réguerre)
Café Odessa (photo Cyril Réguerre)

Le Verre Saint en route vers son deuxième anniversaire

Au Verre Saint autour du Père Vincent de Mello (photo Patrick Gentier)

Au pied de notre très belle église Notre-Dame-du-Travail, classée monument historique depuis 2016, un espace spécialement aménagé attenant à sa crypte accueille chaque mercredi et vendredi soir tous les habitants du Quartier qui ont soif de spiritualité ou bien soif tout court – l’un n’empêchant bien sûr pas l’autre ! Le Verre Saint est un chaleureux lieu de rencontre et d’apostolat ouvert à tous et animé par les Jeunes Pro et étudiants catholiques de Pernety. Il nous a été présenté par le Père Vincent de Mello, son dynamique et très créatif initiateur, lors de notre visite de vendredi soir.

Un lieu convivial, antidote à la solitude

Le Verre Saint, situé rue Vercingétorix (!), est le fruit des observations quotidiennes du Père de Mello, vicaire de la paroisse Notre-dame-du-Travail depuis maintenant presque quatre ans. “Quand je suis arrivé dans le Quartier, j’ai été frappé par le fait que l’immense majorité des paroissiens qui assistaient à la messe était des gens qui vivaient seuls, se rappelle-t-il. Cela détonnait énormément par rapport à mes expériences précédentes et cela m’a amené à réfléchir à l’organisation d’un lieu de rencontre et de sociabilité susceptible de remédier à cette situation.” Grâce au concours de gens du Quartier de tous âges, paroissiens ou non, l’espace mitoyen laissé à l’abandon qui jouxte l’église est retapé et transformé en un sympathique bar ouvert à tous. Ainsi nait Le Verre Saint qui fêtera le 21 juin prochain, premier jour de l’été, son deuxième anniversaire. On peut y boire et manger bien sûr car la bière n’y est pas chère (4 euros la pinte), le vin gouleyant à souhait (château Peychaud) et les terrines de pâté de très bonne qualité (notamment celle des frères Darras). Mais ce qui frappe d’emblée dans ce bar associatif, c’est la facilité avec laquelle nous pouvons côtoyer nos frères humains, qu’ils soient habitués des lieux ou bien seulement de passage, qu’ils soient jeunes étudiants ou bien retraités venus découvrir l’endroit en curieux à l’occasion d’une promenade le long du Square du Cardinal Wyszynski. Il n’est absolument pas nécessaire d’être pratiquant pour y être bien accueilli et, de fait, nombre de gens du Quartier y ont déjà leurs habitudes. “Le bar a avant tout été pensé comme une surface de contact avec la population locale qui nous permet de mieux la connaître en évitant de rester claquemurés dans l’église”, nous précise le Père de Mello. Mais les meilleures intentions du monde ne trouvent pas toujours l’écho qu’elles méritent et le bar a malheureusement été très gravement endommagé par un début d’incendie qui s’est déclaré le 14 juillet 2024 lors de la profanation de l’église Notre-Dame-du-Travail. Une cagnotte a depuis été ouverte pour permettre la restauration de l’église et de son annexe associative (cliquer ici). Ces malheureuses entrefaites n’ont bien évidement pas entamé le volontarisme et l’enthousiasme du Père de Mello et de son équipe. En plus de célébrer dans la joie et la bonne humeur les traditionnelles fêtes religieuses qui rythment notre calendrier, Le Verre Saint propose en permanence à ses visiteurs des activités susceptibles de faciliter leur rencontre et leurs échanges : des jeux de société comme ce vendredi soir, des soirées musicales très bon enfant qui ont lieu dans la crypte de l’église qui sera bientôt complètement rénovée et insonorisée, et de courtes soirées à thème intitulées “Une bière avec” où des invités engagés au service du bien commun de la société viennent une fois par mois témoigner des choses inspirantes qu’ils ont pu réaliser dans leur vie. Rendez-vous est déjà pris avec des Youtubeurs créateurs d’une chaîne dédiée Amen pour une nouvelle session de ces sympathiques rencontres-débats. Accourez donc d’urgence au Verre Saint de la rue Vercingétorix avant que le Ciel ne vous tombe sur la tête !

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Un lieu de convivialité intergénérationnelle… (photo Le Verre Saint)
… Au pied de l’église Notre-Dame-du-Travail (photo Le Verre Saint)