Hélisenne et Serge, les égarés du “Laurier”

Hélisenne Lestringant a perdu son fil. Saurez-vous l’aider à le retrouver demain mercredi 20 décembre au bar-restaurant Le Laurier à partir de 19h30 ? Après Filles de Personne, également créé au Laurier par Serge Sandor en 2022, la tonitruante actrice vous fera part, dans Gueule d’égarée, de considérations sur l’amour que son personnage continue à allégrement chercher avec Pierre Paul Jacques sur Tinder. Gare à tous ceux qui lui poseront un lapin !

Le défi du théâtre dans les bars

Vous serez donc au rendez-vous l’un ou l’autre de ces deux prochains mercredis soirs au Laurier et bien prévenus quand vous verrez débarquer notre sympathique Gueule d’égarée qui tourne au Cuba Libre (rhum-coca) avant de briser la glace avec ses proies potentielles. C’est Pierre qu’elle est venue “pécho” cette fois-ci. Donc moi, donc vous si vous avez choisi ce pseudo sur Tinder. Les habitués des sites de rencontres savent bien que le premier danger qui les guette lorsqu’ils ont enfin convenu d’un date est de n’avoir absolument rien à dire à leur vis-à-vis. Aucun risque avec Hélisenne dont la tête est encore farcie des souvenirs de sa vie de couple passée avec Paul qu’elle continue de tendrement appeler “mon petit clown”. Nous n’en dévoilerons pas plus du texte de Serge Sandor qui confortera sans doute toutes celles et tous ceux qui ont choisi le célibat pour ne pas avoir à épuiser les charmes de la vie à deux… Le théâtre dans les bars, à mi-chemin du théâtre de rue et du théâtre sur scène, est un défi que relèvent avec brio Hélisenne et Serge qui n’en sont pas à leur coup d’essai au Laurier. “C’est vraiment une forme de théâtre très sportive, nous confirme Hélisenne. Et un véritable numéro de funambule qui fait feu de tout bois car l’une des difficultés est de ne pas perdre la trame quelle que soit la réaction du public que je provoque et sollicite en permanence.” La performance de l’actrice, qui se déroule en présence du metteur en scène, dure un peu moins d’une heure dans la grande salle du restaurant. Louis, le patron, est ravi. Les Pernétiens un peu curieux n’hésiteront pas une seule seconde à venir saluer sa prise de risques en assistant demain soir à la quatrième représentation de Gueule d’égarée pour enfin passer une soirée au restau qui a de la gueule !

Théâtre dans les bars – Gueule d’égarée de Serge Sandor avec Hélisenne Lestringant – Mercredis 13 et 20 décembre à 19h30 – Entrée libre au chapeau – Le Laurier, 2 rue Pernety / 24 rue Didot, Paris 14ème – Réservation au 01 45 42 79 35.
Hélisenne Lestringant et Serge Sandor au “Laurier”

Bruno Bonhoure, Visiteur de Noël à Pernety Village

“Non mais qu’est-ce que c’est que ce bin’s ? Qu’est-ce que c’est que cette mascarade ?” Nous n’en revenons toujours pas d’avoir été soudainement propulsés sept siècles en arrière au temps de Boutouille la Fripouille en rencontrant Bruno Bonhoure, le codirecteur de l’ensemble de musique médiévale La Camera delle Lacrime, à la terrasse du café-restaurant L’Imprévu ce lundi 6 novembre 2023. Au Moyen Âge, bouteiller était le titre donné à l’officier chargé de l’approvisionnement en vin d’une cour. Il pouvait aussi avoir un rôle d’échanson, ce qui signifie qu’il pouvait être amené à servir le roi à table dans les grandes occasions. Pas de bol, Bruno a commandé un café-crême…

Voyages dans les couloirs du temps

Mais foin de rire et chansons pour notre visiteur de marque qui commence l’interview sur les chapeaux de roues ! Il faut dire que son agenda de fin novembre est très chargé : rencontres professionnelles à la Philharmonie de Paris, mise en ligne des nouveaux épisodes d’une série pédagogique sur le Moyen Âge, et sortie du dixième album de l’ensemble La Camera delle Lacrime basé à Clermont-Ferrand qu’il codirige (depuis presque vingt ans) avec Khaï-Dong Luong. Nous avons écouté ce CD qui nous a transporté au 14ème siècle, en 1348 très précisément, alors qu’une épidémie de peste ravage la ville de Florence. Le spectacle Visions Amoureuses dont Bruno est l’un des interprètes vocaux est créé à partir de textes du Décaméron de l’écrivain italien Giovanni Boccacio et porté par la musique de Guillaume de Machaut et de Haendel. Un très beau cadeau de fin d’année pour les amateurs et les curieux, disponible à la commande sur le site de l’ensemble musical à partir du 22 novembre (cliquer ici). Pour permettre aux enfants des écoles et aux collégiens de ne pas rester en rade et de voyager avec nous dans les couloirs du temps, Bruno et son équipe sont également à l’origine de la création de Circum Cantum, une série pédagogique qui leur propose une histoire du Moyen Âge au fil des chansons. Neuf nouveaux épisodes, chacun assorti d’un karaoké médiéval, pourront être découverts le 22 novembre également en cliquant ici. C’est joyeux, pertinent et c’est gratuit !

Sortie le 22 novembre 2023

Visions covidiennes

Et les Quatorziens alors ?, me direz-vous ! C’est là qu’intervient Catherine Desbordes, la Miss Marple de Pernety, qui accueille, entre le 23 et le 31 décembre 2023, dans sa petite brocante du 45 de la rue de la Sablière une exposition des dessins de Bruno réalisés pendant la période du confinement particulièrement frustrante pour les créateurs. “Comme je tournais chez moi comme un lion en cage, j’ai ressorti feutres et papiers et j’ai dessiné une image par jour que je postais ensuite sur Instagram, se souvient Bruno. Curieusement, il m’a été impossible d’en faire une sélection tant ces dessins touchaient à ce qu’il y a de plus intime, plus encore que le chant qui est pourtant extrêmement intime. Mon amie Catherine, qui est une grande gourmande, a souhaité en sélectionner un certain nombre en vue d’une exposition dans sa galerie-brocante qui débutera donc le 23 novembre. Mes dessins sont pour partie des clins d’oeil politiques en réaction aux décisions des autorités pour ce qui est dessins satiriques, et aussi (il n’y aura pas les dessins politiques chez Catherine) des clins d’oeil à la poésie, celle d’Eluard par exemple, ou à la peinture avec la figure de Victor Brauner qui est centrale dans mes recherches graphiques. Il y aussi certains objets de mon intérieur. J’ai chez moi plusieurs boîtes d’images représentant des artistes que j’aime ou bien encore des oeuvres du patrimoine mondial sur lesquelles j’ai pu réaliser certaines variations. Je suis également un grand admirateur du résultat du geste nécessaire et performatif de celui qui orna les murs des grottes peintes, en particulier le site de Peuch Merle dans le Quercy”. Visiblement, les idées ont fourmillé dans la tête du chanteur et directeur musical Bruno Bonhoure pendant la très funeste période du confinement, confirmant le principe d’éniantiodromie énoncé par Héraclite selon lequel tout mal apporte avec lui le bien correspondant. Allez donc le vérifier une nouvelle fois entre le 23 et le 31 décembre 2023 au 45 rue de la Sablière !

Cliquer ici pour pour accéder au site de La Camera delle Lacrime et ici pour les dessins de Bruno postés sur Instagram.

Catherine Desbordes en soutien de l’oeuvre picturale de Bruno

YKO, artiste total et sans frontières

Dialogue entre YKO et son Polaroïd (photo C. Degoutte)

Il cause, il cause, YKO. Et l’on se sent très vite perdu et dépassé, comme au beau milieu de la forêt amazonienne. Comment peut-on avoir fait autant de choses dans et de sa vie ? Comment peut-on parler plusieurs langues de façon articulée et nuancée tout en étant happé par les mille disciplines de l’art ? Comment peut-on être tout à la fois poète, musicien, acteur de théâtre (et de séries télé), photographe, artiste urbain et (ex-)trapéziste de cirque ? “Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur”. Suivons donc le conseil de Cocteau et écrivons notre article en trois parties à peu près égales sur Yesser Kaadi Oliveira, alias YKO.

Brésilien cosmopolite

Cet article n’est pas une iconographie. Car une heure et dix huit minutes d’interview n’ont pas fini d’épuiser le sujet YKO, artiste total et sans frontières. La profondeur de la connaissance des activités artistiques auxquelles il s’adonne nous empêche d’utiliser le terme de touche-à-tout qui pourrait suggérer la superficialité dans tous les domaines. YKO est bien plutôt un “multi-perfectionniste”, habité du même désir de profonde maîtrise quand il transfert une émulsion de Polaroïd, joue de son pandeiro ou pratique une langue étrangère. L’exigence est un fardeau qui empêche l’autosatisfaction mais aussi parfois la concrétisation d’une oeuvre ou d’un projet. Elle nous pousse à creuser autant qu’à avancer. C’est peut-être elle qui explique comment l’énergie créatrice d’YKO a pu jaillir en étoile dans autant de directions artistiques. Bien sûr, comme toujours, l’entourage familial a joué un rôle déterminant. Son père notamment, grand amateur de poèmes et de photographie, qui le laisse manipuler son appareil photo dès l’âge de 8 ans pendant sa jeunesse brésilienne, et lui offre un appareil personnel quelques années plus tard. Cette ouverture grand angle sur la vie et la culture va l’amener à détester les frontières géographiques et abolir celles artistiques susceptibles de freiner sa soif de découvertes. YKO nous a raconté par le menu son parcours personnel et artistique qui l’a mené du Brésil à la France en passant par les Etats-Unis, et du théâtre à la musique en passant par le cirque. Nous ne nous doutions pas un seul instant de l’extrême richesse de sa trajectoire lorsque nous l’avons rencontré pour la première fois à Belleville rue Dénoyez au moment où il opérait la jonction entre ses deux principales activités artistiques d’aujourd’hui : l’art urbain et la scène musicale.

Carreaux High Voltage d’YKO (photo C. Degoutte)

Des carreaux et des corps

YKO se produisait ce soir-là en concert solo à la galerie Friches_et_nous_la_paix de la rue Dénoyez bien connue de tous les street-artists parisiens. Dans ce qui fut le lieu de résidence du pochoiriste Pedrô!, il a interprété quelques unes de ses chansons avant d’aller poser alentours plusieurs carreaux qui sont les supports de prédilection de son travail photographique sur le nu. Pourquoi le nu ? “Une fois terminé mon travail sur la technique du transfert d’émulsion à partir de Polaroïds et sur les différents vernis permettant de préserver au mieux ce transfert sur un carreau, s’est posée la question du sujet, se souvient YKO. Je ne me sentais pas de mettre la tête des gens sur mes carreaux. Autant que des réminiscences de la culture du corps qui prévaut au Brésil, ma visite d’un camp naturiste à Montalivet avec un groupe d’amis a été le déclic qui m’a donné l’idée de mettre en relief les corps nus du commun en tant que représentation d’une sorte d’expression universelle du corps. J’ai proposé à mes amis de les prendre en photo, ce qu’ils ont accepté de très bonne grâce. Mais on ne voit bien sûr jamais leur visage sur mes carreaux pour préserver leur anonymat.” YKO pose depuis lors ses carreaux représentant des corps nus un peu partout dans le 20ème arrondissement ou à proximité des endroits où il se produit en tant que musicien. Il a récemment investi le 14ème en en collant quatre dans la rue des Thermopyles. Certaines de ses rues ou de ses impasses sans issue de prédilection deviennent pour lui de véritables rues-galeries. YKO continue pourtant à coller ses carreaux à la sauvette avec un peu d’appréhension de peur d’être interpellé par la maréchaussée et de devoir payer une amende qui viendrait s’ajouter aux coûts déjà importants occasionnés par son travail. Mais la motivation demeure et il n’est pas peu fier de voir nombre de ses oeuvres “validées” par les habitants des immeubles sur lesquelles il les a posées en constatant qu’elles n’ont pas été enlevées par eux ou sont même nettoyées par eux . “J’y vois la reconnaissance artistique de mon travail et cela me touche toujours énormément”, reconnait le street artist avec sincérité.

En flagrant délit de collage fluo rue des Thermopyles (photo C. Degoutte)

New Morning pour Next Frontrier

Mais la grande affaire du moment est la musique à laquelle il s’adonne depuis des années. A l’école du cirque, YKO jouait du saxophone. Contraint d’abandonner le métier de circassien, il est devenu musicien percussionniste professionnel spécialiste du pandeiro, le tambourin sur cadre et à cymbalettes qui est si central dans la musique brésilienne. Il a travaillé énormément de cet instrument avant de pouvoir en vivre en tant qu’intermittent du spectacle en accompagnant des musiciens de samba. Depuis 4 à 5 ans, YKO est devenu auteur-compositeur-interprète de ses chansons qu’il qualifie lui-même de poésie chantée subversive. Orphelin volontaire des grandes formations musicales au sein desquelles il jouait de son instrument de prédilection, il se retrouve aujourd’hui seul sur scène habillant de sons électro des textes scandés qui questionnent la société dans laquelle nous vivons. “Ma production musicale réunit toutes les influences cosmopolites que j’ai pu rencontrées en France depuis 20 ans, résume YKO. Je ne prétends pas du tout faire de la musique brésilienne. Mon style personnel se rapproche beaucoup plus du slam et de la musique urbaine comme le rap tout en restant mélodique. J’écris la plupart du temps mes textes avant la musique, mais ils restent des textes pour faire danser que je peux écrire aussi bien en français qu’en portugais”. Le challenge est aujourd’hui de surmonter son perfectionnisme congénital pour parvenir à réunir ses chansons en un album. Nul doute que son prochain concert du samedi 11 novembre au New Morning en première partie de Djonga, qui est l’un des rappeurs les plus importants de la scène brésilienne actuelle, lui apportera le surcroit de confiance nécessaire à la réalisation de ce projet qui représente à coup sûr pour notre artiste total the Next Frontier

Cliquer ici pour accéder au compte Instagram d’YKO.

YKO au New Morning

Inauguration de la plaque du 54 de la rue du Château

La plaque définitive du 54 rue du Château

L’inauguration de la plaque de rue illustrée définitive du 54 de la rue du Château aura lieu à 11h15 dimanche 12 novembre 2023, soit l’année du centenaire de la transformation par Marcel Duhamel pour ses amis artistes d’“une toute petite bicoque de marchands de peau de lapin” en une luxueuse maison qui aura abrité nombre des plus grands noms du mouvement surréaliste.

Une adresse mythique de l’histoire de l’art 

Qu’est ce que le 54 rue du Château ? Cette adresse est aujourd’hui un petit parking situé au dessus des voies de la gare Montparnasse. Il y a tout juste un siècle, c’était “un atelier, un phalanstère, une maison ouverte à tous vents, aux artistes et aux chats”. Combien d’illustres artistes sont-ils passés ou bien ont-ils vécu dans ce repère d’originaux créé grâce aux bons soins de Marcel Duhamel, futur éditeur de La Série Noire ! Breton et Prévert bien sûr qui figurent sur la photo de la plaque de rue illustrée apposée par le street-artist Jean-François Caillarec. Mais également Tanguy, Giacometti, Desnos, Queneau, Aragon, Péret, etc. De très nombreuses réunions surréalistes se sont tenues à cette adresse et c’est là que Prévert aurait donné au jeu des petits papiers le nom de “cadavre exquis”. Dans Hebdromadaires (1972), l’auteur de Paroles se souvient : “Breton disait de la rue du Château qu’il n’avait pas vu pareille atmosphère de liberté… Il y avait un peintre, Yves Tanguy qui n’avait jamais peint, un mécène, Marcel Duhamel, qui était alors directeur d’hôtel, et moi qui ne foutais rien.” On y trouvait “le véritable alambic de l’humour au sens surréaliste”, surenchérit Breton dans ses Entretiens. C’est pour honorer cette adresse mythique de l’histoire de l’art que trois artivistes de l’art urbain du 14ème arrondissement de Paris vous invitent dimanche 12 novembre 2023 à 11h15 à l’inauguration de la plaque mémorielle illustrée posée au 56 rue du Château tout à côté de l’emplacement du 54. Notez qu’un second évènement organisé autour de cet endroit mythique semble également être dans les cartons du Conseil de Quartier Pernety qui est le propriétaire de la plaque de rue illustrée.

Plus d’information en cliquant ici.

Pochoir d’André Breton réalisé par Ariane Pasco sur le parking du 54

 

Paris 14ème underground by Comte de Saint-Germain

Le Comte de Saint-Germain à la recherche des eaux souterraines dans les caves du 14ème…

Pernety 14 a l’honneur de vous présenter cette semaine un homme de très très grande qualité : le Comte de Saint-Germain himself, qui nous a littéralement bluffés en nous faisant découvrir, grâce à deux formidables balades audioguidées, un 14ème arrondissement que nous ne connaissions pas – sur les traces d’Arsène Lupin au dessus des Catacombes, puis autour du parc Montsouris. Suivez le guide, vous ne le regrettez pas et ne l’oublierez pas de sitôt !

Le choix du 14ème caché et secret

Vous le reconnaitrez facilement dans la rue coiffé de son haut de forme. Le Comte de Saint-Germain est un parisien immortel qui habite l’Esprit de Paris, une version imaginaire et théorique de la ville, et qui voyage incognito dans les couloirs du temps depuis 2200 ans. Sa curiosité tous azimuts le fait s’intéresser à tout ce qui bouge ou qui ne bouge pas dans la Ville Lumière qu’il a vue bien changer au cours des siècles. La bonne nouvelle, c’est qu’il a aujourd’hui décidé de nous faire profiter de son immense culture en réalisant des balades audioguidées accessibles à tous sur VoiceMap, et, pour le plus grand bonheur des Quatorziens, de choisir notre arrondissement pour écrire les premiers items d’entre elles. Car M. le Comte, comme tout aristocrate qui se respecte, est un peu excentrique et rebelle. Il aurait trouvé fort “commun” de commencer ses visites guidées de Paris en nous parlant de La Tour Eiffel ou bien du Quartier du Marais où accourent en masse les touristes du monde entier. Son souci est bien plutôt de nous faire découvrir la face cachée des choses, le Paris underground, secret et parfois disparu qui a depuis toujours sa préférence. D’où le 14ème arrondissement. “Comme un symbole, le monument le plus mythique du 14ème, celui que viennent visiter les touristes, n’est pas visible et est situé sous terre”, nous fait observer en riant le Comte pour illustrer sa démarche atypique. La balade intitulée Sur les pas de Lupin, au dessus des catacombes de Paris explore pendant environ une heure la partie nord de l’arrondissement et plaira tout particulièrement à ceux qui sont amateurs de mystères. Elle nous emmène, entre autres parties secrètes et mal connues du 14ème, autour des tunnels publics ou privés des Catacombes, creusés à vingt mètres sous Paris, et qui ont été les lieux du tournage d’un épisode très spécial de la série télévisée Lupin dont le principal interprète est Omar Sy. Ce fil rouge des Catacombes sert de prétexte à une très belle promenade au cours de laquelle le Comte de Saint-Germain nous entretient tout aussi aussi bien de science que de religion, de culture que d’histoire, en passant devant l’hôpital Cochin, le pied de la statue de François Arago, la Ferme de Montsouris ou bien encore la prison de La Santé, pour ne prendre que quelques exemples parmi une foultitude d’autres. La balade fourmille d’anecdotes truculentes et fort intéressantes qui sont très souvent soulignées et mises en valeur par de riches ambiances sonores et effets spéciaux. Littéralement bluffés par cette première performance, et puisque les bons Comtes font les bons amis, il ne nous restait plus qu’à nous laisser guider le weekend suivant par la deuxième balade audio intitulée Autour de Montsouris : eaux secrètes et villages cachés.

Si Paris 14 m’était Comté…

La vérité est que l’on se sent tout petit devant M. le Comte. Nous, qui nous nous efforçons très humblement de faire découvrir les acteurs et les lieux qui font vivre (et rendent beau) le 14ème arrondissement de Paris, avons pris une grosse et mémorable claque à l’écoute de cette deuxième balade audioguidée tant elle est riche d’informations et permet de splendides découvertes. Le Comte l’admet lui-même : “Cette balade est en fait la première que j’ai réalisée et j’ai vraiment voulu tout mettre dedans au risque de la rendre un peu trop dense, un peu comme on le fait lorsqu’on écrit son premier roman. J’étais d’autant plus motivé que le quartier Montsouris est un quartier un peu délaissé et peut-être même mal-aimé car aucune grande gloire ne vient véritablement l’illustrer”. Avec le thème de l’eau comme fil conducteur, la superbe promenade débute au pavillon d’Arcueil et se termine à la cité florale du 13ème arrondissement de Paris. C’est un véritable festival de découvertes dont nous laissons la surprise à tous les Quatorziens qui ne connaitraient pas bien leur arrondissement. Evoquons seulement entre autres le réservoir de Montsouris, le splendide square de Montsouris et la maison de Foujita, l’aqueduc de Lutèce, l’aqueduc Médicis, la maison de Coluche et la Petite Ceinture. La voix du Comte de Saint-Germain, qui se fait parfois légèrement théâtrale, anime très agréablement la promenade tout au long du parcours d’une heure et trente minutes. Le très grand plaisir que nous avons éprouvé à la faire sera-t-il un ferment de motivation suffisant pour que notre gentilhomme renouvelle l’exercice pour chacun des villages qui constituent le 14ème ? Rien n’est moins certain car M. le Comte a aujourd’hui d’autres projets en tête qui ne concernent pas directement notre arrondissement. “Chaque balade audioguidée correspond à un travail en français et en anglais de plusieurs semaines voire plusieurs mois qui est très scrupuleusement contrôlé par VoiceMap au plan technique, nous dit-il. Et j’aimerais aujourd’hui pouvoir me consacrer à un autre thème de promenade dans des quartiers de Paris un peu plus touristiquement fréquentés. Dans quelques années peut-être, je reviendrai dans le 14ème…”. Le meilleur moyen de l’encourager à continuer à enchanter les Quatorziens curieux de leur arrondissement est sans aucun doute de le suivre Sur les pas de Lupin et Autour de Montsouris. Il se dit très touché par les retours positifs qu’il reçoit. Eh oui, ça compte !

Cliquez ici pour accéder au site officiel du Comte de Saint-Germain qui inclut une petite biographie et des explications, ici pour accéder au réseau social où il est le plus actif et ici pour accéder à toutes ses balades sur le site de VoiceMap.

Le Comte de Saint Germain au pied de la statue François Arago

Anna Waisman renaît encore une fois en septembre 2023

Le très bon trip de bad beu dans le 14ème

bad beu, impasse du Moulin Vert le 1er septembre 2023 (photo C. Degoutte)

N’en déplaise aux anti-écolos, les mauvaises herbes rendent la capitale plus belle. Le bien nommé Stéphane Malherbe, alias bad beu, est de celles-ci. Nous nous étions donnés rendez-vous ce vendredi soir impasse du Moulin Vert, au coin de la rue des Plantes (!), pour le collage de la deuxième de ses oeuvres qui honore notre arrondissement en rendant hommage au très regretté Quatorzien Patrick Dewaere. L’occasion pour nous de faire plus ample connaissance.

Une jeunesse très rouge

“Un verre ça va, Dewaere bonjour les dégâts !”. Etait-ce l’alcool qui a délié les langues alors que nous fêtions le collage réussi de sa belle réalisation ? Etait-ce l’exaltation liée à la satisfaction d’avoir réalisé un très joli coup ? Ou bien était-ce sa spontanéité naturelle ? Toujours est-il que nous n’avons eu aucune difficulté à faire parler de lui notre artiste urbain, ce qui a rendu notre interview très agréable et intéressante. Stéphane Malherbe, plus connu sous son pseudo bad beu et qui signe aujourd’hui ses oeuvres tout simplement bad, est né il y a 56 ans à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. Il baigne dans une culture très marquée à gauche puisque son père est un communiste pur et dur qui lui interdit formellement d’aller voir Rocky au cinéma ou même de boire du Coca-Cola (!). Comme lui, Stéphane deviendra professeur d’éducation physique et sportive en vouant une véritable passion pour le sport. bad beu n’a pas échappé à son destin puisqu’il habite et exerce son métier toujours en plein coeur de la banlieue rouge entre Vitry, Ivry et Cachan. Son univers mental est habité des souvenirs de sa jeunesse entre Pif Gadget, drapeaux rouges et affiches de propagande du PCF. C’est seulement un peu plus tard, en loucedé et grâce à ses copains de classe, qu’il s’extasiera sur les bandes dessinées de Marvel Comics peuplées de super-héros aux corps incroyables, et qu’il s’ouvrira à une culture pop, rock et ciné un peu plus éclectique. Le carreau Lénine qu’il a posé au 24 rue Beaunier, à l’endroit précis du 14ème arrondissement de Paris où le révolutionnaire russe a vécu avec sa famille en 1908-1909, est un vestige de cette jeunesse qu’il a trouvé facile et évident à réaliser tant il est familier de cet univers culturel.

Carreau Lénine, 24 rue Beaunier, Paris 14ème (photo C. Degoutte)

Vocation tardive pour vide existentiel

Les années qui passent éloignent Stéphane de l’atmosphère quelque peu étriquée de ses jeunes années en le faisant devenir professeur d’EPS, mari et père de famille. Il est à l’époque un sportif accompli qui s’entraîne au triathlon vingt heures par semaine souvent au détriment de sa vie familiale. Il finit par définitivement s’essouffler et décide un soir d’arrêter les activités sportives pour consacrer ses loisirs à une dimension plus créative de sa vie, susceptible de combler le vide existentiel laissé par l’abandon du sport. Depuis quelques années déjà, il  s’intéresse vaguement aux oeuvres que ses amis street artists collent à la Butte-aux-Cailles. Après avoir tâtonné quelque peu, il commence par poser à Vitry près de son domicile des oeuvres réalisées sur carton toilé, un support qui, en plus d’être assez onéreux, résiste mal aux intempéries et à l’épreuve du temps. Un ami lui propose alors de récupérer pour son compte dans une déchetterie des carreaux de carrelage qui présentent le double avantage de mieux faire ressortir les couleurs et de valoriser son travail sur les vernis. La relative fragilité du matériau utilisé n’effraie nullement celui qui accepte d’emblée les règles du jeu du street art dont les réalisations peuvent être très éphémères. “Les personnages que je choisis de représenter sont d’ailleurs souvent grattés, nous précise l’artiste. Et il y a rarement des limites corporelles bien faites et bien nettes à mes réalisations. Car le street art par nature se dégrade”. bad beu crée ainsi plusieurs centaines de carreaux dont certains ont déjà été collés et dont d’autres attendent sagement au fond de ses cartons le bon moment d’être posés au bon endroit, soit quelque part dans la rue qui reste pour lui “le plus grand musée du monde”. “Après avoir posé mes premiers carreaux à Vitry et Ivry, j’ai beaucoup collé à la Butte aux Cailles”, se rappelle bad. Avant de réaliser que j’allais très vite me lasser et peut-être surtout finir par lasser”. Force est de reconnaître que la prolifération des oeuvres de street art dans ce quartier de Paris contribue à fortement diluer voire annihiler le message que souhaitent faire passer les artistes urbains qui choisissent d’y coller leurs oeuvres. C’est là qu’intervient Claude Degoutte, l’homme qui murmure à l’oreille des street artists parisiens, pour lui suggérer d’arrêter de coller partout et surtout n’importe où. Le Quatorzien, qui est une véritable encyclopédie vivante en matière d’art urbain et le nouveau pape du street art in situ à Paris, va ainsi lui suggérer de coller un carreau Lénine rue Beaunier et un carreau Dewaere impasse du Moulin Vert où vécut et se donna la mort le talentueux et très populaire acteur français.

Carreau Dewaere, impasse du Moulin Vert, Paris 14ème (photo C. Degoutte)

Des carreaux et des rues

J’ai ressenti une très forte émotion quand je suis venu impasse du Moulin Vert pour coller mon carreau Dewaere car j’adore véritablement ce mec, nous confie bad beu converti à l’in situ. J’aime son humour à froid, son cynisme qui par moment peut choquer, et la mélancolie que son regard exprime alors qu’il avait tout pour être heureux. Je viens d’ailleurs de revisionner l’ensemble de ses films et j’ai encore plus envie de connaître le personnage depuis que je lui ai consacré un carreau”. Il est vrai qu’au même titre que Lénine ou, par exemple, Che Guevara, Patrick Dewaere est devenu pour toute une génération une véritable icône de la culture pop à laquelle quelques autres artistes, dont notamment le pochoiriste Pedrô! aujourd’hui disparu, ont également rendu hommage. “C’est sans doute l’un des trucs les plus forts et les plus rares que j’ai réalisés”, insiste bad beu qui n’a pas du tout l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Avec l’aide de Claude Degoutte, il a pour projet de créer une sorte de “carte mentale” du 14ème en semant littéralement dans tout l’arrondissement des petits carreaux dédiés à des personnalités marquantes qui permettraient aux quidams de connaître les endroits où ces personnalités ont vécu en rebaptisant symboliquement les rues de leur nom. Pourquoi pas un carreau Beckett dans la rue Rémy Dumoncel où le célèbre écrivain est mort ? Pourquoi pas un carreau “rue Giacometti” à l’endroit où le sculpteur avait son atelier ? Et pourquoi ne pas associer la Mairie du 14ème arrondissement à ce projet global que Claude Degoutte a dénommé “rue des petits carreaux” ? Pour une fois que bad beu, qui a généralement du mal à travailler avec les autres, trouve sparring-partner à son pied, il est prêt à foncer ! Il serait, selon nous, fort dommage de laisser cette belle idée sur le carreau…

Coup de tête pour ce second carreau semé dans le 14ème ? (photo C. Degoutte)

Cliquer ici pour accéder à la page Instagram de bad beu.

Le kiosque-atelier de Sedigheh Fahrat

Sedigheh Farhat, fidèle au kiosque (photo YB)

J’la croise tous les matins, 7h40″, aurait pu chanter Johnny. Quels destins et quels talents se cachent derrière les vies en apparence les plus banales ? Chaque jour de la semaine aux alentours de 7h45, Sedigheh Fahrat rejoint son kiosque à journaux situé devant la station de métro Pernety. N’était-ce la curiosité de quelques Pernétiens initiés (*), nul ne se douterait qu’une artiste peintre de très grand talent se cache derrière la kiosquière d’origine iranienne. Nous l’avons rencontrée ce samedi matin pour découvrir son parcours et nous familiariser avec son oeuvre.

“Le meilleur kiosque de Paris”

Le c.v. de vingt pages de Sedigheh Fahrat que nous a communiqué une amie Pernetienne est agrémenté de nombreuses oeuvres représentant des paysages, des portraits, des natures mortes ou bien encore des chevaux qui révèlent une technique picturale accomplie. Nous nous arrêtons sur la première page sur laquelle figurent les informations clés relatives à notre artiste peintre. Sedigheh est kiosquière à Paris depuis aujourd’hui 18 ans. Elle  a exercé ses fonctions dans des kiosques à journaux à Saint-Lazare, à Saint-Germain-des-Près, place Clichy, au Champs de Mars avant d’arriver rue Pernety en 2021. “Le kiosque de la rue Pernety est entre tous celui que je préfère car j’y ai sans doute l’occasion de rencontrer et de sympathiser avec des gens dont le niveau intellectuel est un peu supérieur”, nous confie Sedigheh dont l’inextinguible goût des autres la pousse à exercer cette activité avec bonheur malgré son âge avancé. Elle est née en 1946 dans le nord de l’Iran et y développe dès l’âge de 14 ans une passion pour la peinture qu’elle pratique au quotidien. C’est donc tout naturellement qu’elle s’oriente dans son pays natal vers le métier d’enseignante en arts plastiques, tout d’abord dans une école primaire à Téhéran, puis, après avoir obtenu une licence universitaire dans cette matière, dans un collège, dans un lycée et finalement à la faculté des enseignants de la capitale iranienne. La révolution islamique interrompt cette très belle progression, qui la conduit à suivre son mari architecte en France où il est réfugié politique. Malgré une maîtrise d’Esthétique obtenue à la Sorbonne, trop d’obstacles empêcheront cette diplômée des Beaux Art de Paris d’exercer le métier d’enseignante en France. Sedigheh doit en effet d’abord s’occuper de sa famille de quatre enfants et perfectionner sa pratique de la langue française. Grâce à une amie, elle apprend à faire des crêpes et exerce pendant sept ans le métier de crêpière boulevard Sébastopol au centre de Paris avant de devenir kiosquière à journaux.

Portrait d’Abbas Moyaeri, huile sur toile (photo S. Fahrat)

Sur les traces d’Abbas Moyaeri

Mais les contraintes de sa vie mouvementée ne l’ont jamais éloignée de la peinture et, dès avant de se fixer définitivement dans notre pays, elle a l’occasion d’exposer en Iran (à l’Hôtel Continental de Téhéran en 1982) et en France (par exemples, au Grand Palais et au Musée de la Femme de Paris en 1972) lors de séjours qu’elle y effectue avec son mari. Les expositions s’enchaînent dans son nouveau pays d’adoption à partir de 1990 : à Paris bien sûr (à l’occasion de ventes aux enchères à la salle Drouot entre 1990 et 1993 et à la salle Bonhams Cornette de Saint-Cyr en 2010), mais aussi dans le Val-d’Oise à Herblay où elle réside et où elle collectionne les prix, de même qu’à Cergy, à Cormeilles-en-Parisis ou bien encore dans les Yvelines à Conflans-Sainte-Honorine. Le succès est au rendez-vous puisqu’elle réussit l’exploit de vendre près de 80 (!) de ses oeuvres lors d’une exposition organisée en 2015 à la Mairie du 7ème arrondissement de Paris. “C’est le fruit d’un travail que je poursuis depuis quarante ans en empruntant différents styles : impressionnisme, abstrait, figuratif, portrait, et en utilisant différentes techniques : aquarelle, pastel, huile, gouache, stylo à bille, nous précise l’artiste qui réalise également de la peinture sur porcelaine et de la sculpture à l’argile depuis deux ans. Sedigheh a eu le privilège de suivre pendant plus de cinq ans l’enseignement d’Abbas Moyaeri (**), le grand maître franco-iranien spécialiste des miniatures persanes qui a lui aussi longtemps hanté le Quartier Pernety non loin du kiosque à journaux puisqu’il résidait rue Losserand avant d’être emporté en 2020 par la pandémie de Covid. Elle a par ailleurs pu se voir enseigner la calligraphie par Abdollah Kiaïe, un autre très grand artiste graphiste et calligraphe d’origine iranienne dont nous venons de déplorer le décès en mai dernier. Ces deux illustres prédécesseurs continuent bien sûr à nourrir son inspiration pour réaliser les natures mortes, les paysages, les portraits et les nus qui constituent l’essentiel de son oeuvre. Mais Sedigheh la trouve également sur place dans son kiosque au cours des longues heures qu’elle y passe, en compulsant par exemple les principaux titres de la presse hippique qu’elle vend aux amateurs. Elle réalise justement actuellement une série sur les chevaux. Voyez plutôt ce qu’elle sait réaliser munie d’un seul stylo à bille BIC qu’elle vend un euro dans sa boutique ! Cela se passe juste de commentaires… Puissions-nous très bientôt admirer ses oeuvres dans le 14ème arrondissement de Paris !

Cheval attelé, stylo à bille noir sur feuille, 2022 (30 x 40 cm) (photo S. Fahrat)

(*) Lire notamment l’article d’Arnaud Boland dans La Page du 14ème daté d’Avril-Juin 2023.

(**) Ne manquez pas l’actuelle exposition organisée autour de l’oeuvre d’Abbas Moayeri jusqu’au 4 septembre 2023 au Sénat (flyer ci-dessous) !

Nous avons résolu l’énigme Miss Marple & Consorts

Catherine Desbordes à l’inauguration de Miss Marple & Consorts en 2017

Il n’y a vraiment pas de quoi être fier car il nous a suffi d’envoyer un courriel au siège de la brocante associative pour pouvoir convenir d’un rendez-vous avec Catherine Desbordes qui est la principale animatrice de la structure sise au 45 rue de la Sablière, tout près de la place Flora-Tristan. L’entrevue fut des plus agréables car Catherine fait partie de ces gens passionnés qui dégagent une énergie vitale qui vous pousse vers le haut. La passion comme moteur et comme carburant. Elémentaire, mon cher Watson !

Une vie au service de la musique classique

L’étincelle qui met le feu aux poudres de la passion musicale de Catherine Desbordes a lieu à Saint-Céré dans le Lot alors qu’elle a 14 ans. Elle et ses frères ainés tombent dans la marmite de la musique classique en assistant à un rassemblement choral qui les bouleverse complètement. Après avoir entendu le requiem de Brahms, ils se précipitent vers le président de l’association organisatrice et lui proposent de mettre toute l’énergie de leur jeunesse à son service. Catherine et ses deux frères commencent par s’occuper de la régie et de la logistique immobilière pour apprendre leur métier. En 1980, ils reprennent eux-mêmes les rênes du Centre Européen d’Echanges Musicaux avec l’idée de le transformer en une structure leur permettant de gagner leur vie tout en développant l’activité opéra. Ils travaillent cinq années, sept jours sur sept, avant de percevoir leur premier salaire. Alors que son frère Olivier qui est un artiste-né se consacre bientôt à la mise en scène d’opéras, Catherine s’occupe quant à elle de la production des spectacles musicaux en gérant toute la chaîne de leur fabrication. En 1993, elle opte pour une vie plus stable en travaillant au développement de l’ensemble baroque de Limoges sous l’impulsion de son chef Christophe Coin, avant de prendre en charge celui de la Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS) dirigée par Jacques Toubon. “Nous avons, avec Jacques Toubon, fait pendant dix ans un énorme et très efficace travail de lobbying pour que la sphère indépendante soit observée et considérée de la même manière que les orchestres permanents et les maisons d’opéras, témoigne Catherine. Alors que certains ensembles indépendants sont mieux ou très différemment lotis, historiquement et politiquement, nous nous sommes appliqués à les remettre à niveau et à rendre visible toute la sphère indépendante”. Catherine, qui a gardé intact l’enthousiasme de ses vingt ans, a des raisons d’être fière de son bilan. Combien de portes vers la musique classique et l’opéra les ensembles indépendants ont-ils en effet ouvert en ruralité ou dans les centres urbains de la banlieue parisienne, là où il ne se passe habituellement rien ou presque dans ce domaine particulier ? “Une levée de rideau avec 500 personnes qui vous disent merci les larmes aux yeux au mois de janvier au fin fond du Lot ou du Gers, ça vous donne des frissons et j’ai encore aujourd’hui les poils qui se dressent à l’évocation de ses souvenirs”, nous dit-elle.

Picture discs et affiches Rossignol

C’est pour rester en lien avec l’art vivant et pour faire profiter de son retour d’expérience de 45 ans de métier que Catherine et deux amis ont créé en 2017 l’association Miss Marple & Consorts qui accompagne et soutient les ensembles de musique indépendants dans la sphère classique. Le mentorat qu’exerce l’association a notamment été utile pendant le confinement de 2020 : “Quand vous avez plus de 40 ou 50 concerts annulés et que vous ne pouvez plus payer vos musiciens, vous êtes sujets à certains questionnements, notamment en termes de coûts et d’appréciations, pour lesquels nous pouvons par notre expérience apporter des éléments de réponse”, soutient Catherine. Nous restons dans tous les cas au service des indépendants et intermittents qui travaillent sur de beaux projets de musique classique.” La petite brocante du 45 rue de la Sablière atteste de cette présence et de ce soutien continus puisque tous les bénéfices des ventes financent (en partie) les missions de l’association. “Au moment de notre retraite, nous nous sommes demandés avec mes deux amis ce que nous pouvions faire pour ne pas mourir après de si passionnantes vies, et, puisque nous étions tous les trois très chineurs, nous avons décidé de monter cette petite brocante près de la place Flora-Tristan”, se souvient Catherine. C’est le bon plaisir de sa principale animatrice qui préside aux choix des objets proposés à la vente : “J’aime les choses anciennes et je me fais un plaisir personnel illimité”, assume-t-elle. On balaie un spectre qui va des années 1930 aux années 1960-70-80. Je m’amuse beaucoup à chiner et je me suis tout particulièrement prise de passion pour les picture discs qui datent pour certains du début des années 30 ainsi que pour les cartes scolaires réalisées dans les années 50-60 par les époux Rossignol pour faire évoluer par l’image l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Je les achète et je les donne à l’association.” Rien ne remplace bien sûr une visite à la brocante associative pour découvrir les autres trésors qu’elle recèle et qui font sa singularité : moulins à café et poivriers, produits publicitaires (buvards, thermomètres et chromos Liebig), terres cuites de l’Isle Adam, et bien sûr disques vinyles de musique classique. La brocante est aussi pour Catherine l’occasion d’assouvir son goût des autres et de créer du lien humain autour d’un café. Nous reconnaissons d’ailleurs “la parfaite détective à domicile” aux quelques questions qu’elle nous pose sur notre propre activité associative dans le 14ème… Autant tout cracher car rien ne saurait échapper à la sagacité de Miss Marple !

Cliquer ici pour accéder au site de Miss Marple & Consorts et ici pour sa page Facebook.

Balade street-art à Paris 14 : art urbain et mémoire des lieux

Double anamorphose en hommage à Coluche et sa femme Véronique par Zag et Sia

“Les lieux se souviennent des évènements”, notait James Joyce dans son roman Ulysse. Cette réflexion, qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd mais dans celle du Quatorzien Claude Degoutte, figure en exergue de son très beau livre intitulé Paris Street Art, la mémoire des lieux. Le “fotograff” y revisite le concept des oeuvres d’art in situ qui sont celles réalisées et produites pour un endroit spécifique en entrant en résonnance avec son histoire, sa mythologie ou son actualité. Claude a bien voulu décliner ce concept localement en nous offrant une balade street art in situ dans le 14ème arrondissement.

De Coluche à Miller, l’extraordinaire substrat artistique du 14ème

A tout seigneur tout honneur, notre balade s’ouvre, aux confins du 13ème arrondissement, par l’hommage à Coluche situé entre la rue Gazan où il résidait et la rue de l’Amiral Mouchez : le génial humoriste et sa femme Véronique y sont réunis dans une double anamorphose réalisée par Zag et Sia sur l’escalier d’une trentaine de marches de la rue Lemaignan. Un peu plus loin, nous traversons le parc Montsouris où fut tourné Cléo de 5 à 7, le célèbre film d’Agnès Varda qui habitait la rue Daguerre à deux pas de laquelle a été réalisée en son honneur une fresque poétique de 25 m. “On réfléchit à immortaliser le film par une plaque ou un pochoir sur une boite métallique du parc”, nous dit Claude. Sortis avenue René Coty, nous sommes soudain confrontés à une oeuvre de street art très originale signée Léonalix Maz représentant une vue aérienne du quartier Montsouris chargée en Lubrizo, principe actif perturbateur des lignes cartographiques. Remontant l’un des escaliers de l’avenue, nous traversons la rue des artistes et tombons rue de l’Aude sur une grande fresque réalisée sur le mur d’un bâtiment Emmaüs par Twopy, qui a fait des rats les principaux personnages de ses oeuvres après avoir séjourné aux Grands Voisins dans un atelier d’artiste qui était un ancien laboratoire où étaient étudiés nos amis “surmulots”. Poussant jusqu’à la villa Seurat, haut lieu artistique du 14ème et autrefois conçue comme une véritable cité d’artistes regroupant de nombreuses maisons ateliers, Claude évoque le souvenir d’une scène des Tontons flingueurs avec Lino Ventura qui pourrait elle aussi être immortalisée par une plaque. Le numéro 18 de la voie qui hébergea Henri Miller, l’auteur de Tropique du Cancer, mais également Chaïm Soutine et Antonin Artaud, marque très précisément le début de la démarche du fotograff se lançant dans le projet d’écrire un livre sur les oeuvres in situ : “J’ai proposé à David Singular Vintage qui avait réalisé un pochoir d’Arthur Miller, qu’il avait collé à Belleville où l’écrivain n’avait pas du tout ses habitudes, de venir le poser à l’endroit où Miller habitait. C’est le concept même de l’in situ que de donner un surcroit de sens aux oeuvres produites. L’idée a beaucoup plu à David qui l’a réutilisée pour Albert Camus dont il a posé un pochoir à l’hôtel du Poirier rue Ravignan où il a terminé d’écrire L’étranger ainsi que rue Réaumur où il travaillait pour Combat et au Théâtre Antoine où fut créée par lui la pièce Les Possédés adaptée du roman de Dostoïevski”

Pochoir d’Henry Miller par Singular Vintage posé en face du 18 Villa Seurat (Photo C. Degoutte)

Endroits mythiques de l’histoire de l’art

Les oeuvres de street art sont par trop disséminées dans notre arrondissement pour que l’on puisse organiser un véritable circuit de leur découverte comme, par exemple, à la Butte aux Cailles dans le 13ème arrondissement. Après avoir marché un moment, nous nous engageons dans la Petite Ceinture au niveau de la gare du Poinçon. La portion de 750 m de voie ferrée reste un repère important pour les graffeurs de l’arrondissement et réserve de jolies surprises tout le long de ses voies surélevées végétales. Arrivés rue Didot, nous nous arrêtons devant la fresque de Fred Calmets qui rend hommage au grand peintre chinois Zao Wou-Ki. “A son arrivée à Paris, Zao Wou-Ki installa son premier atelier rue du Moulin Vert, tout proche de celui de Giacometi, m’explique Claude. Puis il emménagea rue Jonquoy, tout près de la rue Didot où Fred Calmets a réalisé cette fresque de 4 m sur 9 m à l’initiative des habitants du quartier qui croisaient souvent le peintre dans la rue, sa blouse tachée de peinture et ses vielles baskets aux pieds”. Au niveau de la rue d’Alésia, nous nous arrêtons à l’endroit précis où Cartier-Bresson a pris en 1961 l’une de ses photos les plus célèbres montrant Giacometti traversant la rue sous la pluie, le col du manteau relevé sur la tête. C’est à cet endroit mythique que Jérôme Gulon a collé une mosaïque représentant un portrait d’Alberto Giacometti et assortie d’un clin d’oeil à cette fameuse photo.

La mosaïque de Jérôme Gulon malheureusement disparue (photo de 2011). La référence précise à la photo de Cartier Bresson est toute discrète, en bas à gauche, mais elle y est ! (Photo J. Gulon)

Plaques commémoratives et boîtes à musique

Le 54 de la rue du Château est un autre de ces endroits mythiques en ce qu’il fut il y a tout juste un siècle le rendez-vous de nombreux Surréalistes dont notamment Breton, Prévert et Tanguy. La plaque provisoire collée par les soins de Jean-François Caillarec a tenu deux semaines avant qu’elle ne soit décollée par un indélicat. L’avenir nous dira si ce beau projet de commémoration aura une suite grâce au concours de la Mairie du 14ème. Mais nous nous dirigeons pour l’heure vers l’impasse Florimont dont tous les Quatorziens ont au moins entendu parler parce qu’elle fut pendant plus de vingt ans le lieu de la résidence de Georges Brassens qui est peut-être la plus grande gloire de l’arrondissement. A son entrée, une immense photo de l’artiste déambulant dans l’impasse est sans doute le travail le plus intéressant réalisé par la Mairie du 14ème à l’initiative du Conseil de Quartier Pernety. A l’intérieur de l’impasse, plusieurs plaques commémoratives ont déjà été posées en l’honneur du géant de la chanson française, mais également une boîte à musique Brassens interprétant la chanson Les amoureux des bancs publics. Cette oeuvre originale in situ est celle de The Atomik Nation, deux musiciens qui réalisent pour le street-art des séries de boîtes à musique rendant hommage aux plus grands noms de la chanson française (Brassens, Gainsbourg, Piaf, etc.).

Pose de la boîte à musique Brassens, impasse Florimont.

Le 14ème, berceau de l’art urbain

Après être passés devant l’atelier de Giacometti qui fait l’angle des rues du Moulin Vert et Hyppolite Maindron, nous nous dirigeons pour terminer notre balade vers la rue des Thermopyles dont très peu savent qu’elle a été le berceau français de l’art urbain. “Bien avant la création du square Alberto Giacometti, cet endroit était une sorte de hangar tombé en ruines, nous précise Claude. La légende veut que c’est sur l’un de ses murs qu’a démarré l’art urbain en France en 1981 car c’est à cet endroit précis que le Quatorzien Blake le Rat a posé ses premiers pochoirs dont son livre témoigne. Un exemple bientôt suivi par d’autres, comme Jef Aérosol ou bien encore Miss. Tic”. Nous voici arrivés au terme de notre promenade street-art que nous vous invitons vous aussi à faire en vous laissant guider par le très beau livre de Claude Degoutte qui contient vingt pages sur le 14ème arrondissement et qui sortira en septembre 2023 dans toutes les bonnes librairies (déjà disponible sur le site de la FNAC).

Vient de sortir ! Le livre de Claude Degoutte : “Paris Street Art, la mémoire des lieux”. Cliquer ici pour un avant goût documenté avec des extraits, une bibliographie et 100 photos qui ne sont pas dans le livre.