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Le Verre Saint en route vers son deuxième anniversaire

Au Verre Saint autour du Père Vincent de Mello (photo Patrick Gentier)

Au pied de notre très belle église Notre-Dame-du-Travail, classée monument historique depuis 2016, un espace spécialement aménagé attenant à sa crypte accueille chaque mercredi et vendredi soir tous les habitants du Quartier qui ont soif de spiritualité ou bien soif tout court – l’un n’empêchant bien sûr pas l’autre ! Le Verre Saint est un chaleureux lieu de rencontre et d’apostolat ouvert à tous et animé par les Jeunes Pro et étudiants catholiques de Pernety. Il nous a été présenté par le Père Vincent de Mello, son dynamique et très créatif initiateur, lors de notre visite de vendredi soir.

Un lieu convivial, antidote à la solitude

Le Verre Saint, situé rue Vercingétorix (!), est le fruit des observations quotidiennes du Père de Mello, vicaire de la paroisse Notre-dame-du-Travail depuis maintenant presque quatre ans. “Quand je suis arrivé dans le Quartier, j’ai été frappé par le fait que l’immense majorité des paroissiens qui assistaient à la messe était des gens qui vivaient seuls, se rappelle-t-il. Cela détonnait énormément par rapport à mes expériences précédentes et cela m’a amené à réfléchir à l’organisation d’un lieu de rencontre et de sociabilité susceptible de remédier à cette situation.” Grâce au concours de gens du Quartier de tous âges, paroissiens ou non, l’espace mitoyen laissé à l’abandon qui jouxte l’église est retapé et transformé en un sympathique bar ouvert à tous. Ainsi nait Le Verre Saint qui fêtera le 21 juin prochain, premier jour de l’été, son deuxième anniversaire. On peut y boire et manger bien sûr car la bière n’y est pas chère (4 euros la pinte), le vin gouleyant à souhait (château Peychaud) et les terrines de pâté de très bonne qualité (notamment celle des frères Darras). Mais ce qui frappe d’emblée dans ce bar associatif, c’est la facilité avec laquelle nous pouvons côtoyer nos frères humains, qu’ils soient habitués des lieux ou bien seulement de passage, qu’ils soient jeunes étudiants ou bien retraités venus découvrir l’endroit en curieux à l’occasion d’une promenade le long du Square du Cardinal Wyszynski. Il n’est absolument pas nécessaire d’être pratiquant pour y être bien accueilli et, de fait, nombre de gens du Quartier y ont déjà leurs habitudes. “Le bar a avant tout été pensé comme une surface de contact avec la population locale qui nous permet de mieux la connaître en évitant de rester claquemurés dans l’église”, nous précise le Père de Mello. Mais les meilleures intentions du monde ne trouvent pas toujours l’écho qu’elles méritent et le bar a malheureusement été très gravement endommagé par un début d’incendie qui s’est déclaré le 14 juillet 2024 lors de la profanation de l’église Notre-Dame-du-Travail. Une cagnotte a depuis été ouverte pour permettre la restauration de l’église et de son annexe associative (cliquer ici). Ces malheureuses entrefaites n’ont bien évidement pas entamé le volontarisme et l’enthousiasme du Père de Mello et de son équipe. En plus de célébrer dans la joie et la bonne humeur les traditionnelles fêtes religieuses qui rythment notre calendrier, Le Verre Saint propose en permanence à ses visiteurs des activités susceptibles de faciliter leur rencontre et leurs échanges : des jeux de société comme ce vendredi soir, des soirées musicales très bon enfant qui ont lieu dans la crypte de l’église qui sera bientôt complètement rénovée et insonorisée, et de courtes soirées à thème intitulées “Une bière avec” où des invités engagés au service du bien commun de la société viennent une fois par mois témoigner des choses inspirantes qu’ils ont pu réaliser dans leur vie. Rendez-vous est déjà pris avec des Youtubeurs créateurs d’une chaîne dédiée Amen pour une nouvelle session de ces sympathiques rencontres-débats. Accourez donc d’urgence au Verre Saint de la rue Vercingétorix avant que le Ciel ne vous tombe sur la tête !

Cliquez ici pour accéder au site internet du Verre Saint, ici pour sa page Facebook et ici pour sa page Instagram.

Un lieu de convivialité intergénérationnelle… (photo Le Verre Saint)
… Au pied de l’église Notre-Dame-du-Travail (photo Le Verre Saint)

Le 14ème, est-ce (déjà) la RDA ?

Affichage municipal place Moro-Giafferi

Nous avons profité de ce premier dimanche de beau temps pour faire “le tour du propriétaire” de notre cher Quartier Pernety. Plutôt que regagner nos pénates par la rue Raymond Losserand après un frugal déjeuner au restaurant Les Tontons situé au n° 38 de la rue, nous avons emprunté le coude formé par la rue du Château, la place Moro-Giafferi et la rue Didot jusqu’à la place Flora Tristan qui jouxte la rue où nous avons notre domicile. Voilà ce que nous avons vu et photographié pour illustrer un articulet très polémique qui fait honneur à notre statut de blogueur indépendant.

Vers la zadisation ou la RDA-isation de Pernety ?

Faut-il donc être un indécrottable bobo et détester les impécunieux pour oser ne pas approuver le projet municipal de Sécurité Sociale Alimentaire (SSA) dont il est actuellement fait la promotion place Moro-Giafferi ? Bien sûr qu’il faut prévoir des dispositifs d’aide aux plus démunis dont un certain nombre habitent les très nombreux logements sociaux alentours ! Nous avons trop connu la pauvreté et trop longtemps été bénéficiaires du RSA pour ne pas en être conscients… Il y a encore quelques années nous fréquentions d’ailleurs assidûment le restaurant solidaire Les Artistes situé près de la galerie d’art municipale du 55 rue du Montparnasse – bien plus pour continuer à nous alimenter de façon saine et équilibrée que pour entretenir notre légende d’écrivain maudit ! Pourquoi alors ce soudain coup de blues devant les devantures un peu fouillis et anti-glamour des différentes adresses solidaires et écolo-bio des rues du Château et Didot ? Sans doute un effet d’accumulation : rejoué, le jouet solidaire ; Entre Pots ; Paris Ateliers ; Les Secondes Mains-LSM ; Association Les Enfants du Canal ; etc. Tout cela est sans doute très bien mais… Mais ça fait autant rêver qu’un vide grenier organisé un jour de pluie en hiver place de la Garenne ! Nous pressons donc un peu le pas pour regagner notre chaleureux chez-nous et tenter de retrouver un peu de moral en nous plongeant dans la lecture de Voici et de Gala, quand nous tombons rue de l’Eure sur un conteneur destiné au dépôt de vêtements usagés dont certains débordent sur la rue… On ne peut décidément plus échapper à la tyrannie du solidaire !

ADAM, l’âme des couleurs

ADAM, 11 boulevard Edgar Quinet (photo YB)

Y a-t-il un seul peintre de Montparnasse qui ne connaisse pas ADAM, marchand de couleurs depuis 1898 ? Le numéro 11 du boulevard Egdar Quinet est un lieu chargé d’histoire qu’Yves, le coresponsable du magasin, nous a fait découvrir cette semaine. De Victor Hugo à Soulages en passant par Braque, on ne compte plus le nombre d’illustres artistes qui sont passés par cet endroit mythique qui était déjà ouvert avant que Montparnasse et Paris n’éclairent le monde il y a de cela maintenant un siècle. Visite guidée de l’un des temples parisiens dédié aux artistes peintres qu’ils soient professionnels, étudiants ou amateurs.

Edouard Adam, le “maraîcher” des plus grands noms de la peinture

L’esprit d’Edouard Adam, le petit fils du créateur de l’enseigne, continue d’habiter le 11 boulevard Edgar Quinet – en grande partie grâce à la sympathique équipe qui l’amine, toujours prête à dispenser des conseils avisés à sa nombreuse clientèle. Yves, dont nous suivons les pas dans le magasin, commence par nous révéler l’existence d’une colonne de bois située en son milieu, sous laquelle se déroule une mémorable scène du roman Les Misérables, le chef-d’oeuvre de Victor Hugo publié en 1862. L’endroit n’était certes pas encore à l’époque un rendez-vous pour les artistes peintres mais l’échoppe d’un marchand de tabac, la tabagie Richefeu, dans laquelle se rencontraient au milieu du 19ème siècle les fumeurs du quartier Montparnasse. Près de deux cents ans plus tard, la colonne aujourd’hui classée pourrait témoigner de la transformation du lieu en une droguerie qui s’est progressivement spécialisée en marchand de couleurs sous l’impulsion d’Edouard Adam. Ce dernier, qui était l’ami de très nombreux artistes, ne tarda en effet pas à leur dédier un rayon beaux-arts dont les produits étaient mis en accès libre contrairement à ses concurrents qui les plaçaient derrière des comptoirs. A quoi tient parfois le succès commercial… Mais, bien plus qu’un simple commerçant, Edouard Adam s’est dès l’origine soucié de répondre à toutes les demandes de ses amis peintres en développant pour eux des solutions sur mesure. Ainsi sont nés ses produits phares dont le plus connu est sans doute le médium qu’il a mis au point pour Yves Klein afin d’obtenir le bleu passé à la postérité sous le nom d’International Blue Klein (IKB) ou “bleu Klein” (cliquer ici). Calder, Tinguely, Nikki de Saint-Phalle, Dubuffet, César et bien sûr Soulages ont également pu tirer profit de ses créations de véritable artisan de la peinture pour réaliser des oeuvres à la hauteur de leur talent. “Je suis le maraîcher qui portent à des grands chefs de beaux légumes pour qu’ils en fassent d’excellents plats”, aimait à répéter l’homme qui murmurait à l’oreille des artistes. Certains de leurs plus illustres noms résonnent bien sûr encore dans la tête des nombreux visiteurs du magasin de couleurs dont beaucoup sont des touristes qui viennent du monde entier pour bénéficier des conseils éclairés de l’équipe qui a pris le relais du très inspiré artisan d’art.

Les pigments, peintures à l’huile, médium & auxiliaires, paillettes de la boutique Adam (photo ADAM)

Un lieu de partage d’expériences

En plus des nombreuses solutions créatives qu’il a développées sous son nom pour les artistes, ADAM propose bien sûr une foultitude de produits dont la boutique est le revendeur, allant des arts graphiques aux arts appliqués en passant par l’architecture et le dessin. Couleurs & peintures, médiums & auxiliaires, pinceaux, brosses & couteaux, papiers, châssis, toiles & chevalets, colles & adhésifs, mastics, enduits & vernis, etc., on trouve absolument tout ce qui est nécessaire à la création artistique dans les rayons très fournis et très ordonnés d’ADAM. Son emplacement privilégié au cœur de Montparnasse fait de ce spécialiste des beaux-arts un acteur bien en vue et toujours à la pointe des progrès de ses différents domaines d’expertise parmi la trentaine de marchands de couleurs que compte la capitale parisienne. Le petit plus d’ADAM, ce qui le distingue de ses concurrents, c’est la qualité de l’accueil et l’immédiate proximité de ses vendeurs et vendeuses avec les clients. “Nous sommes à la constante recherche de cette proximité en conseillant et en échangeant avec nos clients, nous dit Yves qui co-dirige une équipe de huit personnes. Ce qui nous amène à toujours essayer de comprendre ce que deviennent les matériaux entre les mains des créateurs comme le faisait Edouard Adam qui reste pour nous tous une référence et un modèle”. Yves a d’ailleurs fait du magasin un véritable espace de partage en sélectionnant des artistes pour exposer en boutique et en vitrine. Après Vincent Marshall et tout récemment Mathieu Bourgade, c’est Armelle, une artiste peintre bretonne qui honore actuellement de ses toiles la vitrine de la boutique du marchand de couleurs. Mais elle est bien loin d’être la seule créatrice qui hante le lieu. Yves me présente en effet sa collègue Irina qui, en plus d’être artiste peintre, se propose de donner des cours de peinture à celles et ceux qui le souhaitent. “Je suis personnellement tombée dans la marmite de l’art dès mon plus jeune âge et j’ai été formée aux arts comme on pouvait l’être il y a plusieurs siècles, nous confie celle qui travaille vingt heures sur vingt-quatre (!) en créant ses propres tableaux, en transmettant ses connaissances à ses élèves ou en conseillant les clients du magasin. “Je suis chez Adam parce que j’ai choisi d’être chez Adam, ajoute-t-elle fièrement. J’y apprécie le contact client qui me permet de sortir de la bulle de solitude créatrice qui m’entoure le reste de la journée. Chez Adam, on prend le temps de la découverte et de la discussion avec les gens pour vraiment faire du sur mesure et leur apporter au final plus que ce qu’ils étaient venus chercher au départ – ce qui se fait peut-être moins souvent chez nos concurrents. Dès le départ j’ai été attirée par ce magasin chargé d’histoire et qui est au coeur de si nombreuses innovations dans le domaine de l’art pictural. Je l’aime vraiment énormément”.

Médium ADAM + Bleu ADAM = Bleu KLEIN (photo YB)

Le plaisir de travailler au sein d’une équipe très complémentaire

L’esprit ADAM, qui retient à lui ses employés les plus attachants, c’est avant tout un esprit d’équipe. Yves nous fait emprunter un escalier dérobé qui mène au premier étage du magasin car le superbe escalier en colimaçon resté d’époque et peint en bleu Klein est aujourd’hui encombré de produits créés exclusivement par ADAM pour ses clients artistes. Nous y rencontrons Stéphane, le spécialiste de l’équipe tout particulièrement chargé de monter ou remonter les toiles sur châssis. “C’est un travail très technique qui correspond à une véritable demande de nos clients, témoigne-t-il. L’objectif est de parvenir à bien tendre la toile sur son châssis alors même que la marge de faisabilité qui m’est laissée est parfois très réduite, ce qui exige un vrai savoir faire.” Lui aussi est très heureux de faire partie de l’équipe d’ADAM depuis maintenant un an après avoir travaillé chez plusieurs encadreurs parisiens. L’entoilage sur châssis est une compétence relativement rare qui participe de l’identité particulière d’ADAM, toujours soucieux d’offrir toute la gamme des services possibles à ses clients peintres et amateurs d’art. Stéphane a pour le coup le privilège d’exercer ses talents particuliers dans un atelier d’époque qui a conservé tout son cachet historique. Nous redescendons au rez-de-chaussée où Yves me fait découvrir l’espace architecture où est stocké tout le matériel pour réaliser les maquettes, puis la réserve du magasin. Le tour des arrière-salles du marchand de couleurs ne serait pas complet sans une visite à Fouad, le scientifique et deuxième coresponsable du groupe, qui depuis 25 ans réalise pour les clients d’ADAM tous les produits chimiques de synthèse nécessaires à une production artistique fiable et de très bonne qualité. Les trente minutes qui nous étaient imparties sont déjà écoulées et nous n’aurons malheureusement pas le plaisir de rencontrer l’intégralité des membres de l’équipe dont notamment Hafid qui, avec Fouad, en est l’autre vétéran, Claire qui est tout particulièrement chargée de l’espace enfance et jeunesse, Angèle qui peut se prévaloir d’un diplôme de l’Ecole des Beaux-Arts pour très bien conseiller les clients, et Jérôme, le directeur. Mais nous en avons déjà assez vu pour constater que l’esprit d’Edouard Adam souffle toujours sur le 11 boulevard Edgar Quinet en instillant à l’équipe entière du marchand de couleurs l’envie de faire partager au plus grand nombre tout ce qui facilite la création artistique et continuer à animer ce quartier où, depuis l’origine, le mythe se mêle à la réalité pour incarner et faire perdurer l’âme des authentiques montparnos.

Cliquer ici pour accéder au site internet d’ADAM et ici pour sa page Instagram.

Pastels géants à l’huile (photo ADAM)

Vincent Marshall, interview dans les règles de l’art

Le challenge aujourd’hui pour un journaliste ou pour un modeste blogueur de Quartier, c’est d’essayer de faire mieux – à défaut de faire plus vite – que ChatGPT ! Pour tenter de relever le défi, nous nous sommes munis de notre petit magnétophone numérique de poche et sommes allés à la rencontre de Vincent Marshall, alias Artiste75 Paris, qui expose à la Galerie du Montparnasse jusqu’au 10 avril prochain. Interview dans les règles de l’art.

Art has no boundaries (l’art n’a pas de frontières)

C’est sans doute parce que l’art n’a pas de règles comme le proclame le Quatorzien Vincent Marshall sur l’affiche de son exposition que l’on peut librement et impunément en transgresser les frontières à partir du moment où l’on a du talent (oui, c’est quand même recommandé !). Il y a aujourd’hui cinq ans que Vincent a décidé de tourner la page de sa carrière bien remplie de musicien et de producteur musical pour se consacrer à la peinture. “J’ai commencé à peindre pour m’amuser parce que j’avais un peu de matériel chez moi, se rappelle-t-il. J’ai réalisé un premier petit format que j’ai offert à ma femme Vilayvone, qui est ma muse depuis l’âge de 18 ans et qui n’a jamais voulu se départir de ce présent qui a pour elle une grande valeur sentimentale. Quand mon fils l’a aperçu, il m’a demandé de réaliser pour lui un plus grand format qu’il a montré à ses amis. Le père de l’un d’entre eux, qui est propriétaire de plusieurs galeries d’art à Genève, a eu un coup de coeur pour le tableau et c’est lui qui m’a lancé en tant qu’artiste peintre.” Que ce soit à Genève, à Saint-Ouen ou à Paris, le succès est quasi immédiat et les toiles de Vincent rencontrent facilement et rapidement amateurs et acquéreurs. Comme s’il avait une nouvelle fois réussi à capter l’air du temps dans ses nouvelles réalisations de peintre après l’avoir fait pendant des années sur les instruments de musique de ses studios d’enregistrement. Et comme si ses compositions picturales vibrantes, dynamiques et expressives étaient un efficace antidote à la sourde inquiétude et à la morosité qui gagnent nos contemporains. L’artiste parvient avec succès à livrer à travers le nouveau média de la peinture une énergie positive brute et spontanée qui évoque la musique. “Il y a beaucoup de gens qui me parlent de musique quand ils regardent mes tableaux”, témoigne Vincent. Je les réalise de fait très spontanément dans la mesure où je suis complètement autodidacte. Il n’y a absolument jamais rien de préparé, de construit ou de prémédité. C’est un jet sur le néant de la toile, un peu comme on prendrait une photo. D’ailleurs, je photographie mentalement la toile sur laquelle je travaille pour décider le moment de m’arrêter.” L’artiste ne consacre jamais plus d’une heure à chacune de ses oeuvres après qu’il a commencé à y travailler vers dix heures du matin. Musique, peinture, photo… Art has no boundaries.

Le message, by Vincent Marshall, Paris.

Entre art urbain et néo-expressionnisme

Faut-il être élu des dieux ou inspirée par sa muse pour aussi bien parvenir à transmettre sur une toile, de façon totalement autodidacte, toute la joie, la vitalité et l’énergie positive qui habitent notre artiste – de la même manière qu’il a pu le faire jadis en grattant les cordes d’une guitare, en tapant sur les touches d’un piano ou en frappant sur les tambours et les cymbales d’une batterie ? Vincent Marshall, qui ne le sait sans doute pas lui-même, se contente de constater que ses toiles plaisent beaucoup. “Je me réjouis énormément de ce succès car je me sens en réalité bien plus exposé en tant que peintre que je ne l’étais en tant que musicien-technicien dans mes studios d’enregistrement”, nous confie-t-il. Le créateur a, semble-t-il, trouvé sa (nouvelle) voie pour exprimer tout son potentiel artistique et ne regrette pas du tout son choix d’avoir arrêté sa trop dévorante vie de producteur musical. Si ses premières tentatives picturales touchaient plutôt à l’art abstrait contemporain, son style est aujourd’hui plus proche de l’art urbain et du néo-expressionisme. C’est en tout cas ce que nous assure ChatGPT qui sait sans doute de quoi il parle – contrairement à nous qui ne sommes pas critique d’art… Vincent, qui lui a soumis une de ses toiles, n’a rien à ajouter aux verdicts de notre ami robot dopé à l’intelligence artificielle. Il les a d’ailleurs fièrement affichés sur les murs de la Galerie du 55 de la rue du Montparnasse. Evidemment, ChatGPT écrit quand même moins bien que nous et ne pratique pour l’instant pas encore beaucoup l’humour… Mais sait-on vraiment ce que nous réserve l’avenir ? En attendant, écoutons le nous parler d’Artist75 Paris : “Ses oeuvres se caractérisent par des compositions dynamiques et une utilisation audacieuses des couleurs […]. Sa technique est l’utilisation des traits gestuels, d’éclaboussures et de superpositions. Une texture riche et une profondeur visuelle”. Nous ne saurions mieux dire… Il est pourtant sans doute préférable d’aller le vérifier sur place pendant encore cinq jours dans la grande galerie aimablement mise à disposition de l’artiste par la Mairie du 14ème arrondissement. Vincent tient d’ailleurs à chaleureusement remercier la municipalité pour son concours. “Quand je pense à tous les grands peintres qui ont pu exposer dans ce même lieu…”. nous souffle-t-il avec gratitude et modestie. En attendant peut-être les robots qui auront un jour définitivement pris la place de l’homme ?

Vous pouvez également vous dirigez vers le site Instagram de Vincent Marshall (cliquez ici) pour un premier aperçu de son oeuvre.

L’artiste contemplant son oeuvre

Il Tuppo, traiteur italien

Il Tuppo, 66 rue Raymond Losserand

Que nous le voulions ou non, les meilleures choses de la vie ne viennent pas à nous sans effort, elles se méritent. L’entrée de la petite boutique de Marta et Giussepe située au 66 de la rue Raymond Losserand est actuellement à moitié cachée par le chantier de la RATP ouvert depuis plus d’un an dans l’artère principale du Quartier Pernety. Il faut donc faire un peu attention pour repérer l’enseigne d’Il Tuppo, traiteur italien. Depuis maintenant deux mois et demi, les deux artisans traiteurs nous accueillent dans leur échoppe du lundi au dimanche entre 10 heures et 19h30, et notre petit doigt nous dit qu’un énorme potentiel se niche dans les quelques mètres carrés qu’ils ont investis. A Pernety 14, on sait aussi renifler les pépites…

En quête permanente de nouveaux produits italiens

Il Tuppo, c’est l’excellence des produits italiens et tout particulièrement siciliens à portée de Quartier et de porte-monnaie. Nous savons de quoi nous parlons puisque Marta nous a (presque) tout fait goûter – et c’est délicieux ! Il y a bien sûr les antipasti qui nous accueillent en début d’étal quand nous rentrons dans la boutique : la salade de poulpe, les oignons confits au vinaigre de Modène, les involtini au speck et à la ricotta, les panzerotti, etc. Il y aussi les pâtes fraiches ainsi que les plats cuisinés (dont les incontournables lasagnes) qui seront encore plus nombreux à partir de mai prochain. “Pour l’instant, nous préférons faire moins mais toujours de qualité”, nous précise Marta. Justement, voici qu’entre un nouveau client qui désire goûter des lasagnes. La conversation s’engage, qui nous fait prendre conscience qu’une rumeur court déjà dans le Quartier : “C’est madame Bellossat qui m’a dit que c’était bien chez vous”, rapporte le nouveau venu. Tout se sait très vite dans notre village de Pernetix… “Je vous ai mis quelques olives siciliennes“, lui glisse la commerçante. On échange sur des vacances passées en Sicile, “un musée à ciel ouvert”, qui sera une nouvelle fois la prochaine destination d’été du couple toujours à l’affût de nouvelles découvertes gastronomiques locales. “Giussepe y était encore il y a deux ou trois semaines et en a ramené quelques produits d’artisans locaux, mais cela ne correspond pas encore tout à fait à ce que je souhaiterais mettre en valeur à Il Tuppo”, nous confie Marta.

Des produits italiens haut de gamme moins chers qu’en supermarché 

Pas une once d’orgueil mal placé chez celle qui a fait toute sa carrière dans la restauration : elle sait juste ce qu’elle vend, que c’est d’excellente qualité et que c’est extrêmement bon marché pour ce que c’est. Elle nous en donne la preuve alors que nous nous décalons vers la gauche de l’étal, du côté des jambons et des fromages. Nos artisans traiteurs ont suffisamment identifié de très bons fromagers dans le Quartier Pernety pour ne pas essayer de venir trop les concurrencer et se limitent à proposer une très bonne version labelisée des “basiques” italiens Parmigiano (24 mois), Pecorino Proive et Gorgonzola. La Burratina en provenance directe de Naples est la plus fraîche de Paris. Le rayon charcuterie est sans doute celui où Il Tuppo se distingue le plus pour proposer les produits de grande qualité, tous labélisés, à des prix extrêmement abordables : de la vraie mortadelle de Bologne, un jambon à la truffe qui connait beaucoup de succès auprès de la clientèle, le Salame Golfetta, le Salame Finocchio aromatisé au fenouil sauvage, toute la palette de la norcineria, la charcuterie exceptionnelle de cochons sauvages de la ville de Norcia, et bien d’autres classiques et très bonnes choses encore. Même si nous nous demandons parfois si Marta n’a pas l’impression, en nous entretenant de ses beaux produits, de donner de la confiture à un cochon (breton et un peu sauvage de surcroit !), toutes ces merveilles de gastronomie ne sont bien évidemment pas réservées aux seuls connaisseurs de l’Italie. La qualité doit rester accessible à tous et les produits haut de gamme proposés sont très souvent moins chers que des produits similaires distribués en supermarché.

Un rendez-vous obligatoire en devenir du Quartier Pernety

Il y a évidemment des spécialistes de la très bonne cuisine italienne qui savent ce qu’ils viennent chercher quand ils se rendent chez Marta et Giussepe : des pâtes et des sauces tomate de qualité par exemple, qui trônent dans le coin épicerie fine à gauche en entrant dans la boutique. Ils seront peut-être surpris d’y rencontrer également la très forte humanité qu’entretiennent les propriétaires du lieu. Nous ne sommes visiblement pas les seuls à être tombés sous le charme puisque l’endroit a été baptisé par le Père Vincent de Mello qui est le vicaire de la paroisse Notre-Dame du Travail tout à côté. Quelques photos témoignent de cet heureux évènement dans un coin du petit magasin du couple de traiteurs italiens. Il Tuppo est à coup sûr le futur rendez-vous obligatoire des Pernetiens bons vivants qui aiment la bonne chère pour pas cher, et aussi, malgré sa petite taille, un lieu de convivialité en devenir tenu par deux personnes attachantes et déjà attachés au Quartier et à ses habitants qu’ils n’envisagent pas de quitter de sitôt. C’est pourtant un sacré pari d’ouvrir un local commercial rue Raymond Losserand à l’endroit même où débute le chantier de la RATP et alors que les commerçants les plus entreprenants et dynamiques ressentent actuellement à quel point notre période troublée peut rendre les consommateurs un peu frileux et casaniers. Nous n’avons toutefois aucun doute quant au succès à venir de la belle aventure dans laquelle se sont engagés Marta et Giussepe car nous savons qu’ils seraient capables de soulever des montagnes. Et nous serons au rendez-vous dans les semaines et les mois à venir pour venir nous rendre compte par nous-mêmes comment nos amis artisans traiteurs auront réussi à transformer le plomb de notre quotidien en or de la gastronomie et de la convivialité !

Théâtre 14, les cinq ans d’un théâtre militant

Ne dites pas à Mathieu Touzé qu’il est un “intello”, il ne vous croira pas… C’est avec une modestie toute bretonne, très éloignée de l’image un peu snob que nous nous faisions d’un acteur de la scène culturelle parisienne, qu’il nous a gentiment reçu au Théâtre 14 pour faire découvrir aux Quatorziens qui ne le connaitraient pas encore le théâtre municipal de la Porte de Vanves. Notre entretien d’une demi-heure fut l’occasion de revenir, quelques semaines après la soirée de célébration des cinq ans du théâtre, sur les principes qui guident la programmation et les activités d’un lieu de culture qui contribue beaucoup à l’animation et à la vie du quartier prioritaire de la Ville de Paris dans lequel il est implanté. Tentative de restitution d’interview avec un intello qui s’ignore (vraiment ?).

Le service public du théâtre comme outil de vivre ensemble

Sans doute les qualités d’humilité et d’empathie de Mathieu Touzé font-elles de lui l’homme idoine pour diriger (aujourd’hui seul depuis le départ d’Edouard Chapot) le théâtre municipal de la Porte de Vanves. Car le Théâtre 14 se fait fort de conjuguer exigence et démocratisation en s’attelant à créer des ponts entre la pratique artistique et les gens de la rue qui sont, en l’occurrence, les résidents de la Porte de Vanves. “Que venons-nous faire et que voulons-nous faire dans un théâtre public en quartier prioritaire ? Ce sont des questions qui se sont posées à nous dès notre candidature à la reprise de la direction de ce lieu de création artistique, se souvient-il. Nous sommes partis du principe que faire du théâtre c’est depuis l’origine faire société, c’est-à-dire réunir les gens pour que nous parvenions tous à vivre ensemble, et cela au moment même où la pandémie de COVID-19 nous obligeait à nous séparer les uns des autres. Toutes nos activités sont coordonnées autour de ce questionnement : comment fait-on pour vivre ensemble et comment renforcer ce vivre ensemble grâce au théâtre et à la culture ?”. Pour atteindre cet objectif de service public, le Théâtre 14 ne se contente pas de programmer des oeuvres fortes susceptibles de susciter des avis très divergents de la part des spectateurs sans jamais les laisser indifférents, il organise également des rencontres, des colloques, des cours, des stages et des ateliers artistiques amateurs ou professionnels, toute l’année dans le cadre de son Université populaire. Avec la transmission pour colonne vertébrale, le directeur et metteur en scène de théâtre assume pourtant parfaitement ne pas être là pour faire du divertissement mais bien de l’art. “Ce qui fait notre humanité, c’est notre rapport personnel à l’art et à la culture”, affirme-t-il . Et je pense que le théâtre, ça peut changer des vies. En tout cas, il a changé la mienne en changeant mon rapport au monde et en en accroissant le champ des possibles.” Cette démarche de généreuse exigence a rencontré localement son public. “Au moment du Covid qui a provoqué l’annulation du Festival d’Avignon, nous avons créé le Paris Off festival qui a été pour nous l’occasion de rencontrer les gens du quartier au pied des tours d’immeubles pour leur parler de nous et de nos activités, se rappelle le directeur de théâtre. Nous renouvelons depuis cette expérience chaque année en construisant une histoire avec la population locale.” Rebelote en 2022 avec le festival Re-génération qui a porté pendant plus d’un mois 25 spectacles dans 14 lieux insolites du 14ème arrondissement, pour la plupart non prédisposés au spectacle vivant.

Le “Paris Off Festival” au Village Paradol (photo Lola Scandella)

Festival woke en vue 

Qu’est-ce qu’un théâtre populaire ? Qu’est-ce que la culture populaire ? Est-il vraiment possible d’associer exigence et démocratisation ? Il semblerait que nous ayons touché un point sensible en soulevant devant Mathieu Touzé la question de l’accessibilité à tous des oeuvres programmées au Théâtre 14. C’est en réalité notre sport favori d’essayer de prendre les gens à leurs contradictions – surtout peut-être lorsque nous les respectons et, au fond, les envions un peu. Mathieu Touzé avait sans doute dès le départ flairé le piège en récusant le qualificatif “intello”. Mieux vaut rire de nos contradictions pour avancer plus sereinement sur le terrain des idées. Et des idées, le directeur de théâtre n’en manque pas ! Pour preuve, le festival woke à venir. “J’assume d’autant plus d’être woke qu’on se sert aujourd’hui de ce terme contre tous et toutes choses avec un sens de plus en plus négatif. Il faut à un moment donné prendre les armes pour tenter de retourner le stigmate compte tenu de la menace qui pèse sur les artistes et sur l’art en général. Car je ne crois pas qu’il existe un art réactionnaire et que l’on puisse faire de la recherche esthétique sans poser certaines questions.” Tous les mouvements de balancier de la vie des idées ont leurs excès et Mathieu Touzé sait les identifier aussi bien chez les woke que chez les anti-woke même s’il est naturellement porté à mieux comprendre les douleurs exprimées par les exclus ainsi que l’éventuelle radicalité de l’expression du combat qu’ils mènent. Nous pourrions passer des heures à plaisamment ferrailler avec lui sur le terrain des idées mais les trente minutes qui nous étaient imparties sont déjà écoulées. Nous ne manquerons pas de venir assister aux prochains spectacles du Théâtre 14 pour nous changer les idées à défaut de changer d’idées. Puisqu’on nous assure que ça va bien se passer…

Actuellement à l’affiche du Théâtre 14, Port-au-Prince et sa douce nuit.

Cliquez ici pour accéder au site internet du Théâtre 14.

Nadette Barbosa Perrin, entre collages et amoureux de papier

Il y a des années déjà que nous avons repéré sa flamboyante chevelure rousse à la terrasse du Moulin à Café. Nadette Barbosa Perrin exposait le mois dernier au café associatif ses créations d’artiste collagiste dans le cadre d’un Marché des Créatrices qui y était organisé. L’exposition d’une partie de ses oeuvres s’est depuis mue au P’tit Café au 68 de la rue des Plantes sur le site de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours. Nous sommes allés y jeter un oeil avant de rencontrer Nadette au Losserand Café pour tenter de percer le mystère de sa récente et très prolifique créativité.

L’art comme exutoire à de douloureuses absences

Rien ne prédisposait Nadette Barbosa Perrin à la création artistique. Cette Vosgienne d’Epinal qui est complétement autodidacte s’est découverte artiste en 2018 au chevet de sa mère malade qui vivait les derniers mois de son existence. “J’ai commencé à créer des patchworks en tissu, des coeurs brodés principalement ; ce n’était pas encore des collages”, se rappelle-t-elle. Je tenais absolument à rester auprès de ma mère que j’adorais, et c’est dans ces circonstances un peu funèbres que mon talent artistique a éclos – même si j’ai toujours eu un certain goût pour les travaux manuels.” Un autre “drame” de sa vie, le départ de son fils unique pour l’Australie, va être le second catalyseur de sa créativité : “Je me suis mis à faire des collages il y a de cela aujourd’hui un an à mon retour d’Australie où j’étais allé lui rendre visite. Quand je suis rentré à Paris, j’avais vraiment le moral dans les chaussettes et ces créations ont contribué à me remettre d’aplomb”. Nadette n’a aucun doute sur le fait que l’art soit une thérapie pour les bobos de l’âme : “Je pense qu’il y a très souvent, pour ne pas dire toujours, une souffrance à l’origine de la création artistique. C’est d’ailleurs très souvent ce qui en fait la beauté”.

Une inspiration qui traverse les époques et les continents

Pour exprimer sa créativité dans ses collages, Nadette s’inspire de son enfance et des nombreux voyages qu’elle a réalisés autour du monde notamment à Tahiti où elle a résidé trois ans et au Japon où elle s’est rendu une dizaine de fois, mais aussi de ses rêves ou bien d’expositions et de films de cinéma. Son oeuvre qui est empreinte d’une grande nostalgie d’une époque révolue peut aussi bien faire référence à l’Antiquité, au Moyen-Age et à la Belle Epoque qu’aux plus récentes années 50 ou 60 qui sont celles de son enfance. Le climat général est doux et apaisé. “L’art floral et le relief sont toujours présents, précise Nadette dans sa mini-présentation affichée au P’tit Café. J’aime mêler à mes collages différentes matières, principalement le papier, le textile ou même les végétaux, dans une harmonie de formes et de couleurs. Dans chacun de mes tableaux, construits comme des histoires, tout visiteur est invité à en imaginer la trame, au gré de son humeur et de sa sensibilité”. Rien ne vaut bien sûr un détour sur son site (cliquer ici) pour se faire une idée définitive de la question. Pour se détendre un peu de la réalisation de ses collages qui lui demandent beaucoup de concentration car ils nécessitent énormément de petits découpages, Nadette confectionne des “Amoureux de papier” qui sont, avec ses “roses éternelles” également réalisées en papier, les cadeaux idoines pour célébrer la Saint-Valentin ou faire un petit présent à l’élu(e) de son coeur. “J’ai beaucoup aimé réaliser ces petits personnages réalisés à partir de fil de fer recouvert de papier kraft car c’est une activité beaucoup moins prenante qu’un collage”, nous confie la créatrice. Le succès est au rendez-vous puisque trois oeuvres ont déjà trouvé preneurs. Puissent-elles porter chance à leurs acquéreurs !

Couples d’amoureux de papier

Pour accéder au site de collages de Nadette Barbosa Perrin, cliquez ici.

Bouquet de roses éternelles

De quoi est faite la nouvelle exposition de Personimages ?

Exposition à la bibliothèque André Malraux (photo Personimages)

“De quoi je suis fait ? Qu’est-ce qui a laissé une empreinte sur moi ? Qu’est-ce qui a participé à me construire ?”. Bien qu’elle se défende de pratiquer l’art-thérapie, l’association Personimages, qui a son siège dans le 14ème arrondissement, n’a pas hésité à emprunter à la psychologie des profondeurs pour questionner le thème (“Les patrimoines”, abordé au plan de l’intime) de l’exposition qu’elle propose depuis le 10 janvier jusqu’au 5 mars 2025 à la bibliothèque André Malraux du 112 rue de Rennes à Paris 6ème. Catherine Toulemonde, sa présidente, a bien voulu nous accorder un entretien le 7 février dernier, jour du vernissage de l’exposition.

“Dépasser son handicap par l’expression artistique”

C’est, entre autres, à son siège du 91 de la rue Vercingétorix que l’association Personimages accueille depuis des années, dans le cadre d’ateliers animés par des artistes professionnels, des personnes handicapées en leur permettant d’exprimer leur sensibilité et de déployer leurs talents artistiques. En attendant de fêter l’année prochaine son 50ième anniversaire, Personimages continue vaillamment son petit bonhomme de chemin en organisant régulièrement, grâce à son fonds pictural constitué de plus de 800 œuvres réalisées par ses plus de 10.000 adhérents passés ou présents, des expositions qui peuvent aussi bien avoir lieu dans des bibliothèques municipales, comme il y a tout juste un an à la bibliothèque Benoîte Groult de la rue du Commandant Mouchotte (nous y étions !), que sur les grilles du square Ferdinand Brunot en face de la Mairie du 14ème, ou encore dans les locaux d’autres acteurs institutionnels du secteur médico-social. Pour mieux connaitre l’association Personimages, rien ne vaut un détour sur son site internet dédié (cliquer ici) qui est très complet et agrémenté d’instructifs articles de presse. Nos amis de Figures du 14ème ont également consacré il y a quelques mois à sa présidente Catherine Toulemonde un fort intéressant et pédagogique reportage (cliquez ici). La structure associative active à Paris et à Versailles a été créée en 1976 par Denise Merle d’Aubigné qui a eu cette idée visionnaire pour l’époque d’ouvrir la création artistique aux personnes en situation de handicap. Elle leur offre, à travers l’art, l’occasion de s’exprimer, de communiquer leur différence et leur richesse intérieure, ce que parfois elles ne peuvent transmettre par les mots. “Dépasser son handicap par l’expression artistique”, tel est le slogan et le crédo de l’association, qui peut se décliner dans des domaines aussi variés que le dessin et la peinture, la danse, le théâtre, le chant, la musique, la mosaïque et le modelage et bien d’autres disciplines encore.

Séance en atelier (photo Personimages)

De quoi sommes-nous fait ?

La dernière exposition de Personimages s’inscrit dans le cadre du thème “Les patrimoines”, abordé au plan de l’intime. Le catalogue en explicite le sens en posant quelques questions un peu plus concrètes  : De quoi je suis fait ? Qu’est-ce qui a laissé une empreinte sur moi ? Qu’est-ce qui a participé à me construire ? Quelques pistes sont avancées : la maison et son environnement, ce qu’elle abrite, ce qu’on y fait ; la famille, nucléaire et élargie ; l’intériorité des individus et ses résonnances. Une trentaine de tableaux réalisés par différents participants/adhérents et dans des techniques différentes dévoilent des “intérieurs” à découvrir, comme des traversées de l’individuel, de l’intime, de ce qui relève de la transmission et de la construction de soi, tout un monde inédit pour autrui et qui demeure aussi souvent secret à soi-même. “Notre fonds pictural contient beaucoup d’oeuvres où nos adhérents représentent leur famille, leur maison ou bien ce qu’ils ont vécu, nous précise Catherine Toulemonde. Certains tableaux sont plus abstraits mais ce sont véritablement les adhérents qui amènent les thèmes dans les ateliers. Les artistes qui animent ces ateliers ne sont là que pour les aider à s’exprimer en leur proposant des outils d’expression qu’ils s’approprient en fonction de leurs capacités. Notre démarche n’est en rien directive et se distingue en cela de l’art-thérapie qui est par nature plus protocolaire”. Une totale liberté de création qui permet de dépasser son handicap par l’expression artistique, même si le dévoilement du soi intime qu’elle permet peut aussi fournir des clefs pour mieux comprendre ce que les mots ne peuvent pas toujours exprimer.

Le 14ème après Elias

Pernety 14 s’associe à tous les Quatorziens qui ont présenté leurs plus sincères condoléances à la famille d’Elias, le jeune adolescent tué samedi 25 janvier près de la porte de Châtillon dans le 14ème arrondissement de Paris. Si le deuil sera sans doute sans fin pour la famille, le temps du diagnostic et de l’action est déjà revenu pour toutes celles et tous ceux qui se soucient de “vivre ensemble” dans notre arrondissement. Sylvie Boudoulec, porte-parole du collectif COQUA, est depuis des années en pointe pour dénoncer la dégradation des conditions de sécurité des habitants du Quartier Pernety-Plaisance qui nourrit le sentiment d’abandon et de déclassement des populations, notamment celles qui résident dans les cités HLM. Elle a bien voulu répondre à nos questions.

Le meurtre d’Elias, tué par deux adolescents qui voulaient lui extorquer son portable, a bouleversé la France, les Parisiens et les Quatorziens. Y aura-t-il, selon vous, un “avant Elias” et un “après Elias” dans le 14ème arrondissement de Paris ?

Je dirais plutôt que ce meurtre marque pour les Quatorziens le paroxysme d’une violence et d’un état d’insécurité dont nous avons pu constater la préoccupante évolution ces dernières années. S’agissant du seul Quartier Pernety, plusieurs tragiques événements se sont succédés ces derniers mois qui en attestent : la rixe avec machette de mai dernier au Moulin de la Vierge ; le poignardage au mois d’août d’un jeune homme qui a fort heureusement survécu à ses blessures ;  l’agression quelques jours plus tard au Moulin de la Vierge d’une vieille dame de 83 ans très violemment projetée par terre et délestée de ses bijoux ; l’agression au mois de septembre dans le hall de son immeuble du 81 rue Vercingétorix d’une habitante qui, par chance, a pu se défendre par elle-même. On n’en a pas parlé car il n’y a pas eu de morts. Elias n’a pour sa part malheureusement pas survécu à l’agression de ses assaillants qui ont opéré dans un endroit où sévissait une forme de racket et d’intrusion depuis plus d’un an, comme l’a reconnu Madame la Maire. Il a fallu attendre ce drame effroyable pour que les Quatorziens qui se préoccupent de leur sécurité puissent enfin se faire entendre. C’est en ce sens qu’il y aura en effet un “après Elias”. Mais nous nous berçons peut-être d’illusions puisque notre Maire a déclaré à la presse que tout avait été fait pour assurer la sécurité dans le 14ème arrondissement. Nous continuons néanmoins à croire que ce meurtre constituera l’électrochoc qui va créer une rupture dans les discours de la municipalité et dans les analyses empreintes d’angélisme et déconnectées de la réalité qui les sous-tendent.

Si COQUA a été pionnier dans le signalement des problèmes d’insécurité dans le Quartier Pernety-Plaisance, peut-on vraiment parler, comme le font beaucoup, d’un déni de réalité de la Mairie de Paris et de la Mairie du 14ème s’agissant de l’insécurité ?

Oui, très certainement. Depuis 2016, l’année de la création de COQUA, on nous serine cette idée que nous serions victimes d’un “sentiment d’insécurité”. Les événements récents, auxquels je voudrais adjoindre le saccage de l’église Notre-Dame-du-Travail survenu en juillet dernier et qui reflète une autre forme de mal-être, nous donnent malheureusement raison. Je dis malheureusement, car l’objectif poursuivi par COQUA a toujours été de travailler au “vivre ensemble” en restaurant au quotidien les conditions de sécurité et de tranquillité des habitants du Quartier Pernety-Plaisance. De ce point de vue, même si notre diagnostic de départ s’est avéré exact, nous ne pouvons que constater notre échec. On ne peut même plus aujourd’hui parler de “vivre ensemble”, mais tout au plus de “mieux vivre ensemble”, voire même de “moins mal vivre ensemble”. COQUA a dans un premier temps pu être entendu par la Mairie centrale grâce au conseiller à la sécurité d’Anne Hidalgo avec lequel le collectif a travaillé sur le thème de la zone grise existant entre police municipale et police nationale. Mais ce bon contact a malheureusement été rompu après les élections municipales de 2020 à l’issue desquelles ont émergé dans notre arrondissement de nouveaux élus municipaux formant une équipe très resserrée autour de Madame la Maire Carine Petit et qui sont d’anciens militants associatifs qui n’ont aucune idée de ce que peuvent représenter les contraintes liées à l’administration d’une commune de 130.000 habitants. A partir de ce moment là, rien n’a pu venir contrarier un discours officiel lénifiant selon lequel l’équipe en place effectuait un travail formidable n’offrant aucune prise à la critique, fût-elle rationnelle et constructive… Nous déplorons également n’avoir plus aucune visibilité sur le contrat de prévention et de sécurité de l’arrondissement et d’avoir moins de contacts constructifs avec le commissariat de police dont le premier responsable ne reste que trois ans en poste, ce qui n’est sans doute pas suffisamment de temps pour apprendre à bien travailler avec les différentes parties prenantes dont la population du 14ème. Avec sa réélection comme principal objectif, la municipalité en place s’obstine à dire que tout va bien alors que la police nationale souffre toujours d’un manque de moyens (en équipage et en véhicules) sur le territoire de l’arrondissement et que la police municipale, toujours en nombre insuffisant, mal formée et non équipée, se retrouve bien souvent aux abonnés absents.

Un conseil d’arrondissement du 28 janvier 2025 un peu mouvementé

Quelles sont les pistes concrètes d’action envisagées par COQUA pour assurer une meilleure sécurité des Pernetiens et des Quatorziens et continuer à lutter contre la dégradation de leur qualité de vie ?

C’est une question très délicate car COQUA ne dispose d’aucun pouvoir de décision et n’a aucun réel levier pour vraiment améliorer la situation. Comme nous arrivons difficilement à nous faire entendre “en interne” au niveau municipal, nous tentons d’alerter “en externe” grâce à la presse ou en contactant directement la préfecture de police ou le commissariat pour que soient à nouveau réunis les groupements de proximité opérationnels (GPO) qui constituaient de très bonnes initiatives qui n’ont malheureusement eu aucune suite. Nous souhaiterions également que le conseil de quartier Pernety se saisisse, avec la même ténacité que nous, des véritables priorités des habitants du Quartier plutôt que se concentrer sur l’organisation d’évènements “festifs” qui sont souvent des flops retentissants, comme par exemple le coûteux festival Art of Game dont le bilan chiffré en termes de fréquentation a été très faible et dont on ne sait toujours pas combien de jeunes du Quartier il a pu mobiliser. L’on a quand même pu constater au conseil de quartier Pernety un léger progrès ces derniers temps : alors que l’obstruction municipale avait empêché la bonne tenue de la réunion plénière d’octobre 2022 sur le sujet de la sécurité, le nouveau conseil de quartier a mis à l’ordre du jour de la prochaine séance publique programmée en mars les thèmes que notre collectif porte depuis des années. Nous allons également à COQUA essayer de redéployer nos efforts en direction des associations de locataires de HLM que nous soutenons depuis longtemps. Leurs adhérents souffrent énormément et se replient donc sur eux-mêmes dans leur appartement en ne parvenant plus à s’intéresser à ce qu’il se passe à l’extérieur ou à ce qui relève de l’intérêt général des habitants. Leur faire retrouver un peu de moral est notre nouvel objectif pour 2025 !

Pour contacter et/ou rejoindre COQUA, vous pouvez envoyer un email à 75coqua14@gmail.com. Vous pouvez aussi vous connecter au compte X (ex-Twitter) du collectif : @Coqua14.

Des roses blanches en hommage à Elias (Collège Montaigne, Paris VIème).

Came sur Macadam, la brocante routière de la rue Sarrette

Vincent et Matéo Gavarino

La place des Droits de l’Enfant qui fait l’angle de la rue d’Alésia et de la rue de la Tombe Issoire est aussi le point de départ de la rue Sarrette qui mène jusqu’au Poinçon, l’ancienne gare de la petite ceinture transformée aujourd’hui en restaurant. Vincent Gavarino connait bien le 14ème arrondissement de Paris et le Quartier Jean Moulin-Porte d’Orléans puisqu’il y réside depuis plus de 25 ans. En décembre 2024, il a ouvert au numéro 8 de la rue Sarrette une “brocante routière” dont il souhaite également faire un lieu de vie axé sur le thème de la route et du voyage.

Quête et transmission des objets de la route

Ce n’est pas facile d’écrire un article sur une brocante. Celle de Vincent Gavarino est, comme toutes les brocantes, remplie d’une foultitude de choses. Le fil conducteur du bric-à-brac d’objets de collection et de décoration qu’il y expose, c’est l’auto, la moto, le vélo et le train avec, pour agrémenter le tout, un zeste de voyage. Came sur Macadam, “la brocante qui butine le bitume” est l’aboutissement naturel de la trajectoire de ce mordu du macadam qui roule en motos et autos anciennes (Citroën Acadiane et 2 CV) et qui chine depuis toujours sur les marchés (mais aussi auprès des particuliers, des marchands et des professionnels du monde routier) pour assouvir sa passion. Sa dernière reconversion professionnelle, après un parcours riche de nombreuses expériences dans les domaines du dessin et de l’illustration, puis du tourisme et du transport, et enfin en librairie, l’a amené à transformer un premier essai de brocante sur Instagram (cliquez ici) en brocante en magasin. Il a décidé de l’installer à l’emplacement d’un ancien restaurant de son quartier d’adoption qui avait fermé ses portes depuis bientôt trois ans. Il s’agit aujourd’hui pour lui de faire connaître cet endroit qui n’est bien sûr pas seulement ouvert aux spécialistes et aux collectionneurs mais également à tous ceux qui sont susceptibles de craquer sur un objet vintage qui fleure bon les années 50-60-70-80. Boites, pichets à huile faisant office d’arrosoir à fleurs…, la liste est longue des objets exposés dont l’usage peut facilement être détourné par les amateurs de brocante ou les accros du moteur thermique. Nous faisons rapidement le tour de la boutique pour tenter de nous imprégner de l’univers de Vincent. Notre regard s’attarde sur une pompe à essence située à l’entrée de la boutique, puis sur une énorme plaque émaillée Texaco qui devait sans doute trôner dans une station service, ainsi que sur une superbe serviette de bain siglée Mercedes-Benz. Came sur Macadam propose également des anciens bidons, des vêtements logotés moto auto, des miniatures automobiles et des porte-clef vintage. Pendant que nous reluquons l’ensemble de sa marchandise, le brocanteur routier nous parle de son amour de la chine qui l’a amené à hanter les marchés de Paris et d’ailleurs : “Je ne suis pas vraiment un collectionneur dans l’âme, précise-t-il. Mais j’aime les objets au sens où j’aime leur quête et leur recherche acharnées qui me permettent de finir par les posséder un court instant avant d’éprouver le bonheur ultime de les transmettre en étant en mesure d’expliquer à leurs acquéreurs comment ils ont été créés, ce qu’ils représentent, d’où ils viennent, quelle est leur histoire, etc.“. Un passeur d’objets comme d’autres (les écrivains et les poètes) sont des passeurs de mots, d’émotions ou d’histoires.

La Citroën Acadiane de Came sur Macadam

Un lieu de vie et d’échanges ouvert aux écrivains et aux artistes

Comme s’il voulait nous donner une preuve que sa boutique a un supplément d’âme qui la distingue d’une brocante traditionnelle, Vincent nous fait maintenant traverser l’espace bureau de son local et pénétrer dans l’ancienne cuisine du restaurant aujourd’hui transformée en atelier de restauration de vélos, de mobylettes et de solex qui est le domaine réservé de son fils Matéo, expert en mécanique moto (cliquez ici pour une présentation Instagram de back.to.the.cyclo). “J’ai vraiment conçu cette brocante comme un lieu de vie et d’échanges, insiste Vincent. Je ne me suis pas contenté de disposer un banc à l’extérieur de la boutique pour encourager une certaine convivialité, je développe également un coin librairie et un coin arts qui m’amènent à accueillir des auteurs et des artistes dont je contribue avec plaisir à promouvoir les oeuvres.” Sur une étagère “Esso Shop” située dans le coin droit du fond de la boutique sont en effet disposés des livres dont, bien en vue, celui de Laurence Veillet intitulé D’une montagne l’autre, carnet de route entre Drome et Massif central, que l’autrice est venue dédicacer à la boutique le 7 janvier dernier. Le 1er février prochain, Came sur Macadam recevra pour une nouvelle séance de dédicace, en collaboration avec la libraire La petite lumière située rue Boulard, Anne-France Dautheville : la routarde aujourd’hui âgée de 80 ans est la première femme qui, en 1973, a fait le tour du monde en moto et l’a raconté dans un livre. En se dirigeant vers le coin droit de la vitrine de la boutique, Vincent nous fait également découvrir l’oeuvre peinte sur une portière de voiture de Christopher Henri, un artiste urbain de ses connaissances. Il a pour projet d’accueillir dans le futur bien d’autres artistes dont les oeuvres ont pour thème la route ou le voyage. Dans tous les cas de la bonne came… sur Macadam !

Cliquez ici pour retrouver Came sur Macadam sur Instragram.

Au n°8 de la rue Sarrette, “Came sur Macadam, la brocante qui butine le bitume”