La 21ème édition du Carnaval de Paris qui s’est déroulée dimanche 11 février 2018 avait cette année pour thème Les contes de Perrault et d’ailleurs. Le cortège coloré de la Promenade du Bœuf Gras s’est ébranlé vers 14 heures sous le soleil de la Place Gambetta en direction de République. Les quelques gouttes de pluie qui sont tombées par la suite n’ont pas suffi à décourager les nombreux fêtards, musiciens et danseurs venus de tous les pays pour défiler en costume au rythme des tambours et sous le regard d’un public chaleureux et bon enfant disséminé tout le long du parcours. Pour saluer la réussite de ce succès populaire, Pernety 14 a rencontré Basile Pachkoff, l’organisateur de la manifestation, au Moulin à Café, le café associatif du 14ème arrondissement de Paris.
Faire revivre une tradition ancestrale : des goguettes aux sociétés bigophoniques
Basile Pachkoff est tout autant un historien amateur qu’un organisateur de carnaval et l’on peut retrouver sur Wikipédia l’ensemble des articles qu’il a rédigés sur le Carnaval et la fête. Basile nous apprend ainsi que le Carnaval de Paris fut une manifestation immense pendant cinq siècles. Historiquement, les fêtards se sont organisés en goguettes, c’est-à-dire en groupes chantants indépendants comptant chacun moins de 19 membres, ceci pour satisfaire à la règle des 19 qui prévaut par exemple encore aujourd’hui au Carnaval de Dunkerque. Pourquoi cette règle ? Parce qu’à moins de 19, on est petit mais costaud. On n’a pas de problèmes d’orientation parce qu’on sait ce que l’on fait et où l’on va. La gestion du groupe ne nécessite ni lourde logistique, ni argent, ni local particulier. On évite aussi les luttes de pouvoirs et tous les parasitages de personnes intéressées. Chaque goguette réunissait donc à l’origine moins de 19 membres, hommes, femmes, enfants, qui se rassemblaient ponctuellement tout le long de l’année pour passer de bons moments ensemble. Quand arrivait le Carnaval, les goguettes s’agrégeaient les unes aux autres pour en assurer le succès en rejoignant les bals et la rue. La règle des 19 tomba cependant peu à peu en désuétude et les goguettes qui ont prospéré pendant deux siècles à Paris finirent par disparaître victimes de leur succès, leurs participants voulant faire plus « grand ». Du temps des goguettes, la foule en carnaval envahissait les grands boulevards de Paris au point que la circulation des voitures était interrompue les mardis gras et jeudis de la Mi-Carême. A partir de 1884, les goguettes se sont dotées de bigophones. Cet instrument de musique inventé par Romain Bigot en 1881 est une sorte de kazoo muni d’un pavillon amplificateur en papier mâché ou en zinc de formes et couleurs variées. Des milliers de goguettes organisées en sociétés bigophoniques sont apparues en France et dans le monde pour animer fêtes et carnavals, notamment à Paris la Promenade du Bœuf Gras qui a lieu le mardi gras et le cortège des Reines des blanchisseuses de la Mi-Carême qui a lieu le jeudi de la Mi-Carême. Le recul des goguettes a entrainé le déclin progressif du Carnaval de Paris dont les grands bals masqués et cortèges costumés ont progressivement disparu jusqu’à la renaissance de 1993 initiée par Basile Pachkoff.
Une fête libre, bénévole, autogérée, gratuite et apolitique
En 1993, il y a maintenant donc vingt cinq ans, Basile Pachkoff prend en effet l’initiative de relancer le Canarval de Paris. Cinq ans plus tard, en 1998, il fera repartir la fête dans la rue en obtenant enfin l’autorisation de défiler grâce à Alain Riou, un élu socialiste puis écologiste du 20ème arrondissement de Paris. L’atmosphère générale de l’époque n’était guère favorable aux défilés dans la ville de Paris qu’on souhaitait « aseptiser » et très peu d’autorisations étaient accordées. Mais pour Basile, le Carnaval et la fête ne sont de toutes façons ni de gauche ni de droite. C’est bien plus une question de personnes décidées ou non à porter un projet. Il aura fallu toute l’implication et la détermination d’Alain Riou rencontré en 1996 pour « débloquer » la situation et faire vivre le Carnaval au grand air avec le concours des autorités municipales. Au principe de cette manifestation on trouve la Liberté et la Liberté n’a pas de couleur politique. Le carnaval est en effet ouvert à tout le monde, il n’y a aucune sélection et il n’y a même pas besoin de s’inscrire pour venir y participer. Il est ainsi autogéré par l’ensemble des associations participantes. « Chacun se débrouille et s’organise pour venir, nous indique Basile. Il faut juste en avoir l’envie. Les gens ne sont plus habitués à cela. Parfois ils me téléphonent pour me demander s’ils peuvent participer au Carnaval. Ma réponse est invariablement : « Mais bien sûr, venez donc ! Tout le monde est bienvenu sur tout ou partie du parcours, c’est une fête vivante ! » ». Tous les participants sont évidemment bénévoles et c’est bien sûr le principe de gratuité qui prévaut. Basile ne veut pas non plus s’embarrasser à mettre en place une quelconque logistique pour assurer la restauration des fêtards. Il souhaite inscrire sa manifestation dans l’esprit gentiment anarchiste des goguettes d’antan. Bien sûr, les forces de l’ordre doivent intervenir pour canaliser la circulation automobile et veiller de loin à ce que la fête se passe de façon paisible et sans accrocs. Mais depuis 500 ans que le Carnaval de Paris existe, aucune violence ou aucun désordre n’a été à déplorer lors de cette manifestation. « Le Carnaval de Paris a toujours été un carnaval très sage », nous assure Basile. Et c’est pourquoi la police de Paris y a toujours été favorable. Même les policiers qui en assurent la sécurité ont le sourire et cela fait bien sûr partie de la réussite de la fête. » Cette année, les quelque 5000 participants qui se sont joints au cortège qui a défilé entre la Place Gambetta et la Place de la République ont dû affronté le mauvais temps en fin d’après-midi. Nous avons personnellement été très impressionné par la qualité du spectacle offert. L’esprit général de la manifestation rejoint tout à fait les valeurs de tolérance et d’ouverture aux autres pour lesquelles nous militons sur notre blog. « La base du Carnaval, c’est l’amour du prochain », nous confirme Basile. « On est des êtres humains avant d’être des Chinois, des Boliviens, des Equatoriens, des Antillais, etc. Et quand on fait la fête ensemble, il est beaucoup plus difficile de trouver l’autre méchant. L’idée est vraiment que l’on se trouve tous ensemble et que l’on soit heureux ensemble ».
Cliquez ici pour accéder au site du Carnaval de Paris.
One thought on “Carnaval de Paris, bien au-delà de la bande à Basile (Pachkoff)”