Hervé Jacob, le G.O. de la Place Moro-Giafferi

Pas un jour sans une publication dans le groupe Facebook des Amis de la Place Moro-Giafferi ! L’activisme d’Hervé Jacob au cœur du Quartier Pernety a de quoi susciter la curiosité et l’admiration des badauds. Nous avons voulu savoir quelle était la motivation de celui qui anime sans relâche notre cher barrio et connaitre les circonstances de la création de l’association qu’il préside.

L’impetus du réaménagement sans concertation de la Place Moro Giafferi 

L’association des Amis de Place Moro-Giafferi a été créée en 2014 en réaction à la décision prise par la Mairie du 14ème de réaménager la Place Moro-Giafferi : « Cette décision a été prise en 2013 juste avant les élections municipales sans que personne ne demande rien et sans concertation aucune, déplore Hervé. J’ai trouvé un peu dommage que ça se passe comme ça en catimini pour dépenser un reste de budget (environ 600.000 euros) et j’ai donc décidé avec deux ou trois copains de créer une association qui servirait de relais auprès de la Mairie pour exprimer les véritables besoins du voisinage de cette place ». C’est la rue du Château qui, selon eux, doit à l’époque être urgemment refaite. La Mairie en décidera autrement en raison du coût élevé des travaux de réhabilitation de cette rue. Qu’à cela ne tienne, Hervé et ses amis déposent les statuts d’une association dont l’objet va être de faire vivre le quartier et également de militer pour le réaménagement de la rue du Château. L’association contacte tous les candidats à l’élection municipale de 2014 pour les challenger sur ce sujet et constate avec satisfaction qu’ils le reprennent tous à leur compte dans leur programme électoral respectif. Fort de ce soutien implicite, l’association organise une « agora participative » plusieurs week-ends durant pour solliciter les avis des habitants de la rue et de ceux qui la traversent sur le projet de réaménagement. Cette consultation citoyenne aboutira au final à prévoir une voie unique pour les voitures dont il sera par ailleurs inversé le sens de circulation afin de résoudre les problèmes de bruit et de pollution que l’ancienne configuration n’était pas sans poser aux riverains qui y travaillent. Capitalisant sur ces premiers résultats concrets, l’association crée une page et un groupe Facebook qui vont servir de supports de communication avec les habitants du quartier. Quatre cents personnes en suivent aujourd’hui chaque jour l’actualité par ce moyen.

Les heures heureuses de la Place Moro Giafferi à la saison d’été

Une association vectrice de lien social

Même si personne ne sait qui était de Moro-Giafferi (qui se soucie des avocats et des hommes politiques ?), tout le monde dans le Quartier Pernety connait la Place Moro-Giafferi, ses bars, ses restaurants et ceux des rues alentours qui forment le périmètre qui délimite le terrain de chasse d’Hervé Jacob : « Les parisiens ne connaissent généralement que les seuls deux cent mètres autour de chez eux. On a voulu faire pareil et ne pas dépasser le triangle formé par la rue Losserand, l’avenue du Maine et la rue Pernety prolongée par la rue de la Sablière. En gros, on va jusqu’au Laurier et pas au delà, jusqu’au Ton Air de Brest et pas au delà et jusqu’aux Tontons et pas au delà ! » Hervé est par la force des choses au courant de tout ce qui se passe dans le mini-village dont il raconte avec ses amis la vie à ses habitants : « Souvent on se sert des informations fournies par les commerçants eux-mêmes, celles qu’ils publient sur Facebook et qu’on republie derrière dans notre propre groupe. Ou bien alors il peut s’agir d’évènements dont on est témoin dans le quartier (incendie, manifestation associative, etc.) et qu’on relaie également. » Hervé, qui est par ailleurs conseiller de quartier, commence sa journée dès six heure et demi du matin Chez César et Paulo autour d’un café : « On vient régulièrement me voir avant sept heure pour un problème de logement ou même pour solliciter mon aide pour remplir des papiers administratifs. Et quand les commerçants font face à un problème, il viennent me voir également. Je sers en quelque sorte de médiateur vis-à-vis de la Mairie. » Les quatre cent membres du groupe sont ravis d’être alimentés de cette information locale et participent à leur tour à la fourniture de tuyaux et de potins dont Hervé et ses amis font leur miel. Rien de tel pour briser l’anonymat de la capitale parisienne. Pour communiquer, ils choisissent volontiers les photographies facilement prises par le moyen d’un smartphone : « Les gens ne lisent pas les publications sans photo », témoigne Hervé. Même s’il se défend de vouloir faire du buzz à tout prix, Hervé apprécie bien sûr à leur juste valeur les retours des membres du groupe sur les publications. Ces retours ont notamment été très nombreux lors de la Coupe d’Europe de football dont la finale a réuni plus de mille personnes sur la Place Moro-Giafferi de même que sur le texte qu’il a publié lors du récent drame de l’attaque au couteau de Villejuif dont l’auteur résidait rue Pernety. Mais le groupe intéresse aussi les personnalités politiques qui sont nombreuses à en être membres. Une aubaine pour Hervé qui comptent bien en cette période pré-électorale rééditer son exploit de 2014 en réussissant à les sensibiliser à la nécessité d’aménager le parking Didot en parking temporaire afin de compenser la disparition de places de voiture occasionnée par les travaux de réhabilitation de la rue du Château.

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook du groupe public des Amis de la Place Moro-Giafferi.

« Les Jardins Numériques » et l’IUT de Bobigny s’allient contre la fracture sociale

Pascal Vaillant et Joseph Han au « Laurier »

Les Jardins Numériques, une association de la Porte de Vanves, s’est associée à l’IUT de Bobigny pour favoriser l’inclusion numérique et sociale de tous en concevant une plateforme informatique dont la vocation est de permettre la mise en relation des « décrochés du digital » avec des personnes aidantes de toutes les nationalités. Nous avons rencontré au bar-restaurant Le Laurier Joseph Han, le président des Jardins Numériques, et Pascal Vaillant, informaticien-linguiste et enseignant en informatique à l’IUT de Bobigny, qui sont les instigateurs et les porteurs de ce magnifique projet solidaire.

Un portail multilingue de mise en relation et d’accès au droit

C’est sur une constatation de départ identique qu’a été créé Respect International, l’ancêtre de Pernety 14 : la difficulté des plus fragiles et des plus vulnérables à défendre leurs droits. La fracture sociale est aujourd’hui de plus en plus une fracture numérique dans la mesure où l’accès aux droits et aux services se fait généralement via l’outil internet dont le maniement par les séniors et les ressortissants étrangers demeure parfois très problématique. « Les besoins sont énormes », insiste Joseph Han dont les parents ne parlent pas un mot de français. D’où l’idée de créer un instrument qui soit un moyen de mettre en relation ceux qui ont besoin d’aide et ceux qui sont disposés à leur donner un coup de main en français ou dans toute autre langue et qui soit également un outil pédagogique de stockage d’informations qui servirait de bibliothèque numérique multilingue à la disposition de tous. S’agissant de la mise en relation, l’idée est d’amarrer une personne bien intégrée et socialement agile à une (ou plusieurs) personne(s) rencontrant des difficultés pour s’insérer notamment parce qu’elle(s) ne maitrise(nt) pas internet et/ou parce qu’elle(s) parle(nt) et/ou écrive(nt) difficilement le français. La population migrante se trouve tout particulièrement démunie à son arrivée sur notre territoire. L’objectif du dispositif est de mettre en relation des personnes originaires du même pays ou de la même région du monde et qui partagent la même langue pour créer une dynamique d’entraide. La bibliothèque numérique multilingue permettra quant à elle un accès facilité à une documentation de base par celles et ceux qui doivent se débattre dans les méandres de la législation / réglementation française. Elle consistera en des articles et en des tutoriels en ligne dans toutes les langues et sera enrichie en permanence en capitalisant sur les services rendus par les aidants dans le passé. Pas de place à l’amateurisme puisque ce sont des interprètes assermentés qui devront se charger des traductions des documents permettant l’accès au droit. Le projet tel qu’il a été conçu par Les Jardins Numériques a été regroupé avec celui de neuf autres associations et présenté au budget participatif 2019-2020 de la Ville de Paris. Les parisiens l’ont largement plébiscité puisqu’il a obtenu 32.000 voix et est arrivé en deuxième position juste derrière le projet environnemental et climatique. Il a donc toutes les chances d’être réalisé d’autant qu’il bénéficie aujourd’hui de l’appui logistique d’une équipe d’étudiants informaticiens de l’IUT de Bobigny.

Soutenance du projet en mars 2019 à l’IUT de Bobigny

Une équipe d’étudiants de l’IUT de Bobigny dédiée au projet

C’est en effet là que Pascal Vaillant entre en scène. Cet enseignant en informatique très impliqué dans la vie associative du 14ème arrondissement de Paris puisqu’il est par ailleurs secrétaire chargé de la communication de Paris 14 Territoire de cinéma rencontre Joseph Han en 2018 à l’occasion du premier festival de films organisé par l’association de cinéphiles. Les deux hommes se découvrent des centres d’intérêts communs et Pascal a tôt fait de s’enthousiasmer pour le projet de plateforme numérique solidaire de Joseph. Car c’est typiquement le genre de projet qu’il peut faire développer par les étudiants dont il a la charge au département des métiers de l’internet et du multimédia de l’IUT de Bobigny. Il les fait travailler en 2019 dans le cadre d’une compétition internationale pour réaliser un site internet multilingue répondant aux objectifs poursuivis par Joseph. Sept prototypes de site sont de cette manière réalisés dont un qui a été élu prototype gagnant pour servir de base aux développements futurs. A la rentrée dernière, il met en place au niveau licence un projet tutoré réunissant des étudiants développeurs, infographistes et chargés de communication pour faire avancer le projet de plateforme. Le site fonctionnel ou « coquille » devrait pouvoir être livré en mai 2020. Pour qu’il fonctionne concrètement, il faut bien sûr constituer une base d’aidants suffisante. C’est la raison pour laquelle ont été sollicités des chargés de communication dont la mission est de promouvoir le concept à l’extérieur à partir de mai 2020 (dans les associations et foyers s’agissant des personnes aidées et sur les réseaux sociaux s’agissant des aidants). La mise en service de la plateforme devrait pouvoir intervenir en 2021, ce qui pourrait correspondre au déblocage des fonds du budget participatif. Car la Ville de Paris qui organise des journées de la solidarité reste bien sûr un partenaire clef pour faire aboutir le projet porté par Joseph et Pascal. Nous ne doutons pas qu’ils sauront convaincre tous les élus municipaux quelle que soit leur couleur politique tant qu’il est vrai que ces derniers ne peuvent être insensibles aux efforts déployés pour réduire la fracture sociale par le biais de l’inclusion numérique de tous.

Cliquer ici pour accéder à l’agenda partagé des Jardins Numériques.

Françoise Le Goaziou, présidente du « lieu de la joie d’être ensemble »

Les Bretons de Paris ont leur endroit à Paris pour se réunir et partager leur fierté d’être Bretons, des moments conviviaux et des évènements organisés autour de la culture bretonne. Il s’agit du 22 rue Delambre, le siège de la Mission Bretonne niché au cœur du Quartier du Montparnasse, le quartier breton de Paris. La porte cochère ouvre sur une cour au fond de laquelle se tient une ancienne bâtisse qui a gardé son cachet d’antan : Ti ar Vretoned, littéralement « La Maison des Bretons ». Nous y avons rencontré Françoise Le Goaziou, sa dynamique présidente, qui sort ce mois-ci un nouveau livre intitulé Bretons sur Seine retraçant quinze siècles de présence bretonne à Paris.

Une historienne militante de la culture heureuse

Françoise Le Goaziou est une Bretonne de Paris qui est née à… Saint-Etienne où ont émigré ses ascendants originaires de Saint-Quay-Portrieux pour aller chercher du travail dans les mines. Elle est élevée par sa grand-mère qui n’aimait pas vraiment la préfecture de la Loire et qui nourrissait une profonde nostalgie de la Bretagne. A sa mort, c’est le Père François Le Quemener, aumonier des Bretons de Paris et animateur de la Mission Bretonne, qui achève de compléter son éducation. Elle passe l’agrégation d’histoire et devient professeure. Après une courte expérience en Champagne, elle est nommée à 23 ans au Lycée Jacques Brel de la Courneuve qui la met pour la première fois en contact avec le monde des banlieues. Elle surmonte rapidement ses premières préventions et s’enthousiasme bientôt d’avoir le privilège d’apprendre son métier au milieu des populations des cités. Puis elle devient prof de prépa au Raincy toujours en Seine-Saint-Denis. Entourée d’étudiants de toutes origines, elle ne quitterait son poste pour rien au monde car elle est pleinement convaincue de faire œuvre utile dans un endroit où l’ascenseur social a encore du sens : « Les gamins, on les intègre tous. Pas tous à HEC car ce n’est pas forcément là où ils seraient le plus heureux. Mais dans d’autres écoles de commerce ou ailleurs. On a des étudiants bons élèves, positifs, motivés, gentils, agréables, reconnaissants. C’est vraiment un chouette métier ! ». Quand en 2009 le Père Quemener s’en va retrouver l’éternelle jeunesse de Dieu, Françoise Le Goaziou est sollicitée pour revenir à la Mission Bretonne où elle intègre le conseil d’administration puis devient présidente. « L’expérience que j’ai des Bretons de Paris m’aide beaucoup avec mes étudiants, témoigne-t-elle. Parce que l’essentiel de mes étudiants est issu de l’immigration et que j’ai dans la même classe des maghrébins, des africains, des vietnamiens, des cambodgiens, des roumains, des turques, des kurdes, que sais-je encore. Or ces étudiants là ont souvent la culture honteuse. J’essaie de leur faire comprendre que les Bretons ont vécu des choses assez similaires. Et comme j’ai la chance d’enseigner le 20ème siècle, je commence souvent par leur parler de l’immigration bretonne à cause de l’interdiction de parler la langue, du rejet, etc.. J’essaie de leur faire prendre conscience que lorsqu’on conserve sa propre culture on est ouvert à celle des autres ».

Une association à vocation sociale devenue véritable centre culturel breton

C’est justement l’objet de la Mission Bretonne que de promouvoir la culture bretonne à Paris. L’association a été fondée en 1947 par l’abbé Gautier qui était professeur au collège et lycée des Cordeliers de Dinan et qui avait été témoin du départ de ses élèves et des familles de ses élèves vers Paris dans des conditions extrêmement difficiles. Il décide de leur consacrer sa vie et s’empare du sujet pour en faire une thèse de doctorat. Il crée dans la foulée la Mission Bretonne avec le soutien de l’archevêché de Paris qui travaille à l’époque à réconcilier l’Eglise avec le monde ouvrier. L’association est donc conçue à l’origine comme un point d’ancrage et de repère pour les nouveaux Bretons de Paris qui pourraient être déstabilisés par la trépidante vie parisienne. En favorisant l’entraide et la solidarité entre natifs de Bretagne, elle les met à l’abri des dangers (exploitation, prostitution) qui guettent les déracinés à leur arrivée dans la capitale. En 1970, c’est le père Le Quemener qui prend la tête de la Mission Bretonne. Sous son ère et l’influence du mouvement de renaissance de la culture bretonne, l’association se transforme peu à peu en véritable centre culturel breton. Des cours de breton y sont organisés, la musique et la culture bretonne valorisées. Le 22 de la rue Delambre devient « La Maison des Bretons » et Ti ar Vretoned est accolé au nom de la Mission Bretonne pour symboliser son ouverture à toutes celles et à tous ceux, croyants ou non-croyants, bretons ou non, qui s’intéressent à la culture bretonne. L’association compte aujourd’hui 700 adhérents qui se réunissent autour de ses différents ateliers et activités (Kafe Istor, Evangile et Vie, etc.) et qui se retrouvent à l’occasion de la Fête de la Bretagne organisée chaque année en partenariat avec la Mairie du 14ème. Tous participent à l’esprit de la Mission, « une alchimie bizarre, nous dit Françoise Le Goaziou, qui doit être dans l’essence du lieu et qui fait qu’on y rencontre beaucoup de bienveillance et de tolérance. C’est la joie d’être ensemble qui fait se rassembler lors d’une veillée ou d’un repas des gens de tous horizons professionnels et de tous âges. La Mission ne laisse personne sur la touche et nous faisons notre maximum pour y faire venir du monde. C’est un joli lieu où l’on peut même trouver son partenaire car la Mission est aussi une agence matrimoniale… C’est vraiment un lieu marrant ! » Avis à toutes celles et à tous ceux qui sont curieux de découvrir les trésors et les richesses de l’âme celte !

Cliquez ici pour accéder au site de la Mission Bretonne et ici pour accéder à sa page Facebook.

Carnaval de Paris, bien au-delà de la bande à Basile (Pachkoff)

Basile Pachkoff, organisateur du Carnaval de Paris.

La 21ème édition du Carnaval de Paris qui s’est déroulée dimanche 11 février 2018 avait cette année pour thème Les contes de Perrault et d’ailleurs. Le cortège coloré de la Promenade du Bœuf Gras s’est ébranlé vers 14 heures sous le soleil de la Place Gambetta en direction de République. Les quelques gouttes de pluie qui sont tombées par la suite n’ont pas suffi à décourager les nombreux fêtards, musiciens et danseurs venus de tous les pays pour défiler en costume au rythme des tambours et sous le regard d’un public chaleureux et bon enfant disséminé tout le long du parcours. Pour saluer la réussite de ce succès populaire, Pernety 14 a rencontré  Basile Pachkoff, l’organisateur de la manifestation, au Moulin à Café, le café associatif du 14ème arrondissement de Paris.

Faire revivre une tradition ancestrale : des goguettes aux sociétés bigophoniques

Basile Pachkoff est tout autant un historien amateur qu’un organisateur de carnaval et l’on peut retrouver sur Wikipédia l’ensemble des articles qu’il a rédigés sur le Carnaval et la fête. Basile nous apprend ainsi que le Carnaval de Paris fut une manifestation immense pendant cinq siècles. Historiquement, les fêtards se sont organisés en goguettes, c’est-à-dire en groupes chantants indépendants comptant chacun moins de 19 membres, ceci pour satisfaire à la règle des 19 qui prévaut par exemple encore aujourd’hui au Carnaval de Dunkerque. Pourquoi cette règle ? Parce qu’à moins de 19, on est petit mais costaud. On n’a pas de problèmes d’orientation parce qu’on sait ce que l’on fait et où l’on va. La gestion du groupe ne nécessite ni lourde logistique, ni argent, ni local particulier. On évite aussi les luttes de pouvoirs et tous les parasitages de personnes intéressées. Chaque goguette réunissait donc à l’origine moins de 19 membres, hommes, femmes, enfants, qui se rassemblaient ponctuellement tout le long de l’année pour passer de bons moments ensemble. Quand arrivait le Carnaval, les goguettes s’agrégeaient les unes aux autres pour en assurer le succès en rejoignant les bals et la rue. La règle des 19 tomba cependant peu à peu en désuétude et les goguettes qui ont prospéré pendant deux siècles à Paris finirent par disparaître victimes de leur succès, leurs participants voulant faire plus « grand ». Du temps des goguettes, la foule en carnaval envahissait les grands boulevards de Paris au point que la circulation des voitures était interrompue les mardis gras et jeudis de la Mi-Carême. A partir de 1884, les goguettes se sont dotées de bigophones. Cet instrument de musique inventé par Romain Bigot en 1881 est une sorte de kazoo muni d’un pavillon amplificateur en papier mâché ou  en zinc de formes et couleurs variées. Des milliers de goguettes organisées en sociétés bigophoniques sont apparues en France et dans le monde pour animer fêtes et carnavals, notamment à Paris la Promenade du Bœuf Gras qui a lieu le mardi gras et le cortège des Reines des blanchisseuses de la Mi-Carême qui a lieu le jeudi de la Mi-Carême. Le recul des goguettes a entrainé le déclin progressif du Carnaval de Paris dont les grands bals masqués et cortèges costumés ont progressivement disparu jusqu’à la renaissance de 1993 initiée par Basile Pachkoff.

Basile en tenue de carnaval et accompagné

Une fête libre, bénévole, autogérée, gratuite et apolitique

En 1993, il y a maintenant donc vingt cinq ans, Basile Pachkoff prend en effet l’initiative de relancer le Canarval de Paris. Cinq ans plus tard, en 1998, il fera repartir la fête dans la rue en obtenant enfin l’autorisation de défiler grâce à Alain Riou, un élu socialiste puis écologiste du 20ème arrondissement de Paris. L’atmosphère générale de l’époque n’était guère favorable aux défilés dans la ville de Paris qu’on souhaitait « aseptiser » et très peu d’autorisations étaient accordées. Mais pour Basile, le Carnaval et la fête ne sont de toutes façons ni de gauche ni de droite. C’est bien plus une question de personnes décidées ou non à porter un projet. Il aura fallu toute l’implication et la détermination d’Alain Riou rencontré en 1996 pour « débloquer » la situation et faire vivre le Carnaval au grand air avec le concours des autorités municipales. Au principe de cette manifestation on trouve la Liberté et la Liberté n’a pas de couleur politique. Le carnaval est en effet ouvert à tout le monde, il n’y a aucune sélection et il n’y a même pas besoin de s’inscrire pour venir y participer. Il est ainsi autogéré par l’ensemble des associations participantes. « Chacun se débrouille et s’organise pour venir, nous indique Basile. Il faut juste en avoir l’envie. Les gens ne sont plus habitués à cela. Parfois ils me téléphonent pour me demander s’ils peuvent participer au Carnaval. Ma réponse est invariablement : « Mais bien sûr, venez donc ! Tout le monde est bienvenu sur tout ou partie du parcours, c’est une fête vivante ! » ». Tous les participants sont évidemment bénévoles et c’est bien sûr le principe de gratuité qui prévaut. Basile ne veut pas non plus s’embarrasser à mettre en place une quelconque logistique pour assurer la restauration des fêtards. Il souhaite inscrire sa manifestation dans l’esprit gentiment anarchiste des goguettes d’antan. Bien sûr, les forces de l’ordre doivent intervenir pour canaliser la circulation automobile et veiller de loin à ce que la fête se passe de façon paisible et sans accrocs. Mais depuis 500 ans que le Carnaval de Paris existe, aucune violence ou aucun désordre n’a été à déplorer lors de cette manifestation. « Le Carnaval de Paris a toujours été un carnaval très sage », nous assure Basile. Et c’est pourquoi la police de Paris y a toujours été favorable. Même les policiers qui en assurent la sécurité ont le sourire et cela fait bien sûr partie de la réussite de la fête. »  Cette année, les quelque 5000 participants qui se sont joints au cortège qui a défilé entre la Place Gambetta et la Place de la République ont dû affronté le mauvais temps en fin d’après-midi. Nous avons personnellement été très impressionné par la qualité du spectacle offert. L’esprit général de la manifestation rejoint tout à fait les valeurs de tolérance et d’ouverture aux autres pour lesquelles nous militons sur notre blog. « La base du Carnaval, c’est l’amour du prochain », nous confirme Basile. « On est des êtres humains avant d’être des Chinois, des Boliviens, des Equatoriens, des Antillais, etc. Et quand on fait la fête ensemble, il est beaucoup plus difficile de trouver l’autre méchant. L’idée est vraiment que l’on se trouve tous ensemble et que l’on soit heureux ensemble ».

Cliquez ici pour accéder au site du Carnaval de Paris.