La résurrection puissance 1000 d’Andréa Giovanni Porte

Andréa, très heureux de vivre, avec ses complices de plongée sous-marine en août 2023 en Egypte.

Le livre Mimêsis, l’art de la reconstruction est le fabuleux témoignage signé Andréa Giovanni Porte de la capacité de l’homme à surmonter les épreuves les plus terribles de l’existence, celles qui paraissent les plus irrémédiablement destructrices et invalidantes, pour les transformer en passes et en tremplins pour une vie meilleure et plus riche d’opportunités nouvelles. Il est la preuve éclatante qu’on peut tout perdre et pourtant tout recommencer. Le Quatorzien sera présent à L’Osmoz Café (33 rue de l’Ouest) le 11 octobre prochain à partir de 18 heures pour en deviser plus longuement lors d’une rencontre et d’une séance de dédicace organisées à l’occasion de la sortie de son livre.

Une seconde pour (presque) mourir

Au très jeune âge de 23 ans, André Giovanni Porte est victime d’un brutal et très soudain accident neurologique qui le paralyse et le réduit au silence. Comme dans Le Scaphandre et le Papillon, l’ouvrage autobiographique de Jean-Dominique Bauby qui raconte son syndrome de verrouillage après un AVC, Andréa reste parfaitement conscient alors qu’il est enfermé vivant dans son corps figé. “Aux premières loges de ma propre mort, j’ai eu comme seules compagnes dans ma lucarne l’horreur et la peur”, écrit-il. La première partie de Mimêsis raconte en détail cette terrifiante expérience survenue fin 2012 à Dubaï alors que le jeune homme, voyant comme beaucoup son avenir bouché sur le marché du travail français, débute sa carrière professionnelle au service marketing et communication d’une multinationale indienne, leader du retail de marques occidentales dans les pays du golfe. “A peine diplômé, voulant changer de vie et entendant régulièrement parler des Emirats, j’avais décidé de me lancer. Je partageais leurs valeurs d’efficacité économique : le travail, l’ambition et la réussite. Comme tout était nouveau, je m’émerveillais au début de tout. J’y retrouvais des particularités des pays anglo-saxons où la voiture est reine. Tout était démesure, audace et risque.” (page 23). Las, cette belle ambition personnelle va être fauchée en plein vol par le foudroyant AVC qui va le conduire à être rapatrié à Paris à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il va commencer à réaliser avec effroi que les membres de son corps ne répondent plus. Ce tragique et soudain accident survenu le 10 novembre 2012 a marqué le dernier jour de sa première vie sur terre.

Andréa escaladant la montagne Reconstruction…

Vaincre ou périr

Il va pourtant falloir survivre – en clignant des yeux (un clignement pour dire oui, deux pour dire non). Quelques jours après son rapatriement en France, un premier scanner confirme la localisation de l’AVC du jeune homme au niveau du tronc cérébral tandis que l’IRM révèle une occlusion provoquée par un caillot de sang d’environ cinq millimètres à la base du cerveau empêchant toute irrigation. “Plus de corps, plus de voix, plus de bras, plus de jambes, plus de vie, plus de raison de vivre, plus de présent, plus d’avenir. […] Comment vivre avec ça ? […] Est-ce fini pour moi ? […]”, se demande de façon poignante Andréa. Vingt jours après l’AVC survient le miracle : le caillot sanguin commence à se disloquer et le paralysé parvient à faire de petits mouvements de l’avant-bras, de la main et des doigts. “Mon dieu, je n’ai jamais rien vu de plus merveilleux […], c’est d’une beauté sans nom, s’exclame-t-il alors intérieurement. […] Je me promets de tout faire pour sortir de ce lit d’hôpital. Tout ! Mon rêve désormais est d’avoir la chance d’aller traîner cette carcasse jusqu’en salle de rééducation et de me battre jusqu’au bout pour arracher un peu plus de vie. Tant que je respirerai, je me ferai violence !” (page 132-133). Vaincre ou périr et se battre quoi qu’il en coûte pour gagner le droit à une deuxième vie. “Ce calvaire a duré 6 mois, 180 jours d’un combat acharné, 4.300 heures d’horreur, 259.200 minutes de souffrances indescriptibles. Mes souvenirs en sont encore vifs et poignants.”, écrit Andréa à la moitié de son livre sans oublier de vivement remercier toute l’équipe de soignants et de thérapeutes qui l’ont accompagné pendant cette épreuve. Jusqu’à ce qu'”un subtil goût du vivant” à peine contrarié par les regards, les silences et les préjugés qui entourent le handicap, ne vienne amorcer sa renaissance.

A cheval dans le désert de Wadi Rum en Jordanie.

Une renaissance et une reconstruction aux mille visages

Sans vouloir faire un mauvais jeux de mots, la résurrection d’Andréa va lui ouvrir bien des portes. L’auteur de Mimêsis n’a pas besoin de moins de 160 pages de son émouvant livre pour nous décrire par le menu les tâches auxquelles il s’attelle très assidûment et les projets qu’il mène à leur terme pour réémerger dans le monde des “normaux” ou plus exactement des non-accidentés de la vie. “Mes journées sont structurées et chronométrées à l’avance. Mon défi est de tout faire et de tout travailler. Je dois me lever à 5h50 pour tenir la cadence, et je termine vers 22h. Je veux faire toujours plus d’exercices. J’ai toujours quelque chose à améliorer : un muscle, un mouvement, une démarche, une langue, une nouvelle mission impossible” (page 334). Sandrine Rousseau qui défend le droit à la paresse n’a qu’à bien se tenir… C’est qu’Andréa veut déjouer tous les pronostics de ceux qui lui ont doctement assuré, du haut de leur arrogante incompétence, qu’il ne se lèverait pas de son fauteuil et qu’il ne remarcherait jamais plus en raison de son taux de spasticité trop élevé. “Au lieu de m’abattre, ce discours a eu l’effet inverse et a créé en moi un vrai électrochoc.” (page 160). Pendant les douze années de sa renaissance progressive et de sa reconstruction par étapes, le jeune homme, consumé par une véritable rage de vivre et de toujours progresser, n’aura de cesse de pratiquer plus de sports (jusqu’à 14 cours universitaire d’activité physique en 2015-2016, soit plus de 23 heures (!) par semaine), de passer plus de diplômes (triple diplôme d’économie-droit à Panthéon Assas et Yale obtenu en 2013-2014 ainsi qu’un MBA obtenu en 2015-2016), et de voyager aux quatre coins du monde, tout en continuant à dûment honorer ses nombreuses séances d’orthophonie ou ses leçons de piano et de dessin… Tout le monde le met en garde contre la très forte augmentation d’intensité et de complexité du programme qu’il s’impose. Et parfois, cela casse effectivement tellement il tire sur son corps. Mais rien ne saurait venir décourager celui qui a intégré l’échec au point d’en faire un moteur de sa progression. C’est une formidable leçon de vie et de volonté de vivre que ces 13 années de reconstruction narrées par Andréa dans Mimêsis. On en sort baba et seulement à moitié surpris lorsque notre héros malgré lui finit par conclure : “Il y a quelque chose de beau et de magique dans cet accident, il m’a permis de me reconstruire en partie à l’image de ce que je voulais de moi, comme s’il me donnait la chance de tout reprendre à zéro, d’avoir le nouveau départ que je désirais tant. Il a d’abord réduit mon monde à une chambre avant de me réapprendre à voir tout l’univers” (page 348). Avis aux amateurs…

Andréa Giovanni Porte, Mimêsis, l’art de la reconstruction, auto-édition 2025, 418 pages, 19 euros.

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