Il est de ceux qui transforment le plomb en or et qui veulent rendre la vie plus belle. Jean-François Caillarec, qui a déjà une centaine d’idées de plaques de rue à son actif, a sauté sur l’occasion qui s’offrait à lui de rendre hommage à une adresse mythique de l’histoire de l’art, le 54 de la rue du Château, pour exprimer tout son talent d’artiste urbain. Nous l’avons rencontré sur les lieux de sa dernière oeuvre et l’avons interrogé sur son parcours et ses projets artistiques.
Transformer le mobilier urbain en oeuvres d’art
Rien ne prédestinait Jean-François Caillarec, Breton de Paris depuis vingt-cinq ans, à devenir “décorateur d’extérieur”. Ce physicien de formation, qui travaille aujourd’hui dans le secteur médical, a certes toujours été traversé par quelques velléités artistiques. Mais à peine plus que tous ceux qui envisagent la vie de façon un peu plus créative que la préparation du prochain week-end. Le Quatorzien commence à peindre des tableaux sur le thème de Paris, particulièrement du métro parisien. Puis, il prend l’habitude de participer à Arts en balade, une manifestation de créateurs qui a lieu chaque année à la fin juin sur la Coulée Verte René Dumont dans le 12ème arrondissement de Paris. Encouragé par les organisateurs à tirer au maximum partie de l’espace naturel et verdoyant, Jean-François choisit en 2019 de réaliser une maquette de banc de jardin public peinte aux couleurs de l’arc-en-ciel qui rencontre un tel succès qu’elle fait partie des projets retenus puis votés dans le cadre du budget participatif de la Ville de Paris. “Cette réalisation m’a motivé pour la suite car nombreux sont ceux qui rêvent de créer des oeuvres dans l’espace public”, nous confie celui qui n’est devenu que sur le tard artiste urbain. Elle va de fait être le déclic et le point de départ de la réalisation d’autres “installations dans la rue” qui utilisent toutes sortes de mobilier urbain pour les transformer en oeuvres d’art. “Je fais néanmoins toujours en sorte d’utiliser du plastique et du carton pour que les services de la Ville de Paris puissent en faire ce qu’ils veulent”, tient à nous préciser notre gentil vandale. Et je signe systématiquement mes installations provisoires avec mon adresse Instagram pour permettre mon identification si nécessaire. Car j’assume absolument tous les risques liés à la production de mes oeuvres. Qu’est-ce qu’être artiste sinon accepter de prendre des risques ?”
Une centaine de plaques provisoires et trente (moins trois) plaques pérennes
Le confinement lié à la pandémie va stimuler la créativité de Jean-François. L’idée lui vient d’illustrer les plaques de rues parisiennes. “J’ai commencé à préparer mes plaques pendant le confinement et à les poser dès sa levée au mois de mai 2020, se rappelle le street-artist. Jean-François fait bien le distingo entre plaques “provisoires” et plaques “pérennes”. Les premières, dont il a produit une bonne centaine d’exemplaires, sont facilement décollables et sont de fait souvent enlevées pour finir par se retrouver dans le salon des amateurs. Elles consistent en des photos imprimées sur carton ou plastique qui sont ensuite collées sur les plaques de rue grâce à quatre points adhésifs. Les plaques pérennes sont quant à elles imprimées sur dibond et encollées fortement sur les plaques de rue originelles, de sorte qu’on ne peut en principe les retirer qu’au burin. “Toutes mes plaques provisoires ont vocation a devenir des plaques pérennes que je réalise pour qu’elles restent collées des dizaines d’années, assume Jean-François. J’en ai déjà posé une trentaine dont trois ont malgré tout été enlevées par les services de la Ville de Paris. Peut-être la difficulté rencontrée pour les enlever explique-t-elle en partie leur longévité.” De fait, ce sont les agents de la ville eux-mêmes qui aujourd’hui nettoient les plaques pérennes qu’il a posées et qu’il a pris soin de couvrir d’un vernis pour permettre leur entretien. C’est à coup sûr la reconnaissance inofficielle de projets qui n’ont pas tous loin de là fait l’objet des autorisations municipales ou administratives nécessaires, ce qui est tout à fait compréhensible au regard des délais d’obtention de ces autorisations. Si Jean-François a, par exemple, obtenu en 2021 l’accord de la Mairie du 12ème arrondissement par l’intermédiaire de sa Commission culturelle pour apposer trois plaques de rues rue Baudelaire à l’occasion du bicentenaire de la naissance du poète, jamais il n’a pu recevoir en temps et en heure l’aval de la Direction des Affaires Culturelles sur son projet. Ce qui s’appelle être complètement à côté de la plaque…
Vulgarisateur de culture
Mais Jean-François n’entend pas désarmer et continue son combat pour l’embellissement de la capitale au sein du collectif ou en solo. Même s’il a finalement été recalé en 2022 au budget participatif de la Ville de Paris pour le projet qu’il portait (et qui fut un premier temps retenu) visant à l’apposition de plaques à la mémoire d’un autre illustre poète français rue Ronsard dans le 18ème arrondissement de Paris, notre indécrottable poseur de plaques continue à foisonner d’idées. D’où lui viennent-elles ? Ce sont souvent ses lubies personnelles qui lui font s’intéresser tantôt aux poètes tantôt aux peintres célèbres. Mais Jean-François est également soucieux de faire oeuvre utile : “Enormément de personnes ne savent pas qui est Delacroix ou même Michel-Ange, témoigne-t-il. C’est pourquoi j’ai été si heureux d’illustrer leur plaque de rue parisienne respective avec La Liberté en Marche et La Création du Monde. J’ai, autre exemple, illustré la rue de l’Observatoire avec la Voie Lactée. Parfois une photo parle beaucoup plus qu’un nom, et mes oeuvres permettent de facilement associer l’une à l’autre“. Claude Degoutte, qui est un autre fidèle arpenteur des rues parisiennes, lui fournit aujourd’hui de nombreuses autres idées de plaques illustrées en continuant à développer le concept des oeuvres in situ qui sont réalisées et produites pour un endroit spécifique en entrant en résonnance avec le lieu choisi, son histoire, sa mythologie ou son actualité. La première plaque de rue in situ réalisée par Jean-François est celle réalisée rue Valette qui évoque le célèbre film La Boum de Claude Pinoteau parce que Vic, l’héroïne du film interprétée par Sophie Marceau, habite au “6ème étage gauche” (sic) du 21 rue Valette qui ne compte en réalité que trois étages… Et c’est donc aujourd’hui le 54 de la rue du Château, une adresse mythique de l’histoire de l’art en ce qu’elle fut il y a un siècle le lieu de rencontres de nombreux Surréalistes dont notamment Breton, Prévert et Tanguy, que l’artiste urbain honore d’une nouvelle plaque de rue in situ. Si Jean-François a bien conscience que transformer la ville et contribuer à l’embellir se fait extrêmement lentement, il tient absolument à être de ceux qui y contribuent. “Faire partie de ce mouvement, même à une petite échelle, je trouve ça super bien”, nous dit-il. Pour que Paris chargée de vie et d’histoire reste à jamais la plus belle ville du Monde…
Très bonne initiative! Ravie d’avoir participé au happening!