N’en déplaise aux anti-écolos, les mauvaises herbes rendent la capitale plus belle. Le bien nommé Stéphane Malherbe, alias bad beu, est de celles-ci. Nous nous étions donnés rendez-vous ce vendredi soir impasse du Moulin Vert, au coin de la rue des Plantes (!), pour le collage de la deuxième de ses oeuvres qui honore notre arrondissement en rendant hommage au très regretté Quatorzien Patrick Dewaere. L’occasion pour nous de faire plus ample connaissance.
Une jeunesse très rouge
“Un verre ça va, Dewaere bonjour les dégâts !”. Etait-ce l’alcool qui a délié les langues alors que nous fêtions le collage réussi de sa belle réalisation ? Etait-ce l’exaltation liée à la satisfaction d’avoir réalisé un très joli coup ? Ou bien était-ce sa spontanéité naturelle ? Toujours est-il que nous n’avons eu aucune difficulté à faire parler de lui notre artiste urbain, ce qui a rendu notre interview très agréable et intéressante. Stéphane Malherbe, plus connu sous son pseudo bad beu et qui signe aujourd’hui ses oeuvres tout simplement bad, est né il y a 56 ans à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. Il baigne dans une culture très marquée à gauche puisque son père est un communiste pur et dur qui lui interdit formellement d’aller voir Rocky au cinéma ou même de boire du Coca-Cola (!). Comme lui, Stéphane deviendra professeur d’éducation physique et sportive en vouant une véritable passion pour le sport. bad beu n’a pas échappé à son destin puisqu’il habite et exerce son métier toujours en plein coeur de la banlieue rouge entre Vitry, Ivry et Cachan. Son univers mental est habité des souvenirs de sa jeunesse entre Pif Gadget, drapeaux rouges et affiches de propagande du PCF. C’est seulement un peu plus tard, en loucedé et grâce à ses copains de classe, qu’il s’extasiera sur les bandes dessinées de Marvel Comics peuplées de super-héros aux corps incroyables, et qu’il s’ouvrira à une culture pop, rock et ciné un peu plus éclectique. Le carreau Lénine qu’il a posé au 24 rue Beaunier, à l’endroit précis du 14ème arrondissement de Paris où le révolutionnaire russe a vécu avec sa famille en 1908-1909, est un vestige de cette jeunesse qu’il a trouvé facile et évident à réaliser tant il est familier de cet univers culturel.
Vocation tardive pour vide existentiel
Les années qui passent éloignent Stéphane de l’atmosphère quelque peu étriquée de ses jeunes années en le faisant devenir professeur d’EPS, mari et père de famille. Il est à l’époque un sportif accompli qui s’entraîne au triathlon vingt heures par semaine souvent au détriment de sa vie familiale. Il finit par définitivement s’essouffler et décide un soir d’arrêter les activités sportives pour consacrer ses loisirs à une dimension plus créative de sa vie, susceptible de combler le vide existentiel laissé par l’abandon du sport. Depuis quelques années déjà, il s’intéresse vaguement aux oeuvres que ses amis street artists collent à la Butte-aux-Cailles. Après avoir tâtonné quelque peu, il commence par poser à Vitry près de son domicile des oeuvres réalisées sur carton toilé, un support qui, en plus d’être assez onéreux, résiste mal aux intempéries et à l’épreuve du temps. Un ami lui propose alors de récupérer pour son compte dans une déchetterie des carreaux de carrelage qui présentent le double avantage de mieux faire ressortir les couleurs et de valoriser son travail sur les vernis. La relative fragilité du matériau utilisé n’effraie nullement celui qui accepte d’emblée les règles du jeu du street art dont les réalisations peuvent être très éphémères. “Les personnages que je choisis de représenter sont d’ailleurs souvent grattés, nous précise l’artiste. Et il y a rarement des limites corporelles bien faites et bien nettes à mes réalisations. Car le street art par nature se dégrade”. bad beu crée ainsi plusieurs centaines de carreaux dont certains ont déjà été collés et dont d’autres attendent sagement au fond de ses cartons le bon moment d’être posés au bon endroit, soit quelque part dans la rue qui reste pour lui “le plus grand musée du monde”. “Après avoir posé mes premiers carreaux à Vitry et Ivry, j’ai beaucoup collé à la Butte aux Cailles”, se rappelle bad. Avant de réaliser que j’allais très vite me lasser et peut-être surtout finir par lasser”. Force est de reconnaître que la prolifération des oeuvres de street art dans ce quartier de Paris contribue à fortement diluer voire annihiler le message que souhaitent faire passer les artistes urbains qui choisissent d’y coller leurs oeuvres. C’est là qu’intervient Claude Degoutte, l’homme qui murmure à l’oreille des street artists parisiens, pour lui suggérer d’arrêter de coller partout et surtout n’importe où. Le Quatorzien, qui est une véritable encyclopédie vivante en matière d’art urbain et le nouveau pape du street art in situ à Paris, va ainsi lui suggérer de coller un carreau Lénine rue Beaunier et un carreau Dewaere impasse du Moulin Vert où vécut et se donna la mort le talentueux et très populaire acteur français.
Des carreaux et des rues
“J’ai ressenti une très forte émotion quand je suis venu impasse du Moulin Vert pour coller mon carreau Dewaere car j’adore véritablement ce mec, nous confie bad beu converti à l’in situ. J’aime son humour à froid, son cynisme qui par moment peut choquer, et la mélancolie que son regard exprime alors qu’il avait tout pour être heureux. Je viens d’ailleurs de revisionner l’ensemble de ses films et j’ai encore plus envie de connaître le personnage depuis que je lui ai consacré un carreau”. Il est vrai qu’au même titre que Lénine ou, par exemple, Che Guevara, Patrick Dewaere est devenu pour toute une génération une véritable icône de la culture pop à laquelle quelques autres artistes, dont notamment le pochoiriste Pedrô! aujourd’hui disparu, ont également rendu hommage. “C’est sans doute l’un des trucs les plus forts et les plus rares que j’ai réalisés”, insiste bad beu qui n’a pas du tout l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Avec l’aide de Claude Degoutte, il a pour projet de créer une sorte de “carte mentale” du 14ème en semant littéralement dans tout l’arrondissement des petits carreaux dédiés à des personnalités marquantes qui permettraient aux quidams de connaître les endroits où ces personnalités ont vécu en rebaptisant symboliquement les rues de leur nom. Pourquoi pas un carreau Beckett dans la rue Rémy Dumoncel où le célèbre écrivain est mort ? Pourquoi pas un carreau “rue Giacometti” à l’endroit où le sculpteur avait son atelier ? Et pourquoi ne pas associer la Mairie du 14ème arrondissement à ce projet global que Claude Degoutte a dénommé “rue des petits carreaux” ? Pour une fois que bad beu, qui a généralement du mal à travailler avec les autres, trouve sparring-partner à son pied, il est prêt à foncer ! Il serait, selon nous, fort dommage de laisser cette belle idée sur le carreau…
Cliquer ici pour accéder à la page Instagram de bad beu.
pour d’autres oeuvres in situ rive gauche :
https://parisstreetart3.mystrikingly.com/rive-gauche#4
Dans l’impasse Nous ne sommes pas contre le street art . Et le talent bien sûr et aimons beaucoup ce comédien . Mais cette plaque intitulée « Rue Patrick Dewaere » est gênante car il s’agit depuis des siècles de l’impasse du Moulin Vert ,en référence aux Moulins qui peuplaient ce quartier.
D’autre part Patrick Dewaere n’a habité que deux ans la maison dont il n’était que le locataire . Il a d’ailleurs une plaque officielle à St Brieuc où il est né. Peut on imposer une telle plaque aux habitants de l’impasse , nous allons voir avec la mairie .