Comme souvent les artistes de grand talent, Marie Burgat est à la fois un peu sauvage, timide et extrêmement modeste. Elle est pourtant déjà l’auteure de trois ouvrages publiés : L’Amérique était sous nos pieds (L’Harmattan, 2011), Résurgence de la parole (auto-édition, 2018) et A chaque pas dans la neige fraîche (L’Harmattan, 2019), qui l’ont hissée au rang de figure emblématique du Quartier Pernety. Elle est aussi parolière de chansons et monte avec ses amis musiciens et interprètes des récitals autour de ses textes à L’Atelier du verbe, un théâtre de la rue Gassendi. Nous l’avons rencontrée à la terrasse de L’Envie, le café-restaurant de la rue Pernety, quelques mois après la sortie du double CD intitulé Esquisses qui est une anthologie en deux tomes de vingt-six de ses chansons.
La femme écrivain, “créature unique de Dieu”
“Ni photo, ni magnéto !”, nous a prévenu Marie avant notre interview, qui ne tient pas non plus à trop parler d’elle-même. Il nous aura fallu pas moins de deux entrevues à la terrasse de L’Envie pour commencer à apprivoiser l’écrivaine et à lui donner envie de nous en dire plus. Mais qu’aurait-elle au juste à dire de plus que ce qui est déjà contenu dans son oeuvre ? Puisqu’il n’y a, parait-il, de livres qu’autobiographiques, lisons-les pour en découvrir l’auteure ! Force est pourtant de reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de se plonger dans les textes denses et foisonnants de Marie. Le plus accessible d’entre ses livres est sans doute le premier paru intitulé L’Amérique était sous nos pieds (2011) qui réunit “Trente-deux histoires” témoignant d’un sens aigu de l’observation tout en laissant transparaître la vocation de poétesse de la nouvelliste. Résurgence de la parole (2018) nous en fait voir de toutes les couleurs puisqu’il réunit les Poèmes rouges, les Poèmes verts et les Poèmes bleus de Marie ainsi que des extraits de la correspondance qu’elle a entretenue un temps avec Anaïs Nin. La préface de ce second livre nous apprend que son auteure a exercé vingt-sept (!) métiers différents (maquilleuse à Canal+, soignante en psychiatrie, assistante d’un magicien, réceptionniste dans un hôtel, enseignante en alphabétisation, vendeuse de jouets, assistante de réalisation, gérante de boutique de parfums, animatrice d’ateliers d’écriture,…) qui l’ont “convaincue qu’on ne sait jamais d’où la beauté va surgir”. Peut-être surgit-elle parfois à la fin d’une nouvelle comme celle intitulée Récréation qui figure à la page 33 de son premier ouvrage : “[…] Et le sixième jour Dieu créa… la femme écrivain. Celle-ci n’était ni grande ni petite, ni belle ni laide, ni jeune ni vieille. Elle n’était ni gentille ni méchante, ni bavarde ni effacée, ni riche ni pauvre; mais elle était tout cela à la fois. La femme écrivain était une créature unique, et Dieu l’aima au premier coup d’oeil ; car il savait qu’il n’avait pas raté sa création et qu’il la donnerait en cadeau à l’homme. Et que lui-même ne s’en lasserait pas”.
Perles et bijoux
Mais la femme écrivain n’est jamais très sûre d’elle-même malheureusement. Pour être certaine de ne jamais lasser l’homme, elle préfère se parer de perles et de bijoux qui chez Marie Burgat prennent la forme de chansons dont elle compose les paroles. Chansons humoristiques, décapantes et déjantées, chansons poétiques et lyriques, chansons tendres sur les amours qui commencent et parfois finissent, Marie en a créées des dizaines avec ses amis musiciens et interprètes qui l’aident à en monter des récitals à L’Atelier du verbe, un petit théâtre de la rue Gassendi. “Je n’ai pas honte de dire que nous rencontrons beaucoup de succès”, nous précise l’écrivaine. Sans doute le sens de l’humour et de l’autodérision de Marie ne manque-t-il pas d’y contribuer. Ceux qui confondent poésie et guimauve en seront pour leurs frais car la tonalité générale du double album intitulé Esquisses qui compile vingt-six de ses chansons est plutôt aigrelette. Tout le monde en prend pour son grade, y compris l’auteure elle-même. Les hommes sont bien sûr les premières victimes de sa plume acérée en application du principe “qui aime bien, châtie bien” (par exemples, dans “Eux” servie par la voix de Fabienne Moachon sur une musique de Quentin Martel ou bien dans “Tu m’agaces” composée et interprétée par Chantal Grimm). “Âne gris – Ouistiti” (mis en musique par Ravachol Giscard), qui est peut-être le “tube” de ce double album puisqu’il a donné lieu à la réalisation d’un clip (voir ci-dessous), fait alterner Elle et Lui dans un dialogue bien plus comique que glamour. L’ironie fait place à l’autodérision dans “J’aime ça”, “Rêves dans le miroir” ou “Je m’aime” (musiques de Quentin Martel). Mais l’émotion est également bien présente, par exemple à l’évocation de l’existence “transparente et effacée” de la grand-mère de l’auteure dans “Invisible” (musique de Michèle Garance). Dans bien d’autres chansons encore qui font la part belle à l’amour et que sert le plus souvent la voix de Fabienne Moachon, Marie exprime par une écriture poétique toute en nuances sa grande sensibilité et sa clairvoyance dans la fine analyse de ses émotions et de ses sentiments. L’écrivaine, qui est définitivement “assez aimable pour être aimée” (“Assez aimable”, musique de Quentin Martel), réussit l’exploit de redonner goût aux chansons à texte à ceux qui l’avaient perdu – ou même jamais eu. Souhaitons qu’elle n’en restera pas là et que sa rage d’écrire donnera naissance à d’autres pépites, comme on transforme en or le plomb du quotidien. Car aucun bijou ne sera jamais assez belle parure pour “la femme écrivain, créature unique de Dieu” !
Pour acquérir Esquisses au prix de 15 euros, vous pouvez envoyer un mail à Marie (marieburgat@yahoo.fr).
Un extrait d’A chaque pas dans la neige fraîche (page 86) que l’on peut sans doute utilement rapprocher de la première nouvelle de L’Amérique était sous nos pieds intitulée “Mon ange…” :
“J’aimais ma mère et elle me le rendait bien. Elle était très maternelle. Aussi quand un jour elle m’appela “maman” je fus désarçonnée. Je la regardai et vis qu’elle avait rapetissé, était habillée d’une robe gaufrée rose et de petites chaussures blanches avec un noeud dans ses cheveux bouclés. Seul son visage n’avait pas changé.
Maman, hurlai-je, où es-tu passée ? Je vis qu’elle avait l’air furieuse. Elle monta sur la table et tenta de m’administrer une fessée. Mais elle me manqua. Moi, j’avais grandi et mes vêtements étaient trop petits pour moi. Nous étions toutes les deux ridicules. Je lui proposai alors un pacte.
Jurant de nous séparer pour toujours nous retrouverions notre dimension. Aussitôt nous fûmes à notre taille, nous nous serrâmes la main froidement et ne nous revîmes jamais.”
Cliquez ici pour une critique avisée d’A chaque pas dans la neige fraîche et ici pour acquérir les ouvrages de Marie Burgat.
Portrait de Marie B … c est tellement
Elle .
Ce portrait tel un miroir .
Bravo à l auteur !
Bravo Yann !
Bravo à Marie, cette belle personne si vraie et si atypique, une amie précieuse et rare !
De nouveau bravo Yann pour ce portrait très fidèle de la très discrète et talentueuse Marie ! Les spectacles à l’Atelier du Verbe à partir de ses textes sont en effet très réussis.
Magnifique vidéo de 2 professionnels sur un magnifique texte de Marie 👏👏👏