
Nul ne sait véritablement dans quel bureau de la Mairie de Paris a été conçu le projet de réaménagement de la Place Denfert-Rochereau. Sans vouloir le remettre en cause complètement, le collectif Denfert demain réclame un moratoire pour la phase de travaux à venir perçue comme la plus impactante. Nous avons rencontré Laurent Forestier qui nous a expliqué quels risques présentait le projet actuel pour les riverains alentours ainsi que pour les piétons, les usagers des bus et les cyclistes.
Une fausse place piétonne comme nouvel écrin du Lion de Belfort
La place Denfert-Rochereau était la grande oubliée de la mandature municipale précédente. Cela n’empêche pourtant pas Laurent Forestier de s’étonner de voir enfin lancés les travaux de son réaménagement avant les élections municipales de 2026 en contradiction flagrante avec le plan de sobriété prévu dans les accords de Paris et la promesse d’un moratoire sur les chantiers non prioritaires qu’avait faite Anne Hidalgo fin 2024. L’urbaniste, qui est un membre très actif du collectif Denfert demain, n’a pas énormément à redire sur la première phase de travaux déjà engagés même s’il regrette très vivement que le terre-plein central du boulevard Saint-Jacques qui avait vocation à devenir une belle forêt urbaine ait été en partie sacrifié pour devenir un parking à vélos et un parc canin qui prive les piétons de leur droit à une libre circulation sur cet espace. C’est maintenant bien plutôt la suite des évènements qui le préoccupe. Il ne conteste nullement l’idée de départ qui consiste à vouloir diminuer la circulation automobile autour de notre fameux Lion de Belfort. La situation actuelle n’est en effet guère satisfaisante, qui, en faisant la part trop belle aux voitures et aux camions, rend cette ancienne entrée de Paris très inhospitalière. Il fallait nécessairement trouver une solution pour “apaiser” l’endroit et celle qui a été retenue consiste à réunir l’ensemble très éclaté des différents squares constituant la place pour la transformer en une vaste place centrale piétonne avec report des circulations à la périphérie. Laurent Forestier émet cependant quelques doutes quant au caractère véritablement apaisé du grand espace piétonnier ainsi créé. “Dans sa communication, la Mairie du 14ème indique que seuls le bus 38, les vélos et les véhicules prioritaires de la préfecture de police y seront admis, fait-il observer. Il s’agit en réalité d’une formulation très approximative car, selon le courrier que nous avons reçu de la préfecture de police, ce sont TOUS les véhicules de secours et de sécurité qui pourront l’emprunter. La place, qui constitue une véritable plateforme de correspondance pour la police, les pompiers, les ambulances, les véhicules de l’administration pénitentiaire, SOG Gaz et autres, sera donc une fausse place piétonne.”.

Goulet automobile d’étranglement prévisible au nord-ouest de la place (haut de Raspail) : l’improbable gymkhana réservé au bus 59 et 88
Les effets du report des circulations à la périphérie de la place semblent également étrangement éludés pour ne pas dire totalement ignorés par les instances décisionnaires de la Mairie de Paris. “Compte tenu des enjeux et en considération des risques potentiels de nuisances sonores pour les riverains, une étude micro-dynamique des flux était indispensable afin de déterminer les risques d’engorgement notamment pour le passage des bus et des camions et d’identifier les problèmes de conflit d’usage et de sécurité tout particulièrement pour les piétons et les cyclistes, soutient Laurent Forestier. Nous l’avons réclamée à la Mairie de 14ème mais nous ne l’avons jamais vue. Nous ne savons donc pas si elle existe réellement et pourquoi nos demandes de concertation sur cet aspect primordial du projet global de réaménagement de la place sont restées lettre morte.” Si le projet actuel était mis en l’oeuvre en l’état, les bus 59 et 88 seraient contraints de suivre (par le nord) un nouvel itinéraire assorti de nouveaux arrêts qui, avec les bus 64 et 68, ne compterait pas moins de quatre lignes allouées au transport en commun en amplifiant l’effet d’entonnoir très prévisible vers le haut de Raspail. L’urbaniste s’étonne d’autant plus de cette décision que la ville a passé une convention avec la RATP et Île de France Mobilités pour améliorer la circulation des bus dans Paris et la qualité du service. Il observe qu’Île-de-France Mobilités a, dans ces conditions, d’ores et déjà décidé de ne pas participer au financement de l’opération et s’interroge sur l’impact financier de ce désistement émanant d’un partenaire si stratégique.

Poser les crayons cinq minutes
Et s’il était simplement temps de poser les crayons cinq minutes pour éviter un nouveau projet inabouti et mal ficelé ? Denfert demain ne ménage pas ses efforts et aiguise ses arguments pour que puisse se rouvrir un débat constructif. Les différentes notes techniques adressées à la Mairie du 14ème étant restées sans réponse, le collectif s’est associé à SOS Paris pour engager une action en justice qui suit son cours. Les plaignants n’encaissent en effet toujours pas le manque de concertation sur le fond qui a présidé à l’adoption du projet de réaménagement. “Les différentes phases de concertation sont restées très formelles sur la base d’un projet déjà figé”, ne manque pas de regretter Laurent Forestier. Denfert demain continue pourtant d’espérer que le lancement de la campagne des élections élections municipales 2026 va permettre de relancer le débat citoyen sur un sujet qui intéresse tous les Quatorziens. Son projet est d’interroger l’ensemble des candidats à la Mairie pour qu’ils se positionnent sur les propositions émises et les suites du projet. “Il ne s’agit pas de tout casser et de faire un contre-projet total, insiste l’urbaniste. Nous proposons seulement d’aménager le projet actuel pour éviter les grosses nuisances potentielles et corriger les mauvaises orientations que nous avons pu identifier”. C’est aussi, en période de disette financière, un salutaire effort citoyen pour limiter les dégâts liés à l’exécution précipitée d’un projet inabouti dont le montant estimé oscille entre 12 et 20 millions d’euros. Laurent Forestier croise donc les doigts en espérant très fort que la phase de travaux à venir ne sera pas validée avant les élections de mars 2026. De potentielles nouvelles équipes municipales pourraient se montrer un peu plus à l’écoute que l’actuelle qui semble pour l’instant vouloir demeurer aux abonnés absents…
Cliquer ici pour le lien vers l’introduction d’un article très complet sur le sujet publié sur Actu.fr (la suite est réservée aux abonnés). Noter qu’un autre article rédigé par Laurent Forestier a été publié dans Monts 14, la revue de l’association de sauvegarde du patrimoine éponyme.
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