Il pétille, Guillaume Soda Pop ! Il pétule même – mais sans jamais se la péter, et c’est pourquoi il inspire d’emblée la sympathie. Il nous fallait quand même creuser davantage pour découvrir la personne qui se cache derrière le barman un peu déconneur du Ton air de Brest, le pub musical breton de la rue Maison Dieu dans le 14ème arrondissement de Paris. Et là, surprise ! Guillaume devient soudainement sérieux quand il parle de ce qui le motive profondément et qui a fini par donner sens à son existence tumultueuse : son livre dont il retravaille toujours l’épreuve finale, ses créations musicales reconnues par ses amis producteurs et DJs, et ses premières tentatives picturales. Rencontre avec un artiste-né qui n’a pas eu d’autre choix que de le devenir.
Tombé sur la tête après une “chute de 34 étages”
Guillaume nous reçoit dans son “antre” de la rue Labrouste entouré de ce qui compte le plus à ses yeux à l’heure actuelle : un synthé dans son coin piano ; un ordinateur, une groovebox et des platines dans son coin DJ ; et enfin des tableaux (réalisés à partir de photos) qu’il a placés au dessus de son divan. Il me fournira également sur la clef USB que j’ai apportée une copie de son projet de livre. “Je me consacre totalement à l’art, je me sens complètement happé par ça, nous dit le barman et programmateur musical du Ton Air de Brest. Pendant dix ans j’avais perdu le mojo et je ne voulais plus faire de musique car j’en avais été dégoutté après le burn out que j’ai fait à l’âge de 34 ans. C’est Patrick Foucteau, le patron du Ton Air, qui m’a remis le pied à l’étrier parce qu’il avait besoin d’un DJ pour un festival qu’il organisait en Bretagne. J’ai racheté des platines et c’est ça qui m’a redonné goût à la musique.” Guillaume raconte dans son livre en préparation intitulé La Guerre des Fous ce qu’a été sa vie chaotique avant son effondrement psychique : une vie de hauts et de bas ponctuée de violences pendant sa jeunesse mais également marquée par une fugitive réussite sociale quand, après un parcours scolaire plutôt moyen, le jeune haut-savoyard est devenu responsable informatique dans un grand groupe dont les bureaux sont basés dans une tour de la Défense. Excédé par sa hiérarchie et déstabilisé par la mort accidentelle d’un ami très cher, il finira par provoquer lui-même, après cinq ans de bons et loyaux services, sa “chute de 34 étages” dans les circonstances rocambolesques qu’il raconte dans son livre. “C’est le truc le plus insensé de ma vie, se souvient l’ex-informaticien. Je me suis définitivement grillé sur le marché de l’informatique”. Sorti des rails d’une existence toute tracée, Guillaume se met alors en tête de rénover un petit voilier de sept mètres tout en enchaînant courageusement les petits boulots (maçon, fromager, charpentier, aiguilleur de camions, bricoleur à domicile, dépanneur informatique, manutentionnaire à quai, etc.) jusqu’à connaître un burn-out alors qu’il atteint sa 34ème année. La Guerre des Fous signé sous un pseudonyme ironique n’est pourtant pas seulement le récit autobiographique d’un touche-à-tout poussé par la vie à certaines extrémités, c’est aussi un roman ésotérique qui raconte l’histoire d’une “épidémie de folie”. “L’écriture est quelque chose d’inné qui m’a toujours accompagné, nous révèle Guillaume. J’ai écrit mon premier livre à l’âge de huit ans et au lycée j’écrivais des nouvelles plutôt que prendre des notes pendant les cours. Jusqu’à ce qu’un jour j’entende un écrivain dire que pour écrire un bouquin il valait mieux avoir quelque chose à raconter, ce qui m’a amené à arrêter d’écrire pendant quinze ans… Mais quand j’ai fait mon burn-out qui m’a conduit au bord du suicide et de la misère, je me suis dit que cela pourrait faire une bonne histoire et je me suis remis à écrire.”
La revanche d’un “mauvais DJ” aujourd’hui compositeur reconnu par ses pairs
Contrairement à beaucoup d’autres pour lesquels le sujet demeure tabou, Guillaume ne fait pas mystère de sa bipolarité qui est une pathologie psychique que partagent de très nombreux artistes et créateurs. Si cette “particularité” conduit parfois à prendre des décisions impulsives inconsidérées, elle a également souvent été à la source de la créativité des grands noms qui ont marqué l’histoire de l’art quand ce n’est pas l’Histoire tout court. Guillaume ne se prend ni pour Napoléon ni pour Van Gogh, mais a décidé de suivre son instinct et ses envies en écrivant, en peignant et en composant des créations musicales. “J’ai toujours été un touche-à-tout”, nous dit l’artiste en perpétuel devenir. La peinture, c’est tout neuf. J’ai récupéré dans la rue ce tableau IKEA qui symbolise une rue de New York et sur lequel je voyais plein de signes que je me suis finalement décidé à peindre. Car je me suis rendu compte qu’un peintre ne peint en fait jamais la réalité, mais plutôt ce qu’il perçoit de la réalité. Ca a été une révélation pour moi qui ne connaissais rien à la peinture. Ce tableau-là est mon premier tableau qui a le mérite d’exister et sur lequel je me suis complètement lâché un peu comme un bébé qui babille. J’ai maintenant plein de projets de peinture.” Mais le canal par lequel Guillaume exprime le plus volontiers son énergie créatrice reste la musique qu’il a pratiquée dès l’âge de 15 ans en faisant avec plus ou moins de succès la tournée des bars et des boites de nuits auxquels il a sans relâche proposé ses talents de DJ. “Les platines ont été mes instruments de prédilection pendant 20 ans et quand j’ai connu mes premiers troubles bipolaires à l’âge de 34 ans, j’étais en passe de devenir pro, se souvient-il. Mon burn-out a complètement rebattu les cartes. Mais j’étais au fond un très mauvais DJ quelque part, car j’étais déjà trop artiste et je voulais faire de l’expression musicale en tentant d’apporter un son que les gens ne connaissaient pas plutôt que faire danser sur Annie Cordy ou Patrick Sébastien.” Le besoin de création que Guillaume ressent depuis des années “jaillir en étoile” au travers de ses différentes activités littéraires, musicales et aujourd’hui picturales est maintenant arrivé à maturité et commence à porter ses fruits. “J’ai arrêté de faire de la merde”, nous lâche-t-il provocateur. Preuve en est la reconnaissance de ses pairs compositeurs (Yvon, Mashup Superstars) qui sont devenus ses alliés en musique. Guillaume me fait écouter quelques extraits de ses compositions créées sur Ableton Live avant de manipuler sa groovebox pour interpréter son premier titre live intitulé Roadgame inspiré d’un morceau de Kavinsky (2013). Je lui souhaite bonne chance sur les chemins épineux qui mènent au succès avant de prendre congé.
Un mec en or, humilité et empathie pourraient être sa devise… je lui souhaite le meilleur car il le mérite.
J’espère au moins un chapitre dans ton bouquin 🙂
Plein de talents et de qualités !