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Le 14ème en graffs et en friches de Katre

Katre au travail rue Olivier Noyer dans le 14ème arrondissement (photo Jérôme Thomas)

Antonin Giverne, alias Katre, est un artiste reconnu, qui voyage aujourd’hui en France et dans le monde entier pour faire partager sa fascination pour les friches industrielles et les endroits abandonnés qu’il fait revivre en les transformant en oeuvres d’art. Il n’en est pas moins resté très attaché au 14ème arrondissement de Paris où il a toujours vécu pendant que s’affirmait son identité artistique située au point de rencontre du graffiti, de la photographie et de l’art contemporain. Il nous en a dit quelques mots autour d’un café au Verre Siffleur, le bistrot de la rue d’Alésia.

Baigné dans la contre-culture graffiti du 14ème

Avant de devenir Katre, Antonin Giverne a grandi dans un atelier d’artistes de la rue de Ridder dans le 14ème arrondissement de Paris. Ses parents qui sont professeurs d’arts plastiques l’emmènent très tôt visiter des squats parisiens dont les murs recouverts de tags et de fresques multicolores l’impressionnent beaucoup. Il ne manque pas d’en garder une trace sur l’appareil photo que lui a offert sa mère photographe. Dès l’âge de 13 ans, il s’exerce lui-même à graffer sur la Petite Ceinture à la porte de Vanves. “Cet endroit non-autorisé que j’ai découvert grâce à mes parents et où l’on croisait parfois des bandes de skinheads était à l’époque un repère important pour les graffeurs français, se rappelle Antonin. Il fait partie intégrante de la contre-culture graffiti du 14ème qui constitue une identité artistique à part entière de notre arrondissement même si elle est bien sûr bien loin d’être aussi connue du grand public que celle du Montparnasse du début du XXème siècle”. Antonin évoque avec enthousiasme et nostalgie les murs et les rames de métro tagués de la ligne 13 qui éveillent son regard d’artiste ainsi que plusieurs autres lieux “magiques” situés à proximité de chez lui et qu’il a bien connus adolescent : “J’ai eu la chance de découvrir des endroits où sont venus s’exprimer les plus célèbres graffeurs du microcosme underground français (Fab, Bando, les PCP, etc.) dont j’ai pu photographier certaines fresques extraordinaires et emblématiques de la culture hip-hop dans laquelle je baignais à l’époque”. Ainsi fréquente-il assidument en sus de la Petite Ceinture le parking abandonné de Mouton-Duvernet qui était situé près de l’emplacement de l’actuel Monoprix et l’énorme “trou” du boulevard Brune dont l’entrée était située près de l’actuel bureau de poste. S’ajoutait à ces endroits très connus et très courus des graffeurs parisiens le terrain vague du Château Ouvrier à Pernety qui était à l’époque complètement vide et abandonné. Antonin ne se contente pas d’y graffer, il inscrit sa démarche dans le collectif en créant avec des copains une association qui organise toutes sortes d’évènements autour de la peinture et de la musique : “L’idée était de faire des choses ensemble tout en restant le plus autonome possible, dans l’esprit du hip- hop”, témoigne-t-il. C’est dans ce cadre et pour essayer de gagner un peu d’argent que la bande de potes va démarcher les commerçants du quartier en vue de décorer à la bombe les devantures métalliques de leurs magasins de la rue d’Alésia et de la rue Losserand…

Le dépôt de bus de la porte d’Orléans vu par Katre (rue Olivier Noyer, 14ème) (photo Katre)

Friches du 14ème

Le regard du futur Katre continue à s’aiguiser tout au long de ces années d’apprentissage. Il est d’ailleurs très possible que sa passion pour les friches industrielles et les lieux abandonnés qui est devenue sa marque de fabrique et qui a déjà fait l’objet d’articles dans de nombreuses revues d’arts (Art Magazine, Graffiti Art, etc.) soit en partie née de sa fréquentation assidue des terrains vagues du 14ème arrondissement de Paris pendant son adolescence. Ses parents (sa mère qui est photographe et son père qui travaille beaucoup sur l’architecture) ont certes également joué un rôle déterminant dans cette orientation artistique qui va l’amener à prêter attention au contenant (les friches) autant – voire plus – qu’au contenu (les graffs). “J’ai réalisé que si je voulais trouver un univers et une touche qui se démarque un peu des autres, il fallait entamer une réflexion sur ma création et y intégrer de nouveaux éléments”, se souvient-il. Le déclic a lieu quand il réalise son mémoire de fac d’arts plastiques sur la piscine Molitor et l’architecture très particulière de ce lieu abandonné. Antonin se plonge alors dans la lecture de livres d’art contemporain qui rendent compte du travail de certains pionniers de l’exploitation artistique des friches et qui l’amènent à lui-même tester des dessins et des retouches photo sur Photoshop pour affirmer et affiner un style aujourd’hui reconnaissable entre tous qui utilise des photographies d’usines abandonnées et d’endroits désertés, imprimées en grand format noir et blanc avant d’être recouvertes de calligraphies de couleur. Le 14ème arrondissement n’a pas manqué de lui offrir matière à créations. L’histoire a commencé sur le site autogéré des Grands Voisins établi sur l’emplacement de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dont Madame la Maire Carine Petit autorise l’artiste à explorer les lieux abandonnés dès 2015. Katre est par la suite l’un des tous premiers à pouvoir y bénéficier d’un atelier. Il colle à l’entrée du site une immense photo peinte représentant l’intérieur d’un bâtiment qui n’avait pas été réhabilité ni encore débarrassé de son matériel hospitalier. La série intitulée Souvenir de Paris se poursuit pendant le confinement avec des photos inscrites dans des cercles qui permettent de redécouvrir d’incroyables architectures du passé. Sont ainsi immortalisés une structure éclatée du cinéma Gaumont pendant les travaux de restructuration de 2015 (oeuvre collée rue Ernest Cresson) et le dépôt de bus de la porte d’Orléans (oeuvre collée rue Olivier Noyer). Katre a d’autres idées en tête et entend bien continuer cette série en parallèle de ses autres projets en France et à l’étranger. Il est de fait toujours à l’affut de nouvelles friches dans le 14ème qu’il aimerait pouvoir faire revivre grâce à une fresque pérenne sur un mur de notre arrondissement qui viendrait couronner la mise à l’honneur de certains de ses graffs qui a déjà eu lieu dans le cadre de différentes éditions du festival des 14’Arts. L’univers de Katre est certes un peu particulier, qui nécessite d’y regarder à plusieurs fois pour comprendre et apprécier la démarche de l’artiste. “Je vois bien que c’est plus compliqué qu’autre chose car j’ai choisi un angle différent de celui de la plupart des artistes urbains, reconnait le créateur qui n’en pense pas moins que son public a besoin d’être secoué et “perturbé”. Mes oeuvres qui mêlent graffiti, photographie et art contemporain sont moins accessibles car plus abstraites que les fleurs et les visages qui ornent habituellement les murs de Paris. Mais je ne lâche pas l’affaire parce que c’est ce qui me correspond et ce qui me fait plaisir. Et tant pis si je loupe des trucs !”. Sortir du cadre toujours, mais sans jamais sortir de Katre !

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Katre, site des Grands Voisins 2017 (photo Katre)

Soda Pop : “J’ai toujours été un touche-à-tout”

Guillaume derrière le bar du “Ton Air de Brest”

Il pétille, Guillaume Soda Pop ! Il pétule même – mais sans jamais se la péter, et c’est pourquoi il inspire d’emblée la sympathie. Il nous fallait quand même creuser davantage pour découvrir la personne qui se cache derrière le barman un peu déconneur du Ton air de Brest, le pub musical breton de la rue Maison Dieu dans le 14ème arrondissement de Paris. Et là, surprise ! Guillaume devient soudainement sérieux quand il parle de ce qui le motive profondément et qui a fini par donner sens à son existence tumultueuse : son livre dont il retravaille toujours l’épreuve finale, ses créations musicales reconnues par ses amis producteurs et DJs, et ses premières tentatives picturales. Rencontre avec un artiste-né qui n’a pas eu d’autre choix que de le devenir.

Tombé sur la tête après une “chute de 34 étages”

Guillaume nous reçoit dans son “antre” de la rue Labrouste entouré de ce qui compte le plus à ses yeux à l’heure actuelle : un synthé dans son coin piano ; un ordinateur, une groovebox et des platines dans son coin DJ ; et enfin des tableaux (réalisés à partir de photos) qu’il a placés au dessus de son divan. Il me fournira également sur la clef USB que j’ai apportée une copie de son projet de livre. “Je me consacre totalement à l’art, je me sens complètement happé par ça, nous dit le barman et programmateur musical du Ton Air de Brest. Pendant dix ans j’avais perdu le mojo et je ne voulais plus faire de musique car j’en avais été dégoutté après le burn out que j’ai fait à l’âge de 34 ans. C’est Patrick Foucteau, le patron du Ton Air, qui m’a remis le pied à l’étrier parce qu’il avait besoin d’un DJ pour un festival qu’il organisait en Bretagne. J’ai racheté des platines et c’est ça qui m’a redonné goût à la musique.” Guillaume raconte dans son livre en préparation intitulé La Guerre des Fous ce qu’a été sa vie chaotique avant son effondrement psychique : une vie de hauts et de bas ponctuée de violences pendant sa jeunesse mais également marquée par une fugitive réussite sociale quand, après un parcours scolaire plutôt moyen, le jeune haut-savoyard est devenu responsable informatique dans un grand groupe dont les bureaux sont basés dans une tour de la Défense. Excédé par sa hiérarchie et déstabilisé par la mort accidentelle d’un ami très cher, il finira par provoquer lui-même, après cinq ans de bons et loyaux services, sa “chute de 34 étages” dans les circonstances rocambolesques qu’il raconte dans son livre. “C’est le truc le plus insensé de ma vie, se souvient l’ex-informaticien. Je me suis définitivement grillé sur le marché de l’informatique”. Sorti des rails d’une existence toute tracée, Guillaume se met alors en tête de rénover un petit voilier de sept mètres tout en enchaînant courageusement les petits boulots (maçon, fromager, charpentier, aiguilleur de camions, bricoleur à domicile, dépanneur informatique, manutentionnaire à quai, etc.) jusqu’à connaître un burn-out alors qu’il atteint sa 34ème année. La Guerre des Fous signé sous un pseudonyme ironique n’est pourtant pas seulement le récit autobiographique d’un touche-à-tout poussé par la vie à certaines extrémités, c’est aussi un roman ésotérique qui raconte l’histoire d’une “épidémie de folie”. “L’écriture est quelque chose d’inné qui m’a toujours accompagné, nous révèle Guillaume. J’ai écrit mon premier livre à l’âge de huit ans et au lycée j’écrivais des nouvelles plutôt que prendre des notes pendant les cours. Jusqu’à ce qu’un jour j’entende un écrivain dire que pour écrire un bouquin il valait mieux avoir quelque chose à raconter, ce qui m’a amené à arrêter d’écrire pendant quinze ans… Mais quand j’ai fait mon burn-out qui m’a conduit au bord du suicide et de la misère, je me suis dit que cela pourrait faire une bonne histoire et je me suis remis à écrire.”

Rue de New York (d’après un tableau photo IKEA)

La revanche d’un “mauvais DJ” aujourd’hui compositeur reconnu par ses pairs 

Contrairement à beaucoup d’autres pour lesquels le sujet demeure tabou, Guillaume ne fait pas mystère de sa bipolarité qui est une pathologie psychique que partagent de très nombreux artistes et créateurs. Si cette “particularité” conduit parfois à prendre des décisions impulsives inconsidérées, elle a également souvent été à la source de la créativité des grands noms qui ont marqué l’histoire de l’art quand ce n’est pas l’Histoire tout court. Guillaume ne se prend ni pour Napoléon ni pour Van Gogh, mais a décidé de suivre son instinct et ses envies en écrivant, en peignant et en composant des créations musicales. “J’ai toujours été un touche-à-tout”, nous dit l’artiste en perpétuel devenir. La peinture, c’est tout neuf. J’ai récupéré dans la rue ce tableau IKEA qui symbolise une rue de New York et sur lequel je voyais plein de signes que je me suis finalement décidé à peindre. Car je me suis rendu compte qu’un peintre ne peint en fait jamais la réalité, mais plutôt ce qu’il perçoit de la réalité. Ca a été une révélation pour moi qui ne connaissais rien à la peinture. Ce tableau-là est mon premier tableau qui a le mérite d’exister et sur lequel je me suis complètement lâché un peu comme un bébé qui babille. J’ai maintenant plein de projets de peinture.” Mais le canal par lequel Guillaume exprime le plus volontiers son énergie créatrice reste la musique qu’il a pratiquée dès l’âge de 15 ans en faisant avec plus ou moins de succès la tournée des bars et des boites de nuits auxquels il a sans relâche proposé ses talents de DJ. “Les platines ont été mes instruments de prédilection pendant 20 ans et quand j’ai connu mes premiers troubles bipolaires à l’âge de 34 ans, j’étais en passe de devenir pro, se souvient-il. Mon burn-out a complètement rebattu les cartes. Mais j’étais au fond un très mauvais DJ quelque part, car j’étais déjà trop artiste et je voulais faire de l’expression musicale en tentant d’apporter un son que les gens ne connaissaient pas plutôt que faire danser sur Annie Cordy ou Patrick Sébastien.” Le besoin de création que Guillaume ressent depuis des années “jaillir en étoile” au travers de ses différentes activités littéraires, musicales et aujourd’hui picturales est maintenant arrivé à maturité et commence à porter ses fruits. “J’ai arrêté de faire de la merde”, nous lâche-t-il provocateur. Preuve en est la reconnaissance de ses pairs compositeurs (Yvon, Mashup Superstars) qui sont devenus ses alliés en musique. Guillaume me fait écouter quelques extraits de ses compositions créées sur Ableton Live avant de manipuler sa groovebox pour interpréter son premier titre live intitulé Roadgame inspiré d’un morceau de Kavinsky (2013). Je lui souhaite bonne chance sur les chemins épineux qui mènent au succès avant de prendre congé.

Cliquer ici pour écouter Roadgame, le premier titre version live de Soda Pop, et l’ensemble de ses derniers morceaux (dont notamment L’exclu, le choix de Pernety 14).
Guillaume devant ses platines

Patricia Benech Le Roux, “women empowerment activist”

Photo Nath Lee Vall’art

“Hom’Art pour tous !” Tel est le slogan de Garidell14, l’association fondée par Patricia Benech Le Roux, qui exprime bien ce que peut être la générosité bretonne en action. Garidell signifie galerie en breton. Patricia a choisi le 14ème arrondissement où les Bretons restent très implantés comme galerie principale des oeuvres de street art des artistes femmes qu’elle entend avant tout promouvoir. Nous l’avons rencontrée dans le Quartier Pernety où elle réside non sans avoir poussé une pointe jusqu’à la Régie de Quartier Paris 14 où elle exerce ses talents de coordinatrice de projet Lien social et cultures et même jusque dans le 13ème arrondissement à la Cité de Refuge de l’Armée du Salut où elle a également essaimé.

Faiseuse de liens à la Régie de Quartier Paris 14

C’est vraiment un très bel endroit que la Régie de Quartier Paris 14. Les portes et fenêtres peintes de toutes les couleurs de la rue Prévost Paradol sont un îlot de fraîcheur bienvenu dans le Quartier de la Porte de Vanves qui est un quartier prioritaire de la politique de la ville. C’est à cet endroit que Patricia Benech Le Roux a choisi de retourner “travailler sur le terrain” après avoir exercé pendant presque vingt ans des fonctions de chercheuse en sociologie au CNRS. La Bretonne de Trévou-Tréguignec va commencer par y être coordonnatrice de l’Accorderie Paris Sud pour conduire ce dispositif de solidarité vers l’autonomie associative et financière. L’Accorderie est l’expression d’un concept québécois qui organise des échanges de services rémunérés en temps pour lutter contre la pauvreté et l’isolement. Patricia en connait bien le fonctionnement puisqu’elle y a effectué dès 2015 un stage de quinze jours pour valider son Certificat de Formation à la Gestion Associative à la suite duquel elle est elle-même devenue accordeuse (*). “Ce qui m’a tout particulièrement plu dans ce dispositif c’est qu’il permet de développer le pouvoir d’agir des individus et des collectifs, se rappelle-t-elle. Je me retrouvais complètement politiquement et idéologiquement dans cette notion d’empowerment”. Patricia approfondit ensuite sa connaissance du travail associatif en devenant responsable de projet Lien social et cultures de la Régie de Quartier Paris 14. Comme celui de toutes les régies de quartier, l’objectif de la structure basée Porte de Vanves est double : insérer par l’activité économique et assurer le lien social avec les habitants du quartier alentour. C’est dans ce dernier registre que Patricia va tout particulièrement s’illustrer en animant le Collectif Paradol (cliquez ici) qui organise des fêtes de quartier dans le large espace piétonnier coloré de la rue Prevost Paradol. Ce groupe informel, qui se réunit une fois par mois pour un échange d’idées, rassemble actuellement une quinzaine d’associations ainsi que les bailleurs sociaux qui sont propriétaires de la quasi-totalité des murs du quartier. Les fêtes de quartier qu’il prépare sont au nombre de quatre par an : Faîtes de la soupe en mars, Paradol Plage en juillet, De l’Art à Paradol en octobre et Lumières sur Paradol en décembre. Patricia prend également part à l’animation du Café culturel Paradol (cliquez ici) en y organisant tous les mois des expositions d’artistes locaux et d’ailleurs. En plus d’instiller de la culture dans la vie du quartier dont elle a la charge de développer le lien social, la coordonnatrice de projets milite activement pour l’embauche de femmes au sein des quatre pôles de la régie dédiés à l’insertion professionnelle des habitants. “Il me tient très à coeur de favoriser le travail des femmes en insertion vu les conditions de vie très difficiles qui sont les leurs : hébergement dans des centres d’accueil, enfants en bas âge ou restés au pays, etc. Or le travail tel qu’il est pensé ne favorise bien sûr pas du tout leur insertion professionnelle. S’il ne tenait qu’à moi, nous embaucherions 100% de femmes à la Régie de Quartier Paris 14”.

Les portes et fenêtres colorées de la Régie de Quartier Paris 14

Fresques participatives 100% féminin

En parallèle de son activité salariée à la régie de quartier, Patricia développe au sein de Garidell14, l’association qu’elle a fondée en 2015, des activités bénévoles qui visent également à favoriser l’emporwerment des femmes. Au départ, Garidell14 se donnait pour objectifs généraux de favoriser l’accès à l’art et de promouvoir l’art urbain, qui est peut-être le plus accessible et le plus libre d’entre les arts, en vue de favoriser la mixité sociale et culturelle. “J’ai été complètement renversée par l’esthétique et l’invention de certains street artists, se souvient l’ex-chercheuse en sociologie. L’exposition de 2013 de Keith Haring au Centre Pompidou ainsi que celle intitulée “Le pressionisme” qui s’est tenue la même année à la Pinacothèque et qui raconte l’histoire du street art à New York (avec des artistes comme Lady Pink, Basquiat ou Rammellzee) ont été de véritables chocs et les déclics de ma passion pour l’art urbain. J’ai également été très impressionnée par les pochoirs de Kristx que j’ai pu admirer au milieu de graffs et de fresques de toutes sortes en me rendant à Ivry-sur-Seine. On peut vraiment être scotché par les oeuvres de certains artistes urbains en arpentant les rues d’une ville”. Sa sensibilité féministe affirmée va l’amener à tout particulièrement s’intéresser aux street artists femmes. Elle commence par mettre en place des expositions qui en promeuvent les oeuvres à la Maison des Associations du 14ème, puis dans différents autres lieux qui réunissent jusqu’à 25 artistes et plus. La première fresque participative 100% féminin qu’elle organise va redonner vie à un mur du Collège François Villon à la Porte de Vanves en 2017. Mais le plus beau projet qu’elle a réalisé à ce jour est sans doute celui de la Cité de Refuge qui dépend de l’Armée du Salut et qui est abritée par un immeuble conçu par Lecorbusier situé dans le 13ème arrondissement de Paris. Christophe Piedra, le directeur du centre d’hébergement, se félicite que Patricia soit venue mettre de la vie dans ce lieu ouvert aux arts et à la culture : “L’idée de départ était de faire une exposition éphémère, se souvient-il. Mais sentant le fort potentiel de ce que Patricia pouvait nous apporter, je lui ai proposé de s’occuper également des murs de la Cité avec le concours des personnes accueillies qui se chargeraient de choisir les oeuvres des street-artists femmes et même de participer à leur création. Le fait d’avoir orné les murs de graffs de qualité a complètement changé l’atmosphère de la Cité des Dames qui est le dispositif que nous avons créé pour accueillir les femmes en précarité”. C’est à nouveau le mur du collège François Villon dans le 14ème arrondissement qui aura les honneurs du prochain projet porté par Patricia en accueillant une nouvelle fresque participative 100% féminin qui sera réalisée en juin 2022 à partir des choix effectués par un jury d’habitants composé d’élèves de Villon, de locataires RIVP et de jeunes du Centre Socioculturel Maurice Noguès qui se verront proposer sur Instagram différentes oeuvres réalisées par des artistes femmes. Sans nul doute une nouvelle façon de surprendre et d’interpeler les habitants et passants de la Porte de Vanves en produisant d’éphémères mais authentiques oeuvres d’art. “Celui qui ne voit rien d’étrange n’a jamais regardé un homard en face” (Auguste, comte de Villiers de l’Isle-Adam).

Graff “en construction” de Kaldea à la Cité de Refuge (2019)

(*) Patricia est aujourd’hui membre du conseil d’administration et vice-présidente de l’Accorderie Paris Sud.

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COQUA, pour redonner le goût du collectif à Pernety-Plaisance

Manifestation pour le retour des feux tricolores à Pernety (Sylvie Boudoulec à droite)

Alors que l’abstention aux différentes élections ne cesse de battre des records, nombreux sont celles et ceux qui continuent à vouloir s’impliquer dans leur vie de quartier, à l’intérieur ou hors du cadre institutionnel de la démocratie participative, pour améliorer la qualité de vie des citoyens-habitants. Nous avons rencontré Sylvie Boudoulec, la porte-parole de COQUA, un collectif rassemblant une centaine de personnes particulièrement actives dans notre barrio.

Un diagnostic sévère mais juste de la dégradation des conditions de vie à Pernety-Plaisance

La charte de COQUA (cliquez ici) détaille sur deux pages et demie les objectifs que s’est assignés le Collectif des habitants, usagers et riverains du quartier Pernety-Plaisance et qui s’articulent notamment, mais pas exclusivement, autour de la restauration d’une meilleure sécurité et d’une plus grande propreté dans notre Quartier. Sylvie Boudoulec, la porte-parole de COQUA, a exercé par le passé les fonctions de chef d’établissement dans plusieurs zones d’éducation prioritaire. Elle est donc également très sensible à la question éducative qui est souvent à la base des problèmes de délinquance et d’incivilité. Entourée d’une centaine de personnes dont certains sont des acteurs de la vie sociale, elle mène depuis plus de sept ans un combat résolu contre la dégradation des conditions de vie des habitants de Pernety Village. COQUA, qui se veut totalement indépendant des partis politiques et des groupements confessionnels, porte haut les valeurs et principes de pluralisme, de laïcité, de mixité sociale et défend ardemment la possibilité d’argumenter rationnellement dans les débats. Le collectif s’est affirmé ces dernières années comme un interlocuteur crédible de la Mairie du 14ème arrondissement et de la Préfecture de Police de Paris pour toutes les problématiques qui concernent la qualité de vie et la qualité de l’environnement dans notre Quartier. Lors des élections municipales de 2020, il a souhaité interroger les candidats en lice sur leur projet respectif pour notre arrondissement et a notamment pu rencontrer Mme Carrère-Gée ainsi que MM. Azière, Letissier et Villani sans toutefois réussir à obtenir audience auprès de la municipalité en place qui a été reconduite autour de Madame la Maire Carine Petit. “Nous ne fonctionnons pas mieux avec la nouvelle équipe municipale qu’avec l’ancienne, nous confie Sylvie qui déplore l’absence de réelle concertation entre les représentants de la municipalité et les habitants et usagers du Quartier. La concertation ne peut en aucun cas pas être confondue avec la communication et l’information diffusées unilatéralement par les autorités municipales ou la désignation par la Mairie de quelques individus comme seuls interlocuteurs valables sur un dossier, encore moins avec le recours à des commissions de conseils de quartier filtrant les propositions sans critère objectif de sélection.” Quand bien même elle s’est investie depuis peu à titre personnel au Conseil de Quartier Pernety avec lequel les “Coquaziens” auraient souhaité mieux collaborer ces dernières années, Sylvie n’en déplore pas moins les “dérapages” de la démocratie participative qui a notamment vu disparaître fin 2018 du conseil de quartier la commission Vivre ensemble, paix sociale et sécurité initiée en 2016 par COQUA et certains commerçants réunis au sein de l’association des Plaisanciers. Une autre illustration de ces “dérapages” est le refus affirmé de toute concertation avec les habitants non répertoriés comme handicapés sur le sujet devenu aujourd’hui obsolète de la suppression expérimentale des feux tricolores sonorisés. Le déni de démocratie s’accompagne parfois d’un déni de réalité lorsque, comme le déplore Sylvie, l’adjoint en charge de “la prévention, de la police municipale, de la tranquillité publique et de la Ville du quart d’heure” refuse de voir inscrire dans l’intitulé de sa charge le terme sécurité comme s’il n’acceptait pas de s’en voir attribuer officiellement la responsabilité alors que la sécurité s’est pourtant bien dégradée dans notre Quartier depuis quelques années en nourrissant le sentiment d’abandon et de déclassement des populations, notamment celles qui résident dans les cités HLM.

Apéro pour fêter la réactivation des feux tricolores avec les partenaires non voyants devant la librairie “Les Tropiques”

Des propositions et des actions concrètes pour remédier à la situation dégradée du Quartier

Pour pallier les manques et manquements de la municipalité – qui a néanmoins été dotée depuis novembre 2021 d’une police municipale (mais en effectif toujours actuellement insuffisant) – , COQUA se veut résolument constructif. “Nous ne sommes jamais seulement dans la critique et nous avons des propositions concrètes, insiste Sylvie. Et c’est pourquoi nous continuons à rencontrer un maximum de gens – des élus comme des personnes de terrain – pour continuer à nouer un dialogue fructueux”. La porte-parole de COQUA déplore toutefois qu’une partie des élus soit constituée d’anciens militants associatifs auxquels leur passé donne certes une légitimité mais qui n’ont aucune réelle idée de ce que peuvent représenter les contraintes liées à l’administration d’une commune de plus de 120.000 habitants dont ils partagent la charge avec la Mairie Centrale. “Il n’y a pas d’évaluation pour vérifier que les objectifs qu’on s’est fixés ont bien été atteints et il n’y a pas d’analyse globale et systémique, sans espace-temps intermédiaire entre le très court terme et une vision très lointaine et utopiste, des projets et idées portés. On ne s’improvise décidemment pas sans transition ni formation adjoint au Maire”, fait remarquer Sylvie. Pourtant, des solutions de bon sens existent, qui pourraient par exemples consister à auditer les associations subventionnées qui animent le Quartier ou font de l’accompagnement social et scolaire, ou bien à doter le Quartier Pernety d’un véritable centre d’animation pour les jeunes qui viendrait en complément de la ludothèque proposée par l’association Florimont. “Plutôt que d’affirmer une volonté pérenne de prendre les choses en main en assurant et en contrôlant la qualité des prestations fournies, la municipalité se contente le plus souvent d’un saupoudrage d’activités ponctuelles et à la carte qui ne satisfont en définitive personne”, regrette Sylvie. Un exemple caricatural de l’absence de réelle volonté municipale est illustré par le destin du voeu porté par COQUA qui a pourtant été voté en mars 2021 en Conseil de Paris et qui a trait à la prévention de la délinquance en prévoyant le financement de deux postes supplémentaires d’éducateurs spécialisés à la Fondation Jeunesse Feu Vert basée à Pernety-Portes de Vanves et d’Orléans. Ce financement n’a toujours pas aujourd’hui été débloqué et l’équipe Feu Vert attend depuis maintenant plus d’un an l’arrivée des deux nouveaux éducateurs qui continuent à cruellement lui manquer… Pour autant, COQUA ne prêche pas toujours dans le désert. Des liens fructueux ont ainsi été noués avec le commissariat de police du 14ème arrondissement et renforcés suite aux évènements du 14 juillet 2020 marqués par des affrontements entre jeunes du quartier et policiers. COQUA a été invité aux réunions qu’il organise et va être associé à un groupe opérationnel de prévention-sécurité destiné à élaborer des solutions pour chaque problème détecté en travaillant avec les acteurs de terrain que sont les établissements scolaires, les associations de locataires, les gardiens d’immeubles et le Groupement Parisien Inter-bailleurs de Surveillance (GPIS). “On veut passer d’un discours faussement rassurant qui exaspère les habitants du Quartier à des pratiques d’intervention et de construction (y compris de co-construction) réelle et qui donne des résultats”, nous assure Sylvie. Mais ce n’est bien évidemment pas le seul sujet sur lequel COQUA s’active, et le collectif est également très en pointe pour suivre les développements des nombreux chantiers qui se déploient jusqu’à Montparnasse dont notamment le projet de forêt urbaine place de Catalogne. Les renards ont intérêt à bien se tenir !

Pour contacter et/ou rejoindre COQUA, vous pouvez envoyez un email à 75coqua14@gmail.com. Vous pouvez aussi vous connecter au compte Twitter du collectif : @Coqua14.

Yves André dit Gallas, le Trouvetou du quotidien

Comment trouver une bonne idée d’article ? Fort heureusement, nous bénéficions aujourd’hui de l’aide de quelques anges gardiens, parrains ou marraines du Quartier, pour nous guider vers les plus sympathiques et atypiques personnages qui le peuplent. Ainsi avons-nous été mis sur la piste d’Yves André dit Gallas, un créateur d’objets de la vie quotidienne qui a déjà eu les honneurs de nombreux médias télé à raison des inventions auxquelles il a su donner corps. Rencontre au bar-restaurant Le Laurier.

La première lumineuse idée de la Tour Eiffel

Adolescent, Yves était fasciné par les jeux de lumière. C’est cette passion qui a mené ce Versaillais tout juste diplômé en électro-technique à pousser un jour la porte du Casino de Paris pour proposer ses services comme éclairagiste de music hall. Pendant trois ans, il va apporter sa note personnelle aux revues menées par Line Renaud en caressant les corps des danseuses nues de ses effets de lumière. Dissuadé de persévérer dans cette voie par son entourage familial, il fera finalement carrière comme spécialiste de l’environnement informatique chez Bull, puis Digital Equipment Corporation devenu par la suite HP. En 2000, Yves saisit l’offre de départ qui lui est faite pour devenir un court instant importateur de produits québécois. Une nuit de 2001, alors qu’il contemple la Tour Eiffel qui scintille, surgit soudainement l’idée du créateur : un pins lumineux représentant la Dame de fer. Yves va le faire fabriquer en grande quantité en Chine grâce à une chinoise rencontrée par l’intermédiaire d’amis hong-kongais. “J’ai vraiment cru à mon produit, se rappelle-t-il. C’était un beau produit, un pins en forme de Tour Eiffel qui scintille grâce à un système de Micro-LED, que je proposais à un prix acceptable et que j’ai présenté dans un premier temps sans succès aux boutiques de la Tour Eiffel – les Relais H du Groupe Lagardère –  jusqu’à ce qu’une dame chargée de la gestion de ces boutiques y croit elle aussi et décide de lui donner une chance”. Belle intuition car le succès est au rendez-vous auprès des touristes aussi bien dans les boutiques de la Tour Eiffel que dans les magasins de souvenirs parisiens qu’Yves prend soin de soigneusement sélectionner en décidant de n’en alimenter qu’un seul par zone touristique. La gérante de la boutique de la rue Mouffetard lui présente l’adjointe chargée du tourisme du Maire de Paris Bertrand Delanoë, qui tombe littéralement amoureuse du produit et lui fait faire le tour du monde à l’occasion de la préparation de la candidature de la Ville de Paris aux Jeux Olympiques de 2012. De quoi alimenter la production de pins pendant trois ou quatre ans jusqu’à ce qu’Yves se fasse “voler son idée” par des concurrents chinois qui décident de la répliquer en produisant un modèle bas de gamme et bon marché qui sera largement diffusé dans les boutiques de souvenirs parisiennes, y compris dans celles auxquelles l’inventeur avait donné l’exclusivité de la distribution de sa création. Se sentant trahi, Yves prend alors la décision d’arrêter la production de pins et ne reviendra pas sur celle-ci lorsque, comme prévisible, les ventes du produit chinois s’effondreront quelques mois après son lancement.

ClipHop et TopCan

Toucher le fond du trou financier au moment de la crise de 2007-2008 ne décourage nullement notre inventeur qui va repartir de l’avant avec des idées de nouvelles inventions. D’où lui viennent-elles ? “Ce sont juste des situations et des circonstances qui font que, nous révèle Yves. J’ai inventé Top Can, mon bouchon pour canette, parce qu’un jour j’ai renversé ma canette par terre. Quand à ClipHop, mon système de fermeture pour sachets, je l’ai inventé pour résoudre une problématique du quotidien : trouver autre chose qu’une épingle à linge ou bien des élastiques pour refermer les sachets d’aliments. Ce sont en fait des problématiques toutes simples que je veux régler par moi-même. Après, je fonctionne aussi par association d’idées. Pour le système à crémaillère de ClipHop, j’ai trouvé mon inspiration dans une paire de menottes que m’a offert un ami policier pour mon anniversaire. J’ai trouvé ça rigolo !” Les inventions d’Yves répondent le plus souvent à un besoin de la vie courante, et c’est ce qui le rend si sympathique à ses clients-acheteurs qu’il rencontre sur les foires dont celle de Paris qui abrite le concours Lépine dont il a remporté la médaille d’or en 2015 dans la catégorie des produits du quotidien. C’est un véritable spectacle de voir l’inventeur et fils de maraîchers se démener dans son stand de quatre mètres carrés tout à la fois à l’assaut et à l’écoute de ses clients qui ne manquent pas de lui faire des retours sur ses produits dont il va se servir pour les faire évoluer en permanence. “J’ai toujours adoré le contact avec les gens, que je retrouve quand je fais mes foires, nous explique Yves. Et je crois que les gens ressentent le plaisir que j’éprouve à faire mes trois cent démonstrations par jour car je ne lâche absolument rien. Ils me félicitent pour mes produits et sont tous très contents du spectacle que je leur offre car je les y fais participer. Quand on fait participer les gens, le chemin de la vente est déjà à moitié fait. D’autant que je suis personnellement incapable de vendre un produit que les gens ne vont pas utiliser : je tiens absolument à ce qu’ils sachent l’utiliser et à ce qu’ils l’utilisent”. A la fois créateur et showman, Yves exprime son identité étouffée d’artiste à travers ses inventions et leur diffusion dans le public. “Les inventeurs ont un pied dans le système et un pied hors du système, considère-t-il. Nous sommes tous un peu rêveurs, nous sommes tous un peu des marginaux quand même”. Il convient néanmoins de garder les pieds sur terre car le chemin est long de l’idée à l’objet même si les produits peuvent paraitre simples au final : il va falloir les dessiner, puis trouver l’usine qui les fabriquera. D’ailleurs, toutes les idées n’aboutissent pas. Seulement une sur dix, estime Yves qui reconnait être parfois aveuglé par son enthousiasme quand surgit l’une d’entre elles. Fort heureusement, ses amis sont là pour le faire atterrir car on aurait tort de se croire à tous les coups génial quand d’autres ont découvert des vaccins ou des solutions pour préserver l’environnement. “Mon objectif reste de me rendre utile et de rendre service aux gens”, nous glisse Yves que les difficultés de distribution de ses produits ont rendu modeste. La pierre philosophale comme ultime (ré-)invention ?

Cliquez ici pour accéder au site internet d’Yves André dit Gallas.

Un Coin de Ciel pour préserver l’âme du Quartier Pernety

A un léger angle de rue, à deux pas du jardin des Thermopyles, s’est ouvert par la grâce de Guillemette Chénieux un nouveau Coin de Ciel dans le Quartier Pernety. L’atelier-galerie du 21 rue Boyer-Barret est un endroit hybride en phase avec l’esprit créatif de notre arrondissement, mais également soucieux d’en préserver l’âme associative. Nous en avons rencontré la responsable quelques jours avant le vernissage d’une des nombreuses expositions qui s’y succèdent (*).

La renaissance d’un lieu

Sur la page d’accueil du site d’Un Coin de Ciel (cliquez ici) figurent deux photos de la rue Boyer-Barret qui permettent de mesurer comment le passage des années peut transformer une artère de Paris. Le Coin de Ciel de Guillemette Chénieux est le résultat du réaménagement de deux anciennes boutiques de cette rue devenues vétustes : une boucherie-charcuterie (transformée plus tard en dépôt de livres) et un salon de coiffure de quartier. Lors de sa première visite des lieux, Guillemette tombe sous le charme de l’endroit qui, en plus d’être situé dans un Quartier auquel elle est restée très attachée pour y avoir longtemps vécu et travaillé, correspond bien au projet d’atelier qu’elle a en tête. Les travaux qui restent à réaliser pour lui redonner vie ne font pas peur à celle qui a fait carrière dans de grosses agences d’architecture parisiennes avant d’entamer une seconde vie d’enseignante. Elle va donc complètement le réhabiliter en en faisant un nouveau local spacieux et ouvert à la lumière, destiné à la promotion d’activités artistiques ou centrées sur le développement personnel et le mieux-être. Coin de Ciel est en effet tout à la fois un atelier et une galerie. “Mon envie est de perpétuer autant que faire se peut le côté polyvalent et hybride de ce lieu”, nous dit Guillemette. Les amies avec lesquelles elle l’anime sont toutes passionnées par la transmission de leur discipline et de leur expérience : initiation artistique pour les enfants ; gymnastique holistique, yoga, sophrologie et ateliers d’écriture pour les adultes. La diversité des enseignements qui y sont dispensés oblige à conserver l’espace propre et dépouillé, à même d’accueillir des groupes d’une dizaine de personnes occupés à différents types d’activités. Et c’est tout le talent de Guillemette, architecte DPLG et titulaire d’un troisième cycle de scénographie, d’avoir su en optimiser le design pour offrir aux différents intervenants dont elle promeut les activités le cadre idéal à l’épanouissement de leur talents personnels respectifs. “Lorsqu’il fait beau, il se passe aussi des choses sur le trottoir, ajoute Guillemette. J’ai obtenu un permis de végétaliser de la Mairie du 14ème pour deux jardinières, et Madame la Maire nous a également permis de disposer des petites tables et chaises pour offrir le thé ou le café au moment des vernissages”.

L’intuition comme guide

Car, en plus d’être un atelier, Coin de Ciel est aussi une galerie et s’affirme de plus en plus en tant que telle. L’activité exposition qui a pris de l’ampleur depuis le printemps dernier n’offre plus aucun créneau de libre avant novembre 2022. Guillemette a tout spécialement créé une structure associative avec une amie pour en assurer la bonne gestion. Elle choisit elle-même les artistes dont elle expose les oeuvres en prenant contact avec eux après les avoir suivis quelque temps sur Instagram ou bien après avoir été sollicitée par ceux qui ont eu vent de l’existence de l’atelier-galerie grâce au bouche à oreille ou sur les réseaux sociaux. “Pour le moment, je fais mon choix sans aucun a priori et en suivant ma seule intuition, nous indique Guillemette. Certains visiteurs réguliers me disent que ma personnalité se révèle à travers mes choix, mais je n’ai pour l’instant absolument pas conscience de ce qui s’en dessine en filigrane car je n’ai aucunement essayé de l’analyser. Je peux en réalité aussi bien être touchée par des peintures abstraites que par des choses très figuratives. Mais c’est également souvent lié aux personnes qui exposent car je n’imagine pas exposer quelqu’un avec qui je ne m’entends pas. Il y a en fait une adéquation entre ce que font les artistes, leur personnalité et la mienne, et très souvent les artistes exposants deviennent des amis.” La démarche de Guillemette est bien plus personnelle que commerciale. “Si je voulais faire de l’argent, je m’y prendrais tout autrement”, nous assure-t-elle. L’objectif de la fondatrice de l’association Coin de Ciel est plutôt de faire connaître les oeuvres d’artistes émergents dont la sensibilité épouse la sienne. L’alchimie ainsi créée aboutit à faire de l’atelier-galerie un endroit original et chaleureux qui accueille également ponctuellement certains petits évènements comme des marchés de créateurs, des concerts, ou encore des Nuits de la lecture. Allez absolument à la découverte de Coin de Ciel avant qu’il ne vous tombe sur la tête !

(*) Exposition Lili Lambert du 8 au 20 février 2022.

Cliquez ici pour accéder au site d’Un Coin de Ciel et ici pour accéder à sa page Facebook.

Lucas Gurgui : “Le vin, ça bouge énormément”

Lucas, Karoll et Robin, associés de “Volatiles”

Une nouvelle cave à vin indépendante dont le nom n’a pas manqué d’intriguer les habitants et passants du Quartier Pernety s’est installée courant novembre 2021 au 182 de la rue du Château (*). Mais qui sont donc ces drôles d’oiseaux de Volatiles ? Nous avons rencontré Lucas Gurgui, le gérant de cette nouvelle enseigne qui contribue à embellir et donner de la vie à l’une des artères principales de notre barrio, et nous n’avons pas été déçus du voyage. Accourrez chez Volatiles, il n’y a que quelques centaines de mètres à peine à vol d’oiseau !

Le fruit d’une histoire familiale née autour de la passion du vin

Lucas Gurgui n’est pas exactement le tout venant du caviste. Qui se plaindrait de voir notre Quartier poussé vers le haut ? A quelques pas de L’Assiette, le restaurant où le Président Mitterrand avait ses habitudes, il a, avec son frère Robin et sa cousine Karoll, créé un nouvel endroit où peuvent se retrouver les amateurs de vins de qualité. Sa cave est en fait un projet annexe à un projet familial plus global visant à développer une nouvelle offre hôtelière rue Mallar dans le 7ème arrondissement de Paris. A l’âge de 30 ans, Lucas qui a déjà fait le tour du métier de chef-comptable dans le secteur automobile veut “retourner sur le terrain” au contact de la clientèle. Puisqu’il partage depuis toujours avec son frère Robin la passion du vin, il suit les formations intensives et diplômantes délivrées par l’Académie des Vins et Spiritueux et décroche les trois niveaux de qualification WSET (Wine and Spirit Education Trust). Robin est déjà pour sa part un directeur de salle et un sommelier reconnu du restaurant Le Mermoz dans le 8ème arrondissement de Paris. Tous deux vont saisir l’opportunité qui s’offre à eux d’ouvrir une cave à vin indépendante rue du Château dans le 14ème arrondissement de Paris. Elle sera baptisée Volatiles à la fois pour faire écho au projet familial de boutique-hôtel développé autour du concept des oiseaux et comme un clin d’oeil ironique (et un peu risqué…) à la notion d’acidité volatile des vins. Les deux frères ont le sens de l’humour, ils savent de quoi ils parlent, et ils vont maintenant s’attacher à mettre en valeur les artisans vignerons passionnés et sincères qu’ils connaissent et avec lesquels ils partagent l’amour du très bon vin et du travail bien fait.

Chercheurs de pépites et de perles rares

C’est en effet leur relation particulière avec les vignerons qui détermine le choix des vins qu’ils proposent dans leur toute nouvelle cave. “Robin et moi nous déplaçons assez régulièrement dans les vignobles français pour créer des contacts et regarder comment les artisans travaillent avant de revenir sur Paris notre voiture pleine de bouteilles, nous dit Lucas.  Ce n’est bien sûr pas comme cela que fonctionnent les cavistes franchisés qui n’ont généralement ni le choix de leur sélection ni le privilège de pouvoir se déplacer pour rencontrer les vignerons. Plus que comme de simples vendeurs, nous nous comportons comme de véritables chercheurs de pépites, et c’est bien sûr là notre plus grande valeur ajoutée.” Leurs critères de sélection sont d’ailleurs autant humains que techniques car nos amis cavistes sont convaincus que le vin est à l’image du vigneron : “Quand le courant passe bien avec le vigneron, son vin ne peut que être bon, nous assure Lucas. Nous valorisons la culture biologique, voire naturelle, sans sulfites ajoutés, et sélectionnons exclusivement des vins propres, sans déviance”. La réputation des artisans vignerons se fait par le bouche à oreille sur place et également sur internet. “Nous avons la grande chance de connaître pas mal de monde dans le métier, reconnait Lucas. Du coup, nous sommes souvent guidés par des vignerons plus anciens qui nous recommandent les nouveaux venus qui s’installent. La décision finale se fait bien sûr sur la base de notre propre appréciation de leurs méthodes de travail et de la qualité des vins qu’ils produisent.”

Un métier en perpétuel mouvement

Lucas apprécie entre tout d’aller à la découverte de nouveaux artisans vignerons et de nouveaux vins pour ensuite venir les proposer à sa clientèle dans sa pimpante nouvelle boutique du 182 rue du Château. “Le vin, ça bouge énormément, nous apprend-il. On est de moins en moins sur les appellations traditionnelles de grands châteaux et il y a beaucoup de nouveaux vignerons qui font évoluer les choses en cassant un peu les codes et en sortant des appellations pour ne pas être contraints par un cahier des charges ou par un comité de dégustation. Alors même qu’ils rentrent par leurs vignes dans les ares d’appellation, certains décident de travailler autrement et mieux que ceux qui restent dans les appellations. Et ça marche très bien !”. Révolution de château(x) pour palais avertis ? Lucas se garde bien d’insulter la tradition : “J’ai bien sûr grandi avec le conventionnel et heureusement que les appellations demeurent pour continuer à servir de références en tant que marqueurs de goût. Mais ce qui peut être amusant quand on commence à boire de façon régulière, c’est de vouloir essayer autre chose et de sortir de Cairanne, de Croze Hermitage ou de Castillon Côtes de Bordeaux, pour aller sur d’autres vins de France, du Bugey ou du Jura ou sur d’autres choses encore qui commencent à bien bouger”. Pour convaincre les curieux, Lucas organise à la cave tous les quinze jours des dégustations qui pourront éventuellement avoir lieu en présence du vigneron producteur. Vous y serez très bien accueillis et très bien guidés pour vous aider à choisir parmi toute une gamme de vins dont les prix varient entre huit euros la bouteille jusqu’à deux cent euros pour les crus plus exceptionnels – avec toujours la certitude de pouvoir bénéficier de conseils avisés pour éviter de vous faire plumer comme des volatiles !

(*) Volatiles a aujourd’hui déménagé au 172 avenue du Maine.

Cliquer ici pour accéder au site internet de Volatiles.

“Paris 14 Territoire de cinémas” : penser et agir pour un autre monde

L’association Paris 14 Territoire de cinémas a fêté ses quatre ans en novembre 2021 avec déjà à son actif quatre festivals de films organisés grâce au soutien financier de la Mairie du 14ème et des Conseils de Quartier. Son objectif reste de fédérer les cinq ciné-clubs et ciné-quartiers de notre arrondissement (le 32! Ciné, le Ciné-Kino ArtMele, le ciné-quartier Mouton-Duvernet, le ciné-club Pernety et le Club des cinéphiles de la Poste et d’Orange) afin de développer des projets qui font aimer et connaître le cinéma, mais également de porter haut des convictions et des valeurs. Coup de projecteur sur la structure et ses réalisations avec Isabelle Tantin, sa co-présidente, et Marie Labiste, sa chargée de communication.

Une tradition aujourd’hui centenaire

“La beauté du cinéma, c’est de pouvoir tenter quelque chose de différent”, affirme Clint Eastwood. Pourtant, face à la concurrence du DVD, de Netflix et des grands réseaux d’exploitation, y a-t-il encore une place pour le ciné-club qui est une autre façon d’appréhender et d’apprécier les oeuvres cinématographiques (*) ? C’était l’une des questions posées lors d’une table ronde organisée dans le cadre du troisième festival de films mis sur pied par Paris 14 Territoire de cinémas en 2020. Après “Les voisins font leur cinéma” (premier festival de 2018) et l’hommage à Jean Rouch (en 2019), ce troisième festival était plus particulièrement centré sur le thème des “Femmes au travail”. Mais il a également été l’occasion de célébrer le centenaire des ciné-clubs puisque l’idée de présenter des films et d’en discuter avec le public à l’issue de la projection a été “inventée” en 1920 au cinéma Les Ursulines dans le 5ème arrondissement de Paris. Le concept est-il pour autant toujours d’actualité à une époque qui voit triompher l’individualisme couplé à la technologie ? “Notre grande originalité par rapport au cinéma commercial reste la possibilité de discuter du film, plaide Isabelle Tantin. Et la discussion peut se faire en présence ou non d’intervenants extérieurs. Après la projection, nous échangeons tous ensemble 30 à 60 minutes, puis partageons parfois un verre ou un gâteau. Les gens se rendent au ciné-club un peu comme au café du coin. Mais, nuance-t-elle, notre public est en général plutôt cultivé et passionné de vieux films en plus d’être souvent amateur de théâtre et de littérature”. La rencontre de tous avec tous génératrice de lien social est parfois agrémentée par la présence d’intervenants extérieurs, d’acteurs ou de réalisateurs du 14ème arrondissement ou d’ailleurs. Car le 14ème, qui est l’arrondissement d’Agnès Varda et de Jacques Demy, est à lui seul un petit territoire très évocateur du 7ème art. Lors du dernier festival qui s’est tenu en 2021 sur le thème “Quand le cinéma imagine demain” et à l’occasion duquel Fahrenheit 451, le célèbre film de François Truffaut, a été projeté aux 7 Parnassiens (grâce au concours financier du Conseil de Quartier Montparnasse-Raspail), l’association a posé la question cruciale de la place de la culture et du cinéma dans la vie de tous. Nombreux furent les festivaliers qui purent en débattre lors de la table ronde animée par le réalisateur et metteur en scène Patrick Hadjahj. “Culture et cinéma sont essentiels dans notre vie : ils nous engagent à penser et agir pour un autre monde”, résume le dernier rapport d’orientations de l’association Paris 14 Territoire de cinémas où l’on a pu s’inquiéter de l’impact de la crise sanitaire sur la fréquentation des salles obscures.

Débat avec Patrick Hadjahj après la projection de “Fahrenheit 451” (octobre 2021)

Cinquième festival de films et nouvel outil de communication

Pour continuer à porter ses valeurs, l’association redouble d’énergie aussi bien sur le fond que sur la forme. Un cinquième festival de films est déjà en cours de préparation pour 2022. Plusieurs thèmes étaient en lice cette année : celui des frontières, celui des réalisateurs empêchés par la censure politique et celui de la jeunesse conquérant sa liberté qui est une thématique susceptible de drainer vers les ciné-clubs du 14ème un public renouvelé de jeunes spectateurs. La dernière réunion du conseil d’administration de Paris 14 Territoire de cinémas a finalement choisi le thème du “Cinéma passeur de frontières” comme fil rouge du festival d’octobre 2022. Afin d’assurer la fonction première de la structure fédérative qui est de faire circuler les publics d’un ciné-club à un autre, Marie Labiste, sa chargée de communication, capitalise sur les efforts déployés par Pascal Vaillant qui a créé le site internet commun à tous les ciné-clubs et ciné-quartiers (paris14cinema.fr) et optimisé l’utilisation des réseaux sociaux Facebook et Twitter pour faire connaitre l’association. Le nouvel outil (open agenda) dont elle a développé l’utilisation (cliquer ici) est dès à présent en mesure de promouvoir les activités des différents ciné-clubs en mode dématérialisé en détaillant de façon chronologique la programmation des films et des débats associés. Et un lien spécifique sur le site de la Mairie du 14ème est même envisagé qui pourrait venir consacrer la reconnaissance institutionnelle de Paris 14 Territoire de cinémas. Car les ciné-clubs associés ont déjà été intégrés par les instances municipales dans le cadre de la célébration du centième anniversaire de la mort de Georges Brassens à l’occasion de laquelle ont été projetés le film Porte des LilasL’Entrepôt) et le documentaire Le regard de Brassens (à l’Institut Protestant du boulevard Arago). Si, comme le dit Juliette Binoche, “le cinéma est un rêve que l’on rend possible”, alors Paris 14 Territoire de cinémas mérite sans doute un petit coup de pouce !

(*) Comme un symbole, Janine Bertrand, la fondatrice et présidente d’Inter Film qui fournit en films les ciné-clubs indépendants, s’est éteinte le 18 octobre dernier.

Rencontre avec Coline Serreau à l’occasion de la projection du film “La Crise” au festival 2021

Florimont, centre névralgique associatif du 14ème

L’équipe de Florimont

L’association Florimont est à coup sûr l’une des associations-phares du 14ème arrondissement de Paris. Elle en innerve presque quatre-vingt autres en les associant aux projets qu’elle porte ou en leur proposant une adhésion qui leur permet de disposer à prix modiques de salles et de bureaux dans l’un de ses deux espaces d’activités (au Château Ouvrier pour les réunions, à l’Espace Maindron pour les activités ludiques, sportives et culturelles). Nous avons rencontré toute l’équipe réunie autour de son Président Gilles Motel pour mieux comprendre les missions qu’elle assure et qui dépassent aujourd’hui largement le seul maillage associatif.

Des actions de solidarité en direction des Quatorziens

L’association Florimont, active depuis une quinzaine d’années dans le 14ème, compte aujourd’hui 12 salariés qui se répartissent en différents pôles d’activités. Leurs animatrices respectives nous ont expliqué très en détails leur rôle au sein de chaque pôle, et nous aurions sans doute pu consacrer à chacune d’entre elles un article entier de notre blog. La ligne directrice de l’association reste le développement d’actions de proximité sur la durée pour tous les Quatorziens. Depuis la reprise en 2016 des activités de l’Association Culturelle et Sociale Eure Maindron Didot (ACSEMD), Florimont s’est en effet résolument tournée vers le public en plus d’assurer son traditionnel rôle de coordinateur associatif local. Plusieurs pôles d’activités illustrent cette nouvelle orientation dont le pôle numérique que Marie anime depuis un an. Il comprend en premier lieu une activité d’aide au démarches administratives en ligne (projet Tous connectés !) destinée à lutter contre la fracture numérique dans notre arrondissement. Des permanences sont organisées à destination des personnes impécunieuses qui ne disposent pas de matériel informatique ou bien des personnes qui ne sont pas informatiquement ou administrativement agiles, pour les aider à remplir leurs formalités administratives sur internet (demande de titre de séjour, inscription à Pôle Emploi, demande d’allocations CAF, etc.). “La demande est toujours très forte en la matière”, nous assure Marie. Sont mobilisés pour la satisfaire des bénévoles et des volontaires en service civique également à même de dispenser des formations individuelles pour autonomiser celles et ceux qui disposeraient d’un outil informatique. Un projet connexe, Ecrivains publics, fournit de l’aide à la rédaction de courriers, de mails, de C.V., etc. – sur rendez-vous au Château Ouvrier et sans rendez-vous dans le cadre de permanences organisées par des bénévoles à l’Annexe de la Mairie du 14ème. Le pôle numérique développe enfin également une action de sensibilisation aux dangers des écrans et aux dangers d’internet (projet Prévention Web’écran) que l’association déploie dans les écoles et les centres socio-culturels.

Le pôle Agir pour l’emploi animé par Margaux depuis deux ans et demi est une autre facette de l’action solidaire locale de Florimont. Agir pour l’emploi se décline en deux grands projets qui peuvent être parfois complémentaires : l’accompagnement des femmes de plus de 45 ans dans leur recherche d’emploi et l’accompagnement des associations dans leur processus de recrutement et leur développement. Le premier projet qui a été commandité en 2019 par la Ville de Paris concerne tout spécifiquement les femmes résidant les quartiers populaires de l’arrondissement. Pour le faire vivre, Margaux s’appuie d’une part sur le réseau associatif du 14ème qui oriente vers Florimont les femmes en recherche d’emploi et d’autre part sur une équipe composée de bénévoles qui assurent l’accompagnement individuel de ces femmes ainsi que d’un salarié et d’une alternante en formation d’assistante en ressources humaines. Agir pour l’emploi n’avait pas à l’origine vocation à accompagner les chercheurs d’emploi, souligne Margaux qui a monté ce nouveau projet de bout en bout. De fait, ça a plutôt bien fonctionné et nous sommes actuellement en train d’étendre notre action au 13ème arrondissement. C’est aujourd’hui un très gros projet pour nous.” Margaux n’en oublie pas moins le deuxième axe de son action au sein d’Agir pour l’emploi : le conseil aux associations pour leur recrutement et leur développement. Florimont agit ici côté employeur en offrant aux associations demandeuses des services de gestion des ressources humaines pour notamment assurer la bonne intégration des salariés qu’elles sont amenées à recruter.

Animation à la ludothèque

Des actions d’animation de la vie de l’arrondissement

Faire vivre le 14ème dépasse bien sûr le seul cadre des actions de solidarité et d’insertion. Florimont se fait également fort de participer à l’animation de l’arrondissement en portant plusieurs projets dans les domaines sportif et ludique à destination des jeunes ou des séniors. Juliette qui est arrivée à Florimont il y a un an apporte sa contribution au pôle jeunesse en orientant les 12-25 ans vers le réseau des associations sportives que Florimont fédère localement pour leur faire bénéficier de temps d’initiation aux activités sportives qu’elles proposent (notamment au gymnase de l’Espace Maindron). Elle prend par ailleurs en charge le développement de Remise en Sports, un dispositif de sport-santé qui fait intervenir aussi bien les associations (Tawef notamment) que les professionnels de santé et dont l’objectif est de guider toutes celles et ceux auxquels on a médicalement recommandé la pratique d’un sport vers les associations sportives qui proposent des activités physiques.

Céline anime quant à elle depuis trois ans le pôle ludique-petite enfance qui est celui qui comprend aujourd’hui le plus de salariés en plus de pouvoir disposer d’un important espace dédié : la ludothèque de l’Espace Maindron. La ludothèque propose (et prête également) des jouets et des jeux à des enfants et des adolescents dont l’encadrement est assuré par des animateurs spécialisés qui connaissent suffisamment bien les jeux vidéos pour les y initier dans le cadre de Vidéado. L’espace de jeux est un lieu de vie très apprécié des enfants mais aussi des parents (ou des nounous) qui peuvent également s’y rencontrer. “Je constate que les gens sont heureux de venir, témoigne Céline. Les enfants sont très contents. Des ludothèques, il en faudrait en réalité partout. Elles ne sont pourtant pas si nombreuses à Paris”. La ludothèque a également vocation à “se délocaliser” dans les écoles et au collège (ludothèque ludido) et en plein air (ludomouv’). L’accent est mis sur la qualité des jouets et jeux vidéo sélectionnés (jouets français en bois ou confectionnés en matières durables ou recyclées, jeux vidéos créés dans un but éducatif aussi bien que ludique). Certains jouets sensoriels sont également particulièrement bien adaptés aux enfants handicapés. Les séniors ne sont pas non plus oubliés puisqu’ils peuvent aussi accéder à de nombreux jeux de société dans le cadre du Club Séniors Maindron (*) animé bénévolement par Danièle Rack.

En sus du pôle administratif de Florimont qui assure l’accueil des associations et maintient le contact avec elles notamment pour la location de salles, Isabelle anime pour sa part un pôle agriculture urbaine (Graine de Quatorzien) qui explore toute la filière du blé. Ce pôle est assis sur un réseau de jardins partagés et de jardins d’école dans lesquels le blé est semé et cultivé jusqu’à maturation en vue d’une exposition au Forum des associations. La transformation du blé en pain est ensuite expliquée dans les écoles dans le cadre d’ateliers farine et de dépiautage du blé avec pour finir au mois d’octobre un grand banquet des pains réalisé avec le concours des boulangers du 14ème qui est l’arrondissement de Paris qui compte le plus de boulangers. Cette action portée depuis six ans par Isabelle a vocation à être élargie à un plus vaste projet ayant trait à l’alimentation durable et à déboucher à terme sur un pôle de Florimont spécifiquement dédié au développement durable.

En plus d’être solidaire, Florimont fournit même, on le voit, le pain et les jeux… Mais, comme on ne peut bien sûr pas être au four et au moulin, l’association a en permanence besoin de nouveaux bénévoles pour aider ses salariés à continuer à porter les projets qu’elle défend. Nous espérons vivement que cet article contribuera à susciter des vocations parmi les Quatorziens.

Devant le four du “Banquet des Pains”

Cliquez ici pour accéder au site de Florimont.

(*) Le Club Séniors Maindron propose des activités sportives et de bien-être adaptées aux séniors ainsi que des rencontres culturelles et ludiques et des évènements festifs toute l’année.

Repas partagé au Club Séniors Maindron en décembre 2019 (photo : Danièle Rack)

 

Photo du banquet des Pains 2022

« La marginalité est ma matière de prédilection » (Marie Bataille)

« Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière », disait Michel Audiard. Marie Bataille, auteure de littérature pour la jeunesse, partage cette tendresse particulière pour les marginaux et les êtres à part. Aziz, Nono, Mademoiselle Princesse Culotte ou bien encore Adolphe, le chien qui détestait son nom, sont les (anti-)héros atypiques de ses romans destinés aux 6-10 ans. Nous nous sommes rendus rue d’Alésia dans le quatorzième arrondissement de Paris pour rencontrer celle qui leur a donné vie.

Des textes courts réalisés au contact de professionnels

La rencontre de Marie Bataille avec la littérature jeunesse doit plus au hasard qu’à un projet délibérément réfléchi. L’évènement déclencheur se situe au début des années 90 quand elle est sollicitée pour s’occuper des pages Jeux du magazine J’aime lire destiné aux 7-10 ans et édité par le groupe Bayard Presse. Depuis ses études poussées de littérature à Toulouse, l’institutrice a toujours manifesté un goût certain pour l’écriture qu’elle va enfin se décider à exprimer publiquement en proposant à son éditeur un premier ouvrage intitulé Adolphe, aux pieds !. L’histoire du chien fugueur Adolphe qui déteste son nom et qui décide de faire le sourd pour ne plus l’entendre hurler de la bouche de son maître sera finalement éditée chez Milan et rééditée en poche quelques années plus tard avec des illustrations de Michel Tarride. Marie va bientôt prendre goût au travail d’écriture des romans jeunesse réalisés avec le concours des rédacteurs et des chefs de rubriques des différentes maisons d’éditions avec lesquelles elle collabore. « Si l’écriture de l’histoire se fait elle-même très rapidement après que l’idée a longtemps mûri, le travail de correction est extrêmement intéressant car on travaille avec des gens qui poussent au maximum pour que le livre soit le plus réussi possible », témoigne-t-elle. Les romans pour les 6-10 ans sont en règle générale des textes assez courts qui tiennent en cinq petits chapitres illustrés par un dessinateur. Marie va en réaliser une quinzaine qui seront publiés chez Milan, Bayard et Nathan et dont certains seront traduits en italien, danois ou coréen. La peur bleue d’Albertine, Nono et le tableau volé, Mère Rugueuse et les enfants perdus, Mademoiselle Princesse Culotte en sont quelques exemples qui empruntent tant au registre comique qu’au registre tragique. Où l’auteure puise-t-elle donc son inspiration ? « Je pense que c’est une part d’enfant qu’on a en soi car, en fait, ce sont des histoires qu’on se raconte à soi-même », nous dit Marie. Il parait qu’il n’y a de livres qu’autobiographiques. C’est, semble-t-il, également vrai pour les romans jeunesse car l’auteure d’Adolphe, aux pieds ! nous confie qu’il ne faut pas chercher bien loin pour découvrir l’origine de ce premier ouvrage : Marie qui s’appelle en réalité Marie-Louise détestait tout autant qu’Adolphe son véritable prénom pendant ses jeunes années, à une époque où il était perçu comme un peu désuet…

La révélation d’Aziz

Si la littérature jeunesse peut parfois être l’exutoire de conflits psychiques, elle peut également être l’expression d’un vécu personnel. « Ecrire ça guérit de beaucoup de choses, ça soulage le coeur… », peut-on lire au début d’Aziz, escalier D, appartement 27 publié en 2009 chez Milan Poche Junior. Cet ouvrage puise certainement beaucoup dans l’expérience d’institutrice de Marie qui a exercé son métier dans certaines banlieues difficiles d’Ile-de-France, à Bagneux ou à Nanterre. S’adressant aux 9-10 ans, il ne compte pas moins de 18 chapitres et est à ce jour le roman le plus long publié par notre auteure en plus d’être le seul qui soit écrit à la première personne du singulier. Comme tous les héros de Marie, Aziz a « quelque chose de travers » qui le rend unique et attachant. « Je me suis progressivement rendu compte que ce qui m’intéressait particulièrement dans l’enfance, c’étaient les êtres à part et un petit peu monstrueux, les enfants qui n’arrivaient pas à s’intégrer, nous dit l’écrivaine. Ils vont devenir les personnages récurrents de mes livres car j’ai toujours aimé travaillé sur ces enfants qui ne sont pas « comme les autres ». La marginalité est vraiment ma matière de prédilection ». De fait, l’ouvrage qui devait au départ s’intituler Les carnets de Mehmed n’a pas laissé indifférent et a été très bien accueilli notamment dans les écoles dont les élèves des classes primaires ont pu s’identifier au jeune héros qui connait une révélation à la fin du récit. Mais la véritable révélation du livre est bien celle de la qualité de romancière de Marie Bataille qui réussit vraiment à nous émouvoir en nous contant les aventures d’Aziz et de ses copains, les amours de sa soeur Samia et leur combat pour la réinsertion sociale et professionnelle de leur Mère Aïcha. « La littérature pour la jeunesse a été pour moi en quelque sorte une solution de facilité », affirme pourtant l’auteure qui n’a plus publié dans ce registre depuis maintenant cinq ans. L’histoire d’Aziz est à coup sûr un passeport convaincant pour d’autres projets littéraires qui, nous l’espérons, ne manqueront pas d’aboutir dans les années à venir.

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