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Les exquises Esquisses de Marie Burgat, écrivaine de Pernety

Comme souvent les artistes de grand talent, Marie Burgat est à la fois un peu sauvage, timide et extrêmement modeste. Elle est pourtant déjà l’auteure de trois ouvrages publiés : L’Amérique était sous nos pieds (L’Harmattan, 2011), Résurgence de la parole (auto-édition, 2018) et A chaque pas dans la neige fraîche (L’Harmattan, 2019), qui l’ont hissée au rang de figure emblématique du Quartier Pernety. Elle est aussi parolière de chansons et monte avec ses amis musiciens et interprètes des récitals autour de ses textes à L’Atelier du verbe, un théâtre de la rue Gassendi. Nous l’avons rencontrée à la terrasse de L’Envie, le café-restaurant de la rue Pernety, quelques mois après la sortie du double CD intitulé Esquisses qui est une anthologie en deux tomes de vingt-six de ses chansons.

La femme écrivain, “créature unique de Dieu”

Ni photo, ni magnéto !”, nous a prévenu Marie avant notre interview, qui ne tient pas non plus à trop parler d’elle-même. Il nous aura fallu pas moins de deux entrevues à la terrasse de L’Envie pour commencer à apprivoiser l’écrivaine et à lui donner envie de nous en dire plus. Mais qu’aurait-elle au juste à dire de plus que ce qui est déjà contenu dans son oeuvre ? Puisqu’il n’y a, parait-il, de livres qu’autobiographiques, lisons-les pour en découvrir l’auteure ! Force est pourtant de reconnaître qu’il n’est pas toujours facile de se plonger dans les textes denses et foisonnants de Marie. Le plus accessible d’entre ses livres est sans doute le premier paru intitulé L’Amérique était sous nos pieds (2011) qui réunit “Trente-deux histoires” témoignant d’un sens aigu de l’observation tout en laissant transparaître la vocation de poétesse de la nouvelliste. Résurgence de la parole (2018) nous en fait voir de toutes les couleurs puisqu’il réunit les Poèmes rouges, les Poèmes verts et les Poèmes bleus de Marie ainsi que des extraits de la correspondance qu’elle a entretenue un temps avec Anaïs Nin. La préface de ce second livre nous apprend que son auteure a exercé vingt-sept (!) métiers différents (maquilleuse à Canal+, soignante en psychiatrie, assistante d’un magicien, réceptionniste dans un hôtel, enseignante en alphabétisation, vendeuse de jouets, assistante de réalisation, gérante de boutique de parfums, animatrice d’ateliers d’écriture,…) qui l’ont “convaincue qu’on ne sait jamais d’où la beauté va surgir”. Peut-être surgit-elle parfois à la fin d’une nouvelle comme celle intitulée Récréation qui figure à la page 33 de son premier ouvrage : “[…] Et le sixième jour Dieu créa… la femme écrivain. Celle-ci n’était ni grande ni petite, ni belle ni laide, ni jeune ni vieille. Elle n’était ni gentille ni méchante, ni bavarde ni effacée, ni riche ni pauvre; mais elle était tout cela à la fois. La femme écrivain était une créature unique, et Dieu l’aima au premier coup d’oeil ; car il savait qu’il n’avait pas raté sa création et qu’il la donnerait en cadeau à l’homme. Et que lui-même ne s’en lasserait pas”.

Perles et bijoux

Mais la femme écrivain n’est jamais très sûre d’elle-même malheureusement. Pour être certaine de ne jamais lasser l’homme, elle préfère se parer de perles et de bijoux qui chez Marie Burgat prennent la forme de chansons dont elle compose les paroles. Chansons humoristiques, décapantes et déjantées, chansons poétiques et lyriques, chansons tendres sur les amours qui commencent et parfois finissent, Marie en a créées des dizaines avec ses amis musiciens et interprètes qui l’aident à en monter des récitals à L’Atelier du verbe, un petit théâtre de la rue Gassendi. “Je n’ai pas honte de dire que nous rencontrons beaucoup de succès”, nous précise l’écrivaine. Sans doute le sens de l’humour et de l’autodérision de Marie ne manque-t-il pas d’y contribuer. Ceux qui confondent poésie et guimauve en seront pour leurs frais car la tonalité générale du double album intitulé Esquisses qui compile vingt-six de ses chansons est plutôt aigrelette. Tout le monde en prend pour son grade, y compris l’auteure elle-même. Les hommes sont bien sûr les premières victimes de sa plume acérée en application du principe “qui aime bien, châtie bien” (par exemples, dans “Eux” servie par la voix de Fabienne Moachon sur une musique de Quentin Martel ou bien dans “Tu m’agaces” composée et interprétée par Chantal Grimm). “Âne gris – Ouistiti” (mis en musique par Ravachol Giscard), qui est peut-être le “tube” de ce double album puisqu’il a donné lieu à la réalisation d’un clip (voir ci-dessous), fait alterner Elle et Lui dans un dialogue bien plus comique que glamour. L’ironie fait place à l’autodérision dans “J’aime ça”, “Rêves dans le miroir” ou “Je m’aime” (musiques de Quentin Martel). Mais l’émotion est également bien présente, par exemple à l’évocation de l’existence “transparente et effacée” de la grand-mère de l’auteure dans “Invisible” (musique de Michèle Garance). Dans bien d’autres chansons encore qui font la part belle à l’amour et que sert le plus souvent la voix de Fabienne Moachon, Marie exprime par une écriture poétique toute en nuances sa grande sensibilité et sa clairvoyance dans la fine analyse de ses émotions et de ses sentiments. L’écrivaine, qui est définitivement “assez aimable pour être aimée” (“Assez aimable”, musique de Quentin Martel), réussit l’exploit de redonner goût aux chansons à texte à ceux qui l’avaient perdu – ou même jamais eu. Souhaitons qu’elle n’en restera pas là et que sa rage d’écrire donnera naissance à d’autres pépites, comme on transforme en or le plomb du quotidien. Car aucun bijou ne sera jamais assez belle parure pour “la femme écrivain, créature unique de Dieu” !

Pour acquérir Esquisses au prix de 15 euros, vous pouvez envoyer un mail à Marie (marieburgat@yahoo.fr).

Un extrait d’A chaque pas dans la neige fraîche (page 86) que l’on peut sans doute utilement rapprocher de la première nouvelle de L’Amérique était sous nos pieds intitulée “Mon ange…” :

“J’aimais ma mère et elle me le rendait bien. Elle était très maternelle. Aussi quand un jour elle m’appela “maman” je fus désarçonnée. Je la regardai et vis qu’elle avait rapetissé, était habillée d’une robe gaufrée rose et de petites chaussures blanches avec un noeud dans ses cheveux bouclés. Seul son visage n’avait pas changé.

Maman, hurlai-je, où es-tu passée ? Je vis qu’elle avait l’air furieuse. Elle monta sur la table et tenta de m’administrer une fessée. Mais elle me manqua. Moi, j’avais grandi et mes vêtements étaient trop petits pour moi. Nous étions toutes les deux ridicules. Je lui proposai alors un pacte.

Jurant de nous séparer pour toujours nous retrouverions notre dimension. Aussitôt nous fûmes à notre taille, nous nous serrâmes la main froidement et ne nous revîmes jamais.”

Cliquez ici pour une critique avisée d’A chaque pas dans la neige fraîche et ici pour acquérir les ouvrages de Marie Burgat.

Bernard Zitoune (*), alias Big Joe, la mémoire rock’n roll du 14ème

Avec Christophe à “Vivre FM”

Les papys du rock font toujours recette, preuve en est le concert des Rolling Stones prévu dans quelques jours à Paris. Bernard Zitoune, alias Big Joe, a croisé les plus grands jazzmen et rockers français et internationaux tout au long de sa carrière de DJ et d’animateur radio. Il a également tous les samedis pendant 15 ans fait swinguer les Quatorziens à l’occasion de bals organisés à la Mairie Annexe du 14ème arrondissement de Paris. Nous l’avons écouté évoquer ses souvenirs à son domicile de la rue Didot et pu constater qu’il reste un homme toujours très désireux de refaire chauffer ses platines.

Les rencontres déterminantes d’une vie très rock’n roll

La vie de Bernard Zitoune qui va aujourd’hui sur ses 80 ans ressemble à un roman d’aventures. Ce Kabyle natif de Tizi Ouzou en Algérie débarque en France en 1958 et y bénéficie du statut de pupille de la Nation au titre des actes de bravoure de son père très engagé dans la Résistance. Il ne goûte guère les méthodes d’enseignement des jésuites qui dirigent le centre de redressement où il a été placé et s’en échappe dès l’âge de 14 ans. C’est l’occasion pour lui de croiser Jacques Prévert et un ami de Boris Vian du nom de François Postif qui le prend sous son aile et va déterminer la suite de sa vie. Traducteur de Mark Twain, de Jack London et d’Agatha Christie, cet intellectuel de haut vol a également pour titre de gloire d’avoir réussi à faire se produire à L’Olympia Bill Haley et Brenda Lee. C’est par son intermédiaire que son protégé parviendra des années plus tard à interviewer Chuck Berry, Fats Domino et Jerry Lee Lewis. Bien avant cela, Bernard fut un  adolescent plutôt rebelle puisqu’il fit partie du groupe Les démons du 13ème, une bande de blousons noirs du 13ème arrondissement de Paris qui eut souvent maille à partir avec la “bande de la Trinité” composée de Jacques Dutronc, qu’on appelait “Charlot” à cause de ses lunettes à double-foyer, Claude Moine, futur Eddy Mitchel, et, last but not least, Jean-Philippe Smet, futur Johnny Halliday. Formé à la musique par un vieux DJ qui lui apprend à coups de tapes sur les doigts à caler les disques vinyles, Bernard devient lui-même DJ et se produit au Rex, au Memphis et à l’Entrepôt. Une impresario travaillant pour CNN le repère et lui donne l’occasion de travailler à Atlanta aux Etats Unis. Bernard aura également l’occasion de faire chauffer ses platines en Italie et en Angleterre. C’est en 1970 qu’il s’installe définitivement dans le 14ème arrondissement de Paris. Il y fonde avec son ami Jean-Marc Marceau, alias Jumpy, l’association Rock and Roll Revue qui publiera un magazine tiré à 1200 exemplaires diffusé dans le monde entier entre 1997 et 2017. Pierre Castagnou, Maire du 14ème, lui confie par ailleurs l’animation des bals qui se tiennent tous les samedis à la Mairie Annexe. Il y officie pendant 15 longues années en parallèle de ses activités d’animateur radio sur Vivre FM, TSF et Radio Beur et de plusieurs passages télé dont une émission sur M6 qui vient couronner son activisme rock’n roll. En témoignage de sa passion jamais démentie pour la musique jazz et rock, Big Joe a conservé dans une des pièces de son appartement toute une collection de disques et de vidéos qui constituent autant de formidables souvenirs de sa vie passée. Dans un coin somnole sagement une table de mixage qu’il aimerait beaucoup pouvoir à nouveau réveiller. La Mairie Annexe ou Le Moulin à Café n’étant plus aujourd’hui que de lointains souvenirs, nous promettons à Bernard de le mettre en relation avec des bar-concerts du 14ème de notre connaissance. Pour nous remercier, le vieux rocker nous met entre les mains un exemplaire de la Rock and Roll Revue et un CD de Country & Rockabilly Classics. Bien mieux qu’un billet pour le concert des Stones !

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook de Bernard “Big Joe” Zitoune. Vous pouvez par ce biais lui adresser une demande pour devenir membre du groupe Facebook Cinéma et Musiques des Années 40 aux Années 60 qu’il alimente.

La Mairie Annexe du XIVème en pleine effervescence rock’n roll
Avec feu Pierre Castagnou, Maire du 14ème arrondissement

(*) Bernard Zitoune alias “Big Joe” s’est malheureusement éteint le 8 août 2022. Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille.

HeartCraft, le coeur à l’ouvrage dans le 14ème bisounours

HeartCraft à l’ouvrage place Flora Tristan (photo YB)

Vous aimez les bacs à fleurs bleus de la Mairie de Paris ? Nous non plus ! Pourtant, ceux qui y regardent de plus près auront remarqué que certains d’entre eux sont ornés d’autocollants (de “sti-coeurs” plus exactement) qui sont l’oeuvre d’un street artist parisien très en vogue et très en cour à la Mairie du 14ème arrondissement de Paris. Nous avons interrompu HeartCraft dans son travail de collage place Flora Tristan pour qu’il nous explique les tenants et les aboutissants de sa démarche bisounours.

Amour, gloires et inclusivité

“L’amour au pouvoir !”, tel est le slogan d’HeartCraft dont la signature représente deux visages enlacés qui forment un cœur. Notre street artist, qui est un artiste urbain à tous les sens du terme, cultive la discrétion en collant ses oeuvres sous pseudo et en évitant le plus possible les photos de face. Il n’a pourtant rien d’un voyou ni même d’un vandale. Bien au contraire, il défend ardemment les valeurs en très nette perdition de tolérance et d’ouverture aux autres. Non sans un certain succès d’ailleurs puisqu’il a déjà plusieurs fois eu les honneurs du Figaro, de 20 Minutes et de quelques autres médias encore. Il a aussi la cote à la Mairie du 14ème arrondissement de Paris puisque Madame la Maire Carine Petit en est une grande fan, qui la première a “reposté” sur Instagram les oeuvres de l’artiste collées sur les fameuses jardinières bleues que ce dernier est très inspiré de vouloir artistiquement “customiser”. Il l’a déjà fait place Flora Tristan, place des Droits-de-l’Enfant (*), place Stéphane Hessel et rue Daguerre. Et consécration officielle, il s’est vu confier par la Mairie du 14ème, qui lui en a passé commande dans le cadre du mois parisien du handicap, la réalisation d’un “Mur Matisse” au 83 de la rue Pernety. Cela fait maintenant cinq ans qu’HeartCraft colle ses “sti-coeurs” un peu partout à Paris. Pour installer l’amour au pouvoir, il lui arrive de s’inspirer d’oeuvres d’art (tableau de Renoir, photo de Robert Doisneau, etc.), mais aussi de célébrités en devenir qu’il souhaiterait faire accéder au statut d’icônes artistiques de la même façon qu’Andy Warhol a immortalisé Marylin Monroe et Elvis Presley en en sérigraphiant les portraits . “J’ai essayé de trouver de nouveaux héros pour en faire des icônes d’aujourd’hui”, nous dit HeartCraft. Ainsi en a-t-il été d’Amanda Gorman, poète et activiste américaine, de Barbara Butch, DJ queer assumant ses formes, ou bien des handisportifs Felix Streng, Bethany Hamilton et Théo Curin. Même s’il n’en avait pas vraiment conscience, l’inclusivité était dès l’origine au centre de sa démarche personnelle qui l’a vu décliner des coeurs “interraciaux et interreligieux”. “Je ne suis bien sûr pas le seul mais il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas nombreux à travailler sur ces thématiques, à les revendiquer et à les disséminer un peu partout, fait observer HeartCraft. Le 14ème arrondissement de Carine Petit était sans aucun doute le terrain idoine pour y exercer ses talents.

(Sti-)coeur interconfessionnel de HeartCraft (photo YB)

Punk bisounours

Mais les bons sentiments sont-ils vraiment de l’essence de l’art urbain qui cultive volontiers la transgression ? Sont-ils compatibles avec l’âme punk et underground du street art ? “Tout dépend où l’on place le curseur de la violence et de la rébellion, nous répond HeartCraft qui n’a visiblement pas peur de casser les codes et d’évoluer hors des sentiers battus. Si je m’ingéniais à coller mes coeurs interraciaux dans certains quartiers de Paris, ça pourrait me poser de très sérieux problèmes. Idem pour mon coeur LGBT qui était systématiquement déchiré sur les bornes Autolib sur lesquelles je le plaçais.” La démarche du street artist a beau être dans l’absolu inclusive, tolérante et aimante, il n’en est pas moins parfois très mal compris. Et même s’il cherche à interpeller son public par la douceur, les coeurs qu’il dessine et colle dans la capitale restent en réalité très transgressifs pour certains auprès desquels son message d’amour ne passe pas toujours. “Un street artist très connu m’a très vertement rabroué au sujet de mon coeur représentant un juif portant une kippa embrassant une musulmane voilée, témoigne-t-il. Il m’a clairement dit que je n’avais pas à faire ça.” HeartCraft n’est par ailleurs pas toujours à l’aise pour s’exprimer à l’époque actuelle. Car il lui est aussi arrivé de se voir reprocher certaines de ses oeuvres au motif que ses origines et son vécu personnel ne lui permettaient pas de savoir de quoi il parlait. “J’y vois la conséquence du détournement de ce qu’on appelle aujourd’hui péjorativement le wokisme qui est pourtant à l’origine une pensée très intéressante en ce qu’elle appelle à l’éveil des consciences. Je suis pour ma part persuadé en tant qu’artiste et ancien comédien que, si on est ouvert à l’autre, on n’a pas besoin de vivre ses expériences pour pouvoir les comprendre et ressentir les injustices ou les discriminations qu’il a pu vivre – d’autant que j’ai également pu être discriminé dans ma vie personnelle.” HeartCraft est bien décidé à poursuivre sa route et contribue à sa façon à éveiller les consciences, notamment sur la question du handicap en collant des “sti-coeurs” représentant des athlètes paralympiques. Car il est profondément convaincu que ce qu’on ne montre pas n’existe pas. Un punk bisounours, ça n’existe pas, ça n’existe pas. Eh ! pourquoi pas ?

(*) “Sti-coeurs” aujourd’hui retirés.

“Mur Matisse” du 83 rue Pernety réalisé dans le cadre du mois parisien du handicap (photo de l’artiste)
Sti-coeur handisport, rue Daguerre (photo YB)
Sti-coeur Amanda Gorman, place Flora Tristan (photo YB)

Bruno Sauteron, un médecin rattrapé par son rêve humanitaire

“On n’échappe à rien pas même à ses fuites”, chante Jean-Jacques Goldman dans On ira. Bruno Sauteron y est allé, lui : sept mois en mission au Burundi pour Médecins Sans Frontières il y a tout juste vingt ans. Le médecin généraliste qui a son cabinet aux limites des 14ème et 15ème arrondissements de Paris revient sur cette expérience fondatrice de son engagement professionnel dans un livre publié aux Editions L’Harmattan. Nous avons lu Une saison à Makamba et pu interviewer son auteur.

Le parfum et les couleurs de l’aventure

En 2002, Bruno Sauteron, qui n’est pas encore “Docteur Sauteron” mais un jeune infirmier de vingt cinq ans qui a déjà passé deux ans dans les blocs opératoires parisiens, a des rêves d’aventure et d’engagement au service des plus démunis plein la tête. Après avoir poussé en vain les portes d’Action Contre la Faim et de Médecins du Monde, il est finalement recruté par Médecins Sans Frontières qui recherche un infirmier de bloc opératoire dans le cadre d’une mission chirurgicale au Burundi. Le petit pays d’Afrique de l’Est qui partage sa frontière du nord avec le Rwanda où a eu lieu huit ans auparavant le terrible génocide des Tutsi par les Hutu est alors en pleine guerre civile. Une saison à Makamba raconte par le menu l’expérience vécue par Bruno, du départ de Roissy au retour au pays sept mois plus tard. On y croise le Dr Jean-Hervé Bradol, le président de la section française de MSF, avec lequel Bruno aura le privilège d’effectuer une partie de son voyage aller, mais aussi et surtout ses collègues de mission à l’hôpital de Makamba et bien sûr les patients locaux qu’il sera amenés à soigner. On y mesure le décalage existant entre la médecine occidentale et la médecine humanitaire dans un pays en guerre où la perception de la maladie et de la vie en général n’est pas du tout la même. Les anecdotes se succèdent tout au long du récit constitué de 46 courts chapitres très dépaysants. Il a fallu à Bruno ne pas se laisser intimider lorsque qu’il constate à son arrivée à la maison MSF qui l’héberge qu’un mur a été criblé de balles… Quand aux maladies soignées, elles sont bien sûr très différentes en Europe et en Afrique où prévalent les maladies infectieuses au premier rang desquelles le paludisme, le VIH, la tuberculose et également la malnutrition qui est le premier problème rencontré par les enfants. Il lui est même arrivé de soigner, avec grand succès !, un homme mordu par un crocodile et, avec malheureusement moins de succès, un homme tombé d’un avocatier. Le rapport aux soins paraitrait également bien “exotique” à un Français bénéficiant de la Sécurité Sociale dans un pays où les patients peuvent aller jusqu’à vendre leur maison voire s’endetter à l’échelle d’une vie, ou pire transmettre leur dette à leurs enfants, pour arriver à les payer. Même si MSF a pour principe de soigner tout le monde gratuitement en fournissant à titre gracieux médicaments et personnels, la réalité du Burundi est bien différente, dont les hôpitaux peuvent garder prisonniers les patients non solvables tant que leur dette n’a pas été acquittée par leur entourage…

“To be or not toubib”

Bruno Sauteron parvient à nous émouvoir au récit des souffrances de Jeanne, la jeune femme de vingt ans qui va mourir du SIDA, et à nous faire rire de bon coeur à l’évocation des “pitoyables efforts” déployés par l’équipe médicale pour reproduire les chorégraphies locales que maîtrisent déjà très bien les enfants de l’orphelinat, lors de goûters géants organisés à la maison MSF. On comprend qu’il ait pu laisser une partie de lui-même à Makamba, quels que soient les risques qu’il ait pu prendre à l’occasion de cette mission. Dans “To be or not toubib”, l’avant-dernier chapitre de son livre, Bruno revit les tiraillements qui ont été les siens au terme de sa mission humanitaire au Burundi : “Je savais que je ne serais jamais à même de consulter par moi-même si je suivais la voie humanitaire. Et surtout toute cette belle expérience n’aurait de valeur que dans le monde de la médecine humanitaire. Dès lors que je rentrerai à Paris, telle Cendrillon perdant ses beaux habits, je retrouverai la condition d’un infirmier lambda, sans aucune considération pour les postes à responsabilité occupés et toute l’expérience acquise. Il aurait fallu faire le pari que MSF me plairait encore trente ans après, choisir définitivement une carrière centrée sur l’étranger dans des conditions difficiles. Devenir dans la durée “un homme aux semelles de vents””. Encouragé par ses parents, Bruno choisira finalement de se réinscrire en médecine pour devenir médecin généraliste. Pourtant, vingt ans plus tard, qui est vraiment l’homme sérieux et respectable assis derrière le bureau de son cabinet du quatorzième arrondissement ? Quel aventurier se cache derrière le professionnel qui vous rappelle (gentiment) que vous êtes priés de porter votre masque pendant la consultation ? On le devine un peu nostalgique de ses aventures passées même s’il admet avoir grand peine à envisager repartir aujourd’hui en Haïti ou en Ukraine. “On ne peut pas avoir toutes les vies !”, nous lâche-t-il en guise de conclusion. “On n’échappe à rien pas même à ses fuites”. La preuve : un livre !

Une saison à Makamba, récit d’une mission au Burundi avec Médecins Sans Frontières, aux Editions L’Harmattan dans la collection Ecrire l’Afrique, 149 pages, 16 euros (cliquez ici pour commander le livre).

“Le Moulin à Café” prend un coup de jeune pour ses 16 ans

L’équipe 2022 du “Moulin à Café”

Seize ans, c’est l’âge légal de l’émancipation dans la plupart des pays. Cela fait justement un peu plus de seize ans que Le Moulin à Café a ouvert ses portes pour la première fois sur la place de la Garenne dans le 14ème arrondissement de Paris. Les équipes qui se sont succédé aux commandes du café associatif ont toujours veillé à garder intactes les valeurs fondatrices des pionniers du lieu : reconnaissance et acceptation de la diversité sociale, respect mutuel et sentiment d’appartenance au même Quartier. D’aucuns avaient toutefois pu observer qu’il n’était pas très fréquenté par les jeunes vivants alentour. Un tournant semble avoir été pris cette année après le long tunnel de la fermeture consécutive à la pandémie de Covid-19. Nous avons rencontré Hélène, la nouvelle responsable de l’endroit, pour en savoir un peu plus.

Equipe renouvelée et bénévoles en or

Le Moulin à Café, qui est un des poumons associatifs du 14ème arrondissement, a enfin ôté son masque et respire à nouveau. Hélène y est arrivée en 2021 au poste de responsable-coordinatrice en remplacement de Thomas. Elle a travaillé pendant 25 ans en tant que journaliste puis rédactrice-en-chef au sein d’associations humanitaires avant d’entreprendre une reconversion professionnelle dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. C’est en vue d’alimenter son mémoire de master consacré à l’accès à l’alimentation durable des personnes en situation de précarité qu’elle a postulé au Moulin à Café pour finir par intégrer l’équipe en place en avril 2021 juste en amont de l’Assemblée Générale de l’association qui a vu Catherine Tanguy et Frédéric Vuillod échanger leur poste respectif de présidente et de trésorier. D’autres petits changements ont affecté la composition de l’équipe à l’occasion de la crise sanitaire. Au niveau du conseil d’administration, Anne-Sophie et Camille, deux jeunes femmes nouvellement arrivées, contribuent avec Hélène à redynamiser la structure en apportant de nouvelles compétences et un nouveau regard sur son fonctionnement. Côté cuisine, ça bouge également puisque le très sympathique Antonio a rendu son tablier et que Guillermo, le chef-cuisinier, quittera lui aussi le navire fin août. Loubna, jusqu’à présent bénévole de l’association, a été recrutée en tant qu’aide au service et vient compléter l’équipe de six salariés qui constitue le staff du Moulin à Café. Le café associatif continue par ailleurs (grâce à l’aide du dévoué Ronald) à accueillir de nombreux jeunes bénévoles dont l’action sur la durée est néanmoins contrariée par un turn-over important. Françoise (co-responsable du recrutement des bénévoles), Patrick et Martine, qui sont trois piliers du café associatif, restent quant à eux toujours fidèles au poste et ont été fort justement récompensés en décembre 2021 par Madame la Maire Carine Petit pour leur dévouement désintéressé de très longue date (15 ans pour l’une d’entre eux !).

Remise de médailles d’or du bénévolat à Françoise et Patrick par Mme la Maire du 14ème

Des jeunes du Quartier beaucoup plus nombreux

L’équipe du Moulin à Café est donc bien calée sur les starting blocks pour relever les défis de l’après-Covid dont celui du rajeunissement de sa clientèle et du public de ses soirées et spectacles. “Le confinement a suscité un fort désir de revenir au Moulin à Café et de fréquenter ce type de lieu pour se rencontrer, constate Hélène. C’est notamment vrai des jeunes qui ont été particulièrement mis à mal par cette crise sanitaire en étant souvent enfermés dans des petits studios sans possibilité de contact avec l’extérieur. C’est vers eux que nous avons principalement axé notre communication en les invitant à venir s’installer dans notre café associatif sans aucunement les obliger à consommer.” Les jeunes du Quartier dont certains logent dans la résidence du CROUS située juste au-dessus du Moulin à Café ont de fait pris la nouvelle habitude de venir s’y restaurer ou boire un verre en assistant à des concerts (pour lesquels un espace scénique sera prochainement mieux identifié). Le restaurant reste néanmoins également très couru des plus séniors et affiche pour cette raison souvent complet à l’heure de midi. Il est vrai que toute l’équipe du pôle restauration a maintenu des efforts constants, y compris pendant le plus dur de la crise sanitaire, pour proposer chaque jour deux menus complets dont un végétarien et permettre à tous d’accéder à prix modique (quoiqu’en légère hausse de 50 centimes) à une alimentation saine, équilibrée, bio et faite maison. “En lien avec le chef-cuisinier actuel, nous avons souhaité cette année faire des efforts sur les desserts qui n’étaient jusque là pas la spécialité, ajoute Hélène. Mais nous sommes de façon générale toujours au maximum sur du circuit court et du bio. Nous avons d’ailleurs noué un nouveau partenariat avec les saisonniers sur les oeufs et continuons bien sûr assidument à privilégier pour nos achats de produits les producteurs et commerçants locaux ainsi que la Biocoop.”

Concert des “Plastic Pulses” le 3 juin 2022

Des soirées thématiques vectrices d’un nouveau regard 

Le pôle restauration qui reste central en ce qu’il constitue un facteur essentiel de lien social n’est pas le seul à connaître un renouveau post-Covid. Nous avons en effet également pu constater que les soirées organisées au Moulin à Café attiraient bien plus de monde qu’avant la crise sanitaire au point de remplir entièrement la salle du café associatif. “J’ai essayé d’impulser une programmation relativement éclectique, nous indique Hélène. Aux concerts qui fonctionnent très bien car les groupes amateurs qui s’y produisent sont de très bonne qualité sont venues s’ajouter des soirées thématiques variées qui reflètent mon goût prononcé pour le théâtre et la culture au sens large. Nous avons fait venir des troupes de théâtre et d’improvisation théâtrale que nous avions rencontrées au Forum des Associations et un grand nombre de conférences-débats se sont tenues sur des sujets extrêmement divers. Certaines organisées de façon récurrente ont permis d’identifier le lieu comme un lieu de lutte contre certaines discriminations dont celles touchant les femmes. Nous nous sommes notamment appuyés sur la série documentaire H24 dont nous avons proposé tous les mois quatre épisodes par séance pour organiser des débats autour d’intervenants extérieurs comme par exemple Ghada Hatem qui est spécialiste de la question des violences faites aux femmes et fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis. Cela nous a permis de faire venir des gens qui n’avaient pas l’habitude de fréquenter notre endroit et également de faire évoluer les regards parce qu’il s’est trouvé des habitués qui n’avaient au départ aucune envie de participer à ces soirées et qui se sont finalement rendu compte qu’elles étaient moins des charges contre les hommes que l’occasion d’ouvrir un débat.” 

La terrasse du “Moulin à Café” où venir bronzer au soleil les après-midis d’été…

La continuité en réseau

Pas de panique pour les habitués du Moulin qui ne veulent pas trop être bousculés : les activités traditionnelles du lieu continueront à y être assurées pour tous les adhérents qui se seront acquittés du prix de leur carte d’adhésion annuelle qui est resté en 2022 de 18 euros (5 euros pour les moins de 26 ans et les minima sociaux). Improvisation théâtrale, danse jazz, gymnastique douce et jeux de société (scrabble, tarots, etc.) sont donc toujours à l’honneur dans leur café associatif préféré. Il en est de même de la scène ouverte animée par Ridha tous les vendredis du mois. Un groupe s’est également créé autour de la petite parcelle de jardin partagé située à proximité dans le jardin du Château Ouvrier, qui s’est vu chargé de s’occuper de fleurir les jardinières entourant le local. “Nous avons aussi reçu des propositions de nouvelles d’animation de la part de bénévoles du Quartier sur des activités régulières comme le chi gong, le yoga ou la relaxation sonore, nous précise Hélène qui a assuré le lien avec la Mairie prêteuse de la salle de la rue du Moulin des Lapins où peuvent s’exercer ces activités. Enfin, sous l’impulsion de son président Frédéric Vuillod, Le Moulin à Café s’inscrit désormais dans un réseau des cafés associatifs parisiens et de banlieue qui organise une fois par trimestre une conférence-débat sur la meilleure façon de créer, animer et faire perdurer un café associatif. Sous doute la meilleure façon de faire en sorte que ces lieux conviviaux puissent bénéficier d’une éternelle jeunesse sans trop compter les années !

Cliquez ici pour accéder au site (et connaître le menu du jour) du Moulin à Café.

Françoise et Patrick, respectivement 15 et 10 ans de bénévolat au four et au Moulin !

Le 14ème en graffs et en friches de Katre

Katre au travail rue Olivier Noyer dans le 14ème arrondissement (photo Jérôme Thomas)

Antonin Giverne, alias Katre, est un artiste reconnu, qui voyage aujourd’hui en France et dans le monde entier pour faire partager sa fascination pour les friches industrielles et les endroits abandonnés qu’il fait revivre en les transformant en oeuvres d’art. Il n’en est pas moins resté très attaché au 14ème arrondissement de Paris où il a toujours vécu pendant que s’affirmait son identité artistique située au point de rencontre du graffiti, de la photographie et de l’art contemporain. Il nous en a dit quelques mots autour d’un café au Verre Siffleur, le bistrot de la rue d’Alésia.

Baigné dans la contre-culture graffiti du 14ème

Avant de devenir Katre, Antonin Giverne a grandi dans un atelier d’artistes de la rue de Ridder dans le 14ème arrondissement de Paris. Ses parents qui sont professeurs d’arts plastiques l’emmènent très tôt visiter des squats parisiens dont les murs recouverts de tags et de fresques multicolores l’impressionnent beaucoup. Il ne manque pas d’en garder une trace sur l’appareil photo que lui a offert sa mère photographe. Dès l’âge de 13 ans, il s’exerce lui-même à graffer sur la Petite Ceinture à la porte de Vanves. “Cet endroit non-autorisé que j’ai découvert grâce à mes parents et où l’on croisait parfois des bandes de skinheads était à l’époque un repère important pour les graffeurs français, se rappelle Antonin. Il fait partie intégrante de la contre-culture graffiti du 14ème qui constitue une identité artistique à part entière de notre arrondissement même si elle est bien sûr bien loin d’être aussi connue du grand public que celle du Montparnasse du début du XXème siècle”. Antonin évoque avec enthousiasme et nostalgie les murs et les rames de métro tagués de la ligne 13 qui éveillent son regard d’artiste ainsi que plusieurs autres lieux “magiques” situés à proximité de chez lui et qu’il a bien connus adolescent : “J’ai eu la chance de découvrir des endroits où sont venus s’exprimer les plus célèbres graffeurs du microcosme underground français (Fab, Bando, les PCP, etc.) dont j’ai pu photographier certaines fresques extraordinaires et emblématiques de la culture hip-hop dans laquelle je baignais à l’époque”. Ainsi fréquente-il assidument en sus de la Petite Ceinture le parking abandonné de Mouton-Duvernet qui était situé près de l’emplacement de l’actuel Monoprix et l’énorme “trou” du boulevard Brune dont l’entrée était située près de l’actuel bureau de poste. S’ajoutait à ces endroits très connus et très courus des graffeurs parisiens le terrain vague du Château Ouvrier à Pernety qui était à l’époque complètement vide et abandonné. Antonin ne se contente pas d’y graffer, il inscrit sa démarche dans le collectif en créant avec des copains une association qui organise toutes sortes d’évènements autour de la peinture et de la musique : “L’idée était de faire des choses ensemble tout en restant le plus autonome possible, dans l’esprit du hip- hop”, témoigne-t-il. C’est dans ce cadre et pour essayer de gagner un peu d’argent que la bande de potes va démarcher les commerçants du quartier en vue de décorer à la bombe les devantures métalliques de leurs magasins de la rue d’Alésia et de la rue Losserand…

Le dépôt de bus de la porte d’Orléans vu par Katre (rue Olivier Noyer, 14ème) (photo Katre)

Friches du 14ème

Le regard du futur Katre continue à s’aiguiser tout au long de ces années d’apprentissage. Il est d’ailleurs très possible que sa passion pour les friches industrielles et les lieux abandonnés qui est devenue sa marque de fabrique et qui a déjà fait l’objet d’articles dans de nombreuses revues d’arts (Art Magazine, Graffiti Art, etc.) soit en partie née de sa fréquentation assidue des terrains vagues du 14ème arrondissement de Paris pendant son adolescence. Ses parents (sa mère qui est photographe et son père qui travaille beaucoup sur l’architecture) ont certes également joué un rôle déterminant dans cette orientation artistique qui va l’amener à prêter attention au contenant (les friches) autant – voire plus – qu’au contenu (les graffs). “J’ai réalisé que si je voulais trouver un univers et une touche qui se démarque un peu des autres, il fallait entamer une réflexion sur ma création et y intégrer de nouveaux éléments”, se souvient-il. Le déclic a lieu quand il réalise son mémoire de fac d’arts plastiques sur la piscine Molitor et l’architecture très particulière de ce lieu abandonné. Antonin se plonge alors dans la lecture de livres d’art contemporain qui rendent compte du travail de certains pionniers de l’exploitation artistique des friches et qui l’amènent à lui-même tester des dessins et des retouches photo sur Photoshop pour affirmer et affiner un style aujourd’hui reconnaissable entre tous qui utilise des photographies d’usines abandonnées et d’endroits désertés, imprimées en grand format noir et blanc avant d’être recouvertes de calligraphies de couleur. Le 14ème arrondissement n’a pas manqué de lui offrir matière à créations. L’histoire a commencé sur le site autogéré des Grands Voisins établi sur l’emplacement de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dont Madame la Maire Carine Petit autorise l’artiste à explorer les lieux abandonnés dès 2015. Katre est par la suite l’un des tous premiers à pouvoir y bénéficier d’un atelier. Il colle à l’entrée du site une immense photo peinte représentant l’intérieur d’un bâtiment qui n’avait pas été réhabilité ni encore débarrassé de son matériel hospitalier. La série intitulée Souvenir de Paris se poursuit pendant le confinement avec des photos inscrites dans des cercles qui permettent de redécouvrir d’incroyables architectures du passé. Sont ainsi immortalisés une structure éclatée du cinéma Gaumont pendant les travaux de restructuration de 2015 (oeuvre collée rue Ernest Cresson) et le dépôt de bus de la porte d’Orléans (oeuvre collée rue Olivier Noyer). Katre a d’autres idées en tête et entend bien continuer cette série en parallèle de ses autres projets en France et à l’étranger. Il est de fait toujours à l’affut de nouvelles friches dans le 14ème qu’il aimerait pouvoir faire revivre grâce à une fresque pérenne sur un mur de notre arrondissement qui viendrait couronner la mise à l’honneur de certains de ses graffs qui a déjà eu lieu dans le cadre de différentes éditions du festival des 14’Arts. L’univers de Katre est certes un peu particulier, qui nécessite d’y regarder à plusieurs fois pour comprendre et apprécier la démarche de l’artiste. “Je vois bien que c’est plus compliqué qu’autre chose car j’ai choisi un angle différent de celui de la plupart des artistes urbains, reconnait le créateur qui n’en pense pas moins que son public a besoin d’être secoué et “perturbé”. Mes oeuvres qui mêlent graffiti, photographie et art contemporain sont moins accessibles car plus abstraites que les fleurs et les visages qui ornent habituellement les murs de Paris. Mais je ne lâche pas l’affaire parce que c’est ce qui me correspond et ce qui me fait plaisir. Et tant pis si je loupe des trucs !”. Sortir du cadre toujours, mais sans jamais sortir de Katre !

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Katre, site des Grands Voisins 2017 (photo Katre)

Soda Pop : “J’ai toujours été un touche-à-tout”

Guillaume derrière le bar du “Ton Air de Brest”

Il pétille, Guillaume Soda Pop ! Il pétule même – mais sans jamais se la péter, et c’est pourquoi il inspire d’emblée la sympathie. Il nous fallait quand même creuser davantage pour découvrir la personne qui se cache derrière le barman un peu déconneur du Ton air de Brest, le pub musical breton de la rue Maison Dieu dans le 14ème arrondissement de Paris. Et là, surprise ! Guillaume devient soudainement sérieux quand il parle de ce qui le motive profondément et qui a fini par donner sens à son existence tumultueuse : son livre dont il retravaille toujours l’épreuve finale, ses créations musicales reconnues par ses amis producteurs et DJs, et ses premières tentatives picturales. Rencontre avec un artiste-né qui n’a pas eu d’autre choix que de le devenir.

Tombé sur la tête après une “chute de 34 étages”

Guillaume nous reçoit dans son “antre” de la rue Labrouste entouré de ce qui compte le plus à ses yeux à l’heure actuelle : un synthé dans son coin piano ; un ordinateur, une groovebox et des platines dans son coin DJ ; et enfin des tableaux (réalisés à partir de photos) qu’il a placés au dessus de son divan. Il me fournira également sur la clef USB que j’ai apportée une copie de son projet de livre. “Je me consacre totalement à l’art, je me sens complètement happé par ça, nous dit le barman et programmateur musical du Ton Air de Brest. Pendant dix ans j’avais perdu le mojo et je ne voulais plus faire de musique car j’en avais été dégoutté après le burn out que j’ai fait à l’âge de 34 ans. C’est Patrick Foucteau, le patron du Ton Air, qui m’a remis le pied à l’étrier parce qu’il avait besoin d’un DJ pour un festival qu’il organisait en Bretagne. J’ai racheté des platines et c’est ça qui m’a redonné goût à la musique.” Guillaume raconte dans son livre en préparation intitulé La Guerre des Fous ce qu’a été sa vie chaotique avant son effondrement psychique : une vie de hauts et de bas ponctuée de violences pendant sa jeunesse mais également marquée par une fugitive réussite sociale quand, après un parcours scolaire plutôt moyen, le jeune haut-savoyard est devenu responsable informatique dans un grand groupe dont les bureaux sont basés dans une tour de la Défense. Excédé par sa hiérarchie et déstabilisé par la mort accidentelle d’un ami très cher, il finira par provoquer lui-même, après cinq ans de bons et loyaux services, sa “chute de 34 étages” dans les circonstances rocambolesques qu’il raconte dans son livre. “C’est le truc le plus insensé de ma vie, se souvient l’ex-informaticien. Je me suis définitivement grillé sur le marché de l’informatique”. Sorti des rails d’une existence toute tracée, Guillaume se met alors en tête de rénover un petit voilier de sept mètres tout en enchaînant courageusement les petits boulots (maçon, fromager, charpentier, aiguilleur de camions, bricoleur à domicile, dépanneur informatique, manutentionnaire à quai, etc.) jusqu’à connaître un burn-out alors qu’il atteint sa 34ème année. La Guerre des Fous signé sous un pseudonyme ironique n’est pourtant pas seulement le récit autobiographique d’un touche-à-tout poussé par la vie à certaines extrémités, c’est aussi un roman ésotérique qui raconte l’histoire d’une “épidémie de folie”. “L’écriture est quelque chose d’inné qui m’a toujours accompagné, nous révèle Guillaume. J’ai écrit mon premier livre à l’âge de huit ans et au lycée j’écrivais des nouvelles plutôt que prendre des notes pendant les cours. Jusqu’à ce qu’un jour j’entende un écrivain dire que pour écrire un bouquin il valait mieux avoir quelque chose à raconter, ce qui m’a amené à arrêter d’écrire pendant quinze ans… Mais quand j’ai fait mon burn-out qui m’a conduit au bord du suicide et de la misère, je me suis dit que cela pourrait faire une bonne histoire et je me suis remis à écrire.”

Rue de New York (d’après un tableau photo IKEA)

La revanche d’un “mauvais DJ” aujourd’hui compositeur reconnu par ses pairs 

Contrairement à beaucoup d’autres pour lesquels le sujet demeure tabou, Guillaume ne fait pas mystère de sa bipolarité qui est une pathologie psychique que partagent de très nombreux artistes et créateurs. Si cette “particularité” conduit parfois à prendre des décisions impulsives inconsidérées, elle a également souvent été à la source de la créativité des grands noms qui ont marqué l’histoire de l’art quand ce n’est pas l’Histoire tout court. Guillaume ne se prend ni pour Napoléon ni pour Van Gogh, mais a décidé de suivre son instinct et ses envies en écrivant, en peignant et en composant des créations musicales. “J’ai toujours été un touche-à-tout”, nous dit l’artiste en perpétuel devenir. La peinture, c’est tout neuf. J’ai récupéré dans la rue ce tableau IKEA qui symbolise une rue de New York et sur lequel je voyais plein de signes que je me suis finalement décidé à peindre. Car je me suis rendu compte qu’un peintre ne peint en fait jamais la réalité, mais plutôt ce qu’il perçoit de la réalité. Ca a été une révélation pour moi qui ne connaissais rien à la peinture. Ce tableau-là est mon premier tableau qui a le mérite d’exister et sur lequel je me suis complètement lâché un peu comme un bébé qui babille. J’ai maintenant plein de projets de peinture.” Mais le canal par lequel Guillaume exprime le plus volontiers son énergie créatrice reste la musique qu’il a pratiquée dès l’âge de 15 ans en faisant avec plus ou moins de succès la tournée des bars et des boites de nuits auxquels il a sans relâche proposé ses talents de DJ. “Les platines ont été mes instruments de prédilection pendant 20 ans et quand j’ai connu mes premiers troubles bipolaires à l’âge de 34 ans, j’étais en passe de devenir pro, se souvient-il. Mon burn-out a complètement rebattu les cartes. Mais j’étais au fond un très mauvais DJ quelque part, car j’étais déjà trop artiste et je voulais faire de l’expression musicale en tentant d’apporter un son que les gens ne connaissaient pas plutôt que faire danser sur Annie Cordy ou Patrick Sébastien.” Le besoin de création que Guillaume ressent depuis des années “jaillir en étoile” au travers de ses différentes activités littéraires, musicales et aujourd’hui picturales est maintenant arrivé à maturité et commence à porter ses fruits. “J’ai arrêté de faire de la merde”, nous lâche-t-il provocateur. Preuve en est la reconnaissance de ses pairs compositeurs (Yvon, Mashup Superstars) qui sont devenus ses alliés en musique. Guillaume me fait écouter quelques extraits de ses compositions créées sur Ableton Live avant de manipuler sa groovebox pour interpréter son premier titre live intitulé Roadgame inspiré d’un morceau de Kavinsky (2013). Je lui souhaite bonne chance sur les chemins épineux qui mènent au succès avant de prendre congé.

Cliquer ici pour écouter Roadgame, le premier titre version live de Soda Pop, et l’ensemble de ses derniers morceaux (dont notamment L’exclu, le choix de Pernety 14).
Guillaume devant ses platines

Patricia Benech Le Roux, “women empowerment activist”

Photo Nath Lee Vall’art

“Hom’Art pour tous !” Tel est le slogan de Garidell14, l’association fondée par Patricia Benech Le Roux, qui exprime bien ce que peut être la générosité bretonne en action. Garidell signifie galerie en breton. Patricia a choisi le 14ème arrondissement où les Bretons restent très implantés comme galerie principale des oeuvres de street art des artistes femmes qu’elle entend avant tout promouvoir. Nous l’avons rencontrée dans le Quartier Pernety où elle réside non sans avoir poussé une pointe jusqu’à la Régie de Quartier Paris 14 où elle exerce ses talents de coordinatrice de projet Lien social et cultures et même jusque dans le 13ème arrondissement à la Cité de Refuge de l’Armée du Salut où elle a également essaimé.

Faiseuse de liens à la Régie de Quartier Paris 14

C’est vraiment un très bel endroit que la Régie de Quartier Paris 14. Les portes et fenêtres peintes de toutes les couleurs de la rue Prévost Paradol sont un îlot de fraîcheur bienvenu dans le Quartier de la Porte de Vanves qui est un quartier prioritaire de la politique de la ville. C’est à cet endroit que Patricia Benech Le Roux a choisi de retourner “travailler sur le terrain” après avoir exercé pendant presque vingt ans des fonctions de chercheuse en sociologie au CNRS. La Bretonne de Trévou-Tréguignec va commencer par y être coordonnatrice de l’Accorderie Paris Sud pour conduire ce dispositif de solidarité vers l’autonomie associative et financière. L’Accorderie est l’expression d’un concept québécois qui organise des échanges de services rémunérés en temps pour lutter contre la pauvreté et l’isolement. Patricia en connait bien le fonctionnement puisqu’elle y a effectué dès 2015 un stage de quinze jours pour valider son Certificat de Formation à la Gestion Associative à la suite duquel elle est elle-même devenue accordeuse (*). “Ce qui m’a tout particulièrement plu dans ce dispositif c’est qu’il permet de développer le pouvoir d’agir des individus et des collectifs, se rappelle-t-elle. Je me retrouvais complètement politiquement et idéologiquement dans cette notion d’empowerment”. Patricia approfondit ensuite sa connaissance du travail associatif en devenant responsable de projet Lien social et cultures de la Régie de Quartier Paris 14. Comme celui de toutes les régies de quartier, l’objectif de la structure basée Porte de Vanves est double : insérer par l’activité économique et assurer le lien social avec les habitants du quartier alentour. C’est dans ce dernier registre que Patricia va tout particulièrement s’illustrer en animant le Collectif Paradol (cliquez ici) qui organise des fêtes de quartier dans le large espace piétonnier coloré de la rue Prevost Paradol. Ce groupe informel, qui se réunit une fois par mois pour un échange d’idées, rassemble actuellement une quinzaine d’associations ainsi que les bailleurs sociaux qui sont propriétaires de la quasi-totalité des murs du quartier. Les fêtes de quartier qu’il prépare sont au nombre de quatre par an : Faîtes de la soupe en mars, Paradol Plage en juillet, De l’Art à Paradol en octobre et Lumières sur Paradol en décembre. Patricia prend également part à l’animation du Café culturel Paradol (cliquez ici) en y organisant tous les mois des expositions d’artistes locaux et d’ailleurs. En plus d’instiller de la culture dans la vie du quartier dont elle a la charge de développer le lien social, la coordonnatrice de projets milite activement pour l’embauche de femmes au sein des quatre pôles de la régie dédiés à l’insertion professionnelle des habitants. “Il me tient très à coeur de favoriser le travail des femmes en insertion vu les conditions de vie très difficiles qui sont les leurs : hébergement dans des centres d’accueil, enfants en bas âge ou restés au pays, etc. Or le travail tel qu’il est pensé ne favorise bien sûr pas du tout leur insertion professionnelle. S’il ne tenait qu’à moi, nous embaucherions 100% de femmes à la Régie de Quartier Paris 14”.

Les portes et fenêtres colorées de la Régie de Quartier Paris 14

Fresques participatives 100% féminin

En parallèle de son activité salariée à la régie de quartier, Patricia développe au sein de Garidell14, l’association qu’elle a fondée en 2015, des activités bénévoles qui visent également à favoriser l’emporwerment des femmes. Au départ, Garidell14 se donnait pour objectifs généraux de favoriser l’accès à l’art et de promouvoir l’art urbain, qui est peut-être le plus accessible et le plus libre d’entre les arts, en vue de favoriser la mixité sociale et culturelle. “J’ai été complètement renversée par l’esthétique et l’invention de certains street artists, se souvient l’ex-chercheuse en sociologie. L’exposition de 2013 de Keith Haring au Centre Pompidou ainsi que celle intitulée “Le pressionisme” qui s’est tenue la même année à la Pinacothèque et qui raconte l’histoire du street art à New York (avec des artistes comme Lady Pink, Basquiat ou Rammellzee) ont été de véritables chocs et les déclics de ma passion pour l’art urbain. J’ai également été très impressionnée par les pochoirs de Kristx que j’ai pu admirer au milieu de graffs et de fresques de toutes sortes en me rendant à Ivry-sur-Seine. On peut vraiment être scotché par les oeuvres de certains artistes urbains en arpentant les rues d’une ville”. Sa sensibilité féministe affirmée va l’amener à tout particulièrement s’intéresser aux street artists femmes. Elle commence par mettre en place des expositions qui en promeuvent les oeuvres à la Maison des Associations du 14ème, puis dans différents autres lieux qui réunissent jusqu’à 25 artistes et plus. La première fresque participative 100% féminin qu’elle organise va redonner vie à un mur du Collège François Villon à la Porte de Vanves en 2017. Mais le plus beau projet qu’elle a réalisé à ce jour est sans doute celui de la Cité de Refuge qui dépend de l’Armée du Salut et qui est abritée par un immeuble conçu par Lecorbusier situé dans le 13ème arrondissement de Paris. Christophe Piedra, le directeur du centre d’hébergement, se félicite que Patricia soit venue mettre de la vie dans ce lieu ouvert aux arts et à la culture : “L’idée de départ était de faire une exposition éphémère, se souvient-il. Mais sentant le fort potentiel de ce que Patricia pouvait nous apporter, je lui ai proposé de s’occuper également des murs de la Cité avec le concours des personnes accueillies qui se chargeraient de choisir les oeuvres des street-artists femmes et même de participer à leur création. Le fait d’avoir orné les murs de graffs de qualité a complètement changé l’atmosphère de la Cité des Dames qui est le dispositif que nous avons créé pour accueillir les femmes en précarité”. C’est à nouveau le mur du collège François Villon dans le 14ème arrondissement qui aura les honneurs du prochain projet porté par Patricia en accueillant une nouvelle fresque participative 100% féminin qui sera réalisée en juin 2022 à partir des choix effectués par un jury d’habitants composé d’élèves de Villon, de locataires RIVP et de jeunes du Centre Socioculturel Maurice Noguès qui se verront proposer sur Instagram différentes oeuvres réalisées par des artistes femmes. Sans nul doute une nouvelle façon de surprendre et d’interpeler les habitants et passants de la Porte de Vanves en produisant d’éphémères mais authentiques oeuvres d’art. “Celui qui ne voit rien d’étrange n’a jamais regardé un homard en face” (Auguste, comte de Villiers de l’Isle-Adam).

Graff “en construction” de Kaldea à la Cité de Refuge (2019)

(*) Patricia est aujourd’hui membre du conseil d’administration et vice-présidente de l’Accorderie Paris Sud.

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COQUA, pour redonner le goût du collectif à Pernety-Plaisance

Manifestation pour le retour des feux tricolores à Pernety (Sylvie Boudoulec à droite)

Alors que l’abstention aux différentes élections ne cesse de battre des records, nombreux sont celles et ceux qui continuent à vouloir s’impliquer dans leur vie de quartier, à l’intérieur ou hors du cadre institutionnel de la démocratie participative, pour améliorer la qualité de vie des citoyens-habitants. Nous avons rencontré Sylvie Boudoulec, la porte-parole de COQUA, un collectif rassemblant une centaine de personnes particulièrement actives dans notre barrio.

Un diagnostic sévère mais juste de la dégradation des conditions de vie à Pernety-Plaisance

La charte de COQUA (cliquez ici) détaille sur deux pages et demie les objectifs que s’est assignés le Collectif des habitants, usagers et riverains du quartier Pernety-Plaisance et qui s’articulent notamment, mais pas exclusivement, autour de la restauration d’une meilleure sécurité et d’une plus grande propreté dans notre Quartier. Sylvie Boudoulec, la porte-parole de COQUA, a exercé par le passé les fonctions de chef d’établissement dans plusieurs zones d’éducation prioritaire. Elle est donc également très sensible à la question éducative qui est souvent à la base des problèmes de délinquance et d’incivilité. Entourée d’une centaine de personnes dont certains sont des acteurs de la vie sociale, elle mène depuis plus de sept ans un combat résolu contre la dégradation des conditions de vie des habitants de Pernety Village. COQUA, qui se veut totalement indépendant des partis politiques et des groupements confessionnels, porte haut les valeurs et principes de pluralisme, de laïcité, de mixité sociale et défend ardemment la possibilité d’argumenter rationnellement dans les débats. Le collectif s’est affirmé ces dernières années comme un interlocuteur crédible de la Mairie du 14ème arrondissement et de la Préfecture de Police de Paris pour toutes les problématiques qui concernent la qualité de vie et la qualité de l’environnement dans notre Quartier. Lors des élections municipales de 2020, il a souhaité interroger les candidats en lice sur leur projet respectif pour notre arrondissement et a notamment pu rencontrer Mme Carrère-Gée ainsi que MM. Azière, Letissier et Villani sans toutefois réussir à obtenir audience auprès de la municipalité en place qui a été reconduite autour de Madame la Maire Carine Petit. “Nous ne fonctionnons pas mieux avec la nouvelle équipe municipale qu’avec l’ancienne, nous confie Sylvie qui déplore l’absence de réelle concertation entre les représentants de la municipalité et les habitants et usagers du Quartier. La concertation ne peut en aucun cas pas être confondue avec la communication et l’information diffusées unilatéralement par les autorités municipales ou la désignation par la Mairie de quelques individus comme seuls interlocuteurs valables sur un dossier, encore moins avec le recours à des commissions de conseils de quartier filtrant les propositions sans critère objectif de sélection.” Quand bien même elle s’est investie depuis peu à titre personnel au Conseil de Quartier Pernety avec lequel les “Coquaziens” auraient souhaité mieux collaborer ces dernières années, Sylvie n’en déplore pas moins les “dérapages” de la démocratie participative qui a notamment vu disparaître fin 2018 du conseil de quartier la commission Vivre ensemble, paix sociale et sécurité initiée en 2016 par COQUA et certains commerçants réunis au sein de l’association des Plaisanciers. Une autre illustration de ces “dérapages” est le refus affirmé de toute concertation avec les habitants non répertoriés comme handicapés sur le sujet devenu aujourd’hui obsolète de la suppression expérimentale des feux tricolores sonorisés. Le déni de démocratie s’accompagne parfois d’un déni de réalité lorsque, comme le déplore Sylvie, l’adjoint en charge de “la prévention, de la police municipale, de la tranquillité publique et de la Ville du quart d’heure” refuse de voir inscrire dans l’intitulé de sa charge le terme sécurité comme s’il n’acceptait pas de s’en voir attribuer officiellement la responsabilité alors que la sécurité s’est pourtant bien dégradée dans notre Quartier depuis quelques années en nourrissant le sentiment d’abandon et de déclassement des populations, notamment celles qui résident dans les cités HLM.

Apéro pour fêter la réactivation des feux tricolores avec les partenaires non voyants devant la librairie “Les Tropiques”

Des propositions et des actions concrètes pour remédier à la situation dégradée du Quartier

Pour pallier les manques et manquements de la municipalité – qui a néanmoins été dotée depuis novembre 2021 d’une police municipale (mais en effectif toujours actuellement insuffisant) – , COQUA se veut résolument constructif. “Nous ne sommes jamais seulement dans la critique et nous avons des propositions concrètes, insiste Sylvie. Et c’est pourquoi nous continuons à rencontrer un maximum de gens – des élus comme des personnes de terrain – pour continuer à nouer un dialogue fructueux”. La porte-parole de COQUA déplore toutefois qu’une partie des élus soit constituée d’anciens militants associatifs auxquels leur passé donne certes une légitimité mais qui n’ont aucune réelle idée de ce que peuvent représenter les contraintes liées à l’administration d’une commune de plus de 120.000 habitants dont ils partagent la charge avec la Mairie Centrale. “Il n’y a pas d’évaluation pour vérifier que les objectifs qu’on s’est fixés ont bien été atteints et il n’y a pas d’analyse globale et systémique, sans espace-temps intermédiaire entre le très court terme et une vision très lointaine et utopiste, des projets et idées portés. On ne s’improvise décidemment pas sans transition ni formation adjoint au Maire”, fait remarquer Sylvie. Pourtant, des solutions de bon sens existent, qui pourraient par exemples consister à auditer les associations subventionnées qui animent le Quartier ou font de l’accompagnement social et scolaire, ou bien à doter le Quartier Pernety d’un véritable centre d’animation pour les jeunes qui viendrait en complément de la ludothèque proposée par l’association Florimont. “Plutôt que d’affirmer une volonté pérenne de prendre les choses en main en assurant et en contrôlant la qualité des prestations fournies, la municipalité se contente le plus souvent d’un saupoudrage d’activités ponctuelles et à la carte qui ne satisfont en définitive personne”, regrette Sylvie. Un exemple caricatural de l’absence de réelle volonté municipale est illustré par le destin du voeu porté par COQUA qui a pourtant été voté en mars 2021 en Conseil de Paris et qui a trait à la prévention de la délinquance en prévoyant le financement de deux postes supplémentaires d’éducateurs spécialisés à la Fondation Jeunesse Feu Vert basée à Pernety-Portes de Vanves et d’Orléans. Ce financement n’a toujours pas aujourd’hui été débloqué et l’équipe Feu Vert attend depuis maintenant plus d’un an l’arrivée des deux nouveaux éducateurs qui continuent à cruellement lui manquer… Pour autant, COQUA ne prêche pas toujours dans le désert. Des liens fructueux ont ainsi été noués avec le commissariat de police du 14ème arrondissement et renforcés suite aux évènements du 14 juillet 2020 marqués par des affrontements entre jeunes du quartier et policiers. COQUA a été invité aux réunions qu’il organise et va être associé à un groupe opérationnel de prévention-sécurité destiné à élaborer des solutions pour chaque problème détecté en travaillant avec les acteurs de terrain que sont les établissements scolaires, les associations de locataires, les gardiens d’immeubles et le Groupement Parisien Inter-bailleurs de Surveillance (GPIS). “On veut passer d’un discours faussement rassurant qui exaspère les habitants du Quartier à des pratiques d’intervention et de construction (y compris de co-construction) réelle et qui donne des résultats”, nous assure Sylvie. Mais ce n’est bien évidemment pas le seul sujet sur lequel COQUA s’active, et le collectif est également très en pointe pour suivre les développements des nombreux chantiers qui se déploient jusqu’à Montparnasse dont notamment le projet de forêt urbaine place de Catalogne. Les renards ont intérêt à bien se tenir !

Pour contacter et/ou rejoindre COQUA, vous pouvez envoyer un email à 75coqua14@gmail.com. Vous pouvez aussi vous connecter au compte Twitter du collectif : @Coqua14.

Yves André dit Gallas, le Trouvetou du quotidien

Comment trouver une bonne idée d’article ? Fort heureusement, nous bénéficions aujourd’hui de l’aide de quelques anges gardiens, parrains ou marraines du Quartier, pour nous guider vers les plus sympathiques et atypiques personnages qui le peuplent. Ainsi avons-nous été mis sur la piste d’Yves André dit Gallas, un créateur d’objets de la vie quotidienne qui a déjà eu les honneurs de nombreux médias télé à raison des inventions auxquelles il a su donner corps. Rencontre au bar-restaurant Le Laurier.

La première lumineuse idée de la Tour Eiffel

Adolescent, Yves était fasciné par les jeux de lumière. C’est cette passion qui a mené ce Versaillais tout juste diplômé en électro-technique à pousser un jour la porte du Casino de Paris pour proposer ses services comme éclairagiste de music hall. Pendant trois ans, il va apporter sa note personnelle aux revues menées par Line Renaud en caressant les corps des danseuses nues de ses effets de lumière. Dissuadé de persévérer dans cette voie par son entourage familial, il fera finalement carrière comme spécialiste de l’environnement informatique chez Bull, puis Digital Equipment Corporation devenu par la suite HP. En 2000, Yves saisit l’offre de départ qui lui est faite pour devenir un court instant importateur de produits québécois. Une nuit de 2001, alors qu’il contemple la Tour Eiffel qui scintille, surgit soudainement l’idée du créateur : un pins lumineux représentant la Dame de fer. Yves va le faire fabriquer en grande quantité en Chine grâce à une chinoise rencontrée par l’intermédiaire d’amis hong-kongais. “J’ai vraiment cru à mon produit, se rappelle-t-il. C’était un beau produit, un pins en forme de Tour Eiffel qui scintille grâce à un système de Micro-LED, que je proposais à un prix acceptable et que j’ai présenté dans un premier temps sans succès aux boutiques de la Tour Eiffel – les Relais H du Groupe Lagardère –  jusqu’à ce qu’une dame chargée de la gestion de ces boutiques y croit elle aussi et décide de lui donner une chance”. Belle intuition car le succès est au rendez-vous auprès des touristes aussi bien dans les boutiques de la Tour Eiffel que dans les magasins de souvenirs parisiens qu’Yves prend soin de soigneusement sélectionner en décidant de n’en alimenter qu’un seul par zone touristique. La gérante de la boutique de la rue Mouffetard lui présente l’adjointe chargée du tourisme du Maire de Paris Bertrand Delanoë, qui tombe littéralement amoureuse du produit et lui fait faire le tour du monde à l’occasion de la préparation de la candidature de la Ville de Paris aux Jeux Olympiques de 2012. De quoi alimenter la production de pins pendant trois ou quatre ans jusqu’à ce qu’Yves se fasse “voler son idée” par des concurrents chinois qui décident de la répliquer en produisant un modèle bas de gamme et bon marché qui sera largement diffusé dans les boutiques de souvenirs parisiennes, y compris dans celles auxquelles l’inventeur avait donné l’exclusivité de la distribution de sa création. Se sentant trahi, Yves prend alors la décision d’arrêter la production de pins et ne reviendra pas sur celle-ci lorsque, comme prévisible, les ventes du produit chinois s’effondreront quelques mois après son lancement.

ClipHop et TopCan

Toucher le fond du trou financier au moment de la crise de 2007-2008 ne décourage nullement notre inventeur qui va repartir de l’avant avec des idées de nouvelles inventions. D’où lui viennent-elles ? “Ce sont juste des situations et des circonstances qui font que, nous révèle Yves. J’ai inventé Top Can, mon bouchon pour canette, parce qu’un jour j’ai renversé ma canette par terre. Quand à ClipHop, mon système de fermeture pour sachets, je l’ai inventé pour résoudre une problématique du quotidien : trouver autre chose qu’une épingle à linge ou bien des élastiques pour refermer les sachets d’aliments. Ce sont en fait des problématiques toutes simples que je veux régler par moi-même. Après, je fonctionne aussi par association d’idées. Pour le système à crémaillère de ClipHop, j’ai trouvé mon inspiration dans une paire de menottes que m’a offert un ami policier pour mon anniversaire. J’ai trouvé ça rigolo !” Les inventions d’Yves répondent le plus souvent à un besoin de la vie courante, et c’est ce qui le rend si sympathique à ses clients-acheteurs qu’il rencontre sur les foires dont celle de Paris qui abrite le concours Lépine dont il a remporté la médaille d’or en 2015 dans la catégorie des produits du quotidien. C’est un véritable spectacle de voir l’inventeur et fils de maraîchers se démener dans son stand de quatre mètres carrés tout à la fois à l’assaut et à l’écoute de ses clients qui ne manquent pas de lui faire des retours sur ses produits dont il va se servir pour les faire évoluer en permanence. “J’ai toujours adoré le contact avec les gens, que je retrouve quand je fais mes foires, nous explique Yves. Et je crois que les gens ressentent le plaisir que j’éprouve à faire mes trois cent démonstrations par jour car je ne lâche absolument rien. Ils me félicitent pour mes produits et sont tous très contents du spectacle que je leur offre car je les y fais participer. Quand on fait participer les gens, le chemin de la vente est déjà à moitié fait. D’autant que je suis personnellement incapable de vendre un produit que les gens ne vont pas utiliser : je tiens absolument à ce qu’ils sachent l’utiliser et à ce qu’ils l’utilisent”. A la fois créateur et showman, Yves exprime son identité étouffée d’artiste à travers ses inventions et leur diffusion dans le public. “Les inventeurs ont un pied dans le système et un pied hors du système, considère-t-il. Nous sommes tous un peu rêveurs, nous sommes tous un peu des marginaux quand même”. Il convient néanmoins de garder les pieds sur terre car le chemin est long de l’idée à l’objet même si les produits peuvent paraitre simples au final : il va falloir les dessiner, puis trouver l’usine qui les fabriquera. D’ailleurs, toutes les idées n’aboutissent pas. Seulement une sur dix, estime Yves qui reconnait être parfois aveuglé par son enthousiasme quand surgit l’une d’entre elles. Fort heureusement, ses amis sont là pour le faire atterrir car on aurait tort de se croire à tous les coups génial quand d’autres ont découvert des vaccins ou des solutions pour préserver l’environnement. “Mon objectif reste de me rendre utile et de rendre service aux gens”, nous glisse Yves que les difficultés de distribution de ses produits ont rendu modeste. La pierre philosophale comme ultime (ré-)invention ?

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