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“Prométhée Humanitaire” : 25 ans de feu sacré pour aider les enfants des rues

Claire Falisse et Farah, bénévole à Prométhée Humanitaire, au Forum des Associations 2021 organisé par la Mairie du XIVème

Prométhée Humanitaire fêtera bientôt ses 25 ans d’existence. C’est dans le 14ème arrondissement de Paris que l’association de protection de l’enfance en danger à travers le monde a son siège. Nous sommes allés à la rencontre de Claire Falisse, sa co-fondatrice et directrice, un peu en amont de la 50ème édition de la grande vente d’objets de créateurs qui se tiendra les 4 et 5 décembre 2021 à l’Espace Commine (75003) pour contribuer au financement de la structure caritative.

Une actrice happée par l’humanitaire

Rencontrer Claire Falisse est relativement déstabilisant pour qui ne sait pas ce qu’est le don de soi. Même si sa modestie doit en souffrir, nous ne pouvions parler de Prométhée Humanitaire sans toucher un mot de celle qui, avec son amie Clotilde Heusse, est à l’origine de cet ambitieux projet d’aide aux enfants des rues. Car nous avons passé plus d’une heure et demi les yeux écarquillés et un peu abasourdi à l’écouter nous en parler. Claire Falisse se défend pourtant vivement d’être une sainte. Celle qui se destinait d’abord au métier d’actrice est arrivée en France il y a 35 ans en provenance de sa Belgique natale. Elle ne se doute pas encore qu’elle va se faire happer par l’humanitaire à l’occasion du tournage au Cambodge du téléfilm Les Saigneurs d’Alain Butler dont elle interprète l’un des personnages aux côtés de Véronique Jannot et de Claude Giraud. Cela ne va pourtant être qu’une demi-surprise pour sa famille qui l’avait déjà vue manifester son empathie pour les plus malheureux sur les traces de son père qui en Belgique prêtait main forte à l’Abbé Pierre. Mais ce voyage au Cambodge va être le véritable déclic de sa vocation rentrée de Saint-Bernard. Elle participe aux actions de Médecins Sans Frontières en visitant des orphelinats dont elle est frappée par l’état de délabrement et qui abritent dans des conditions d’hygiène extrêmement limite des enfants que l’inactivité et l’absence de stimulations a rendu à moitié autistes. Quelques années plus tard, à l’occasion d’une visite au Vietnam en compagnie de son amie Clotilde Heusse, elle est de nouveau assez stupéfaite de constater dans quelles conditions de dénuement vivent de nombreux enfants SDF. De retour en France, les deux femmes vont décider de s’engager durablement en leur faveur en créant l’association Prométhée Humanitaire.

Réparer et aider les enfants des rues sur le long terme

C’est un travail titanesque qui les attend. D’autant que les enfants des rues qui vivent principalement du vol, de la mendicité et de la prostitution, sont partout dans le monde mal perçus et stigmatisés. « Pour beaucoup de gens, ce sont des enfants foutus, témoigne Claire. Pourtant à 98%, nous en avons fait des hommes et des femmes bien, c’est-à-dire habités par le respect de l’autre et la bienveillance, et qui sont capables de donner à leurs propres enfants l’amour qu’ils n’ont pas eux-mêmes reçu ». Les enfants des rues se distinguent en effet essentiellement des orphelins par leur déficit affectif de départ. « Ils sont plus difficiles à mettre debout car la plupart du temps ils n’ont pas eu la base, nous explique leur maman de substitution. Ils sont partis de chez eux dès qu’ils ont pu marcher, mais ça n’a jamais très bien fonctionné. Ce sont souvent des enfants de gens très pauvres, de cas sociaux, de fous ou d’alcooliques. C’est pour cela que leur redonner confiance en l’humain et en la vie peut prendre du temps. Pour les sauver, il n’y a pas deux solutions : il faut leur offrir un abri 24h/24 et surtout leur proposer un vrai projet d’avenir auquel ils pourront s’accrocher. » Prométhée Humanitaire entend ainsi ausi bien se démarquer des grosses ONG qui manquent de souplesse et d’à propos et se contentent de proposer des programmes de retour en famille plus ou moins efficaces, que des petites associations locales qui manquent cruellement de moyens et qui proposent soit des centres de jour soit des centres de nuit. L’action de l’association humanitaire française se situe quant à elle sur le long terme et sa directrice est particulièrement fière d’avoir « élevé » et scolarisé douze enfants qui sont aujourd’hui universitaires. « Ce que nous faisons, nous voulons le faire bien, insiste Claire. Il vaut mieux s’occuper de moins d’enfants et le faire honnêtement sur le long terme plutôt que dépenser de l’argent en pure perte pour des actions ponctuelles et sans aucun suivi ».

Une présence en Haïti, à Madagascar et au Sénégal

La structure caritative est aujourd’hui présente en Haïti aux côtés du centre d’accueil Chemin la Vie, au Sénégal avec l’association SPER et à Madagascar en soutien du Centre Ranovozantsoa. En s’appuyant sur ce réseau d’associations partenaires locales, Prométhée Humanitaire s’emploie à proposer une prise en charge totale des enfants abandonnés en construisant et en animant des centres d’accueil qui leur assurent subsistance et scolarisation dans un cadre de vie stable et pérenne. Les réalisations sont multiples, qui toutes visent à l’intégration par le travail dans des pays qui souvent n’en proposent pas (a fortiori depuis l’épidémie de Covid). Elles peuvent prendre ici la forme de la création d’une boulangerie solidaire tenus par les enfants ou bien là celle de jardins potagers dont ils seront chargés de l’entretien. « Nous recherchons actuellement activement des sponsors pour créer des petits jardins écolos sur différents sites où nous sommes implantés, nous précise Claire. Nous avons des terrains pour le faire en Haïti et en Casamance au Sénégal. Les enfants pourraient y apprendre à travailler alors même qu’ils n’ont jamais vu leurs parents le faire et également à être plus autonomes et auto-suffisants dans un environnement économique aujourd’hui très dégradé. Bien sûr, dans ces pays très pauvres, cela nécessite de construire des murs pour empêcher que les productions ne soient volées. Nous avons commencé à le faire en Haïti sur le grand terrain dont nous disposons et sommes également sur le point de le faire au Sénégal. » Tous les donateurs sont bien sûr les bienvenus, qui pour aider à la construction des murs, qui pour participer à celle d’un poulailler. Pour venir en aide aux 160 enfants aujourd’hui suivis par Prométhée Humanitaire, l’association de bienfaisance ne recevra en effet jamais trop de dons (ouvrant droit à réduction fiscale à hauteur de 75% de leur montant). Elle organise par ailleurs chaque année grâce à la générosité de nombreuses entreprises partenaires et à l’aide de ses bénévoles deux grandes ventes de créateurs pour financer ses projets solidaires. La cinquantième édition de cette vente aura donc lieu les 4 et 5 décembre prochains à l’Espace Commine dans le troisième arrondissement de Paris. Courrez-y un peu avant Noël si vous voulez faire du bien avec du beau !

Cliquez ici pour faire un don à Prométhée Humanitaire (don ouvrant droit à réduction fiscale à hauteur de 75% de son montant).

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Cliquez ici pour accéder au site de Prométhée Humanitaire.

Alain Vlad, un professeur à l’école de la rue

Alain Vlad et Béatrice Giudicelli à la terrasse de « L’Imprévu »

Dans un célèbre livre autobiographique paru en 1933 et intitulé Dans la dèche à Paris et à Londres, George Orwell décrit de façon poignante ce qu’est la pauvreté : exploitation au travail, alcool, maladies précoces et faim presque permanente. Alain Vlad a également connu la dèche à Paris et, ces deux dernières années, à Paris XIVème. Il s’en sort aujourd’hui grâce à la générosité de Quatorziens qui l’ont pris sous leur aile. Rencontre place Flora Tristan à la terrasse du café L’Imprévu.

Besoin d’ailleurs et d’autre chose

La dèche ne fait pas toujours perdre le respect de soi-même et des autres. A notre approche, Alain se lève de la table de L’Imprévu qu’il partage avec Béatrice Giudicelli. Ce migrant d’origine roumaine n’a en réalité jamais cessé de faire des efforts pour se faire bien accepter de son pays d’accueil. D’ailleurs, son vrai prénom est Alin et non Alain. S’il l’a francisé, c’est moins pour complaire à Eric Zemmour que par souci de simplicité, pour éviter les confusions. Alain nous raconte comment il a quitté son poste de professeur de physique-chimie qu’il occupait dans sa Roumanie natale, dix ans après la chute du tyran communiste Ceaușescu et presque dix ans avant l’adhésion de son pays d’origine à l’Union Européenne. C’est l’Angleterre d’avant le Brexit qu’il avait à l’époque en vue pour y réaliser ses rêves d’ailleurs et d’autre chose loin de la bureaucratie et de la corruption qui sévissaient alors en République roumaine. Mais la perspective de mourir asphyxié au dessus des roues d’un camion en partance pour « l’Eldorado » britannique l’a sagement fait reculer. Il se réfugie finalement en France où il travaille dans le bâtiment à la conduite de chantiers ou bien pour assister les architectes dans la finalisation de leurs plans. Les conditions très précaires dans lesquelles il travaille ne lui permettent pourtant pas de mener grand train. En proie à des difficultés financières, il se brouille avec la parentèle qui l’héberge à Paris et choisit la rue pour décor de la suite de ses aventures. C’est la plongée plus ou moins volontaire dans la dèche qu’Alain va d’abord expérimenter pendant plusieurs années rue des Barres entre l’Hôtel de Ville, l’église Saint-Gervais et la Mairie du IVème.« Là-bas, tout le monde me connaissait même le Maire Ariel Weil avec lequel j’ai sympathisé, se remémore Alain. Je faisais du soutien scolaire pour les collégiens dont je surveillais les devoirs. J’ai même inspiré une exposition de dessins et d’aquarelles réalisés par une peintre et qui m’ont eux-mêmes inspiré des haikus. Nous exposions nos oeuvres devant les arbres du jardin à côté. »

La dèche à Paris XIVème : Alain devant le « Café Chineur » rue Raymond-Losserand en mai 2021 (crédit photo Alain Gorich/Figures du XIVème arr.)

Un contemplatif amoureux des livres

C’est dans le XIVème arrondissement de Paris qu’Alain trouve finalement ses repères. Il y est tout aussi populaire et y détonne tout autant que dans le centre de Paris. En plus d’être une épicerie-bazar ouverte de jour comme de nuit (car notre ami roumain pratique assidûment le partage et la redistribution avec ses compagnons d’infortune), Alain est également une véritable bibliothèque ambulante. Il traine en effet avec lui en permanence et depuis des années tout un carton de livres.« C’est grâce aux livres que j’ai pu apprendre le français en deux ans, se souvient-il. Grâce aussi, c’est vrai, à la télé et aux films sous-titrés de la chaîne Arte ». Plutôt que de mendier, Alain lit toute la journée. Il lit absolument tous les livres exceptés les livres politiques. Occuper son esprit est pour lui une question de dignité au même titre que rester propre ou prendre soin de son habillement. « Les habitants du quartier sont souvent interloqués car lorsque je lis, je passe régulièrement « en mode réflexion » et je regarde droit devant moi dans le vide. Visiblement, ça les interpelle et il me laisse parfois de l’argent », témoigne celui qui ne concourt pourtant pas dans la catégorie des maîtres zen. Ce comportement atypique – et, il faut bien le dire, reposant pour les passants – n’a pas manqué de le rendre sympathique aux Quatorziens. Le bienveillant bouche à oreille dont il bénéficie a eu tôt fait de susciter la curiosité de Béatrice Giudicelli qui a décidé en mai 2021 de lui consacrer un nouvel opus de Figures du XIVème, la série d’entretiens filmés et dessinés de figures inspirantes de l’arrondissement qu’elle réalise depuis plusieurs années avec ses complices France Dumas et Alain Goric’h. Le reportage intitulé Tourner la page va susciter un mouvement de solidarité locale qui a aujourd’hui pour heureux résultat de lui faire enfin bénéficier d’un toit rue de Gergovie à quelques dizaines de mètres seulement de son repaire de la rue d’Alésia. Petit à petit, l’oiseau fait son nid et prépare même aujourd’hui son envol professionnel car, fort de son important background scientifique de physicien, Alain espère vivement retrouver du travail dans le secteur de l’énergie. Le projet qu’il a en tête reste toutefois à ce jour top secret !

Michel Bühler (*) ne met pas d’eau dans son vin (Rouge) !

Crédit photo Anne Crété

Nous nous sommes trouvés un peu démunis lorsque nous avons décidé de consacrer un article de notre modeste blog de Quatorzien à Michel Bühler que nous croisons régulièrement au bistrot Le Laurier à l’angle de la rue Didot et de la rue Pernety où il a son pied-à-terre parisien. Car tout ou presque a déjà été dit sur « Bubu » qui a notamment déjà eu les honneurs de la télévision suisse (cliquer ici pour la belle émission de Manuella Maury sur la RTS Un). Pour autant, l’auteur-compositeur-interprète helvète n’est toujours pas à court d’inspiration et revient aujourd’hui à la charge avec Rouge, un nouvel album de chansons françaises à texte qui affiche clairement la couleur. L’occasion pour nous de lever un verre à sa santé !

« Un connard qu’a jamais dû ramer »

Etre Suisse, cela ne veut pas forcément dire être neutre. Né aux pays des banques, Michel Bühler est un artiste engagé qui n’a jamais mis son drapeau (rouge) dans sa poche. Plusieurs de ses chansons sont de virulentes charges contre le système capitaliste et la course au profit qui saccage la planète, exploite les humbles et laisse les plus fragiles sur le carreau. D’entrée de jeu ou presque, Pour se payer des yachts donne le ton : « Pour se payer des yachts / Et les pétasses qui vont avec / Pour se remplir les poches / De billets verts puant la mort / Pour être les plus gros / Pour être les plus forts / Ils ont violé sans vergogne la terre / […] Ils ont tué la mer et les coraux / […] Ils ont laissé sur le chemin / Terrassés par la faim / Dix millions de gamins ». Plus loin encore en milieu d’album, Ils étaient huit Polonais raconte l’histoire malheureusement tristement banale de travailleurs immigrés exploités puis remerciés par un patron indélicat. Plus de cinquante ans de chansons n’ont pas calmé Michel Bühler – bien au contraire. On a même l’impression qu’il est de plus en plus rouge (de colère), et qu’aucune argutie politique ne saurait venir à bout de la révolte face aux gâchis et aux injustices qui gronde en lui. Tous aux abris quand il tacle notre bon Président Macron dans Papillon de nuit ! : « Un connard qu’à jamais dû ramer / S’ met à dire que de l’autr’ côté d’ la rue / Y a tout l’ taf qu’on veut, qu’ y a qu’à s’ baisser / Moi pauv’ pomme pauv’ con, ben je l’ai cru / Tous les boulots d’ merde m’ les suis tapés / Laveur de vitres frotteur de trottoirs / Par téléphone vendeur de volets / Livreur à vélo dans la nuit noire (au noir!) / Bizarre j’ai pas fait mon beurre / J’ai dû rater l’ascenseur / Mais j’ai pu mesurer la tendresse / Des p’tits chefs qu’ aboient derrière tes fesses ». L’espoir (titre de l’une de ses précédentes chansons) semble vivre loin de ce monde puisque, chante-il dans Sapiens, « Nous n’avons rien appris » : « Pour un Villon, pour un Mozart / Pour un Van Gogh au désespoir / Combien de salauds dans l’histoire / De bourreaux d’ordures notoires / […] Passent les siècles, les empires / Passent les fils passent les pères / A chaque fois pareille et pire / Comme un ressac revient la guerre / A chaque génération / Les cimetières sur l’horizon / Les champs de ruines à l’infini ». Qui va réconcilier Michel Bühler avec la vie ? Les femmes, les copains de bistrots ou bien la poésie ?

Crédit photo Anne Crété

« Chanter c’est vivre un peu plus »

On aurait en effet tort de ne voir en « Bubu » qu’un contestataire dépité de constater que le monde tel qu’il est n’est pas à la hauteur de celui qu’il devrait être. Rouge s’ouvre d’ailleurs sur une chanson de l’attente (et du confinement…) qui n’est rien d’autre qu’une déclaration d’amour à une mystérieuse Nanou… Comme souvent les idéalistes, Michel Bühler est en réalité un sentimental qui cultive un monde intérieur un peu mieux fréquenté que celui qu’il nous est habituellement donné de côtoyer. Une fois éloignés les fâcheux restent l’être aimé et les amis, toutes celles et tous ceux à qui il aime consacrer du temps. Ainsi en va-t-il dans Chanson pour Manuella de la bonne amie qui s’est fait cruellement larguer : « C’est pas parc’ qu’un mec s’est tiré / Manuella / Qu’il faut t’effondrer / Plus bouger rester là / T’as piqué du nez / T’as le cœur en gravats / Ça laiss’ rien debout un amour qu’est plus là / Pourtant cascades et falaises / Soleil couchant sur tes glaciers / L’automne aux branches des mélèzes / A mis de l’or pour te fêter / Bientôt viendra le blanc silence / La neige froid duvet de coton / Ç’ a toujours un vieux goût d’enfance / L’hiver qui nous garde aux maisons ». Quelle meilleure consolation en effet que la contemplation de la nature – ou de ce qu’il en reste encore… ? Pour les citadins, la poésie peut aussi se nicher dans les troquets de quartier avec bien sûr à boire et à manger comme à prendre et à laisser : « […] Voilà qu’verre en main, toujours gaillard / J’ me mets à zoner de bar en bar / J’y croise Dugland Machin Cézigues / L’Informé c’lui qu’ en sait long sur tout / Le Bavard qu’on fuit vu qu’il fatigue / Et Patou le p’tit qu’a les yeux doux / D’accord ça fait peu de Prix Nobel / Peu de « winners » au mètre carré / Et ça s’ contredit ça s’interpelle / N’empêch’ que c’est du monde du vrai / Comme ça rigole aux éclats / Je m’y plonge jusque là / Nuits enfumées jusqu’au matin clair / Je m’ sens comme un poisson dans la mer » (Papillon de nuit). Les années qui passent auront pourtant raison des plus beaux et vigoureux lépidoptères en quête de chaleur humaine et d’authenticité (« Bientôt viendra la fin du voyage / M’en irai sur la pointe des pieds »). Et la nostalgie affleure quand Michel Bühler évoque les souvenirs du grand voyageur qu’il a été (Je me souviens, Jérusalem) et des copains aujourd’hui disparus (Chanson pour Kim). Mais pas question de baisser la garde ou de mettre de l’eau dans son vin (rouge) car le rosâtre ne lui sied guère : « Rouge est la couleur du sang / Qui tant a nourri la terre / Sang d’esclaves de pauvres gens / Sang de femmes ordinaires / A travers la nuit des temps / Combien de larmes amères / Rouge est la couleur du sang / Sur nos drapeaux de misère » (Rouge). Bubu préfère chanter le monde quand bien même il lui fait très souvent voir rouge, car « Chanter c’est vivre un peu plus / C’est respirer à plein ciel bleu […] / Chanter c’est la main tendue / Le coeur qui s’offre généreux […] / Chanter c’est libre et têtu / Veiller, entretenir le feu / C’est espérer que jamais plus / Un enfant n’sera malheureux » (Chanter). Alors chantons et buvons également ! Qui a bu boira, mais avec Bubu point de gros rouge qui tache, plutôt du Rouge auquel on s’attache…

Rouge, Les Editions du Crêt Papillon, 2021, 20 euros.

Pour acquérir Rouge, le dernier album de Michel Bühler, rendez-vous sur son site en cliquant ici. Vous y retrouverez également en libre accès l’intégralité des paroles de ses 236 chansons dont celles de Rouge ici reproduites avec l’aimable autorisation de l’auteur.

(*) Michel Bülher s’est éteint le 7 novembre 2022. Nous présentons nos plus sincères condoléances à sa famille.

Olivia Fdida : « Mon Quartier, c’est mon fils ma bataille »

Olivia Fdida (au centre) et les deux bonnes fées de l’association « Vivre Plaisance » (Suzy Fdida et Annick Rogers) au bar « L’Imprévu »

Olivia Fdida a fait don de sa personne au Quartier Pernety-Plaisance. Elle l’aime et veille sur lui comme le fait une mère pour son enfant en animant depuis quatre ans l’association Vivre Plaisance. Lorsqu’on la croise rue Didot en train de taper la discute avec les employés du Franprix ou bien Louis, le patron du Laurier, on est frappé par sa spontanéité et sa facilité à aller vers les gens. Ce goût des autres est sa marque de fabrique qu’elle tient, nous dit-elle, de son éducation. Son dynamisme et sa constante implication font le reste. Nous avons rencontré Olivia autour d’un verre à la terrasse de L’Imprévu pour qu’elle nous en dise un peu plus sur son bébé associatif.

Défense, promotion et animation du Quartier Pernety-Plaisance

A l’origine de l’association Vivre Plaisance, il y a le collectif Didot-Eure-Ripoche créé autour de Félix de Vidas pour mener la fronde contre les surélévations et la (sur-)densification dans les rues de l’Eure, Didot et Maurice Ripoche. Mettre en place une structure associative s’est avéré non seulement nécessaire pour envisager des recours judiciaires mais également pour entreprendre des actions positives en direction des habitants du Quartier Pernety-Plaisance. « Nous souhaitions faire vivre notre Quartier parce que profondément nous l’aimons », se souvient Olivia. Epaulée par sa maman (Suzy Fdida qui est présidente de l’association) et par une amie (Annick Rogers qui en est la trésorière), elle propose dès 2017 la création d’une fête annuelle, la Fête des Découvertes, destinée à favoriser la rencontre de ceux qui se croisent tous les jours dans la rue sans jamais vraiment se connaître. Tous les commerçants contactés se prêteront volontiers au jeu et la fête du vivre-ensemble qui se déroule autour d’un repas partagé et de manifestations artistiques et culturelles comptera jusqu’à 400 participants venus non seulement du XIVème mais également des arrondissements parisiens alentours. Malheureusement, la crise sanitaire a empêché la tenue de la fête ces deux dernières années. Il en fallait pourtant beaucoup plus pour décourager Olivia : « Je me suis dit que plutôt que laisser mourir notre Quartier à cause de la crise, il me fallait le mettre en avant. En tant que chargée de com’ de l’association, je me suis donc amusée à aller à la rencontre des commerçants pour savoir qui était ouvert ou fermé, qui était nouvellement arrivé, et à faire de ces rencontres des petits reportages vidéos. » Car en parallèle de sa mission d’animation, l’association Vivre Plaisance assume un véritable rôle de promotion du Quartier au travers de ses commerçants et habitants, des activités qui s’y déroulent, et même de ses structures d’habitation. En plus des combats victorieux déjà évoqués contre la surélévation de certains immeubles pour en faire des logements sociaux, elle s’attache à défendre la qualité de vie des résidents. Elle a par exemple beaucoup bataillé en faveur de la requalification de la cité de l’Eure en résidence pour éviter la stigmatisation de ses habitants : « Pour beaucoup trop de gens, HLM signifie « racaille » alors que les jeunes qui habitent ces immeubles sont plein de ressources, témoigne Olivia. Nous les connaissons ma mère et moi depuis leur plus jeune âge parce que nous avons fait de l’aide aux devoirs. C’est pourquoi nous avons toujours été à leurs côtés même quand il y a eu des problèmes avec la police. Nous avons oeuvré à leur faire accepter la police et avons contribué à temporiser les choses. Aujourd’hui, ils s’en sont tous sortis et nous en sommes bien sûr très très fières. » 

Olivia bien entourée pour l’opération « Paris sans mégots » de mai 2021

Implication locale maximale

Oui, les jeunes du Quartier Pernety ont le sens civique. Pour preuve, leur participation en mai dernier à l’opération Paris sans mégots organisée à l’instigation de la Mairie de Paris pour nettoyer la capitale et à laquelle Olivia a également participé. La propreté est d’ailleurs un autre cheval de bataille de l’association Vivre Plaisance : « Nous menons un combat résolu pour la propreté et le nettoyage. Il est inadmissible que les rues et places du Quartier ne soient pas bien entretenues en raison notamment de la nuisance causée aux personnes handicapées ». Faire vivre son Quartier, c’est également veiller sur ses commerces. Olivia qui a grandi dans le XIVème arrondissement aimerait que la rue d’Alésia retrouve la grouillante activité des échoppes commerciales qui faisait son charme d’antan : « C’est certes bien le bio, mais aujourd’hui il n’y a plus que ça, constate-t-elle un brin nostalgique. Il serait très dommage de voir disparaitre les boutiques de marque qu’elles soient de chaussures ou d’habillement. Car je veux absolument que mon Quartier continue de vivre. » Mortel, le XIVème ? Pas de la faute de tous ceux qui, des commerçants aux associatifs en passant par les politiques, se battent pour l’animer. Si Olivia entretient les meilleures relations avec Mme la Maire Carine Petit, son association dont les maitres mots sont vivre ensemble et ouverture d’esprit reste résolument apolitique : « Nous invitons absolument tous les élus à la Fête des Découvertes et collaborons aussi bien avec l’association Urbanisme et Démocratie dirigée par Jean-Pierre Armangau que celle des Amis de la Place Moro-Giafferi créée par Hervé Jacob pour mener à bien des combats et des projets communs », nous assure-t-elle. Vivre Plaisance pratique volontiers le brassage et le mélange des couleurs et souhaiterait d’ailleurs étendre cette façon de procéder à l’ensemble de l’arrondissement : « Il faut arrêter avec ce séparatisme local et toutes ces frontières virtuelles qui font qu’une partie du XIVème ne se mélange pas avec une autre partie du XIVème, tonne Olivia. J’aimerais qu’un jour notre fête puisse réunir tout l’arrondissement. J’avais déjà exprimé ce désir avant même de créer l’association en emmenant les jeunes du Quartier à la Mosquée de Paris, à Notre-Dame et dans une synagogue. » Mais pour pouvoir mettre en oeuvre ce beau projet de vivre ensemble, les subventions et l’aide matérielle de la Mairie du XIVème ne suffisent pas toujours. Avis à tous les amoureux du Quartier : l’adhésion à Vivre Plaisance coûte seulement 12 euros. Olivia, Suzy, Annick ainsi que Claude Sernery et David Velten qui sont les deux autres bénévoles de l’association, vous attendent nombreux !

Cliquez ici pour accéder à la page Facebook de Vivre Plaisance.

Avec Amine Baoubbas….
… Et avec Brigitte Macron !

Patrice Pater, le lunetier qui voit double dans le 14ème !

Un double foyer dans le 14ème arrondissement, quoi de plus normal pour un opticien ? C’est rue Crocé-Spinelli à quelques pas du coeur du Village Pernety que le créateur lunetier Patrice Pater a décidé il y a deux mois d’installer son Atelier qui fait désormais pendant à sa boutique du 128 boulevard Brune. B. Brune Optique s’agrandit donc d’un nouvel espace pour développer son activité en restant fidèle à la ligne originale suivie par l’entrepreneur guadeloupéen : fabriquer et vendre des lunettes françaises. Entrevue autour d’un verre de ti-punch !

Le choix de la création française

A l’heure où nous écrivons ces lignes, Patrice Pater est dans l’avion qui le mène vers son île natale. C’est vraiment une personne très attachante que nous avons rencontrée – à la fois créative et passionnée par son métier. Après des études d’optique à Paris, Patrice commence par travailler dans des grandes chaînes de magasins comme le tout-venant des opticiens. Il y vend des lunettes fabriquées en Asie pour le compte de grandes marques telles que Dior, Chanel, etc., mais commence déjà à s’intéresser à l’artisanat de la lunette par amour de l’objet et des matériaux qui le composent. « C’est une partie du métier qu’on ne met pas beaucoup en avant puisqu’on a surtout vendu ces cinquante dernières années des produits en provenance de l’industrie asiatique, souligne Patrice. On connait donc très mal les produits fabriqués à la main des petits producteurs français que je m’efforce de promouvoir. Et on a en fait complètement oublié que la lunetterie est d’abord un savoir-faire de chez nous ». Patrice se spécialise peu à peu dans la vente des lunettes haut de gamme de créateurs français (Henry Jullien, Roussilhe, etc.) dont il apprécie le travail et qu’il suit depuis le début de sa carrière même s’ils ne sont pas forcément les plus commercialement rentables. Jusqu’à ce que sa passion pour l’objet artisanal l’amène il y a quelques mois à suivre une formation à Morez, le berceau jurassien de l’industrie française de la lunetterie, pour y suivre les cours de Jacques Depussay et Alain Clerc, meilleurs ouvriers de France et dirigeants de l’unique école française de lunetiers. Entretemps, Patrice a ouvert sa boutique boulevard Brune dans le 14ème arrondissement de Paris où il vend exclusivement des lunettes conçues dans des ateliers artisanaux français et fabriquées par une main d’oeuvre locale. Pour illustrer son souci d’utiliser les circuits courts de production, Patrice me fait admirer les lunettes de soleil de la marque Friendly Frenchy réalisées à Auray en Bretagne à partir de coquillages recyclés et de matières innovantes 100% biosourcées. Cet allant pour la défense de l’industrie nationale et sa préoccupation environnementale a attiré à lui une fidèle clientèle également sensible à ces causes très au goût de l’époque. Le bouche-à-oreille marche bien sûr à plein pour venir l’étoffer.

Création de lunettes sur mesure

Mais Patrice Pater ne se contente pas de vendre des lunettes. Depuis son passage à Morez, il en fabrique désormais également sur mesure dans son Atelier de la rue Crocé-Spinelli à la demande de sa clientèle : « Je prends les mesures, on choisit les formes et les coloris que l’on souhaite, je fais plusieurs croquis, je réalise un premier prototype pour savoir s’il est adapté à la morphologie en présence, puis un deuxième lors d’un rendez-vous suivant, et c’est en général la troisième paire de lunettes qui est la bonne. » Patrice travaille sa matière première, l’acétate de cellulose, sur la toupie de lunetier qu’il a acquise pour réaliser sur place des lunettes adaptées à un visage trop petit ou trop large ou bien à un nez particulier. Son goût personnel va aux lunettes translucides et colorées dont les montures sont imposantes telles celles qu’il porte lui-même sur le nez, mais il réalise bien sûr à l’occasion des montures plus fines ou bien en passe commande à des producteurs qui lui livre des lunettes de semi-mesure adaptables à différentes types de morphologie. « Quand je fais mes lunettes, je prends vraiment du plaisir, nous assure Patrice. Ce ne sont pas pour moi les lunettes les plus rentables car j’y passe beaucoup de temps, mais je me fais très plaisir en les réalisant car cela me permet d’assouvir un profond besoin personnel de créativité ». Notre entrepreneur se sent du reste très à l’aise dans son atelier qu’il nous fait visiter et dont il nous fait découvrir en détails tous les outils (presse, toupie, etc.). Son souci actuel est de le faire mieux connaître dans le Quartier Pernety. Il envisage pour cela d’organiser pendant la troisième semaine du mois de juin un petit événement festif devant la boutique de la rue Crocé-Spinelli pour sensibiliser plus encore les habitants du village du 14ème arrondissement à son concept de consommation raisonnée. Ce sera en tout cas pour tous l’occasion de découvrir sa très large gamme de lunettes de soleil de style avant de partir en vacances frimer sur la plage. Comme dit le proverbe guadeloupéen, « porter des lunettes ne veut pas dire savoir lire »…

Cliquer ici pour accéder à la page Facebook de B. Brune Optique.

A la rencontre des artistes du Marché de la Création Edgar Quinet

Dominique Cros, présidente de l’association des artistes du Marché de la Création

Pour les Quatorziens qui l’ignoreraient encore, le Marché de la Création Edgar Quinet situé sur le terre-plein central du boulevard du même nom juste à côté de la Tour Montparnasse est actuellement ouvert comme chaque dimanche de l’année entre 10 heures et 19 heures. Il est donc loisible à tous de s’y rendre pour rencontrer les artistes-exposants, flasher sur leurs oeuvres et créations, et réaliser de bonnes affaires dans une ambiance conviviale et décontractée. Nous y avons croisé trois membres de l’association regroupant les artistes participants pour faire un point sur l’activité du marché par temps de pandémie.

Un rendez-vous emblématique du 14ème arrondissement de Paris

Le Marché de la Création Edgar Quinet est sans aucun doute l’un des rendez-vous les plus emblématiques du 14ème arrondissement artistique. Institué en 1994 à l’initiative d’André Felten entouré des élus du 14ème arrondissement et du Groupement des Marchés Libres de Paris, il a succédé au « marché aux navets » créé début 1900 par La horde de Montparnasse, un groupe d’artistes qui a grandement contribué à faire du boulevard du Montparnasse un haut lieu du marché de l’art en abritant de nombreux jeunes artistes en devenir au nombre desquels Léger, Modigliani, Chagall, Soutine et bien d’autres encore. Aujourd’hui géré par l’EGS Edgar Quinet, le Marché de la Création est une sorte de grande galerie d’art « à ciel ouvert » exposant toutes les diversités artistiques : peintures, gravures, sculptures, céramiques, créations en marqueterie, vitrail, soie, etc. Dominique Cros, la présidente de l’association des artistes du marché qui compte une soixantaine de membres, se démène depuis deux ans pour assurer la promotion de la manifestation hebdomadaire, aidée en cela par un noyau dur d’exposants dont font partie Sylvie Laroche et Jacqueline Chesta. Les trois femmes que nous avons rencontrées sur leur lieu d’exposition sont toutes très attachées au marché aussi bien sentimentalement que professionnellement. « Nous sommes bien conscientes du privilège que représente la possibilité d’exposer à Montparnasse qui reste un lieu unique doté d’un certain prestige artistique, précise Sylvie Laroche. La motivation des artistes les plus assidus s’en trouve décuplée pour produire et présenter des oeuvres qui concurrencent en qualité celles exposées dans les galeries d’art traditionnelles ». Le Marché de la Création facilite de surcroit beaucoup la proximité des créateurs avec le public et permet une discussion autour des oeuvres sans l’intermédiaire d’un galeriste. Des liens d’amitiés régulièrement s’y nouent avec les amateurs d’art locaux et internationaux qui aiment se donner rendez-vous sur le terre-plein central du boulevard Edgar Quinet pour venir échanger avec les artistes et acquérir leurs oeuvres à « prix direct atelier ».

Le stand de la chapelière Sylvie Laroche

Fête ajournée mais journée à fêter

La crise sanitaire a bien sûr eu un impact considérable sur la fréquentation du marché à tel point qu’un tiers seulement des artistes y tient actuellement un stand. Les bistrots alentours sont toujours désespérément fermés, ce qui ne favorise guère l’assiduité des amateurs d’art locaux. Les plus résistants à l’adversité n’en sont que plus attentifs aux productions des artistes qui observent de leur côté que leur relation aux habitants du quartier a positivement évolué depuis la disparition des touristes : « Les gens nous regardent différemment et sont beaucoup plus intéressés qu’avant, constate Jacqueline Chesta. Il faut dire que les artistes ont considérablement monté en gamme en délaissant les Tours Eiffel, les Arcs de Triomphe et les vues de Paris prisés des touristes étrangers pour se consacrer à des créations bien plus originales. Les artistes font désormais preuve de plus d’indépendance d’esprit et on constate un retour certain de la qualité artistique des oeuvres produites ». Les Parisiens découvrent ou pour certains redécouvrent sous un jour nouveau le Marché de la Création Edgar Quinet et Dominique Cros souhaite surfer sur ce regain d’intérêt en multipliant les initiatives pour y sensibiliser les médias. Elle est ainsi la cheville ouvrière de l’organisation de la célébration des 25 ans du Marché initialement prévue en juin 2020 et finalement annulée en raison de la crise sanitaire. Une fête ajournée mais toujours une journée à fêter puisque 2021 déroulera probablement cet été son Tapis rouge aux artistes du Marché de la Création autour de nombreux thèmes et animations sur lesquels Dominique et ses amis continuent de travailler. A ne manquer sous aucun prétexte !

Le stand de Jacqueline Chesta

David Rathgeber veut mettre le 14ème dans son Assiette

Alors que les échafaudages du 181 de la rue du Château viennent tout juste d’être retirés, David Rathgeber, le chef et patron du restaurant L’Assiette s’active déjà en Arrière-Cuisine pour préparer l’après-Covid. Il nous a reçus dans sa toute pimpante épicerie fine – cave à manger qui jouxte depuis maintenant quelques mois le célèbre restaurant du 14ème arrondissement pour envisager la sortie de crise sanitaire. Au menu : démocratisation de la clientèle et souvenirs de voyages – mais toujours pas de feuilles à sucer !

Casser l’image « gauche caviar » de L’Assiette

On ne vient en effet pas à L’Assiette pour y sucer des feuilles mais pour y apprécier le meilleur de la cuisine française traditionnelle restée chère au chef étoilé auvergnat David Rathgeber. Pas question pour ce spécialiste du gibier de changer son fusil d’épaule : il continuera dans le cadre intemporel de L’Assiette à revisiter les grands classiques de la gastronomie hexagonale qui ont fait le succès du restaurant depuis aujourd’hui treize ans. Pot-au-feu, pieds paquets, chou farci, cassoulet, escargots, tête de veau ravigote, la liste est longue des plats traditionnels dont il est passé maitre dans l’art de « détourner la recette » et qu’il réinterprète à sa façon sans les dénaturer. Le souci de David Rathgeber est bien plutôt aujourd’hui d’élargir l’accès du célèbre restaurant de la rue du Château en captant une clientèle locale en sus de la clientèle nationale et internationale qu’il a déjà pu conquérir par le passé sous l’égide des plus grands chefs dont le multi-étoilé Alain Ducasse. « Je souhaite absolument me rapprocher des gens du 14ème parce que je me suis rendu compte que je n’ai pour l’instant que très peu de clientèle dans cet arrondissement resté populaire, nous dit David. J’ai d’ailleurs constaté que le 14ème était un arrondissement un peu à part avec de véritables frontières virtuelles. Les gens du Quartier Pernety restent à Pernety et l’avenue du Maine est une vraie frontière pour ceux qui habitent près de la Mairie ». David admet certes volontiers que lorsque qu’il a pris la succession de Lulu Rousseau en 2008, le restaurant était un repère pour ceux qui disposaient de certains moyens. Et l’on continue encore aujourd’hui à lui demander s’il est possible de s’asseoir à la table qu’occupait en son temps François Mitterrand. Mais les mitterrandôlatres ne font pas une clientèle et David ne tient pas à vivre éternellement sur cette image « gauche caviar » qu’il souhaiterait aujourd’hui casser. « L’Assiette reste encore une enseigne qui fait peur dans le 14ème alors même que j’ai essayé de la démocratiser au maximum en proposant un menu déjeuner entrée-plat ou plat-dessert à 23 euros. Mon objectif aujourd’hui est vraiment de faire venir les gens du 14ème chez moi », martèle David qui assure qu’on peut très très bien manger à L’Assiette pour 50 ou 60 euros par personne.

L’équipe de « L’Arrière Cuisine » au grand complet et masquée

Recueil de voyages

L’Arrière-Cuisine, l’épicerie fine – cave à manger qui jouxte désormais le restaurant, pourrait également utilement servir de trait d’union ou de sas d’entrée pour le restaurant en réussissant à fédérer une clientèle locale par delà les « frontières virtuelles » de l’arrondissement. « En achetant ce local un mois avant le début du premier confinement, j’avais en tête d’en faire un shop corner – épicerie – coffee shop. Et alors que L’Assiette est un lieu de destination où l’on vient manger la cuisine française traditionnelle dont je me suis fait la spécialité, ce nouveau local a lui vocation à être une sorte de recueil de mes voyages à l’étranger », nous précise le chef-cuisinier. Car depuis qu’il voyage pour le compte d’Alain Ducasse ou dans le cadre de ses activités de conseil, David se munit toujours d’un petit calepin sur lequel il note précieusement les recettes des plats locaux qu’il apprend sur place. L’arrière-Cuisine est à la fois le point d’aboutissement de ces influences diverses et variées et le point de départ du développement d’une nouvelle gamme street-food par définition plus accessible en terme de prix. L’endroit dont David s’est attaché à développer la convivialité se destine à être un vrai lieu de vie où l’on peut venir du matin au soir et pour lequel le chef n’entend respecter ni règle ni frontière : « On peut y déguster aussi bien un burger du bougnat qu’un bao de canard ou qu’une pita de volaille en passant par la charcuterie, un jus de légumes ou un simple cappuccino avec un petit cake ou une madeleine l’après-midi, nous précise-t-il (cliquer ici). En rajoutant cette nouvelle corde à son arc, David a pris le pari d’attirer une nouvelle clientèle plus implantée localement et visiblement cela fonctionne bien : « Depuis que j’ai ouvert l’Arrière Cuisine, c’est comme si j’avais changé d’arrondissement, constate-il. C’est assez impressionnant ! ». Celui qui se définit comme un « aubergiste contemporain » n’a pourtant pas fini de se réinventer puisqu’il n’hésite pas à se transformer également en épicier urbain en proposant aux clients de L’arrière Cuisine une première liste de produits sélectionnés par ses soins (cliquer ici). Sa boulimie entrepreneuriale n’a pas de limites et même s’il se soucie à l’heure actuelle de consolider ses derniers investissements, David n’exclut pas de racheter d’ici deux ans une autre affaire pour continuer à faire vivre son arrondissement parisien d’adoption. Jamais en reste d’idées pour l’animer, il pousse actuellement très fort dans son association de quartier pour qu’on célèbre dignement la sortie de crise sanitaire en organisant un formidable et libérateur banquet qui se tiendrait rue du Château de l’avenue du Maine jusqu’à la place Moro-Giafferi. Ils sont fous, ces bougnats !

Cliquer ici pour accéder au site internet de L’Assiette.

Dominique Mazuet, le libraire activiste du Village Pernety

Nous ne pouvions prétendre tenir un blog sur le Village Pernety sans consacrer un article à l’un de ses personnages centraux, Dominique Mazuet, le patron de La Librairie des Tropiques à laquelle tous les habitants du Quartier l’identifient. La personnalité de Dominique est pourtant si débordante qu’elle ne saurait se résumer à son activité principale de libraire indépendant. A force de s’intéresser à tout, ce boulimique de la vie connait à peu près tout sur tout et à peu près tout le monde dans le barrio. Il a bien voulu nous recevoir au 63 de la rue Raymond-Losserand pour nous donner un bref aperçu de ses multiples activités et talents.

Animateur d’un lieu d’échanges et de débats

La librairie des Tropiques, ce sont en fait deux échoppes qui se font face dans la rue Raymond-Losserand à quelques pas de la station de métro Pernety. Le plus grand espace sur le patio duquel Dominique nous reçoit est consacré aux ouvrages généralistes tandis que son vis-à-vis est spécialisé en littérature pour la jeunesse. S’il se dégage du tout une incontestable chaleur, c’est bien grâce à la personnalité du maitre des lieux qui a réussi a imprimer sa marque dans le Village Pernety. Dominique Mazuet a l’épaisseur humaine de celui qui a déjà mené plusieurs vies et exercé plusieurs métiers dans le cinéma, l’informatique et les médias. Les livres se trouvent au point d’intersection de ses multiples centres d’intérêt et il admet volontiers que sa fonction de libraire est la fonction la plus gratifiante pour l’esprit et pour le coeur qu’il a exercé jusqu’à présent. Vendre des livres ne lui suffit pas pour autant. Car Dominique aime aller vers les gens et cultive un certain goût pour la caricature et la provocation qu’il exprime notamment en réalisant des affiches et des cartes postales qui occupent une place d’honneur à l’entrée de sa boutique. La tiédeur n’étant pas son fort, les politiques en prennent pour leur grade dans un décor qui ne manque pas d’évoquer les plus hautes heures de l’histoire de France, de la lutte pour les droits sociaux ou de la révolution culturelle chinoise. Dominique n’apprécie à vrai dire rien tant que la confrontation avec les autres et les débat d’idées. Il organise depuis des années dans sa librairie des signatures et des rencontres-débats (filmées ou non) autour de journalistes, d’écrivains ou bien d’hommes politiques. La philosophie marxiste et la dialectique hégélienne n’ont plus aucun secret pour notre libraire qui est même à l’origine de la création d’une pédagogie en ligne sur le sujet (cliquer ici). Il est d’ailleurs l’auteur de trois ouvrages publiés aux éditions Delga qui promeuvent la recherche marxiste : Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers (2012) puis Critique de la raison numérique (2013) qui sont deux livres qui s’inscrivent dans ses activités de défense du métier de libraire indépendant, et tout récemment Les Veaux et les Choses (2020) qui traite de l’écologisme comme stade ultime du capitalisme occultant les rapports de classe. Autant dire que Dominique est un intello de haute volée féru d’histoire et de philosophie tout autant que d’art et de littérature et qui n’est jamais avare de conseils pour guider sa clientèle et l’aider à se retrouver dans le maquis des très nombreux ouvrages que la librairie lui propose. On ne sera pas étonné dans ces conditions qu’il ait su attirer au 63 de la rue Raymond Losserand d’illustres lecteurs du 14ème arrondissement et d’ailleurs, de la ministre en vue aux plus importants philosophes et intellectuels parfois ignorés des médias mainstream.

Reporter très redouté de la vie du 14ème

La curiosité toujours en éveil de Dominique Mazuet s’applique aussi bien à la vie intellectuelle qu’à la vie du Quartier Pernety dans laquelle il reste très impliqué quand bien même sa réputation de grande gueule a depuis longtemps dépassé les limites du 14ème arrondissement. En plus de tenir le blog des Tropiques, « la librairie réfractaire du Village Pernety » (cliquer ici), Dominique est le fondateur de Télé14, un concept qui réunit les vidéos qu’il tourne lui-même dans le Quartier et alentours pour informer et parfois alerter les Quatorziens sur les évènements qui se déroulent et les initiatives qui se prennent dans l’arrondissement. Le dossier dont Télé14 a longtemps fait ses choux gras est celui très controversé de l’encapuchonnement des feux de circulation de la rue Raymond-Losserand décidé par la Mairie de Paris et la Mairie du 14ème. Dominique a consacré plusieurs vidéos à ce sujet qui a le don de le faire sortir de ses gonds. Mais son activisme tous azimuts a également eu l’occasion de se déployer sur de nombreux autres thèmes qui intéressent les habitants du « village des shadoks » qu’est devenu selon lui le 14ème arrondissement sous la houlette de Mme la Maire Carine Petit. Dominique n’hésite pas dans ses vidéos ou dans ses interventions au conseil d’arrondissement à aller au contact des élus de la municipalité et notre redoutable et redouté reporter a déjà été repéré comme le trublion par qui le scandale peut à tout moment survenir. La vie municipale n’en est bien sûr que d’autant plus riche et animée. Il n’y aura en effet jamais trop d’un Dominique Mazuet à Pernety Village pour nous permettre d’échapper au train train quotidien et à l’ennui profond de nos existences aujourd’hui confinées. Notre libraire s’est d’ailleurs une nouvelle fois positivement illustré en proposant dès le 17 mars 2020 et parmi les premiers un service de vente de livres sur commande qui lui a permis de maintenir son activité pendant la période du confinement particulièrement funeste pour les commerçants. Il a été grandement aidé en cela par sa nouvelle équipe de six jeunes libraires composant le « soviet Pernety » qui ont su surmonter tous les obstacles qui contrariaient la survie et le développement de la boutique. « Nous n’avons jamais autant travaillé et notre chiffre d’affaire est en hause de 30% sur un an », nous assure Dominique. Juste récompense de l’initiative et du talent de l’équipe soudée autour d’un incontournable personnage du Quartier au service du livre et de la culture !

Cliquer ici pour accéder au site de la Librairie des Tropiques, la librairie réfractaire du Village Pernety.

Les vitraux hauts en couleur d’Adriana Bellamy, maitre verrier

Au travail à « L’Atelier d’Adriana » du 20 rue Severo (copyright Adriana Bellamy)

Adriana Bellamy se défend d’être une artiste, mais elle a tout d’une grande artiste : la maîtrise de la technique, l’inspiration et le goût de l’innovation. Elle a certes le privilège d’exercer son métier de maitre verrier comme d’autres pratiquent passionnément un hobby, sans autre souci que la satisfaction de créer des vitraux qui correspondent à ses goûts et ses intuitions. Mais elle fait toujours mouche en proposant ses créations à ses clients, ce qui est peut-être la définition du talent. Nous l’avons rencontrée à son atelier de la rue Severo dans le 14ème arrondissement de Paris pour essayer de nous familiariser avec un art qui reste encore réservé aux happy few.

Des techniques modernes appliquées à un savoir-faire ancestral

Lorsqu’Adriana arrive en France il y a trente-sept ans, c’est pour y étudier la photographie en complément du diplôme des beaux-arts qu’elle a obtenu dans sa Colombie natale. Elle ne maitrise malheureusement pas suffisamment bien la langue française pour prétendre passer avec succès l’examen d’entrée à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art, mais s’aperçoit en se promenant à l’ENSAAMA qu’on y forme également des vitraillistes. Elle ne peut pas s’empêcher de faire le lien avec le travail de peinture à froid sur faux vitrail qu’elle a pris grand plaisir à réaliser en Colombie. Elle parvient à convaincre le directeur de l’ENSAAMA de sa très grande motivation pour devenir maitre verrier grâce à un dossier de candidature qui s’appuie sur une théorie de la couleur et réussit de cette façon à intégrer l’école en tant qu’étudiante étrangère. Elle en ressortira quatre ans plus tard avec le certificat nécessaire à l’exercice de son futur métier. Pourtant l’enseignement qu’elle y reçoit et qui repose exclusivement sur la reproduction de techniques anciennes ne la satisfait pas complètement : « J’apprécie bien sûr la peinture, mais je considère que nous vivons aujourd’hui une autre époque et que les vitraux ne doivent plus être faits comme au Moyen-Age », analyse-t-elle avec du reculPour s’ancrer dans une démarche plus moderne, elle s’équipe de nouveaux outils qu’elle se procure aux Etats-Unis et se familiarise en autodidacte à de nouvelles techniques comme le sablage, le fusing ou le thermoformage. L’approche américaine qui met à la disposition du tout-venant des outils et des machines qui permettent de réaliser des vitraux sans avoir suivi un apprentissage de plusieurs années tranche nettement avec l’acquisition du savoir-faire traditionnel français. C’est d’ailleurs un New Yorkais du nom de Tiffany qui, jugeant le procédé du plomb trop restrictif, a révolutionné vers la fin du XIXème siècle la technique du vitrail en travaillant directement les fragments de verres colorés et les chutes selon une méthode nouvelle à laquelle Adriana a bien sûr recours. Force est de constater que la France n’est pas restée hermétique à ces nouveaux outils et techniques puisqu’ils sont aujourd’hui largement diffusés dans les très nombreux ateliers de verrerie qui ont pris leur essor dans notre pays pour répondre à la demande toujours croissante des particuliers fortunés friands des effets de lumière.

Vitrail Marylin en poudre de verre (copyright Adriana Bellamy)

Des clients toujours bluffés par son audace créatrice

Car le vitrail a le vent en poupe chez ceux qui peuvent se le permettre. Adriana est souvent confrontée à des clients qui désirent ardemment décorer leur intérieur avec un vitrail mais sans vraiment savoir au fond ce qu’ils veulent. Tout son talent va consister à leur proposer une oeuvre qui s’insère parfaitement dans leur habitat mais à laquelle ils ne s’attendaient pas forcément au départ. « Je ne sais vraiment pas comment je m’y prends, mais le fait est que mes clients finissent par me faire confiance, nous confie-t-elle. C’est ainsi que je vends des vitraux que je n’ai jamais dessinés, simplement en discutant avec eux et bien sûr en regardant l’endroit où je vais travailler qui, même complètement nu, est la base de mon inspiration créatrice. Heureusement, jusqu’à présent, tous mes clients ont été pleinement satisfaits. J’ai par exemple réalisé des vitraux de couleur pour des gens qui avaient très peur de la couleur. J’ai aussi parfois des clients qui me demandent de réaliser certaines choses sans que je sache du tout comment je vais m’y prendre pour les satisfaire. Je me débrouille en faisant des recherches par moi-même et je m’en sors de cette manière. » Adriana l’aventurière autodidacte ne cache pas sa fierté de faire des choses que les autres ne font pas. Elle a ainsi réalisé une Marylin en poudre de verre alors que personne en France n’avait avant elle utilisé cette technique pour créer semblable ouvrageElle n’a pas pris pour autant la grosse tête et reconnais volontiers qu’elle ne cultive pas de don particulier pour le dessin d’art : « Je me débrouille pour faire des choses qui ont beaucoup de mouvements, qui sont harmonieuses et j’aime beaucoup la couleur », se contente d’elle de dire. Les clients d’Adriana habitent pour la plupart les quartiers aisés de Paris. Ils la contactent par internet pour décorer leur appartement haussmannien qui souvent ne laisse pas passer beaucoup de lumière. Le vitrail est aujourd’hui très à la mode mais ceux qui en sont amateurs et demandeurs continuent la plupart du temps à se référer à des styles anciens tels le style Art nouveau ou le style Art déco. Adriana se bat fermement contre cette tendance conservatrice car elle estime qu’on ne doit pas faire au XXIème siècle des vitraux comme on en faisait au début du XXème. C’est elle qui le plus souvent pallie le manque d’idées de ses clients et surmonte leurs inhibitions face à l’innovation en leur proposant avec succès des réalisations personnelles et souvent plus colorées que leurs projets initiaux. Les seuls échecs dont elle se souvient sont ceux où elle a été contrainte de se soumettre aux desiderata de ses commanditaires. Redoubler de créativité tout en continuant à se tenir au fait des innovations techniques est pour elle la meilleure garantie de succès. Ses récentes réalisations sont en tout cas la bien la preuve qu’elle est loin d’avoir épuisé toutes les potentialités du genre.

Cliquez ici pour accéder au site d’Adriana Bellamy.

Fenêtre vitrail (copyright Adriana Bellamy)

Jean Yarps, entrevue entre pochoirs et polars

Jean Yarps à la « Galerie One Toutou » des Puces de Saint-Ouen (photo C. Degoutte)
L’univers de Jean Yarps est peuplé de gros pétards – ceux des pin-ups et des gangsters. En bon gainsbourien, ce pochoiriste des premières heures aime jouer avec la dynamite et (ex-)poser ses « bombshells » un peu partout sur les murs de Paris. Il nous a reçu dans son « antre » de la bien nommée rue des Artistes dans le 14ème arrondissement de Paris pour nous faire partager son monde et ses projets.

Du « vite fait bien fait » des débuts au méticuleux travail artisanal d’aujourd’hui

Lorsqu’il débarque à Paris à la fin des années 80, Jean Yarps reste scotché devant de superbes graffitis dans les escaliers de Radio Nova. C’est le point de départ de sa vocation de street artist. Il jette son dévolu sur la technique du pochoir qui permet d’intervenir « vite fait bien fait » dans la rue sans encourir les foudres de la maréchaussée et avec un résultat souvent bluffant. C’est l’époque des pochoirs monolayer, transgressifs et clandestins, la belle jeunesse de l’art urbain… Yarps assume et revendique complètement le côté punk et underground qui est l’âme du street art. Il trouve également dans la provoc et les images choc un exutoire à sa timidité naturelle. Dans les squats parisiens qui accueillent ses oeuvres, il fait la connaissance d’artistes qui partagent la même sensibilité (SP38, Pedrô!, Momo, Mick, Eduardo, Basalt, Le Bateleur, etc.) et avec lesquels il va former le collectif de la Zen Copyright dont la devise « Besoin de personne en art laid ! » annonce la couleur à tous ceux qui se réclament du Beau… Expulsion après expulsion, les membres de la joyeuse bande de vandales vont ouvrir de très nombreux espaces dans différents arrondissements de Paris tout en couvrant les rues de la capitale de leurs productions avant de finalement décider de dissoudre le collectif à la fin des années 90. Sous ses dehors rebelles et malgré le nom d’artiste qu’il s’est choisi, Spray Yarps n’aime pas faire les choses à l’envers – dans la vie comme dans sa pratique du street art. Il ne manque jamais de rendre hommage à ceux qui ont été les déclencheurs de sa vocation d’artiste (Jérôme Mesnager, Blek, Speedy Graphito, Kriki, Epsylon, les VLP, etc.) et à ceux qui l’ont accompagné dès ses débuts dans sa démarche personnelle. Le très talentueux photographe Gérard Lavalette, qui est une véritable mémoire vivante des pochoiristes parisiens, a tout particulièrement compté. Yarps est également resté un pochoiriste old school, un artisan qui fabrique ses matrices de pochoir à la main et à son rythme et qui répugne à les faire réaliser au laser de façon industrielle comme tant d’autres le font aujourd’hui. En témoignent les cinq énormes photos-portraits de Gainsbourg qui tapissent le sol de son salon ce mercredi 20 janvier 2021 et qui serviront à la réalisation des cinq matrices multi-layer nécessaires à la production de son prochain pochoir. « J’en ai pour au moins trois semaines de travail à les préparer », nous dit Jean. Sur chaque photo, je découpe la couleur qui m’intéresse. Il faut savoir anticiper ce qui va recouvrir quoi, et cela exige une certaine gymnastique d’esprit. Ce pochoir-ci va être très compliqué à réaliser parce qu’il y a énormément de détails. Si je découpais mes matrices au laser, ça serait différent car ça ne rendrait pas un résultat aussi fin ». Ce nouveau travail effectué à partir d’une photo très connue de Pierre Terrasson, le célèbre photographe de la scène rock française et internationale, aura bien sûr toute sa place parmi les oeuvres qui seront présentées lors de l’exposition organisée en mars 2021 au Marché Dauphine des Puces de Saint-Ouen pour célébrer les trente ans de la mort de Serge Gainsbourg.

Cliquez ici pour visionner « Aux armes ! Etc. », la vidéo de Claude Degoutte présentant la collaboration Terrasson + Yarps et pour assister au moment magique du dévoilement du pochoir.

Photo Jean Yarps

Gainsbourg, Eastwood, Bowie, etc.

Le génial Gainsbourg est avec quelques autres figures mythiques de la musique et du cinéma une source inépuisable d’inspiration pour Jean Yarps. A tel point qu’il est aujourd’hui devenu l’une de ses marques de fabrique. En bon aficionado du géant de la chanson française, Yarps n’a pas manqué d’aller régulièrement honorer de ses pochoirs le mur Gainsbourg du 5 bis rue de Verneuil dans le 7ème arrondissement de Paris. A la fin des années 80, il y a réalisé l’une de ses toutes premières oeuvres, un portrait de l’artiste qui est rapidement devenu populaire. Clint Eastwood dans le rôle de l’Inspecteur Harry, Marilyn et David Bowie font également partie de son Panthéon personnel. Il flotte à vrai dire dans l’appartement de la rue des Artistes de notre pochoiriste une très réjouissante atmosphère « cigarettes, whisky et petites pépées » propre à faire défaillir une néo-féministe. Les pin-ups des années 50 y côtoient joyeusement les gangsters de la mafia. Son sens de l’humour (qu’il a forcément noir…) l’a amené à customiser avec des pochoirs représentants les plus célèbres bandits et braqueurs de banques toute une série d’anciens coffres numérotés de la Banque de France qu’il a récupérés auprès d’un ami ferrailleur (*). Et en vrai fondu de polars, Yarps n’a pas résisté à l’envie de découper les célèbres couvertures de Michel Gourdon illustrant les romans des éditions Fleuve Noir pour les mettre en relief de façon assez saisissante (cliquer ici). Il récupère d’ailleurs volontiers toutes sortes de vieux papiers (livres et journaux) pour en faire les supports de ses pochoirs qui redonnent également vie à des disques vinyles ou des coques de téléphones portables (*). Notre street-artist n’a pourtant pas tout à fait déserté la rue puisqu’il continue avec son complice Claude Degoutte à animer l’opération Film in situ dont le but est de proposer le pochoir d’une séquence culte d’un film parisien à l’endroit même où le tournage a eu lieu. Au programme des réjouissances de ces prochains mois (si toutefois les Mairies l’autorisent) : Delon dans le film Le Samouraï de Jean-Pierre Melville à la gare du boulevard Massena dans le 13ème arrondissement et Bourvil dans le film le Corniaud de Gérard Oury à la place du Panthéon dans le 5ème arrondissement. Yarps reste également fidèle à son pote Eric Maréchal, un passionné et véritable fou furieux de l’art urbain, qui continue à voyager à travers le monde pour faire connaitre les oeuvres de nombreux street-artists français et étrangers en les collant lui même aux endroits les plus appropriés partout sur la planète (cliquez ici). De quoi rendre Gainsbourg définitivement immortel !

Photo Jean Yarps